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La San-Felice, Tome 04

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LXIX
LES BRIGANDS

Vainqueur sur tous les points, et pensant que rien n'entraverait sa marche sur Naples, Championnet ordonna de franchir les frontières napolitaines sur trois colonnes.

L'aile gauche, sous la conduite de Macdonald, envahit les Abruzzes par Aquila: elle devait forcer les défilés de Capistrello et de Sora.

L'aile droite, sous la conduite du général Rey, envahit la Campanie par les marais Pontins, Terracine et Fondi.

Le centre, sous la conduite de Championnet lui-même, envahit la Terre de Labour par Valmontane, Ferentina, Ceperano.

Trois citadelles, presque imprenables toutes trois, défendaient les marches du royaume: Gaete, Civitella-del-Tronto, Pescara.

Gaete commandait la route de la mer Tyrrhénienne; Pescara, la route de la mer Adriatique; Civitella-del-Tronto s'élevait au sommet d'une montagne et commandait l'Abruzze ultérieure.

Gaete était défendue par un vieux général suisse nommé Tchudy: il avait sous ses ordres quatre mille hommes; – comme moyen de défense, soixante et dix canons, douze mortiers, vingt mille fusils, des vivres pour un an, des vaisseaux dans le port, la mer et la terre à lui, enfin.

Le général Rey le somma de se rendre.

Vieillard, Tchudy venait d'épouser une jeune femme. Il eut peur pour elle, qui sait? peut-être pour lui. Au lieu de tenir, il assembla un conseil, consulta l'évêque, lequel mit en avant son ministère de paix, et réunit les magistrats de la ville, qui saisirent le prétexte d'épargner à Gaete les maux d'un siège.

Cependant on hésitait encore, quand le général français lança un obus sur la ville; cette démonstration hostile suffit pour que Tchudy envoyât une députation aux assiégeants afin de leur demander leurs conditions.

– La place à discrétion ou toutes les rigueurs de la guerre, répondit le général Rey.

Deux heures après, la place était rendue.

Duhesme, qui suivait, avec quinze cents hommes, les bords de l'Adriatique, envoya au commandant de Pescara, nommé Pricard, un parlementaire pour le sommer de se rendre. Le commandant, comme s'il eût eu l'intention de s'ensevelir sous les ruines de la ville, fit visiter ses moyens de défense à l'officier français dans tous leurs détails, lui montrant les fortifications, les armes, les magasins abondant en munitions et en vivres, et le renvoya enfin à Duhesme avec ces paroles altières:

– Une forteresse ainsi approvisionnée ne se rend pas.

Ce qui n'empêcha point le commandant, au premier coup du canon, d'ouvrir ses portes et de remettre cette ville si bien fortifiée au général Duhesme. Il y trouva soixante pièces de canon, quatre mortiers, dix-neuf cent soldats.

Quant à Civitella-del-Tronto, place déjà forte par sa situation, plus forte encore par des ouvrages d'art, elle était défendue par un Espagnol nommé Jean Lacombe, armée de dix pièces de gros calibre, fournie de munitions de guerre, riche de vivres. Elle pouvait tenir un an: elle tint un jour, et se rendit après deux heures de siège.

Il était donc temps, comme nous l'avons dit dans le chapitre précédent, que les chefs de bande se substituassent aux généraux et les brigands aux soldats.

Trois bandes, sous la direction de Pronio, s'étaient organisées avec la rapidité de l'éclair: celle qu'il commandait lui-même; celle de Gaetano Mammone; celle de Fra-Diavolo.

Ce fut Pronio qui le premier heurta les colonnes françaises.

Après s'être emparé de Pescara et y avoir laissé une garnison de quatre cents hommes, Duhesme prit la route de Chieti pour faire, comme l'ordre lui en avait été donné, sa jonction avec Championnet en avant de Capoue. En arrivant à Tocco, il entendit une vive fusillade du côté de Sulmona et fit hâter le pas à ses hommes.

En effet, une colonne française, commandée par le général Rusca, après être entrée sans défiance et tambour battant dans la ville de Sulmona, avait vu tout à coup pleuvoir sur elle de toutes les fenêtres une grêle de balles. Surprise de cette agression inattendue, elle avait eu un moment d'hésitation.

