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La San-Felice, Tome 08

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Deux heures après, Micheroux revint et dit au cardinal que, grâce au ciel, tout s'était terminé à l'amiable et d'un commun accord.

LXXIX
LA FOI PUNIQUE

Le cardinal fut si heureux de cette solution, à laquelle il était loin de s'attendre, que, le 27 juin au matin, il chanta un Te Deum à l'église del Carmine, et cela, avec une pompe digne de la grandeur des événements.

Avant de se rendre à l'église, il avait écrit une lettre à lord Nelson et à sir William Hamilton, leur présentant ses plus sincères remercîments pour avoir bien voulu rendre la tranquillité à la ville, surtout à sa conscience, en ratifiant le traité.

Hamilton, toujours en français, répondit la lettre suivante:

«A bord du Foudroyant, le 27 juin 1799.

ȃminence,

»C'est avec le plus grand plaisir que j'ai reçu le billet que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Nous sommes tous également travaillés pour le service du roi et de la bonne cause; seulement, il y a, selon le caractère, différentes manières de prouver son dévouement. Grâce à Dieu, tout va bien, et je puis affirmer à Votre Éminence que milord Nelson se félicite de la décision qu'il a prise de ne point interrompre les opérations de Votre Éminence, mais de l'assister, au contraire, de tout son pouvoir, pour terminer l'entreprise que Votre Éminence a jusqu'à présent si bien menée, au milieu des circonstances critiques dans lesquelles Votre Éminence s'est trouvée.

»Milord et moi serons trop heureux si nous avons tant soit peu pu contribuer au service de Leurs Majestés Siciliennes et rendre à Votre Éminence sa tranquillité, un instant troublée.

»Milord me prie de remercier Votre Éminence de son billet, et de lui dire qu'il prendra, en temps opportun, toutes mesures nécessaires.

»J'ai l'honneur d'être, etc.

»W. HAMILTON.»

Maintenant, on a vu, dans les quelques lettres de Ferdinand et de Caroline au cardinal Ruffo, quelles protestations d'inaltérable estime et d'éternelle reconnaissance terminaient ces lettres et précédaient les noms dos deux monarques, qui lui devaient leur royaume.

Nos lecteurs désirent-ils savoir de quelle manière se traduisaient ces protestations de reconnaissance?

Qu'ils veuillent bien alors prendre la peine de lire la lettre suivante, écrite, en date du même jour, par sir William Hamilton au capitaine général Acton:

«A bord du Foudroyant, baie de Naples, 27 juin 1799.

»Mon cher seigneur,

»Votre Excellence aura vu, par ma dernière lettre, que le cardinal et lord Nelson sont loin d'être d'accord. Mais, après mûres réflexions, lord Nelson m'autorisa à écrire à Son Éminence, hier matin, qu'il ne ferait plus rien pour rompre l'armistice que Son Éminence avait cru convenable de conclure avec les rebelles renfermés dans le Château-Neuf et le château de l'Oeuf, et que Sa Seigneurie était prête à donner toute l'assistance dont était capable la flotte placée sous son commandement, et que Son Éminence croirait nécessaire pour le bon service de Sa Majesté Sicilienne. Cela produit le meilleur effet possible. Naples était sens dessus dessous, dans la crainte que lord Nelson ne rompît l'armistice, tandis qu'aujourd'hui tout est calme. Le cardinal est convenu, avec les capitaines Troubridge et Ball, que les rebelles du Château-Neuf et du château de l'Oeuf, seraient embarqués le soir, taudis que cinq cents marins seraient descendus à terre pour occuper les deux châteaux sur lesquels, Dieu merci! flotte enfin la bannière de Sa Majesté Sicilienne, tandis que les bannières de la République (courte a été leur vie!) sont dans la cabine du Foudroyant, où, je l'espère, la bannière française qui flotte encore sur Saint-Elme ne tardera point à les rejoindre.

