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Histoire d'un casse-noisette

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Conclusion

On ne fait pas une chute de quelques mille pieds sans se réveiller; aussi Marie se réveilla, et, en se réveillant, se retrouva dans son petit lit. Il faisait grand jour, et sa mère était près d'elle, lui disant:

– Est-il possible d'être aussi paresseuse que tu l'es? Voyons, réveillons-nous; habillons-nous bien vite, car le déjeuner nous attend.

– Oh! chère petite mère, dit Marie eu ouvrant ses grands yeux étonnés, où donc m'a conduit cette nuit le jeune M. Drosselmayer, et quelles admirables choses ne m'a-t-il pas fait voir?

Alors Marie raconta tout ce que nous venons de raconter nous-même, et, lorsqu'elle eut fini, sa mère lui dit:

– Tu as fait là un bien long et bien charmant rêve, chère petite Marie; mais, maintenant que tu es réveillée, il faudrait oublier tout cela, et venir faire ton premier déjeuner.

Mais Marie, tout en s'habillant, persista à soutenir que ce n'était point un rêve, et qu'elle avait bien réellement va tout cela. Sa mère alors alla vers l'armoire, prit Casse-Noisette, qui était, comme d'habitude, sur son troisième rayon, rapporta la petite fille, et lui dit:

– Comment peux-tu t'imaginer, folle enfant, que cette poupée, qui est composée de bois et de drap, puisse avoir la vie, le mouvement et la réflexion?

– Mais, chère maman, reprit avec impatience la petite Marie, je sais parfaitement, moi, que Casse-Noisette n'est autre que le jeune M. Drosselmayer, neveu du parrain.

Alors Marie entendit un grand éclat de rire derrière elle.

C'étaient le président, Fritz et mademoiselle Trudchen qui s'en donnaient à coeur joie à ses dépens.

– Ah! s'écria Marie, ne voilà-t-il pas que tu te moques aussi de mon Casse-Noisette, cher papa? Il a cependant respectueusement parlé de toi, quand nous sommes entrés dans le palais de Massepains, et qu'il m'a présentée aux princesses ses soeurs.

Les éclats de rire redoublèrent de telle façon, que Marie comprit qu'il lui fallait donner une preuve de la vérité de ce qu'elle avait dit, sous peine d'être traitée comme une folle.

Elle passa alors dans la chambre voisine, et y prit une petite cassette dans laquelle elle avait soigneusement enfermé les sept couronnes du roi des souris; puis elle revint en disant:

– Tiens, chère maman, voici cependant les couronnes du roi des souris, que Casse-Noisette m'a données la nuit dernière en signe de sa victoire.

La présidente alors, pleine de surprise, prit et regarda ces petites couronnes, qui, en métal inconnu et fort brillant, étaient ciselées avec une finesse dont les mains humaines n'eussent point été capables. Le président lui-même ne pouvait cesser de les examiner, et les jugeait si précieuses, que, quelles que fussent les instances de Fritz, qui se dressait sur la pointe des pieds pour les voir, et qui demandait à les toucher, il ne voulut pas lui en confier une seule.

Alors le président et la présidente se mirent à presser Marie de leur dire d'où venaient ces petites couronnes; mais elle ne pouvait que persister dans ce qu'elle avait dit; et, quand son père, impatienté de ce qu'il croyait un entêtement de sa part, l'eut appelée menteuse, elle se mit à fondre en larmes et s'écrier:

– Hélas! pauvre enfant que je suis, que voulez-vous que je vous dise?

En ce moment, la porte s'ouvrit; le conseiller de médecine parut, et s'écria à son tour:

– Mais qu'y a-t-il donc? et qu'a-t-on fait à ma filleule Marie, qu'elle pleure, qu'elle sanglote ainsi? Qu'est-ce que c'est? qu'est-ce c'est donc?

Le président instruisit le nouveau venu de tout ce qui était arrivé, et, le récit terminé, il lui montra les couronnes; mais peine les eut-il vues, qu'il se mit à rire.