Pronio, embusqué dans l'église de San-Panfilo, en avait profité, était sorti de l'église avec une centaine d'hommes, avait chargé de front les Français, tandis que le feu redoublait des fenêtres. Malgré les efforts de Rusca, le désordre s'était mis dans les rangs de ses hommes, et il était sorti précipitamment de Sulmona, laissant dans les rues une douzaine de morts et de blessés.

Mais, à la vue des soldats de Pronio qui mutilaient les morts, à la vue des habitants de la ville qui achevaient les blessés, la rougeur de la honte était montée au visage, des républicains s'étaient reformés d'eux-mêmes, et, poussant des cris de vengeance, ils étaient rentrés dans Sulmona, répondant à la fois à la fusillade des fenêtres et à celle de la rue.

Cependant, cachés dans les embrasures des portes, embusqués dans les ruelles, Pronio et ses hommes faisaient un feu terrible, et peut-être les Français allaient-ils être obligés de reculer une seconde fois, lorsqu'on entendit une vive fusillade à l'autre extrémité de la ville.

C'étaient Duhesme et ses hommes qui étaient accourus au feu, avaient tourné Sulmona et tombaient sur les derrières de Pronio.

Pronio, un pistolet de chaque main, courut à son arrière-garde, la rallia, se trouva en face de Duhesme, déchargea un de ses pistolets sur lui et le blessa au bras. Un républicain s'élança le sabre levé sur Pronio; mais, de son second coup de pistolet, Pronio le tua, ramassa un fusil, et, à la tête de ses hommes, soutint la retraite en leur donnant en patois un ordre que les soldats français ne pouvaient entendre. Cet ordre, c'était de battre en retraite et de fuir par toutes les petites ruelles, afin de regagner la montagne. En un instant, la ville fut évacuée. Ceux qui occupaient les maisons s'enfuirent par les jardins. Les Français étaient maîtres de Sulmona; seulement, c'étaient, à leur tour, les brigands qui avaient lutté un contre dix. Ils avaient été vaincus; mais ils avaient fait éprouver des pertes cruelles aux républicains. Cette rencontre fut donc regardée à Naples comme un triomphe.

De son côté, Fra-Diavolo, avec une centaine d'hommes, avait, après la prise de Gaete, honteusement rendue, défendu vaillamment le pont de Garigliana, attaqué par l'aide de camp Gourdel et une cinquantaine de républicains, que le général Rey, ne soupçonnant pas l'organisation des bandes, avait envoyés pour s'en emparer. Les Français avaient été repoussés, et l'aide de camp Gourdel, un chef de bataillon, plusieurs officiers et soldats, restés blessés sur le champ de bataille, avaient été ramassés à demi morts, liés à des arbres et brûlés à petit feu, au milieu des huées de la population de Mignano, de Sessa et de Traetta, et des danses furibondes des femmes, toujours plus féroces que les hommes à ces sortes de fêtes.

Fra-Diavolo avait voulu d'abord s'opposer à ces meurtres, aux agonies prolongées. Il avait, dans un sentiment de pitié, déchargé sur des blessés ses pistolets et sa carabine. Mais il avait vu, au froncement de sourcil de ses hommes, aux injures des femmes, qu'il risquait sa popularité à des actes de semblable pitié. Il s'était éloigné des bûchers où les républicains subissaient leur martyre, et avait voulu en éloigner Francesca; mais Francesca n'avait voulu rien perdre du spectacle. Elle lui avait échappé des mains, et, avec plus de frénésie que les autres femmes, elle dansait et hurlait.

Quant à Mammone, il se tenait à Capistrello, en avant de Sora, entre le lac Fucino et le Liri.

On lui annonça que l'on voyait venir de loin, descendant les sources du Liri, un officier portant l'uniforme français, conduit par un guide.

– Amenez-les-moi tous deux, dit Mammone.

Cinq minutes après, ils étaient tous deux devant lui.

Le guide avait trahi la confiance de l'officier, et, au lieu de le conduire au général Lemoine, auquel il était chargé de transmettre un ordre de Championnet, il l'avait conduit à Gaetano Mammone.

C'était un des aides de camp du général en chef, nommé Claie.

– Tu arrives bien, lui dit Mammone, j'avais soif.

On sait avec quelle liqueur Mammone avait l'habitude d'étancher sa soif.

