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Don Juan, ou le Festin de pierre

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– Don Juan -

Le connaissez-vous, Monsieur, ce Don Juan dont vous parlez ?

– Don Carlos -

Non, quant à moi; je ne l'ai jamais vu, et je l'ai seulement ouï dépeindre à mon frère, mais la renommée n'en dit pas force bien, et c'est un homme dont la vie…

– Don Juan -

Arrêtez, Monsieur, s'il vous plaît. Il est un peu de mes amis, et ce serait à moi une espèce de lâcheté que d'en ouïr dire du mal.

– Don Carlos -

Pour l'amour de vous, Monsieur, je n'en dirai rien du tout, et c'est bien la moindre chose que je vous doive, après m'avoir sauvé la vie, que de me taire devant vous d'une personne que vous connaissez, lorsque je ne puis en parler sans en dire du mal; mais quelque ami que vous lui soyez, j'ose espérer que vous n'approuverez pas son action, et ne trouverez pas étrange que nous cherchions d'en prendre la vengeance.

– Don Juan -

Au contraire, je vous y veux servir, et vous épargner des soins inutiles. Je suis ami de don Juan, je ne puis pas m'en empêcher; mais il n'est pas raisonnable qu'il offense impunément des gentilshommes, et je m'engage à vous faire faire raison par lui.

– Don Carlos -

Et quelle raison peut-on faire à ces sortes d'injures ?

– Don Juan -

Toute celle que votre honneur peut souhaiter; et sans vous donner la peine de chercher Don Juan davantage, je m'oblige à le faire trouver au lieu que vous voudrez, et quand il vous plaira.

– Don Carlos -

Cet espoir est bien doux, Monsieur, à des coeurs offensés; mais, après ce que je vous dois, ce me serait une trop sensible douleur que vous fussiez de la partie.

– Don Juan -

Je suis si attaché à don Juan, qu'il ne saurait se battre que je ne me batte aussi: mais enfin j'en réponds comme de moi-même, et vous n'avez qu'à dire quand vous voulez qu'il paraisse, et vous donne satisfaction.

– Don Carlos -

Que ma destinée est cruelle! faut-il que je vous doive la vie, et que

D. Juan soit de vos amis !

Scène V. – Don Alonse, Don Carlos, Don Juan, Sganarelle.

– Don Alonse -

(parlant à ceux de sa suite, sans voir Don Carlos ni Don Juan.)

Faites boire là mes chevaux, et qu'on les amène après nous: je veux un peu marcher à pied.

(les apercevant tous les deux.)

O ciel, que vois-je ici? Quoi! mon frère, vous voila avec notre ennemi mortel !

– Don Carlos -

Notre ennemi mortel ?

– Don Juan -

(mettant la main sur la garde de son épée.)

Oui, je suis Don Juan moi-même; et l'avantage du nombre ne m'obligera pas à vouloir déguiser mon nom.

– Don Alonse -

(mettant l'épée à la main.)

Ah, traître, il faut que tu périsses, et…

(Sganarelle court se cacher.)

– Don Carlos -

Ah! mon frère, arrêtez. Je lui suis redevable de la vie; et, sans le secours de son bras, j'aurais été tué par des voleurs que j'ai trouvés.

– Don Alonse -

Et voulez-vous que cette considération empêche notre vengeance? Tous les services que nous rend une main ennemie, ne sont d'aucun mérite pour engager notre âme; et s'il faut mesurer l'obligation à l'injure, votre reconnaissance, mon frère, est ici ridicule; et comme l'honneur est infiniment plus précieux que la vie, c'est ne devoir rien proprement que d'être redevable de la vie à qui nous a ôté l'honneur.

– Don Carlos -

Je sais la différence, mon frère, qu'un gentilhomme doit toujours mettre entre l'un et l'autre; et la reconnaissance de l'obligation n'efface point en moi le ressentiment de l'injure; mais souffrez que je lui rende ici ce qu'il m'a prêté, que je m'acquitte sur-le-champ de la vie que je lui dois, par un delai de notre vengeance, et lui laisse la liberté de jouir, durant quelques jours, du fruit de son bienfait.