»J'ai grand espoir que la venue de lord Nelson dans le golfe de Naples sera très-utile aux intérêts et à la gloire de Leurs Majestés Siciliennes. Mais, en vérité, il était temps que j'intervinsse entre le cardinal et lord Nelson; sinon tout allait se perdant, et cela dès le premier jour. Hier, ce bon cardinal m'a écrit pour me remercier, ainsi que lady Hamilton, L'arbre de l'abomination qui s'élevait devant le palais royal a été abattu et le bonnet rouge arraché de la tête du géant.

»Maintenant, une bonne nouvelle! Caracciolo et une douzaine d'autres rebelles comme lui seront bientôt entre les mains de lord Nelson. Si je ne me trompe, ils seront envoyés directement à Procida, où ils seront jugés, et, au fur et à mesure de leur jugement, renvoyés ici pour y être suppliciés. Caracciolo sera probablement pendu à l'arbre de trinquette de LA MINERVE, où il demeurera exposé du point du jour au coucher du soleil. Un tel exemple est nécessaire pour le service futur de Sa Majesté Sicilienne, dans le royaume de laquelle le jacobinisme à fait de si grands progrès.

»W. HAMILTON.

»Huit heures du soir.-Les rebelles sont dans leurs bâtiments et ne peuvent bouger sans un passeport de lord Nelson.»

En effet, comme le disait Son Excellence l'ambassadeur de la Grande-Bretagne dans la lettre que nous venons de lire, les républicains, sur la foi du traité, et rassurés par la promesse de Nelson de ne point s'opposer à l'embarquement des patriotes, n'avaient fait aucune difficulté pour livrer les châteaux aux cinq cents marins anglais qui s'étaient présentés pour les occuper, et pour descendre dans les felouques, les tartanes et les balancelles qui devaient les conduire à Toulon.

Les Anglais prirent donc possession d'abord du Château-Neuf, de la darse et du palais royal.

Puis la remise du château de l'Oeuf fut faite avec les mêmes formalités.

Un procès-verbal fut rédigé de cette remise des châteaux et signé par les commandants des châteaux pour les patriotes, et par le brigadier Minichini pour le roi Ferdinand.

Deux personnes seulement usèrent du choix qui leur était donné par la capitulation de chercher un asile à terre ou de s'embarquer, en allant demander un asile au château Saint-Elme.

Ces deux personnes furent Salvato et Luisa San-Felice.

Nous reviendrons plus tard, pour ne plus les quitter, aux héros de notre livre; mais ce chapitre, nous l'avons indiqué par son titre, est tout entier consacré à un grand éclaircissement historique.

Comme nous allons faire, à la mémoire d'un des plus grands capitaines que l'Angleterre ait eus, une de ces taches indélébiles que les siècles n'effacent point, nous voulons, en faisant passer, les unes après les autres, sous les yeux de nos lecteurs, les pièces qui prouvent cette grande infamie, montrer jusqu'au bout que nous ne sommes ni dévoyé par l'ignorance, ni aveuglé par la haine.

Nous sommes purement et simplement le flambeau qui éclaire un point de l'histoire resté obscur jusqu'à nous.

Il arrivait au cardinal ce qui arrive à tout grand coeur qui entreprend une chose jugée impossible par les timides et les médiocres.

Il avait laissé autour du roi une cabale d'hommes qui, n'ayant souffert aucune fatigue, n'ayant couru aucun danger, devaient naturellement attaquer celui qui avait accompli une oeuvre taxée par eux d'impossible.

Le cardinal, chose presque incroyable, si l'on ne savait point jusqu'où peut aller cette vipère des cours qu'on appelle la calomnie, le cardinal était accusé, en conquérant le royaume de Naples, de ne point travailler pour le roi, mais pour lui-même.

On disait que, par le moyen de l'armée qu'il avait réunie et qui lui était toute dévouée, il voulait faire proclamer roi de Naples son frère don Francesco Ruffo!

Nelson, avant son départ de Palerme, avait reçu des instructions à ce sujet, et, à la première preuve qui confirmerait les doutes conçus par Ferdinand et par la reine, Nelson devait attirer le cardinal à bord du Foudroyant et l'y retenir prisonnier.