Il fit dépouiller l'aide de camp de son habit, de son gilet, de sa cravate et de sa chemise, ordonna qu'on lui liât les mains et qu'on l'attachât à un arbre.

Puis il lui mit le doigt sur l'artère carotide pour bien reconnaître la place où elle battait, et, la place reconnue, il y enfonça son poignard. L'aide de camp n'avait point parlé, point prié, point poussé une plainte: il savait aux mains de quel cannibale il était tombé, et, comme le gladiateur antique, il n'avait songé qu'à une chose, à bien mourir.

Frappé à mort, il ne jeta pas un cri ne laissa pas échapper un soupir.

Le sang jaillit de la blessure – par élans – comme il s'échappe d'une artère.

Mammone appliqua ses lèvres au cou de l'aide de camp, comme il les avait appliquées à la poitrine du duc Filomarino, et se gorgea voluptueusement de cette chair coulante qu'on appelle le sang.

Puis, lorsque sa soif fut éteinte, tandis que le prisonnier palpitait encore, il coupa les liens qui l'attachaient à l'arbre et demanda une scie.

La scie lui fut apportée.

Alors, pour boire désormais le sang dans un verre assorti à la boisson, il lui scia le crâne au-dessus des sourcils et du cervelet, en vida le cerveau, lava cette terrible coupe avec le sang qui coulait encore de la blessure, réunit et noua au sommet de la tête les cheveux avec une corde, afin de pouvoir prendre le vase humain comme par un pied et fit couper par morceaux et jeter aux chiens le reste du corps.

Puis, comme ses espions lui annonçaient qu'un petit détachement de républicains, d'une trentaine ou d'une quarantaine d'hommes, s'avançait par la route de Tagliacozza, il ordonna de cacher les armes, de cueillir des fleurs et des branches d'olivier, de mettre les fleurs aux mains des femmes, les branches d'olivier aux mains des hommes et des garçons, et d'aller au-devant du détachement, en invitant l'officier qui les commandait à venir avec ses hommes prendre leur part de la fête que le village de Capistrello, composé de patriotes, leur donnait en signe de joie de leur bonne venue.

 

Les messagers partirent en chantant. Toutes les maisons du village s'ouvrirent; une grande table fut dressée sur la place de la Mairie: on y apporta du vin, du pain, des viandes, des jambons, du fromage.

Une autre fut dressée pour les officiers dans la salle de la mairie, dont les fenêtres donnaient sur la place.

A une lieue de la ville, les messagers avaient rencontré le petit détachement commandé par le capitaine Tremeau3. Un guide interprète, traître, comme toujours, qui conduisait le détachement, expliqua au capitaine républicain ce que désiraient ces hommes, ces enfants et ces femmes qui venaient au-devant de lui, des fleurs et des branches d'olivier à la main. Plein de courage et de loyauté, le capitaine n'eut pas même l'idée d'une trahison. Il embrassa les jolies filles qui lui présentaient des fleurs; il ordonna à la vivandière de vider son baril d'eau-de-vie: on but a la santé du général Championnet, à la propagation de la république française, et l'on s'achemina bras dessus, bras dessous, vers le village, en chantant la Marseillaise.

Gaetano Mammone, avec tout le reste de la population, attendait le détachement français à la porte du village: une immense acclamation l'accueillit. On fraternisa de nouveau, et, au milieu des cris de joie, on s'achemina vers la mairie.

Là, nous l'avons dit, une table était dressée: on y mit autant de couverts qu'il y avait de soldats. Les quelques officiers dînaient, ou plutôt devaient dîner à l'intérieur avec le syndic, les adjoints et le corps municipal, représentés par Gaetano Mammone et les principaux brigands enrôlés sous ses ordres.

Les soldats, enchantés de l'accueil qui leur était fait, mirent leurs fusils en faisceaux à dix pas de la table préparée pour eux; les femmes leur enlevèrent leurs sabres, avec lesquels les enfants s'amusèrent à jouer aux soldats; puis ils s'assirent, les bouteilles furent débouchées et les verres emplis.

Le capitaine Trémeau, un lieutenant et deux sergents s'asseyaient en même temps dans la salle basse.