– Don Alonse -

Non, non, c'est hasarder notre vengeance que de la reculer, et l'occasion de la prendre peut ne plus revenir. Le ciel nous l'offre ici, c'est à nous d'en profiter. Lorsque l'honneur est blessé mortellement, on ne doit point songer à garder aucunes mesures; et si vous répugnez à prêter votre bras à cette action, vous n'avez qu'à vous retirer, et laisser à ma main la gloire d'un tel sacrifice.

– Don Carlos -

De grâce, mon frère…

– Don Alonse -

Tous ces discours sont superflus: il faut qu'il meure.

– Don Carlos -

Arrêtez, vous dis-je, mon frère. Je ne souffrirai point du tout qu'on attaque ses jours; et je jure le ciel que je le défendrai ici contre qui que ce soit, et je saurai lui faire un rempart de cette même vie qu'il a sauvée; et, pour adresser vos coups, il faudra que vous me perciez.

– Don Alonse -

Quoi! vous prenez le parti de notre ennemi contre moi, et, loin d'être saisi à son aspect des mêmes transports que je sens, vous faites voir pour lui des sentiments pleins de douceur !

– Don Carlos -

Mon frère, montrons de la modération dans une action légitime; et ne vengeons point notre honneur avec cet emportement que vous témoignez. Ayons du coeur dont nous soyons les maîtres, une valeur qui n'ait rien de farouche, et qui se porte aux choses par une pure délibération de notre raison, et non point par le mouvement d'une aveugle colère. Je ne veux point, mon frère, demeurer redevable à mon ennemi, je lui ai une obligation dont il faut que je m'acquitte avant toute chose. Notre vengeance, pour être différée, n'en sera pas moins éclatante; au contraire, elle en tirera de l'avantage, et cette occasion de l'avoir pu prendre la fera paraître plus juste aux yeux de tout le monde.

– Don Alonse -

O l'étrange faiblesse, et l'aveuglement effroyable, de hasarder ainsi les intérêts de son honneur pour la ridicule pensée d'une obligation chimérique !

– Don Carlos -

Non, mon frère, ne vous mettez pas en peine. Si je fais une faute, je saurai bien la réparer, et je me charge de tout le soin de notre honneur; je sais à quoi il nous oblige, et cette suspension d'un jour, que ma reconnaissance lui demande, ne fera qu'augmenter l'ardeur que j'ai de le satisfaire. Don Juan, vous voyez que j'ai soin de vous rendre le bien que j'ai reçu de vous, et vous devez par là juger du reste, croire que je m'acquitte avec la même chaleur de ce que je dois, et que je ne serai pas moins exact à vous payer l'injure que le bienfait. Je ne veux point vous obliger ici à expliquer vos sentiments, et je vous donne la liberté de penser à loisir aux résolutions que vous avez à prendre. Vous connaissez assez la grandeur de l'offense que vous nous avez faite, et je vous fais juge vous même des réparations qu'elle demande. Il est des moyens doux pour nous satisfaire; il en est de violents et de sanglants: mais enfin, quelque choix que vous fassiez, vous m'avez donné parole de me faire faire raison par Don Juan. Songez à me la faire, je vous prie, et vous ressouvenez que, hors d'ici, je ne dois plus qu'à mon honneur.

– Don Juan -

Je n'ai rien exigé de vous, et vous tiendrai ce que j'ai promis.

– Don Carlos -

Allons, mon frère; un moment de douceur ne fait aucune injure à la sévérité de notre devoir.

Scène VI. – Don Juan, Sganarelle.

– Don Juan -

Holà! hé! Sganarelle !

– Sganarelle -

(sortant de l'endroit où il était caché.)

Plaît-il ?

– Don Juan -

Comment! coquin, tu fuis quand on m'attaque ?

– Sganarelle -

Pardonnez-moi, Monsieur, je viens seulement d'ici près. Je crois que cet habit est purgatif, et que c'est prendre médecine que de le porter.

– Don Juan -

Peste soit l'insolent! Couvre au moins ta poltronnerie d'un voile plus honnête. Sais-tu bien qui est celui à qui j'ai sauvé la vie ?

– Sganarelle -

Moy? non.

– Don Juan -

C'est un frère d'Elvire.

