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Nouveaux mystères et aventures

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Chapitre VIII

Le Bar Colonial était le rendez-vous favori des habitants de l’Écluse de Harvey pendant leurs moments de loisir.

Il y avait eu une vive concurrence entre ce Bar et l’établissement rival appelé L’Épicerie, et qui, en dépit de son innocente dénomination, aspirait à vendre aussi des rafraîchissements spiritueux.

L’introduction de chaises dans ce dernier avait fait apparaître dans le premier un divan. Des crachoirs furent introduits au Bar, le jour où un tableau fit son entrée à l’Épicerie, et alors, comme le dirent les clients, la première manche fut gagnée.

Toutefois, l’Épicerie ayant arboré des rideaux, pendant que son concurrent inaugurait un cabinet particulier et un miroir, il fut décidé que ce dernier avait gagné la partie, et l’Écluse de Harvey montra combien elle appréciait le zèle du propriétaire en retirant sa clientèle à son adversaire.

Bien que le premier venu eût le droit de s’aventurer dans le Bar et de se prélasser sous le papillotement de ses bouteilles aux couleurs variées, il était admis tacitement, mais généralement, que le cabinet particulier ou boudoir était réservé à l’usage des citoyens les plus en vue.

C’était dans cette pièce que se réunissaient les comités, qu’étaient conçues et mises au monde d’opulentes compagnies, que se faisaient ordinairement les enquêtes.

Cette dernière cérémonie, j’ai le regret de le dire, était assez fréquente à l’Écluse, vers 1861, et les conclusions du coroner se faisaient parfois remarquer par une saveur et une originalité fort piquantes.

Pour n’en citer qu’un exemple, quand Burke le Pourfendeur, un bandit de notoriété, fut abattu d’un coup de feu par un jeune médecin aux façons tranquilles, un jury sympathique déclara: «que le défunt avait rencontré la mort dans une tentative imprudente qu’il avait faite pour arrêter dans son trajet une balle de pistolet».

Dans le camp, on regarda ce verdict comme un chef-d’œuvre de jurisprudence, en ce qu’il déchargeait le coupable, tout en respectant rigoureusement, incontestablement, la vérité.

Ce soir-là, il y avait dans le petit salon une réunion de notabilités, quoiqu’elles n’y eussent point été amenées par une cérémonie pathologique de ce genre.

Il était survenu en ces derniers temps maints changements qui méritaient discussion et c’était dans cette pièce, somptueusement meublée d’un divan et d’un miroir, que l’Écluse de Harvey avait coutume d’échanger ses idées.

Les habitudes de propreté, qui commençaient à s’établir dans la population, causaient encore quelque agitation dans les esprits de plusieurs.

Puis, il y avait des commentaires à faire sur miss Sinclair, ses allées et venues, sur le filon riche du Conemara, sur les bruits récents relatifs aux coureurs de la brousse.

Il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que les notables de la ville se fussent réunis au Bar Colonial.

Les coureurs de la Brousse étaient en ce moment-là l’objet de la discussion.

Depuis quelques jours, on parlait de leur présence et la colonie éprouvait un sentiment de malaise.

La crainte physique est chose peu connue à l’Écluse de Harvey.

Les mineurs se seraient mis en campagne pour faire une chasse à mort aux brigands et ils s’y seraient livrés avec autant d’entrain que s’il s’était agi de tuer un même nombre de Kangourous.

Ce qui causait leur inquiétude, c’était la présence d’une grande quantité d’or dans la ville.

Ils étaient décidés à mettre en sûreté à tout prix le fruit de leur travail.

Des messages avaient été envoyés à Buckhurst pour faire venir tous les soldats disponibles.

En attendant, la rue principale de l’Écluse était parcourue chaque nuit par des patrouilles de bonne volonté.

La panique avait augmenté de nouveau à la suite des nouvelles rapportées le jour même par Jim Struggles.

Jim était d’un caractère ambitieux et entreprenant, et après avoir passé quelque temps à considérer avec dégoût le résultat de son travail de la dernière semaine, il avoir secoué, métaphoriquement s’entend, la poussière de l’argile de l’Écluse, et était parti pour les bois dans l’intention de prospecter aux environs jusqu’à ce qu’il trouvât un endroit à sa convenance.

Jim racontait qu’étant assis sur un tronc d’arbre tombé et en train de prendre son repas de midi, composé de liquide et de lard rance, son oreille exercée avait perçu le bruit de sabots de chevaux.

Il avait eu à peine le temps de s’allonger à terre derrière l’arbre qu’une troupe de cavaliers traversa le bois et passa à un jet de pierre de lui.

– Il y avait là Bill Smeaton et Murphy Duff, dit-il.