Les hommes de Mammone se glissèrent entre la table et les fusils, qu'en se mettant en route, le capitaine, pour plus de précaution, avait fait charger; les officiers furent espacés à la table intérieure, de manière à avoir entre chacun d'eux trois ou quatre brigands.

Le signal du massacre devait être donné par Mammone: il lèverait à l'une des fenêtres le crâne de l'aide de camp Claie, plein de vin, et porterait la santé du roi Ferdinand.

Tout se passa comme il avait été ordonné. Mammone s'approcha de la fenêtre, emplit de vin, sans être vu, le crâne encore sanglant du malheureux officier, le prit par les cheveux comme on prend une coupe par le pied, et, paraissant à la fenêtre du milieu, le leva en portant le toast convenu.

Aussitôt, la population tout entière y répondit par le cri:

– Mort aux Français!

Les brigands se précipitèrent sur les fusils en faisceaux; ceux qui, sous prétexte de les servir, entouraient les Français, se retirèrent en arrière; une fusillade éclata à bout portant, et les républicains tombèrent sous le feu de leurs propres armes. Ceux qui avaient échappé ou qui n'étaient que blessés furent égorgés par les femmes et par les enfants, qui s'étaient emparés de leurs sabres.

Quant aux officiers placés dans l'intérieur de la salle, ils voulurent s'élancer au secours de leurs soldats; mais chacun d'eux fut maintenu par cinq ou six hommes, qui les retinrent à leurs places.

Mammone, triomphant, s'approcha d'eux, sa coupe sanglante à la main, et leur offrit la vie s'ils voulaient boire à la santé du roi Ferdinand dans le crâne de leur compatriote.

Tous quatre refusèrent avec horreur.

Alors, il fit apporter des clous et des marteaux, força les officiers d'étendre les mains sur la table et leur fit clouer les mains à la table.

Puis, par les fenêtres et par les portes, on jeta des fascines et des bottes de paille dans la chambre, et l'on referma portes et fenêtres après avoir mis le feu aux fascines et à la paille.

Cependant le supplice des républicains fut moins long et moins cruel que ne l'avait espéré leur bourreau. Un des sergents eut le courage d'arracher ses mains aux clous qui les retenaient, et, avec l'épée du capitaine Trémeau, il rendit à ses trois compagnons le terrible service de les poignarder, et il se poignarda lui-même après eux.

Les quatre héros moururent au cri de «Vive la République!»

Ces nouvelles arrivèrent à Naples, où elle réjouirent le roi Ferdinand, qui, se voyant si bien secondé par ses fidèles sujets, résolut plus que jamais de ne pas quitter Naples.

Laissons Mammone, Fra-Diavolo et l'abbé Pronio suivre le cours de leurs exploits, et voyons ce qui se passait chez la reine, qui, plus que jamais était, au contraire, décidée à quitter la capitale.

LXX
LE SOUTERRAIN

Caracciolo avait dit vrai. Il importait à la politique de l'Angleterre que, chassés de leur capitale de terre ferme, Ferdinand et Caroline se réfugiassent en Sicile, où ils n'avaient plus rien à attendre de leurs troupes ni de leurs sujets, mais seulement des vaisseaux et des marins anglais.

Voilà pourquoi Nelson, sir William et Emma Lyonna poussaient la reine à la fuite, que lui conseillaient énergiquement, d'ailleurs, ses craintes personnelles. La reine se savait tellement détestée, en effet, que, dans le cas où éclaterait un mouvement républicain, elle était sûre qu'autant son mari serait défendu de ce mouvement par le peuple, autant le peuple s'écarterait, au contraire, pour laisser approcher d'elle la prison et même la mort!

Le spectre de sa soeur Antoinette, tenant, par ses cheveux blanchis en une nuit, sa tête à la main, était jour et nuit devant elle.

Or, dix jours après le retour du roi, c'est-à-dire le 18 décembre, la reine était en petit comité dans sa chambre à coucher avec Acton et Emma Lyonna.

Il était huit heures du soir. Un vent terrible battait de son aile effarée les fenêtres du palais royal, et l'on entendait le bruit de la mer qui venait se briser contre les tours aragonaises du Château-Neuf. Une seule lampe éclairait la chambre et concentrait sa lumière sur un plan du palais, où la reine et Acton paraissaient chercher avidement un détail qui leur échappait.