On va voir qu'il s'en fallut de bien peu que cet acte de reconnaissance ne s'accomplît, et nous avouons regretter fort pour notre compte qu'il n'ait pas eu lieu, afin qu'il restât comme un exemple à ceux qui se dévouent pour les rois.

Nous copions les lettres suivantes sur les originaux.

«A bord du Foudroyant, baie de Naples, 29 juin 1799.

«Mon cher seigneur,

»Quoique notre ami commun, sir William, vous écrive avec détail sur tous les événements qui nous arrivent, je ne puis m'empêcher de prendre la plume pour vous dire clairement que je n'approuve aucune des choses qui se sont faites et qui sont en train de se faire; bref, je dois vous dire que, quand même le cardinal serait un ange, la voix du peuple tout entier s'élève contre sa conduite. Nous sommes entourés ici de petites et mesquines cabales et de sottes plaintes, que, dans mon opinion, la présence du roi, de la reine et du ministère napolitain peut seule éteindre6 et apaiser, de manière à fonder un gouvernement régulier et qui soit le contraire du système qui est mis en pratique en ce moment. Il est vrai que, si j'eusse suivi mon inclination, l'état de la capitale serait encore pire qu'il n'est, attendu que le cardinal, de son côté, eût fait pis que de ne rien faire.

C'est pourquoi j'espère et implore la présence de Leurs Majestés, répondant sur ma tête de leur sûreté. Je serai peut-être forcé de m'éloigner de ce port, avec le Foudroyant; mais, si je suis forcé d'abandonner ce port, je crains que les conséquences de mon départ ne soient fatales.

 

»Le Sea-Horse est également un sûr abri pour Leurs Majestés; elles y seront autant en sûreté qu'on peut l'être dans un vaisseau.

»Je suis, pour toujours, votre »NELSON.

A sir John Acton.

Comme la première, cette seconde lettre est du même jour et adressée à Acton. L'ingratitude des deux illustres obligés y est encore plus visible, et, à notre avis, ne laisse, cette fois, rien à désirer.

»29 juin au matin.

»Mon cher monsieur,

Je ne saurais vous dire combien je suis heureux de voir arriver le roi, la reine et Votre Excellence. Je vous envoie le double d'une proclamation que je charge le cardinal de faire publier, ce que Son Éminence a refusé tout net, en disant qu'il était inutile de lui rien envoyer, attendu qu'il ne ferait rien imprimer. Le capitaine Troubridge sera ce soir à terre avec treize cents hommes de troupes anglaises, et je ferai tout ce que je pourrai pour rester d'accord avec le cardinal jusqu'à l'arrivée de Leurs Majestés. Le dernier arrêté du cardinal défend d'emprisonner qui que ce soit sans son ordre: c'est vouloir clairement sauver les rebelles. En somme, hier, nous avons délibéré pour savoir si le cardinal ne serait point arrêté lui-même. Son frère est gravement compromis; mais il est inutile d'ennuyer plus longtemps Votre Excellence. Je m'arrangerai de manière à faire le mieux possible, et je répondrai sur ma tête du salut de Leurs Majestés. Puisse Dieu mettre une prompte et heureuse fin à tous ces événements, et veuille Votre Excellence me croire, etc.

»HORACE NELSON.

A Son Excellence sir John Acton.

Sur ces entrefaites, le cardinal, ayant envoyé son frère à bord du Foudroyant, ne fut pas peu étonné de recevoir un billet de lui qui lui annonçait que l'amiral l'envoyait à Palerme pour porter à la reine la nouvelle que Naples était rendu selon ses intentions.

La lettre qui portait cette nouvelle se terminait par cette phrase:

«J'envoie tout à la fois à Votre Majesté, un messager et un otage.»

Comme on le voit, la récompense du dévouement ne s'était pas fait attendre.

Maintenant, que venait faire le frère du cardinal à bord du Foudroyant?

Il venait y rapporter, avec refus de l'imprimer et de l'afficher, cette note de Nelson, à laquelle, dans la situation des choses et après les promesses faites, le cardinal n'avait rien compris.