– Ah! ah! dit-il, la plaisanterie est bonne! ce sont les sept couronnes que je portais à la chaîne de ma montre, il y a quelques années, et dont je fis présent à ma filleule le jour du deuxième anniversaire de sa naissance; ne vous le rappelez-vous pas, cher président?

Mais le président et la présidente eurent beau chercher dans leur mémoire, ils n'avaient gardé aucun souvenir de ce fait; cependant, s'en rapportant à ce que disait le parrain, leurs figures reprirent peu à peu leur expression de bonté ordinaire; ce que voyant Marie, elle s'élança vers le conseiller de médecine en s'écriant:

– Mais tu sais tout cela, toi, parrain Drosselmayer; avoue donc que Casse-Noisette est ton neveu, et que c'est lui qui m'a donn ces sept couronnes.

Mais parrain Drosselmayer parut prendre fort mal la chose; son front se plissa, et sa figure s'assombrit de telle façon, que le président, appelant la petite Marie, et la prenant entre ses jambes, lui dit:

– Écoute-moi, ma chère enfant, car c'est sérieusement que je te parle: fais-moi le plaisir, une fois pour toutes, de mettre de côté ces folles imaginations; car, s'il t'arrive encore de dire que ton vilain et informe Casse-Noisette est le neveu de notre ami le conseiller de médecine, je te préviens que je jetterai non-seulement M. Casse-Noisette, mais encore toutes les autres poupées, mademoiselle Claire comprise, par la fenêtre.

La pauvre Marie n'osa donc plus parler de toutes les belles choses dont son imagination était remplie; mais mes jeunes lecteurs, et surtout mes jeunes lectrices, comprendront que, lorsqu'on a voyagé une fois dans un pays aussi attrayant que le royaume des poupées, et qu'on a vu une ville aussi succulente que Confiturembourg, ne l'eût-on vue qu'une heure, on ne perd pas facilement un pareil souvenir; elle essaya donc de parler à son frère de toute son histoire. Mais Marie avait perdu toute sa confiance du moment où elle avait osé dire que ses hussards avaient pris la fuite; en conséquence, convaincu, sur l'affirmation paternelle, que Marie avait menti, Fritz rendit ses officiers les grades qu'il leur avait enlevés, et permit ses trompettes de jouer de nouveau la marche des hussards de la garde, réhabilitation qui n'empêcha pas Marie de croire ce qu'il lui plut sur leur courage.

Marie n'osait donc plus parler de ses aventures; cependant, les souvenirs du royaume des poupées l'assiégeaient sans cesse, et, lorsqu'elle arrêtait son esprit sur ces souvenirs, elle revoyait tout, comme si elle eût été encore ou dans la forêt de Noël, ou sur le fleuve d'essence de rose, ou dans la ville de Confiturembourg; de sorte qu'au lieu de jouer comme auparavant avec ses joujoux, elle s'asseyait immobile et silencieuse, tout ses réflexions intérieures, et que tout le monde l'appelait la petite rêveuse.

Mais, un jour que le conseiller de médecine, sa perruque de verre posée sur le parquet, sa langue passée dans le coin de sa bouche, les manches de sa redingote jaune retroussée, réparait, à l'aide d'un long instrument pointu, quelque chose qui était désorganis dans une pendule, il arriva que Marie, qui était assise près de l'armoire vitrée, et qui, selon son habitude, regardait Casse-Noisette, se plongea si bien dans ses rêveries, que, oubliant tout à coup que, non-seulement le parrain Drosselmayer, mais encore sa mère, étaient là, il lui échappa involontairement de s'écrier:

– Ah! cher monsieur Drosselmayer! si vous n'étiez pas un bonhomme de bois, comme le soutient mon père, et si vous existiez véritablement, que je ne ferais pas comme la princesse Pirlipate, et que je ne vous délaisserais pas parce que, pour m'obliger, vous auriez cessé d'être un charmant jeune homme; car je vous aime véritablement, moi, ah!..

Mais à peine venait-elle de pousser ce soupir, qu'il se fit par la chambre un tel tintamarre, que Marie se renversa tout évanouie du haut de sa chaise à terre.