Dans un coin de la chambre, on pouvait distinguer, dans la pénombre, une silhouette immobile et muette, qui, avec l'impassibilité d'une statue, semblait attendre un ordre et se tenir prête à l'exécuter.

La reine fit un mouvement d'impatience.

– Ce passage secret existe cependant, dit-elle: j'en suis certaine, quoique, depuis longtemps, on ne l'utilise plus.

– Et Votre Majesté croit que ce passage secret lui est nécessaire?

– Indispensable! dit la reine. La tradition assure qu'il donnait sur le port militaire, et par ce passage seul nous pouvons, sans être vus, transporter, à bord des vaisseaux anglais, nos bijoux, notre or, les objets d'art précieux que nous voulons emporter avec nous. Si le peuple se doute de notre départ, et s'il nous voit transporter une seule malle à bord du Van-Guard, il s'en doutera, cela fera émeute, et il n'y aura plus moyen de partir. Il faut donc absolument retrouver ce passage.

Et la reine, à l'aide d'une loupe, se remit à chercher obstinément les traits de crayon qui pouvaient indiquer le souterrain dans lequel elle mettait tout son espoir.

Acton, voyant la préoccupation de la reine, releva la tête, chercha des yeux dans la chambre l'ombre que nous avons indiquée, et, l'ayant trouvée:

– Dick! fit-il.

Le jeune homme tressaillit, comme s'il ne s'était pas attendu à être appelé, et comme si surtout la pensée chez lui, maîtresse souveraine du corps, l'avait emporté à mille lieues de l'endroit où il se trouvait matériellement.

– Monseigneur? répondit-il.

– Vous savez de quoi il est question, Dick?

– Aucunement, monseigneur.

– Vous êtes cependant là depuis une heure à peu près, monsieur, dit la reine avec une certaine impatience.

– C'est vrai Votre Majesté.

– Vous avez dû alors entendre ce que nous avons dit et savoir ce que nous cherchons?

– Monseigneur ne m'avait point dit, madame, qu'il me fût permis d'écouter. Je n'ai donc rien entendu.

– Sir John, dit la reine avec l'accent du doute, vous avez là un serviteur précieux.

– Aussi ai-je dit à Votre Majesté le cas que j'en faisais.

Puis, se tournant vers le jeune homme, que nous avons déjà vu obéir si intelligemment et si passivement aux ordres de son maître pendant la nuit de la chute et de l'évanouissement de Ferrari:

– Venez ici, Dick, lui dit-il.

– Me voici, monseigneur, dit le jeune homme en s'approchant.

– Vous êtes un peu architecte, je crois?

– J'ai, en effet, appris deux ans l'architecture.

– Eh bien, alors, voyez, cherchez; peut-être trouverez-vous ce que nous ne trouvons pas. Il doit exister dans les caves un souterrain, un passage secret, donnant de l'intérieur du palais sur le port militaire.

Acton s'écarta de la table et céda sa place à son secrétaire.

Celui-ci se pencha sur le plan; puis, se relevant aussitôt:

– Inutile de chercher, je crois, dit-il.

– Pourquoi cela?

– Si l'architecte du palais a pratiqué dans les fondations un passage secret, il se sera bien gardé de l'indiquer sur le plan.

– Pourquoi cela? demanda la reine avec son impatience ordinaire.

– Mais, madame, parce que, du moment que le passage serait indiqué sur le plan, il ne serait plus un passage secret, puisqu'il serait connu de tous ceux qui connaîtraient le plan.

La reine se mit à rire.

– Savez-vous que c'est assez logique, général, ce que dit là votre secrétaire?

– Si logique, que j'ai honte de ne pas l'avoir trouvé, répondit Acton.

– Eh bien, maintenant, monsieur Dick, dit Emma Lyonna, aidez-nous à retrouver ce souterrain. Ce souterrain une fois retrouvé, je me sens toute disposée, comme une héroïne d'Anne Radcliffe, à l'explorer et à venir rendre à la reine compte de mon exploration.

Richard, avant de répondre, regarda le général Acton comme pour lui en demander la permission.

– Parlez, Dick, parlez, lui dit le général: la reine le permet, et j'ai la plus grande confiance dans votre intelligence et dans votre discrétion.

Dick s'inclina imperceptiblement.