Voici cette note ou plutôt cette notification:

NOTIFICATION

«A bord du Foudroyant, 29 juin 1799, au matin.

»Horace Nelson, amiral de la flotte britannique, dans la rade de Naples, donne avis à tous ceux qui ont servi, comme officiers dans l'armée, ou comme officiers dans les charges civiles, l'infâme soi-disant république napolitaine, que, s'ils se trouvent dans la ville de Naples, ils doivent, dans le terme de vingt-quatre heures, pour tout délai, se présenter aux commandants du Château-Neuf et du château de l'Oeuf, se fiant en tous points à la clémence de Sa Majesté Sicilienne; et, s'ils sont hors de la ville à la distance de cinq milles, ils doivent également se présenter auxdits commandants, seulement, à ceux-ci, il est accordé le terme de quarante-huit heures; – autrement, ils seront considérés comme rebelles et ennemis de Sa susdite Majesté Sicilienne.

»HORACE NELSON.»

Mais, si étonné que fût le cardinal du billet de son frère, qui lui annonçait que milord Nelson l'envoyait à Palerme sans lui demander si c'était son bon plaisir d'y aller, il le fut bien davantage eu recevant cette lettre des patriotes:

A l'éminentissime cardinal Ruffo, vicaire général du royaume de Naples.

«Toute cette partie de la garnison qui, aux termes des traités, a été embarquée pour faire voile vers Toulon, se trouve à cette heure dans la plus grande consternation. Dans sa bonne foi, elle attendait l'exécution du traité, quoique peut-être, dans sa précipitation à sortir du château, toutes les clauses de cette capitulation n'aient pas été strictement observées. Maintenant, voici deux jours que le temps est propice pour mettre à la voile, et les approvisionnements ne sont pas encore faits pour le voyage. En outre, hier, nous avons vu, avec une profonde douleur, enlever, des tartanes, vers sept heures du soir, les généraux Manthonnet, Massa et Bassetti, – les présidents de la commission exécutive, Ercole et d'Agnese, – celui de la commission législative, Dominique Cirillo, – et plusieurs autres de nos compagnons, parmi lesquels Emanuele Borgo et Piati. Tous ont été conduits sur le bâtiment de l'amiral Nelson, où ils ont été retenus toute la nuit, et, finalement, où ils se trouvent encore maintenant, c'est-à-dire à sept heures du matin.

»La garnison attend de votre loyauté l'explication de ce fait et l'accomplissement loyal du traité.

»ALBANESE.

«De la rade de Naples, 29 juin 1799, six heures du matin.»

Un quart d'heure après, le capitaine Baillie et le chevalier Micheroux étaient près du cardinal, et celui-ci expédiait Micheroux à Nelson, en l'invitant à lui expliquer sa conduite, à laquelle il avouait ne rien comprendre, et en le suppliant, si son intention était celle qu'il craignait de deviner, de ne point faire une pareille tache non-seulement à son nom, mais encore au drapeau anglais.

Nelson ne fit que rire de la réclamation du chevalier Micheroux en disant:

–De quoi le cardinal se plaint-il? J'ai promis de ne pas m'opposer à l'embarquement de la garnison: j'ai tenu parole, puisque la garnison est embarquée. Maintenant qu'elle l'est, je suis dégagé de ma parole et je puis faire ce que je veux.

Et, comme le chevalier Micheroux lui faisait observer que l'équivoque qu'il invoquait était indigne de lui, le sang lui monta au visage d'impatience, et il ajouta:

–D'ailleurs, j'agis selon ma conscience, et j'ai carte blanche du roi.

–Avez-vous les mêmes pouvoirs de Dieu? lui demanda Micheroux. J'en doute.

–Ceci n'est point votre affaire, répliqua Nelson; c'est moi qui agis, et je suis prêt à rendre compte de mes actions au roi et à Dieu. Allez.

Et il renvoya le messager au cardinal, sans prendre la peine de lui faire une autre réponse et de voiler sa mauvaise foi sous une excuse quelconque.