Quand elle revint à elle, Marie se trouvait entre les bras de sa mère, qui lui dit:

– Comment est-il possible qu'une grande fille comme toi, je te le demande, soit assez bête pour se laisser tomber en bas de sa chaise, et cela juste au moment où le neveu de M. Drosselmayer, qui a terminé ses voyages, vient d'arriver à Nuremberg?.. Voyons, essuie tes yeux et sois gentille.

En effet, Marie essuya ses yeux, et, les tournant vers la porte, qui s'ouvrait en ce moment, elle aperçut le conseiller de médecine, sa perruque de verre sur la tête, son chapeau sous le bras, sa redingote jaune sur le dos, qui souriait d'un air satisfait, et tenait par la main un jeune homme très-petit, mais fort bien tourné et tout à fait joli.

Ce jeune homme portait une superbe redingote de velours rouge, brodé d'or, des bas de soie blancs et des souliers lustrés avec le plus beau vernis. Il avait à son jabot un charmant bouquet de fleurs, et était très-coquettement frisé et poudré, tandis que derrière son dos pendait une tresse nattée avec la plus grande perfection. En outre, la petite épée qu'il avait au cote semblait être toute de pierres précieuses, et le chapeau qu'il portait sous le bras était tissu de la plus fine soie.

Les moeurs aimables de ce jeune homme se firent connaître sur-le-champ; car à peine fut-il entré, qu'il déposa aux pieds de Marie une quantité de magnifiques joujoux, mais principalement les plus beaux massepains et les plus excellents bonbons qu'elle eût mangés de sa vie, si ce n'est cependant ceux qu'elle avait goûtés dans le royaume des poupées. Quant à Fritz, le neveu du conseiller de médecine, comme s'il eût pu deviner les goûts guerriers du fils du président, il lui apportait un sabre du plus fin damas. Ce n'est pas tout. A table, et lorsqu'on fut arriv au dessert, l'aimable créature cassa des noisettes pour toute la société; les plus dures ne lui résistaient pas une seconde: de la main droite, il les plaçait entre ses dents; de la gauche, il tirait sa tresse, et, crac! la noisette tombait en morceaux.

Marie était devenue fort rouge quand elle avait aperçu ce joli petit bonhomme; mais elle devint plus rouge encore lorsque, le dîner fini, il l'invita à passer avec lui dans la chambre l'armoire vitrée.

 

– Allez, allez, mes enfants, et amusez-vous ensemble, dit le parrain; je n'ai plus besoin au salon, puisque toutes les horloges de mon ami le président vont bien.

Les deux jeunes gens entrèrent au salon; mais à peine le jeune Drosselmayer fut-il seul avec Marie, qu'il mit un genou en terre et lui parla ainsi:

– Oh! mon excellente demoiselle Silberhaus! vous voyez ici vos pieds l'heureux Drosselmayer, à qui vous sauvâtes la vie cette même place. Vous eûtes, en outre, la bonté de dire que vous ne m'eussiez pas repoussé comme l'a fait la vilaine princesse Pirlipate, si, pour vous servir, j'étais devenu affreux. Or, comme le sort qu'avait jeté sur moi la reine des souris devait perdre toute son influence du jour où, malgré ma laide figure, je serais aimé d'une jeune et jolie personne, je cessai à l'instant même d'être un stupide casse-noisette, et je repris ma forme première, qui n'est pas désagréable, comme voua pouvez le voir. Ainsi donc, ma chère demoiselle, si vous êtes toujours dans les mêmes sentiments à mon égard, faites-moi la grâce de m'accorder votre main bien-aimée, partagez mon trône et ma couronne, et régnez avec moi sur le royaume des poupées; car, à cette, heure, j'en suis redevenu le roi.

Alors Marie releva doucement le jeune Drosselmayer, et lui dit:

– Vous êtes un aimable et bon roi, Monsieur, et, comme vous avez avec cela un charmant royaume, orné de palais magnifiques, et peuplé de sujets très gais, je vous accepte, sauf la ratification de mes parents, pour mon fiancé.