C’étaient les noms de deux bandits bien connus.

«Il y en avait trois autres que je n’ai pas très bien vus. Ils ont pris la piste de droite. Ils avaient l’air d’être partis en expédition pour tout de bon, leurs fusils en main.

Jim fut soumis ce soir-là à un interrogatoire minutieux, mais rien ne put le faire varier dans sa déposition ni ajouter quelque clarté à ce qu’il avait vu.

Il raconta l’histoire plusieurs fois et à de longs intervalles, mais bien qu’il y eut peut-être d’agréables variations dans les détails, les faits essentiels restaient toujours les mêmes.

La chose commençait à prendre une tournure sérieuse.

Il y en eut toutefois qui exprimèrent bruyamment leurs doutes au sujet de l’existence de coureurs de la brousse.

Parmi ceux qui se firent ainsi le plus remarquer, était un jeune homme, perché sur un baril, au milieu de la pièce.

C’était évidemment un des membres influents de la population.

Nous avons déjà vu cette chevelure noire et bouclée, cet œil sans éclat, cette lèvre cruelle, chez Tom Ferguson le Noir, prétendant évincé de miss Sinclair.

Il était aisé de le distinguer du reste de l’assemblée, grâce à son complet à carreaux et à d’autres indices d’un caractère efféminé, que fournissait son costume et qui auraient pu lui procurer une fâcheuse réputation; mais, comme l’associé d’Abe, il s’était fait de bonne heure connaître pour un homme capable de tout sans en avoir l’air.

Dans la circonstance actuelle, il paraissait être jusqu’à un certain point sous l’influence de la boisson, fait fort rare chez lui, et qu’il fallait probablement mettre sur le compte de son échec récent.

Il mettait un véritable emportement à combattre Jim Struggles et son récit.

– C’est toujours la même chose, disait-il, qu’un homme rencontre dans la forêt quelques voyageurs, il n’en faut pas davantage pour qu’il perde la tête et vienne raconter des histoires de coureurs de la brousse. S’ils avaient aperçu Jim Struggles en cet endroit, ils seraient partis avec des histoires à n’en plus finir, d’un coureur de Brousse vu par eux derrière un arbre. Quant à reconnaître des hommes qui vont à cheval, et vite, parmi des troncs d’arbres, c’est une impossibilité.

Mais Struggles s’obstinait à soutenir sa première assertion, et les sarcasmes, les arguments se brisaient sur l’épaisseur invulnérable de sa placidité.

On remarqua que Ferguson avait l’air singulièrement ennuyé de toute cette affaire.

On eût dit aussi que quelque chose pesait sur son esprit, car de temps à autre il se levait brusquement, arpentait la pièce en long et en large, sa figure brune animée d’une expression très menaçante.

Tous éprouvèrent un vrai soulagement, quand il prit brusquement son chapeau, et disant sèchement bonsoir à la compagnie, il sortit, traversa le bar et s’en alla par la rue.

– Il a l’air comme qui dirait désappointé, dit Mac Coy le Long.

– Il ne peut pas avoir peur des coureurs de la brousse, assurément, dit Joe Shamees, autre personnage d’importance et principal actionnaire de l’Eldorado.

– Non, ce n’est pas un homme à avoir peur, répondit un autre. Voici un jour ou deux qu’il a l’air tout singulier. Il fait de longues tournées dans les bois sans emporter aucun outil. On dit que la fille de l’essayeur l’a envoyé promener.

– Elle a parfaitement bien fait. Elle est bien trop jolie pour lui, remarquèrent plusieurs voix.

– Ce serait bien drôle qu’il n’eut pas un autre tour dans son sac. C’est un homme difficile à battre quand il s’est mis quelque chose en tête.

– Abe Durton est le cheval gagnant, remarqua Roulahan, un petit Irlandais barbu. Je parie sept contre quatre pour lui.

– Vous tenez donc bien à perdre votre argent, l’ami, dit un jeune homme en riant. Il lui faut un homme qui eût plus de cervelle que «Les Os» n’en eut jamais. Voulez-vous parier?

– Qui a vu «Les Os» aujourd’hui? demanda Mac Coy.

– Je l’ai vu, dit le jeune mineur. Il allait de tous côtés, demandant un dictionnaire. Probablement il avait une lettre à écrire.

– Je l’ai vu en train de le lire, dit Shamees. Il est venu me trouver et m’a dit qu’il avait trouvé du premier coup quelque chose de bon. M’a montré un mot presque aussi long que votre bras… abdiquer… quelque chose dans ce genre.

– C’est aujourd’hui un richard, je suppose, conclut l’Irlandais.