En vérité, la plume tombe des mains de tout honnête homme forcé, par la vérité, à écrire de pareilles choses.

En recevant cette réponse du chevalier Micheroux, le cardinal Ruffo jeta un regard plein d'éloquence au ciel, prit une plume, écrivit quelques lignes, les signa et les expédia à Palerme par un courrier extraordinaire.

C'était sa démission qu'il envoyait à Ferdinand et à Caroline.

LXXX
DEUX HONNÊTES COMPAGNONS

Reprenons cette plume échappée à nos doigts: nous ne sommes pas au bout de notre récit, et le pire nous reste à raconter.

On se rappelle qu'au moment où Nelson reconduisait le cardinal, après la visite au Foudroyant, et échangeait avec lui un froid salut, résultat de la dissidence qui s'était élevée entre leurs opinions à l'endroit du traité, Emma Lyonna, posant la main sur l'épaule de Nelson, était venue lui dire que Scipion Lamarra, le même qui avait apporté au cardinal la bannière brodée par la reine et par ses filles, était à bord et l'attendait chez sir William Hamilton.

Comme l'avait prévu Nelson, Scipion Lamarra venait s'entretenir avec lui sur les moyens de s'emparer de Caracciolo, qui avait quitté sa flottille le jour même de l'apparition dans la rade de la flotte de la Grande-Bretagne.

On n'a pas oublié que la reine avait recommandé de vive voix à Emma Lyonna, et par écrit au cardinal, de ne faire aucune grâce à l'amiral Caracciolo, dévoué par elle à la mort.

Elle avait écrit dans les mêmes termes à Scipion Lamarra, un de ses agents les plus dévoués et les plus actifs, afin qu'il s'entendit avec Nelson sur les moyens à employer pour s'emparer de l'amiral Caracciolo, si l'amiral Caracciolo était en fuite au moment où Nelson entrerait dans le port.

Or, Caracciolo était en fuite, comme on l'a vu par la réponse du contre-maître de la chaloupe canonnière que l'amiral avait montée dans le combat du 13, lorsque Salvato, prévenu par Ruffo des dangers que courait l'amiral, s'était mis en quête de lui et était venu demander de ses nouvelles dans le port militaire.

Par un motif tout opposé, l'espion Lamarra avait fait les mêmes démarches que Salvato et était arrivé au même but, c'est-à-dire à savoir que l'amiral avait quitté Naples et cherché un refuge près d'un de ses serviteurs.

Il venait annoncer cette nouvelle à Nelson et lui demander s'il voulait qu'il se mît en quête du fugitif.

Nelson, non-seulement l'y engagea, mais encore lui annonça qu'une prime de quatre mille ducats était promise à celui qui livrerait l'amiral.

A partir de ce moment, Scipion jura que ce serait lui qui toucherait la prime, ou tout au moins la majeure partie de la prime.

S'étant présenté en ami, il avait appris des matelots tout ce que ceux-ci savaient eux-mêmes sur Caracciolo, c'est-à-dire que l'amiral avait cherché un refuge chez un de ses serviteurs de la fidélité duquel il croyait être certain.

Selon toute probabilité, ce serviteur n'habitait point la ville: l'amiral était un homme trop habile pour rester si près de la griffe du lion.

Scipion ne prit donc même point la peine de s'enquérir aux deux maisons que l'amiral possédait à Naples, l'une à Santa-Lucia, presque attenante à l'église, – et c'était celle-là qu'il habitait, – l'autre, rue de Tolède.

Non, il était probable que l'amiral s'était retiré dans quelqu'une de ses fermes, afin d'avoir devant lui la campagne ouverte, s'il avait besoin de fuir le danger.

Une de ces fermes était à Calvezzano, c'est-à-dire au pied des montagnes.

En homme intelligent, Scipion jugea que c'était dans celle-là que Caracciolo devait s'être réfugié. Là, comme nous l'avons dit, il avait, en effet, non-seulement la compagne, mais encore la montagne, ce refuge naturel du proscrit.