Là-dessus, comme la porte du salon s'était ouverte tout doucement, sans que les jeunes gens y fissent attention, tant ils étaient préoccupés de leurs sentiments, le président, la présidente et le parrain Drosselmayer s'avancèrent, criant bravo de toutes leurs forces; ce qui rendit Marie rouge comme une cerise, mais ce qui ne déconcerta nullement le jeune homme, lequel s'avança vers le président et la présidente, et, avec un salut gracieux, leur fit un joli compliment, par lequel il sollicitait la main de Marie, qui lui fut accordée à l'instant.

Le même jour, Marie fut fiancée au jeune Drosselmayer, à la condition que le mariage ne se ferait que dans un an.

Au bout d'un an, le fiancé revint chercher sa femme dans une petite voiture de nacre incrustée d'or et d'argent, traînée par des chevaux qui n'étaient pas plus gros que des moutons, et qui valaient un prix inestimable, vu qu'ils n'avaient pas leurs pareils dans le monde, et il l'emmena dans le palais de Massepains, où ils furent mariés par le chapelain du château, et où vingt-deux mille petites figures, toutes couvertes de perles, de diamants et de pierreries éblouissantes, dansèrent à leur noce. Si bien qu'à l'heure qu'il est, Marie est encore reine du beau royaume où l'on aperçoit partout de brillantes forêts de Noël, des fleuves d'orangeade, d'orgeat et d'essence de rose, des palais diaphanes en sucre plus fin que la neige et plus transparent que la glace; enfin, toutes sortes de choses magnifiques et miraculeuses, pourvu qu'on ait d'assez bons yeux pour les voir.

FIN DE L'HISTOIRE D'UN CASSE-NOISETTE

L'ÉGOÏSTE

Carl avait hérité, de son père, d'une ferme avec ses troupeaux, son bétail et ses récoltes; les granges les étables et les bûchers regorgeaient de richesses et pourtant, chose étrange dire, Carl ne paraissait rien voir de tout cela; son seul désir était d'amasser davantage, et il travaillait nuit et jour, comme s'il eût été le plus pauvre paysan du village. Il était connu pour être le moins généreux de tous les fermiers de la contrée, et aucun individu, pouvant gagner sa vie ailleurs, n'aurait ét travailler chez lui. Son personnel changeait continuellement, parce que ses domestiques, qu'il laissait souffrir de la faim, se décourageaient promptement et le quittaient. Ceci l'inquiétait fort peu, car il avait une bonne et aimable soeur. Amil était une excellente ménagère, et s'occupait sans cesse du bien-être de Carl; quoiqu'elle s'efforçât, de son côté, de compenser la parcimonie de son frère par sa générosité, elle ne pouvait pas grand'chose, car il y regardait de trop près.

Carl était si égoïste, qu'il dînait toujours seul, parce qu'il était alors sûr d'avoir son dîner bien chaud, et de n'avoir que lui seul à servir; tandis que sa soeur, ayant mangé un morceau part, pouvait ensuite s'occuper uniquement de lui. Il donnait pour raison qu'il n'aimait pas à faire attendre, n'étant pas sûr de son temps; toutefois, il ne manquait jamais d'arriver exactement à l'heure qu'il avait fixée lui-même pour son dîner. Il est donc bien avéré que Carl était égoïste; c'est une qualit peu enviable.

Amil était recherchée par un homme très-bien posé pour faire son chemin dans le monde; néanmoins, Carl lui battait froid, parce qu'il craignait de perdre sa soeur, qui le servait sans exiger de gages. Vous devez comprendre qu'ils n'étaient pas fort bons amis, car le motif de la froideur de Carl était trop apparent pour ne pas sauter aux yeux des personnes les moins clairvoyantes; mais Carl se moquait bien d'avoir des amis! Il disait toujours qu'il portait ses meilleurs amis dans sa bourse; mais, hélas! ces amis-là étaient, au contraire, ses plus grands ennemis.

Un matin qu'en contemplation devant un champ de blé, dont les épis dorés se balançaient autour de lui, il calculait ce que ce champ pourrait lui rapporter, Carl sentit tout à coup la terre remuer sous ses pieds.

– Ce doit être une énorme taupe, se dit-il en reculant, tout prêt à assommer la bête, dès qu'elle paraîtrait.