– Sganarelle -

Un…

– Don Juan -

Il est assez honnête homme, il en a bien usé, et j'ai regret d'avoir démêlé avec lui.

– Sganarelle -

Il vous serait aisé de pacifier toutes choses.

– Don Juan -

Oui; mais ma passion est usée pour Done Elvire, et l'engagement ne compatit point avec mon humeur. J'aime la liberté en amour, tu le sais, et je ne saurais me résoudre à renfermer mon coeur entre quatre murailles. Je te l'ai dit vingt fois, j'ai une pente naturelle à me laisser aller à tout ce qui m'attire. Mon coeur est à toutes les belles, et c'est à elles à le prendre tour à tour, et à le garder tant qu'elles le pourront. Mais quel est le superbe édifice que je vois entre ces arbres ?

– Sganarelle -

Vous ne le savez pas ?

– Don Juan -

Non vraiment.

– Sganarelle -

Bon! c'est le tombeau que le commandeur faisait faire lors que vous le tuâtes.

– Don Juan -

Ah! tu as raison. Je ne savais pas que c'était de ce côté-ci qu'il était. Tout le monde m'a dit des merveilles de cet ouvrage, aussi bien que de la statue du commandeur, et j'ai envie de l'aller voir.

– Sganarelle -

Monsieur, n'allez point là.

– Don Juan -

Pourquoi ?

– Sganarelle -

Cela n'est pas civil, d'aller voir un homme que vous avez tué.

– Don Juan -

Au contraire, c'est une visite dont je lui veux faire civilité, et qu'il doit recevoir de bonne grâce, s'il est galant homme. Allons, entrons dedans.

(Le tombeau s'ouvre, où l'on voit la statue du commandeur.)

– Sganarelle -

Ah! que cela est beau! les belles statues! le beau marbre! les beaux piliers! ah! que cela est beau! qu'en dites-vous, Monsieur ?

– Don Juan -

Qu'on ne peut voir aller plus loin l'ambition d'un homme mort; et ce que je trouve admirable, c'est qu'un homme qui s'est passé durant sa vie d'une assez simple demeure, en veuille avoir une si magnifique pour quand il n'en a plus que faire.

– Sganarelle -

Voici la statue du commandeur.

 

– Don Juan -

Parbleu! le voilà bon, avec son habit d'empereur romain !

– Sganarelle -

Ma foi, Monsieur, voilà qui est bien fait. Il semble qu'il est en vie, et qu'il s'en va parler. Il jette des regards sur nous qui me feraient peur si j'étais tout seul, et je pense qu'il ne prend pas plaisir de nous voir.

– Don Juan -

Il aurait tort; et ce serait mal recevoir l'honneur que je lui fais. Demande-lui s'il veut venir souper avec moi.

– Sganarelle -

C'est une chose dont il n'a pas besoin, je crois.

– Don Juan -

Demande-lui, te dis-je.

– Sganarelle -

Vous moquez-vous? Ce serait être fou, que d'aller parler à une statue.

– Don Juan -

Fais ce que je te dis.

– Sganarelle -

Quelle bizarrerie! Seigneur commandeur…

(à part.)

je ris de ma sottise, mais c'est mon maître qui me la fait faire.

(haut.)

Seigneur commandeur, mon maître Don Juan vous demande si vous voulez lui faire l'honneur de venir souper avec lui.

(La statue baisse la tête.)

Ah !

– Don Juan -

Qu'est-ce? qu'as-tu? Dis donc, veux-tu parler ?

– Sganarelle -

(baissant la tête comme la statue.)

La statue…

– Don Juan -

Et bien, que veux-tu dire, traître ?

– Sganarelle -

Je vous dis que la statue…

– Don Juan -

Et bien! la statue? je t'assomme, si tu ne parles.

– Sganarelle -

La statue m'a fait signe.

– Don Juan -

La peste le coquin !

– Sganarelle -

Elle m'a fait signe, vous dis-je, il n'est rien de plus vrai.

Allez-vous-en lui parler vous-même pour voir. Peut-être…

– Don Juan -

Viens, maraud, viens. Je te veux bien faire toucher au doigt ta poltronnerie. Prends garde. Le seigneur commandeur voudrait-il venir souper avec moi ?