Scipion se fit donner un sauf-conduit de Nelson, revêtit un habit de paysan et partit avec l'intention de se présenter à la ferme de Calvezzano comme un patriote qui, fuyant la proscription, exténué qu'il était par la faim, écrasé qu'il était par la fatigue, aimait mieux risquer la mort que d'essayer d'aller plus loin.

Il entra donc hardiment à la ferme, et, feignant la confiance du désespoir, il demanda au fermier un morceau de pain et un peu de paille dans une grange.

Le prétendu fugitif joua si bien son rôle, que le fermier ne prit aucun soupçon; mais, au contraire, sous prétexte de s'assurer que personne ne l'avait vu entrer, le fit cacher dans une espèce de fournil, disant que, pour leur sûreté commune, il allait faire le tour de la ferme.

En effet, dix minutes après, il rentra avec un visage plus rassuré, le tira de sa cachette, le fit asseoir à la table de la cuisine, et lui donna un morceau de pain, un quartier de fromage et un fiasco de vin.

Scipion Lamarra se jeta sur le pain comme un homme affamé, mangeant et buvant avec tant d'avidité, que le fermier, en hôte compatissant, se crut obligé de l'inviter à se modérer, eu lui disant que le pain ni le vin ne lui manqueraient; qu'il pouvait donc boire et manger à loisir.

Comme Lamarra commençait à suivre ce conseil, un autre paysan entra, qui portait le même costume que le fermier, mais paraissait un peu plus âgé que lui.

Scipion fit un mouvement pour se lever et sortir.

–Ne craignez rien, dit le fermier: c'est mon frère.

En effet, le nouveau venu, après un salut d'homme qui est chez lui, prit un tabouret et alla s'asseoir dans un coin de la cheminée.

Le faux patriote remarqua que le frère du fermier choisissait le côté où il y avait le plus d'ombre.

Scipion Lamarra, qui avait vu l'amiral Caracciolo à Palerme, n'eut besoin que de jeter un regard sur le prétendu frère du fermier pour le reconnaître.

C'était François Caracciolo.

Dès lors, Scipion comprit toute la manoeuvre. Le fermier n'avait point osé le recevoir sans la permission de son maître; sous prétexte de voir si l'étranger n'était point suivi, il était sorti pour aller demander cette permission à Caracciolo, et Caracciolo, curieux d'apprendre des nouvelles de Naples, était entré dans la salle et était allé s'asseoir dans la cheminée, redoutant d'autant moins son hôte, que, d'après ce qui lui avait été rapporté, c'était un proscrit.

Aussi, au bout d'un instant:

–Vous venez de Naples? demanda-t-il à Scipion avec une indifférence affectée.

–Hélas! oui, répondit celui-ci.

–Que s'y passe-t-il donc?

 

Scipion ne voulait pas trop effrayer Caracciolo, de peur que, lui parti, il ne cherchât un autre asile.

–On embarque les patriotes pour Toulon, dit-il.

–Et pourquoi donc ne vous êtes-vous pas embarqué pour Toulon avec eux?

–Parce que je ne connais personne en France et qu'au contraire j'ai un frère à Corfou. Je vais donc tâcher de gagner Manfredonia et de m'y embarquer.

La conversation se borna là. Le fugitif paraissait tellement fatigué, que c'était pitié de le faire veiller plus longtemps: Caracciolo dit au fermier de le conduire à sa chambre, Scipion prit congé de lui avec de grandes protestations de reconnaissance, et, arrivé à sa chambre, pria son hôte de le réveiller avant le jour, afin qu'il pût continuer son chemin vers Manfredonia.

–Ce me sera d'autant plus facile, répondit celui-ci, qu'il faut que je me lève moi-même avant le jour pour aller à Naples.

Scipion ne fit aucune demande, ne risqua aucune observation; il savait tout ce qu'il voulait savoir, et le hasard, qui se fait parfois complice des grands crimes, le servait au delà de ses souhaits.