Mais la terre s'amoncela bientôt en masses si impétueuses, que maître Carl fut renversé, et se trouva fort penaud d'avoir voulu jauger sa récolte.

Son épouvante augmenta considérablement, lorsqu'il vit s'élever de terre, non une taupe, mais un gnome de l'aspect le plus étrange, vêtu d'un beau pourpoint cramoisi, avec une longue plume flottant à son bonnet. Le gnome jeta sur Carl un regard qui ne présageait rien de bon.

– Comment vous portez-vous, fermier? dit-il avec un sourire sardonique qui déplut singulièrement à Carl.

– Qui êtes-vous, au nom du ciel? fit Carl suffoqué.

– Je n'ai rien à faire avec le nom du ciel, répliqua le gnome; car je suis un esprit malfaisant.

– J'espère que vous n'avez pas l'intention de me faire du mal? dit humblement Carl.

– En vérité, je n'en sais rien! Je me propose seulement de moissonner votre blé cette nuit, au clair de la lune, parce que mes chevaux, quoiqu'ils soient surnaturels, mangent aussi une quantité de blé tout à fait surnaturelle; en général, je récolte chez ceux qui sont le plus en état de me faire cette offrande.

– Oh! mon cher Monsieur, s'écria Carl, je suis le fermier le plus pauvre de tout le district; j'ai une soeur à ma charge, et j'ai éprouvé de terribles et nombreuses pertes.

– Mais, enfin, vous êtes Carl Grippenhausen, n'est-ce pas? dit le gnome.

– Oui, Monsieur, balbutia Carl.

– Ces énormes rangées de tas de blé, qui ressemblent à une petite ville, vous appartiennent-elles, oui on non? dit le gnome.

– Oui, Monsieur, répliqua encore Carl.

– Ce magnifique plant de navets et cette longue suite de terres labourables, ces beaux troupeaux et ce riche bétail qui couvrent le flanc de la montagne, sont aussi à vous, je crois?

– Oui, Monsieur, dit Carl d'une voix tremblante, car il était terrifié de voir combien le gnome avait d'exactes notions sur sa fortune.

– Vous, un pauvre homme? Oh! fi! dit le gnome en menaçant du doigt le misérable Carl d'un air de reproche. Si vous continuez à me conter de pareils contes, je ferai en sorte, d'un tour de main, que vos monstrueuses histoires deviennent véritables… Fi! fi! fi!

En prononçant le dernier fi, il se rejeta dans la terre, mais le trou ne se ferma pas; en conséquence, Carl vociféra ses supplications à tue-tête, criant miséricorde à son étrange visiteur, qui ne daigna pas même lui répondre.

Inquiet et abattu, il s'achemina lentement vers sa maison; comme il en approchait, en traversant le fourré, il aperçut le galant de sa soeur causant avec elle par-dessus le mur du jardin. Une pensée lui vint alors à l'esprit; une pensée égoïste, bien entendu. Avant qu'ils eussent pu s'apercevoir de son approche, il se précipita vers eux, et, prenant la main de Wilhelm de la manière la plus amicale, il l'invita à dîner avec lui. O merveille des merveilles!.. Il va sans dire que, malgré son extrême surprise, Wilhelm accepta de très bonne grâce. Après le repas, l'idée lumineuse de Carl vit le jour, à l'étonnement toujours croissant de sa soeur et de Wilhelm. Et que pensez-vous que fût cette idée? Rien autre chose, sinon d'échanger sa grande pièce de blé mûr, prête à être coupée, pour une de celles de Wilhelm, où la moisson était moins copieuse. Après un débat très-empressé de sa part, et de grandes démonstrations de bonne volonté et de gaieté, ce curieux marché fut conclu, et Wilhelm s'en retourna chez lui beaucoup plus riche qu'il n'en était parti.

Carl se coucha, rassuré par le transport qu'il avait fait, au trop confiant Wilhelm, du blé qui devait être récolté au clair de la lune par le gnome pour nourrir ses chevaux gloutons.

Il ouvrit les yeux dès la pointe du jour; car le gnome avait hanté son sommeil. Il se hâta de s'habiller, et sortit dans les champs pour voir le résultat des travaux nocturnes du gnome: le blé était debout, agité par la brise matinale.