(La statue baisse encore la tête.)

– Sganarelle -

Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles. Eh bien! Monsieur ?

– Don Juan -

Allons, sortons d'ici.

– Sganarelle -

(seul.)

Voilà de mes esprits forts, qui ne veulent rien croire !

ACTE QUATRIEME

Le théâtre représente l'appartement de Don Juan.

Scène première. – Don Juan, Sganarelle, Ragotin.

– Don Juan -

(à Sganarelle.)

Quoi qu'il en soit, laissons cela; c'est une bagatelle, et nous pouvons avoir été trompés par un faux jour, ou surpris de quelque vapeur qui nous ait troublé la vue.

– Sganarelle -

Eh! Monsieur, ne cherchez point à démentir ce que nous avons vu des yeux que voilà. Il n'est rien de plus véritable que ce signe de tête, et je ne doute point que le ciel, scandalisé de votre vie, n'ait produit ce miracle pour vous convaincre, et pour vous retirer de…

– Don Juan -

Ecoute. Si tu m'importunes davantage de tes sottes moralités, si tu me dis encore le moindre mot là-dessus, je vais appeler quelqu'un, demander un nerf de boeuf, te faire tenir par trois ou quatre, et te rouer de mille coups. M'entends-tu bien ?

– Sganarelle -

Fort bien, Monsieur, le mieux du monde. Vous vous expliquez clairement; c'est ce qu'il y a de bon en vous, que vous n'allez point chercher de détours: vous dites les choses avec une netteté admirable.

– Don Juan -

Allons, qu'on me fasse souper le plus tôt que l'on pourra. Une chaise, petit garçon.

Scène II. – Don Juan, Sganarelle, La Violette, Ragotin.

– La Violette -

Monsieur, voilà votre marchand, monsieur Dimanche qui demande à vous parler.

– Sganarelle -

Bon! voilà ce qu'il nous faut, qu'un compliment de créancier. De quoi s'avise-t-il de nous venir demander de l'argent; et que ne lui disais-tu que monsieur n'y est pas ?

– La Violette -

Il y a trois quarts d'heure que je lui dis; mais il ne veut pas le croire, et s'est assis là-dedans pour attendre.

– Sganarelle -

Qu'il attende tant qu'il voudra.

– Don Juan -

Non, au contraire, faites-le entrer. C'est une fort mauvaise politique que de se faire celer aux créanciers. Il est bon de les payer de quelque chose; et j'ai le secret de les renvoyer satisfaits, sans leur donner un double.

Scène III. – Don Juan, Monsieur Dimanche, Sganarelle, La Violette, Ragotin.

– Don Juan -

Ah! monsieur Dimanche, approchez. Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord! J'avais donné ordre qu'on ne me fît parler à personne, mais cet ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi.

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, je vous suis fort obligé.

– Don Juan -

(parlant à la Violette et à Ragotin.)

Parbleu! coquins, je vous apprendrai à laisser monsieur Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens.

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, cela n'est rien.

– Don Juan -

(à monsieur Dimanche.)

Comment! vous dire que je n'y suis pas! à monsieur Dimanche, au meilleur de mes amis !

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, je suis votre serviteur. J'étais venu…

– Don Juan -

Allons vite, un siège pour monsieur Dimanche.

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, je suis bien comme cela.

– Don Juan -

Point, point, je veux que vous soyez assis contre moi.

– Monsieur Dimanche -

Cela n'est point nécessaire.

– Don Juan -

Otez ce pliant, et apportez un fauteuil.

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, vous vous moquez, et…

– Don Juan -

Non, non, je sais ce que je vous dois; et je ne veux point qu'on mette de différence entre nous deux.

– Monsieur Dimanche -

Monsieur…

– Don Juan -

Allons, asseyez-vous.

– Monsieur Dimanche -

Il n'est pas besoin, Monsieur, et je n'ai qu'un mot à vous dire. J'étais…

– Don Juan -

Mettez-vous là, vous dis-je.

– Monsieur Dimanche -

Non, Monsieur, je suis bien, je viens pour…

– Don Juan -

Non, je ne vous écoute point si vous n'êtes assis.