– Je crois, dit-il, qu'avant tout, il faudrait explorer toute la portion des fondations du palais qui donnent sur la darse. Si bien dissimulée que soit la porte, il est impossible que l'on n'en trouve point quelque trace.

– Alors, il faut attendre à demain, dit la reine, et c'est une nuit perdue.

Dick s'approcha de la fenêtre.

– Pourquoi cela, madame? dit-il. Le ciel est nuageux, mais la lune est dans son plein. Toutes les fois qu'elle passera entre deux nuages, elle donnera une clarté suffisante à ma recherche. Il me faudrait seulement le mot d'ordre, afin que je pusse circuler librement dans l'intérieur du port.

– Rien de plus simple, dit Acton. Nous allons aller ensemble chez le gouverneur du château: non-seulement il vous donnera le mot d'ordre, mais encore il fera prévenir les factionnaires de ne pas se préoccuper de vous, et de vous laisser faire tranquillement tout ce que vous avez à faire.

– Alors, général, comme l'a dit Sa Majesté, ne perdons pas de temps.

– Allez, général, allez, dit la reine. Et vous, monsieur, tachez de faire honneur à la bonne opinion que nous avons de vous.

– Je ferai de mon mieux, madame, dit le jeune homme.

Et, ayant salué respectueusement, il sortit derrière le capitaine général.

Au bout de dix minutes, Acton rentra seul.

– Eh bien? lui demanda la reine.

 

– Eh bien, répondit celui-ci, notre limier est en quête, et je serai bien étonnée s'il revient, comme dit Sa Majesté, après avoir fait buisson creux.

En effet, muni du mot d'ordre, recommandé par l'officier de garde aux sentinelles, Dick avait commencé sa recherche, et, dans un angle rentrant de la muraille, avait découvert une grille à barreaux croisés, couverte de rouille et de toiles d'araignée, devant laquelle, et sans y faire attention, tout le monde passait avec l'insouciance de l'habitude. Convaincu qu'il avait trouvé une des extrémités du passage secret, Dick ne s'était plus préoccupé que de découvrir l'autre.

Il rentra au château, s'informa quel était le plus vieux serviteur de toute cette domesticité grouillant dans les étages inférieurs, et il apprit que c'était le père du sommelier, qui, après avoir exercé cette charge pendant quarante ans, l'avait cédée à son fils depuis vingt. Le vieillard avait quatre-vingt-deux ans, et était entré en fonctions près de Charles III, qui l'avait amené avec lui d'Espagne l'année même de son avènement au trône.

Dick se fit conduire chez le sommelier.

Il trouva toute la famille à table. Elle se composait de douze personnes. Le vieillard était la tige, tout le reste des rameaux. Il y avait là deux fils, deux brus et sept enfants et petits-enfants.

Des deux fils, l'un était sommelier du roi, comme son père; l'autre, serrurier du château.

L'aïeul était un beau vieillard sec, droit, vigoureux encore et paraissant n'avoir rien perdu de son intelligence.

Dick entra, et, s'adressant à lui en espagnol:

– La reine vous demande, lui dit-il.

Le vieillard tressaillit: depuis le départ de Charles III, c'est-à-dire depuis quarante ans, personne ne lui avait parlé sa langue.

– La reine me demande? fit-il avec étonnement, en napolitain.

Tous les convives se levèrent de leurs sièges, comme poussés par un ressort.

– La reine vous demande, répéta Dick.

– Moi?

– Vous.

– Votre Excellence est sûre de ne pas se tromper?

– J'en suis sûr.

– Et quand cela?

– A l'instant même.

– Mais je ne puis me présenter ainsi à Sa Majesté.

– Elle vous demande tel que vous êtes.

– Mais, Votre Excellence…

– La reine attend.

Le vieillard se leva, plus inquiet que flatté de l'invitation, et regarda ses fils avec une certaine inquiétude.

– Dites à votre fils le serrurier de ne point se coucher, continua Dick, toujours dans la même langue: la reine aura probablement besoin de lui ce soir.

Le vieillard transmit en napolitain l'ordre à son fils.

– Êtes-vous prêt? demanda Dick.

– Je suis à Votre Excellence, répondit le vieillard.