– Probablement, pensa Carl, j'aurai rêvé.

Alors il grimpa sur la colline, pour jeter un coup d'oeil sur le champ qu'il avait reçu en échange de son blé menacé; mais de quelle horreur ne fut-il pas saisi en voyant ce champ presque entièrement dépouillé, et l'affreux petit gnome, achevant sa besogne, en jetant les dernières gerbes dans un obscur abîme creusé profondément en terre.

– Juste ciel! que faites-vous? s'écria-t-il. Il me semble que vous aviez dit que vous moissonneriez ce champ là-bas?

– J'ai dit, répondit le gnome, que j'allais récolter votre blé, vous; or, à moins que je n'aie mal compris, le champ dont vous parlez est à Wilhelm, n'est-il pas vrai?

– Oui, malheureux que je suis!

Et, tombant à genoux pour implorer le gnome, Carl lui demanda grâce; mais celui-ci, nonobstant ses prières, enleva la dernière gerbe; puis la terre se referma, ne laissant aucune trace qui pût signaler l'endroit où une si abondante récolte avait ét engloutie.

– Maintenant, comme vous voyez, j'ai fermé la porte de ma grange, dit le gnome en ricanant. À présent, je vais aller me reposer; bonjour, Carl!

Et il s'éloigna d'un air calme et satisfait.

Carl erra ça et là, à moitié fou, oubliant jusqu'à son dîner. Enfin, quand la nuit fut venue, il rentra chez lui, et, sans vouloir répondre aux questions affectueuses de sa soeur, il alla se coucher en boudant. Mais il avait à peine posé sa pauvre tête bouleversée sur l'oreiller, qu'une voix vint le réveiller, et lui dit:

– Carl, mon bon ami, me voici venu pour causer un peu avec vous; ainsi réveillez-vous et m'écoutez.

Il sortit sa tête de dessous les couvertures, et vit que sa chambre était illuminée par une vive clarté, qui lui montra le gnome assis sur le parquet de la chambre.

– Ah! misérable! s'écria-t-il, viens-tu me voler mon repos, comme tu m'as volé mon blé? Va-t'en, ou bien j'assouvirai ma vengeance sur toi.

– Allons, allons, dit le gnome en riant, tu raffoles!.. Ne sais-tu pas, stupide garçon, que je ne suis qu'une ombre? Autant vaudrait essayer d'étreindre l'air que de tenter de m'étreindre, moi; d'ailleurs, je ne suis venu ici que pour te promettre des richesses sans fin; car vous êtes un homme selon mon coeur: n'êtes-vous pas personnel et malin à un degré merveilleux? Écoutez-moi donc, mon bon Carl. Venez me trouver demain au soir, avant le coucher du soleil, et je vous ferai voir un trésor dont l'excessive abondance dépasse toute imagination humaine. Débarrassez-vous de votre mesquine ferme; le niais qui aime votre soeur serait une excellente victime, car il a des amis qui l'aideraient à se tirer d'affaire, et à vous en défaire. Le prix qu'il pourrait vous en donner serait de peu d'importance pour vous, et, lorsque je vous aurai fait connaître le trésor dont je vous parle, vous en viendrez à dédaigner les sommes minimes que vous réalisez par les moyens ordinaires. Bonne nuit, faites de jolis rêves!

La lumière s'évanouit et le gnome partit.

– Ah! dit Carl, ah! c'est délicieux! ah!

Et il retomba dans son premier sommeil.

Le jour suivant, tout le monde crut que Carl était devenu fou; seulement, son naturel intéressé prenant le dessus, il ne céda pas la moindre pièce de monnaie du prix convenu avec Wilhelm, qui était, du reste, trop content de pouvoir entrer en arrangement avec lui; pourtant l'excès de sa surprise le faisait douter de la réalité de la transaction. Enfin tout fut prêt, et le jour fix pour la noce d'Amil, car Wilhelm l'avait prise, comme de juste, par-dessus le marché, bon ou mauvais, qu'il avait conclu pour la ferme. Carl n'eut pas la patience d'attendre ce jour-là, et, après avoir embrassé sa soeur, il la laissa entre les mains de quelques parents et partit. Il trouva le gnome assis sur une barrière comme aurait pu le faire l'homme le plus ordinaire.