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, je fais ce que vous voulez. Je…

– Don Juan -

Parbleu, monsieur Dimanche, vous vous portez bien.

– Monsieur Dimanche -

Oui, Monsieur, pour vous rendre service. Je suis venu…

– Don Juan -

Vous avez un fonds de santé admirable, des lèvres fraîches, un teint vermeil, et des yeux vifs.

– Monsieur Dimanche -

Je voudrais bien…

– Don Juan -

Comment se porte madame Dimanche, votre épouse ?

– Monsieur Dimanche -

Fort bien, Monsieur, Dieu merci.

– Don Juan -

C'est une brave femme.

– Monsieur Dimanche -

Elle est votre servante, Monsieur. Je venais…

– Don Juan -

Et votre petite fille Claudine, comment se porte-t-elle.

– Monsieur Dimanche -

Le mieux du monde.

– Don Juan -

La jolie petite fille que c'est! je l'aime de tout mon coeur.

– Monsieur Dimanche -

C'est trop d'honneur que vous lui faites, Monsieur. Je vous…

– Don Juan -

Et le petit Colin, fait-il toujours bien du bruit avec son tambour ?

– Monsieur Dimanche -

Toujours de même, Monsieur. Je…

– Don Juan -

Et votre petit chien Brusquet, gronde-t-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux jambes les gens qui vont chez vous ?

– Monsieur Dimanche -

Plus que jamais, Monsieur; et nous ne saurions en chevir*.

– Don Juan -

Ne vous étonnez pas si je m'informe des nouvelles de toute la famille; car j'y prends beaucoup d'intérêt.

– Monsieur Dimanche -

Nous vous sommes, Monsieur, infiniment obligés. Je…

– Don Juan -

(lui tendant la main.)

Touchez donc là, monsieur Dimanche. Etes-vous bien de mes amis ?

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, je suis votre serviteur.

– Don Juan -

Parbleu! je suis à vous de tout mon coeur.

– Monsieur Dimanche -

Vous m'honorez trop. Je…

– Don Juan -

Il n'y a rien que je ne fisse pour vous.

– Monsieur Dimanche -

Monsieur, vous avez trop de bonté pour moi.

– Don Juan -

Et cela sans intérêt, je vous prie de le croire.

– Monsieur Dimanche -

Je n'ai point mérité cette grâce assurément. Mais, Monsieur…

– Don Juan -

Oh çà, monsieur Dimanche, sans façon, voulez-vous souper avec moi ?

– Monsieur Dimanche -

Non, Monsieur, il faut que je m'en retourne tout à l'heure. Je…

– Don Juan -

(se levant.)

Allons, vite un flambeau pour conduire monsieur Dimanche, et que quatre ou cinq de mes gens prennent des mousquetons pour l'escorter.

– Mr Dimanche -

(se levant aussi.)

Monsieur, il n'est pas nécessaire, et je m'en irai bien tout seul. Mais…

(Sganarelle ôte les sièges promptement.)

– Don Juan -

Comment? je veux qu'on vous escorte, et je m'intéresse trop à votre personne. Je suis votre serviteur, et de plus votre débiteur.

– Monsieur Dimanche -

Ah! Monsieur…

– Don Juan -

C'est une chose que je ne cache pas, et je le dis à tout le monde.

– Monsieur Dimanche -

Si…

– Don Juan -

Voulez-vous que je vous reconduise ?

– Monsieur Dimanche -

Ah, Monsieur, vous vous moquez! Monsieur…

– Don Juan -

Embrassez-moi donc, s'il vous plaît, je vous prie encore une fois d'être persuadé que je suis tout à vous, et qu'il n'y a rien au monde que je ne fisse pour votre service.

(Il sort.)

Scène IV. – Monsieur Dimanche, Sganarelle.

– Sganarelle -

Il faut avouer que vous avez en monsieur un homme qui vous aime bien.

– Monsieur Dimanche -

Il est vrai; il me fait tant de civilités et tant de compliments, que je ne saurais jamais lui demander de l'argent.

– Sganarelle -

Je vous assure que toute sa maison périrait pour vous; et je voudrais qu'il vous arrivât quelque chose, que quelqu'un s'avisât de vous donner des coups de bâton, vous verriez de quelle manière…

– Monsieur Dimanche -

Je le crois; mais, Sganarelle, je vous prie de lui dire un petit mot de mon argent.