Et, d'un pas presque aussi ferme, quoique plus pesant que celui de son guide, il monta l'escalier de service, par lequel jugea à propos de passer Dick, et traversa les corridors.

Les huissiers avaient vu sortir de la chambre de la reine le jeune homme avec le capitaine général: ils se levèrent pour annoncer son retour; mais lui leur fit signe de ne pas se déranger, et alla heurter doucement à la porte de la reine.

– Entrez, dit la voix impérative de Caroline, qui se doutait que Dick seul avait la discrétion de ne pas se faire annoncer.

Acton s'élança pour ouvrir la porte; mais il n'avait pas fait deux pas, que Dick, poussant cette porte devant lui, entrait, laissant le vieillard dans l'antichambre.

– Eh bien, monsieur, demanda la reine, qu'avez-vous trouvé?

– Ce que Votre Majesté cherchait, je l'espère, du moins.

– Vous avez trouvé le souterrain?

– J'ai trouvé une de ses portes, et j'espère amener à Votre majesté l'homme qui lui trouvera l'autre.

– L'homme qui trouvera l'autre?

– L'ancien sommelier du roi Charles III, un vieillard de quatre-vingt-deux ans.

– L'avez-vous interrogé?

– Je ne m'y suis pas cru autorisé, madame, et j'ai réservé ce soin à Votre Majesté.

– Où est cet homme?

– Là, fit le secrétaire en indiquant la porte.

– Qu'il entre.

Dick alla à la porte.

– Entrez, dit-il.

Le vieillard entra.

– Ah! ah! c'est vous, Pacheco, dit la reine, qui le reconnut pour avoir été servie par lui, pendant quinze ou vingt ans. – Je ne savais pas que vous fussiez encore de ce monde. Je suis aise de vous voir vivant et bien portant.

Le vieillard s'inclina.

– Vous pouvez, justement à cause de votre grand âge, me rendre un service.

– Je suis à la disposition de Sa Majesté.

– Vous devez, du temps du feu roi Charles III, – Dieu ait son âme! – vous devez avoir eu connaissance ou entendu parler d'un passage secret donnant des caves du château sur la darse ou le port militaire?

Le vieillard porta la main à son front.

– En effet, dit-il, je me rappelle quelque chose comme cela.

– Cherchez, Pacheco, cherchez! nous avons besoin aujourd'hui de retrouver ce passage.

Le vieillard secoua la tête: la reine fit un mouvement d'impatience.

– Dame, on n'est plus jeune, fit Pacheco, à quatre-vingt-deux ans, la mémoire s'en va. M'est-il permis de consulter mes fils?

– Que sont-ils, vos fils? demanda la reine.

– L'aîné, Votre Majesté, qui a cinquante ans, m'a succédé dans ma charge de sommelier; l'autre, qui en a quarante-huit, est serrurier.

– Serrurier, dites-vous?

– Oui, Votre Majesté, pour vous servir, s'il en était capable.

– Serrurier! Votre Majesté entend, dit Richard. Pour ouvrir la porte, on aura besoin d'un serrurier.

– C'est bien, dit la reine. Allez consulter vos fils, mais vos fils seulement, pas les femmes.

– Que Dieu soit toujours avec Votre Majesté, dit le vieillard en s'inclinant pour sortir.

– Suivez cet homme, monsieur Dick, fit la reine, et revenez le plus tôt possible me faire part du résultat de la conférence.

Dick salua et sortit derrière Pacheco.

Un quart d'heure après, il rentra.

– Le passage est trouvé, dit-il, et le serrurier se tient prêt à en ouvrir la porte sur l'ordre de Sa Majesté.

– Général, dit la reine, vous avez dans M. Richard un homme précieux et qu'un jour ou l'autre, je vous demanderai probablement.

– Ce jour-là, madame, répondit Acton, ses désirs les plus chers et les miens seront comblés. Qu'ordonne, en attendant, Votre Majesté?»

– Viens, dit la reine à Emma Lyonna: il y a des choses qu'il faut voir de ses propres yeux.

3On trouvera bon que, dans la partie historique, nous citions les noms réels, comme nous avons fait pour le colonel Gourdel, pour l'aide de camp Claie, et comme nous le faisons en ce moment pour le capitaine Tremeau. Ces noms prouvent que nous n'inventons rien, et ne faisons pas de l'horreur à plaisir.
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