 

– Vous êtes aussi ponctuel qu'une horloge, Carl, dit-il; j'en suis fort aise, car il faut que nous soyons arrivés au pied des montagnes que vous voyez là-bas, avant le lever de la lune.

À ces mots, il descendit d'un bond de son perchoir, et ils poursuivirent leur chemin jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés au bord d'un lac sur la surface duquel, au profond étonnement de Carl, le gnome se mit à trotter comme si elle eût été gelée.

– Venez donc, mon ami, dit-il en se tournant vers Carl, qui hésitait à le suivre.

Toutefois, voyant qu'il fallait en passer par là, celui-ci plongea jusqu'au cou, et se dirigea vers l'autre rive, que le gnome avait depuis longtemps atteinte. Lorsqu'il y arriva à son tour, il se trouvait dans un état fort désagréable; ses dents claquaient, et l'eau qui découlait de ses vêtements reproduisait à ses pieds en miniature le lac d'où il sortait.

– Je vous prie, monsieur le gnome, dit-il d'un ton assez aigre, que pareille chose ne se renouvelle point, ou je serais forcé de renoncer à votre connaissance.

– Renoncer à ma connaissance, dites-vous? fit le gnome en ricanant. Mon cher Carl, cela n'est point en votre pouvoir. Vous avez de votre plein gré plongé dans le lac enchanté, ce qui vous attache à moi pour un certain laps de temps. Je vous tiendrais au bout de la plus forte chaîne, que je ne serais pas plus sûr que vous me suivrez. Ainsi donc, marchez et songez à la récompense.

Carl fut un peu étourdi de ce qu'il entendait; mais il s'aperçut bientôt que tout était exactement vrai; car, dès que le gnome se remit en marche, il se sentit contraint, par une puissance irrésistible, à le suivre. Bientôt, ils se trouvèrent sur le versant d'une montagne très-escarpée; le gnome glissa le long de cette pente avec la plus parfaite aisance, sans perdre l'équilibre; quant an pauvre Carl, il accomplit cette descente avec beaucoup moins de dignité, et surtout avec une telle impétuosité, que de droite et de gauche de grosses pierres se déplaçaient, s'entrechoquaient avec fracas, et dégringolaient dans les affreux précipices qui l'environnaient. Ses vêtements étaient dans un état déplorable; les points des coutures cédaient, de grands morceaux de son manteau étaient arrachés; car il ne pouvait ralentir un seul instant sa course, afin de se dégager des ronces et des épines qui s'attachaient sans cesse lui, retenant des parcelles de sa chair à mesure que la rapidit de sa fuite l'éloignait d'elles. A la fin, il roula comme un paquet au pied de la montagne, où il trouva le gnome, qui se réjouissait l'odorat en flairant le parfum d'une fleur sauvage.

Carl s'assit un moment pour reprendre sa respiration, et, comme son sang bouillait d'une rage concentrée, il s'écria:

– Brutal gnome! je ne vous suivrai pas un pas de plus, ou vous me porterez; je suis meurtri des pieds à la tête; voyez comme vous m'avez arrangé!

– Ah! c'est excellent! fit le gnome sans s'émouvoir. Nous allons voir, mon garçon! Quant à moi, je sois parfaitement à mon aise, et vous vous apercevrez, lorsque vous me connaîtrez davantage, que je supporte avec une philosophie admirable les malheurs des autres; venez, Carl, mon bon ami.

Cet horrible venez commençait à avoir pour Carl une terrible signification; mais, de même qu'auparavant, il fut forcé d'obéir. Il marcha toujours, toujours, jusqu'à ce que ses dents claquassent de froid; il s'aperçut alors que le riant et chaud paysage était devenu aride comme en hiver; et il jugea, d'après la quantité de pics neigeux se perdant dans les nuages qu'il voyait autour de lui, qu'une grande mer devait être proche; transi au point de pouvoir à peine se traîner, il conjura le gnome de prendre quelques instants de repos; à la fin, ce dernier s'assit.