– Oui, il a presque fait son magot. Il possède cent pieds dans le Conemara et les actions montent d’heure en heure. S’il vendait, il serait en état de retourner au pays.

– Je parie qu’il compte emmener quelqu’un au pays avec lui, dit un autre. Le vieux Joshua ne ferait pas de difficulté, vu que l’argent est là.

Je crois avoir déjà rapporté dans ce récit que Jim Struggles, le prospecteur ambulant, s’était fait la réputation d’homme spirituel du camp.

Il avait conquis cette réputation non seulement par ses propos légers et plaisants, mais encore par la conception et l’exécution de farces plus compliquées.

Son aventure du matin avait causé une certaine stagnation dans le cours habituel de son humour, mais la société et la boisson le remettaient peu à peu dans un état plus gai.

Depuis le départ de Ferguson, il avait couvé en silence une idée, qu’il se disposait à exposer à ses compagnons attentifs.

 

– Dites donc, les enfants, commença-t-il, quel jour sommes-nous?

– Vendredi, n’est-ce pas?

– Non, non, pas ça; quel jour du mois?

– Le diable m’emporte si je le sais.

– Eh bien! je vais vous le dire. Nous sommes au premier avril. J’ai trouvé dans la cabane un calendrier qui le dit.

– Qu’est-ce que ça fait? firent plusieurs voix.

– Eh bien, ne le savez-vous pas? C’est le jour des farces. Ne pourrions-nous pas en arranger une pour quelqu’un? Ne pourrions-nous pas nous en divertir un peu? Eh bien, voilà le vieux «Les Os» par exemple, il ne se méfiera de rien. Ne pourrions-nous pas le faire aller quelque part et le regarder marcher. Nous aurions ensuite de quoi le blaguer pendant un grand mois.

Il y eut un murmure général d’assentiment.

Une farce, si piteuse qu’elle fût, était toujours bienvenue à l’Écluse.

Plus l’esprit en était pataud, plus elle était appréciée. Dans les fosses d’exploitation, on ne va point jusqu’à une délicatesse morbide de sensation.

– Où l’enverrons-nous? se demanda-t-on.

Depuis un instant, Jim Struggles était plongé dans ses pensées.

Puis une inspiration sacrilège parut lui venir.

Il partit d’un bruyant éclat de rire, se frotta les mains entre les genoux tant il était content.

– Eh bien! Qu’est-ce que c’est? demanda l’auditoire empressé.

– Voici, les enfants. Voilà miss Sinclair. Vous disiez qu’Abe en est fou. Vous pensez bien qu’elle ne fait pas grand cas de lui. Supposez que nous lui écrivions un billet, que nous le lui envoyions ce soir, voyez-vous.

– Eh bien, quoi alors? dit Mac Coy.

– Eh bien, on dirait que le billet vient d’elle. On mettrait son nom en bas. On mettrait qu’elle veut le voir et qu’elle lui donne un rendez-vous à minuit dans le jardin. Il ne manquera pas d’y aller. Il croira qu’elle veut se sauver avec lui. Ce sera la plus belle farce jouée cette année.

Éclat de rire général.

L’évocation de ce tableau: l’honnête «Les Os» faisant le pied de grue au clair de lune dans le jardin et le vieux Joshua sortant pour le réprimander, un fusil à deux coups à la main: c’était d’un comique irrésistible.

Le plan fut approuvé à l’unanimité.

– Voici un crayon, et voici du papier, dit l’humoriste. Qui est-ce qui va écrire la lettre?

– Écrivez-la vous-même, Jim, dit Shamees.

– Bon, qu’est-ce que je dirai?

– Dites ce qui vous paraîtra convenable.

– Je ne sais pas comment elle s’exprimerait, dit Jim en se grattant le front, fort perplexe. Il est vrai que «Les os» ne s’apercevra pas de la différence. Et ceci fera-t-il l’affaire: «Cher vieux, venez ce soir à minuit, au jardin. Autrement je ne vous adresserai plus la parole.» Hein?

– Non, ce n’est pas le style qu’il faut, dit le jeune mineur. Rappelez-vous que c’est une demoiselle qui a reçu de l’éducation… Faut mettre ça comme qui dirait dans un genre fleuri, bien tendre.

– Eh bien, écrivez ça vous-même, dit Jim sur un ton maussade en lui faisant passer le crayon.

– Voici ce qu’il faut, dit le mineur en mouillant la pointe avec ses lèvres: «Quand la lune est dans le ciel…»

– C’est bien ça, c’est magnifique, fit l’assistance.

– «Et que les étoiles envoient leur éclat brillant, venez, oh! venez me trouver, Adolphus, à la porte du jardin, à minuit.»