– Sganarelle -

Oh! ne vous mettez pas en peine. il vous payera le mieux du monde.

– Monsieur Dimanche -

Mais vous, Sganarelle, vous me devez quelque chose en votre particulier.

– Sganarelle -

Fi! ne parlez pas de cela…

– Monsieur Dimanche -

Comment? Je…

– Sganarelle -

Ne sais-je pas bien que je vous dois ?

– Monsieur Dimanche -

Oui, Mais…

– Sganarelle -

Allons, monsieur Dimanche, je vais vous éclairer.

– Monsieur Dimanche -

Mais mon argent…

– Sganarelle -

(prenant Monsieur Dimanche par le bras.)

Vous moquez-vous ?

– Monsieur Dimanche -

Je veux…

– Sganarelle -

(le tirant.)

Hé !

– Monsieur Dimanche -

J'entends…

– Sganarelle -

(le poussant vers la porte.)

Bagatelles.

– Monsieur Dimanche -

Mais…

– Sganarelle -

(le poussant encore.)

Fi !

– Monsieur Dimanche -

Je…

– Sganarelle -

(Sganarelle le poussant tout à fait hors du théâtre.)

Fi! vous dis-je.

Scène V. – Don Juan, Sganarelle, La Violette.

– La Violette -

(à Don Juan.)

Monsieur, voilà monsieur votre père.

– Don Juan -

Ah! me voici bien! il me fallait cette visite pour me faire enrager.

Scène VI. – Don Louis, Don Juan, Sganarelle.

– Don Louis -

Je vois bien que je vous embarasse, et que vous vous passeriez fort aisément de ma venue. A dire vrai, nous nous incommodons étrangement l'un et l'autre, et si vous êtes las de me voir, je suis bien las aussi de vos déportements. Hélas! que nous savons peu ce que nous faisons, quand nous ne laissons pas au ciel le soin des choses qu'il nous faut, quand nous voulons être plus avisés que lui, et que nous venons à l'importuner par nos souhaits aveugles et nos demandes inconsidérées. J'ai souhaité un fils avec des ardeurs non pareilles; je l'ai demandé sans relâche avec des transports incroyables; et ce fils, que j'obtiens en fatiguant le ciel de voeux, est le chagrin et le supplice de cette vie même dont je croyais qu'il devait être la joie et la consolation. De quel oeil, à votre avis, pensez-vous que je puisse voir cet amas d'actions indignes, dont on a peine, aux yeux du monde, d'adoucir le mauvais visage; cette suite continuelle de méchantes affaires, qui nous réduisent à toutes heures à lasser les bontés du souverain, et qui ont épuisé auprés de lui le mérite de mes services et le crédit de mes amis? Ah! quelle bassesse est la vôtre! Ne rougissez-vous point de mériter si peu votre naissance? Etes-vous en droit, dites-moi, d'en tirer quelque vanité? et qu'avez-vous fait dans le monde pour être gentilhomme? Croyez-vous qu'il suffise d'en porter le nom et les armes, et que ce nous soit une gloire d'être sortis d'un sang noble, lorsque nous vivons en infâmes? Non, non, la naissance n'est rien où la vertu n'est pas. Aussi, nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler; et cet éclat de leurs actions qu'ils répandent sur nous nous impose un engagement de leur faire le même honneur, de suivre les pas qu'ils nous tracent, et de ne point dégénérer de leur vertu, si nous voulons être estimés leurs véritables descendants. Ainsi, vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes né; ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu'ils ont fait d'illustre ne vous donne aucun avantage; au contraire, l'éclat n'en rejaillit sur vous qu'à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d'un chacun la honte de vos actions. Apprenez enfin qu'un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature; que la vertu est le premier titre de noblesse; que je regarde bien moins au nom qu'on signe qu'aux actions qu'on fait, et que je ferais plus d'état du fils d'un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d'un monarque qui vivrait comme vous.

 
12Fantôme créé par l'imagination du peuple, et qu'on représentait courant la nuit dans les rues pour maltraiter les passants.

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