– Je ne m'arrête que pour vous obliger, dit-il; mais je crois que l'immobilité prolongée serait pour vous chose dangereuse.

A ces mots, il exhiba une pipe qui paraissait beaucoup trop grande pour avoir jamais pu entrer dans sa poche; il l'alluma, et commença de fumer tout comme s'il était installé confortablement au coin du feu, chez Carl. Le pauvre Carl le regarda faire pendant quelque temps, avec ses dents qui s'entrechoquaient, et ses membres endoloris; ensuite, il le pria de lui laisser aspirer une ou deux chaudes bouffées de sa pipe embrasée.

– Je n'oserais pas, Carl: c'est du tabac de démon, beaucoup trop fort pour vous. Chauffez vos doigts à la fumée, si vous pouvez. Je ne puis comprendre ce qui vous manque; moi, je me trouve parfaitement à mon aise; mais vous n'êtes pas philosophe!

Carl gémit, et ne répondit rien à l'imperturbable fumeur.

Après avoir fumé très longtemps, le gnome secoua sur le bout de sa botte les cendres de sa pipe, et dit à Carl, grelottant, avec le sourire le plus affectueux:

– Mon bon ami, vous avez, en vérité, bien mauvaise mine! peut-être ferions-nous bien de nous remettre à marcher.

Il se leva sur-le-champ, et le pauvre Carl le suivit en trébuchant.

– Nous aurons plus chaud tout à l'heure, mon cher ami, fit-il en se tournant vers Carl, qui poussa un grognement sourd en manière de réplique; car il sentait son impuissance à se soustraire à son sort.

Ils eurent, en effet, bientôt plus chaud; la glace disparut, la terre était couverte de verdure, émaillée en profusion de fleurs embaumées; des guirlandes de ceps de vigne, couverts de grappes ravissantes, groupées sur les branches étendues, séduisaient l'oeil. Ils gravirent la montagne péniblement… c'est-à-dire péniblement pour Carl; car, pour le gnome, descendre ou monter était aussi facile l'un que l'autre. A la fin, la montagne devint aride et desséchée; les cendres craquaient sous leurs pieds, et des vapeurs nauséabondes s'échappaient de la terre crevassée.

– Je serais curieux de savoir où nous allons maintenant, se dit Carl en grommelant.

Il avait fini par découvrir que parler à ce démon était une peine inutile et une perte de temps. Son incertitude ne dura pas longtemps, car les mugissements d'un énorme volcan retentirent bientôt à ses oreilles, et des pierres plurent sur sa tête et sur ses épaules. Il se traîna de rocher en rocher, exposé à chaque instant aux plus grands périls; la terre se dérobait sous ses pas d'une manière effrayante, la famée l'étouffait et l'aveuglait, tandis que l'éternel refrain du gnome: «Avancez! avancez! auquel il lui était impossible de résister, achevait de le désespérer. A la fin, il n'eut plus la conscience de ce qu'il faisait; il sentit seulement qu'il tombait sur le versant de la montagne et roulait jusqu'au bas. Un bruyant clapotement, et la sensation de l'eau froide, lui annoncèrent qu'il venait de tomber au milieu des vagues de la mer; l'instinct de la conservation le fit s'efforcer de remonter à la surface. En reparaissant à fleur d'eau, il vit le gnome assis sur le tronc d'un arbre immense; les vagues le ballottaient à sa portée.

– Étendez la main, bon gnome! fit-il d'une voix défaillante, je vais enfoncer.

– Bah! répondit le gnome, du courage, mon ami! il faut que vous vous sauviez tout seul; ce petit bout de tronc d'arbre suffit peine à m'empêcher de trop me fatiguer. Charité bien ordonnée commence par soi-même, comme vous savez, c'est le premier point; le second point, c'est vous; je vous conseille donc de nager fort et ferme, dans le cas, bien entendu, où vous voudriez vous en donner la peine. Votre bail avec moi est fini, à moins que vous ne vouliez le renouveler de bonne volonté, par vos actions ou par vos souhaits; adieu!

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