Le lendemain, à deux heures, le fermier entra dans sa chambre. En un instant, il fut debout, habillé, prêt à partir. Le fermier lui donna un petit paquet préparé d'avance: c'était un pain, un morceau de jambon, une bouteille de vin.

–Mon frère m'a chargé de vous demander si vous avez besoin d'argent, ajouta le fermier.

Scipion eut honte. Il tira sa bourse, qui contenait quelques pièces d'or, et la montra à son hôte; puis il se fit indiquer un chemin de traverse, prit congé de lui, le chargea de présenter tous ses remercîments à son frère et partit.

Mais à peine eut-il fait cent pas, qu'il changea de direction, contourna la ferme, et à un endroit où le chemin se resserrait entre deux collines, vint attendre le fermier, qui ne pouvait manquer de passer là en allant à Naples.

En effet, une demi-heure après, il distingua, au milieu des ténèbres qui commençaient à s'éclaircir, la silhouette d'un homme qui suivait le chemin de Calvezzano à Naples, et qu'il reconnut presque aussitôt pour son fermier.

Il marcha droit à lui: l'autre le reconnut à son tour et s'arrêta étonné.

Il était évident qu'il ne s'attendait pas à une pareille rencontre.

–C'est vous? lui demanda-t-il.

–Comme vous voyez, répondit Scipion.

–Que faites-vous ici, au lieu d'être sur la route de Manfredonia?

–Je vous attends.

–Dans quel but?

–Dans celui de vous dire que, par ordonnance de lord Nelson, il y et peine de mort pour quiconque cache un rebelle.

–En quoi cela peut-il m'intéresser? demanda le fermier.

–En ce que vous cachez l'amiral Caracciolo.

Le fermier essaya de nier.

–Inutile, dit Scipion, je l'ai reconnu: c'est l'homme que vous voulez faire passer pour votre frère.

–Ce n'est pas tout ce que vous avez à me dire? demanda le fermier avec un sourire à l'expression duquel il n'y avait pas à se tromper.

C'était le sourire d'un traître.

–C'est bien, dit Scipion, je vois que nous nous entendrons.

–Combien vous a-t-on promis, demanda le fermier, si vous livriez l'amiral Caracciolo?

–Quatre mille ducats, dit Scipion.

–Y en a-t-il deux mille pour moi?

–Vous avez la bouche large, l'ami!

–Et cependant je ne l'ouvre qu'à moitié.

–Vous vous contenterez de deux mille ducats?

–Oui, si l'on ne se préoccupe pas trop de ce que l'amiral peut avoir d'argent chez moi.

–Et si l'on n'en passe point par où vous voulez?

Le fermier fit un bond en arrière, et, du même coup, tira un pistolet de chacune de ses poches.

–Si l'on ne passe point par où je veux, dit-il, je préviens l'amiral, et, avant que vous soyez à Naples, nous serons assez loin pour que vous ne nous rejoigniez jamais.

–Venez ici, mon camarade: je ne peux et surtout je ne veux rien faire sans vous.

–Ainsi, c'est convenu?

–Pour ma part, oui; mais, si vous voulez vous fier à moi, je vous mènerai en face de quelqu'un avec qui vous pourrez discuter vos intérêts et qui, je vous en réponds, sera coulant sur vos exigences?

–Comment nommez-vous celui-là?

–Milord Nelson.

–Oh! oh! j'ai entendu dire à l'amiral Caracciolo que milord Nelson était son plus grand ennemi.

–Il ne se trompait pas. Voilà pourquoi je puis vous répondre que milord ne marchandera point avec vous.

–Alors, vous venez de la part de l'amiral Nelson?

–Je viens de plus loin.

–Allons, allons, dit le fermier, comme vous l'avez dit, nous nous entendrons à merveille. Venez.

Et les deux honnêtes compagnons continuèrent leur chemin vers Naples.

6Nelson appelle petites et mesquines cabales l'insistance du cardinal pour faire respecter le traité, et sottes plaintes les réclamations des patriotes! Cela prouve le cas que faisait Nelson de la parole des rois et de la vie des hommes.
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