– Il ne s’appelle pas Adolphus, objecta un critique.

– C’est comme ça qu’on fait en poésie, dit le mineur; c’est comme qui dirait fantastique, voyez-vous. Ça vous a un autre son que Abe. Rapportez-vous en à lui pour deviner ce que ça veut dire. Je vais signer ça Carrie. Voilà!

Cette épître passa gravement de main en main et fit le tour de la chambre.

On la contempla avec le respect dû à une production aussi remarquable du cerveau de l’homme.

Elle fut ensuite pliée et confiée aux soins d’un petit garçon, qui reçut, avec accompagnement de terribles menaces, l’ordre de la porter à la cabane et de s’esquiver avant qu’on eût le temps de lui poser des questions embarrassantes.

Ce fut seulement quand il eut disparu dans l’obscurité qu’un peu, bien peu de componction se fit jour dans l’âme d’un ou deux assistants.

– Et n’est-ce pas jouer un assez vilain tour à la demoiselle? dit Shamees.

– Et se montrer assez cruel pour le vieux «Les Os», suggéra un autre.

Mais la majorité passa outre à ces objections, qui furent noyées complètement sous une nouvelle tournée de whisky.

L’on ne songeait presque plus à la chose au moment où Abe reçut la missive et se mit à l’épeler, le cœur palpitant, à la lueur de sa chandelle solitaire.

Chapitre IX

Cette nuit-là a laissé un long souvenir à l’Écluse de Harvey.

Une brise capricieuse descendait des montagnes lointaines, en gémissant et soupirant sur les claims déserts.

Des nuages noirs passaient rapidement sur la lune, jetant leur ombre sur le paysage terrestre et ensuite laissant reparaître la lueur argentée, froide, claire, sur la petite vallée, baignant d’une lumière étrange, mystérieuse, la vaste étendue de la Brousse qui se développait des deux côtés.

Une grande solitude semblait reposer sur la face de la Nature.

Les gens se rappelèrent plus tard cette atmosphère fantastique, magique, qui enveloppait la petite ville.

Il faisait très noir, quand Abe quitta sa petite cabane.

Son associé, le patron Morgan, était encore absent, resté dans la brousse, de sorte qu’à part la toujours vigilante Blinky, il n’y avait pas un être vivant qui pût épier ses allées et venues.

Il éprouvait une douce surprise, en son âme simple, à songer que les doigts mignons de son ange avaient pu tracer ces grands hiéroglyphes alignés, mais le nom était au bas, et cela lui suffisait.

Elle le demandait. Peu importait pourquoi; et ce rude mineur partait à l’appel de son amour, avec l’héroïsme d’un chevalier errant.

Il gravit tant bien que mal la route montante et tortueuse qui conduisait à la villa des Azalées.

Un petit massif d’arbrisseaux et de buisson se dressait à environ cinquante yards de l’entrée du jardin.

Abe s’y arrêta un instant pour reprendre sa présence d’esprit.

Il était à peine minuit et il n’avait devant lui que quelques minutes. Il s’assit sous leur voûte sombre et épia la maison blanche qui se dessinait vaguement devant lui.

C’était une maisonnette bien simple aux yeux d’un prosaïque mortel, mais elle était enveloppée, pour ceux de l’amoureux, d’une atmosphère de respect et de vénération.

Le mineur, après cette station à l’ombre des arbres, se dirigea vers la porte du jardin.

Il n’y avait personne.

Évidemment il était venu un peu trop tôt.

À ce moment, la lune brillait de tout son éclat et l’on voyait les environs aussi clairement qu’en plein jour. Abe regarda de l’autre côté de la petite villa et vit la route, qui apparaissait comme une ligne blanche et tortueuse, jusqu’au sommet de la côte.

Si quelqu’un s’était trouvé là pour l’épier, il eût pu voir sa carrure d’athlète se dessiner nettement, en contour précis.

Alors il eut un mouvement brusque, comme s’il venait de recevoir une balle, et il chancela, s’appuya à la petite porte qui se trouvait près de lui.

Il avait vu une chose qui fit pâlir encore sa figure tannée par le soleil, et déjà pâlie à la pensée de la jeune fille qui était si près de lui.

À l’endroit même où la route faisait une courbe, et à moins de deux cents yards de distance, il voyait une masse noire se mouvant sur la courbe et perdue dans l’ombre de la colline.

Cela ne dura qu’un moment, mais ce moment suffit à son coup d’œil exercé de forestier, à sa rapidité de perception, pour se rendre compte de la situation dans tous ses détails.

C’était une troupe de cavaliers qui se dirigeaient vers la villa, et quels pouvaient être ces cavaliers nocturnes, sinon les gens qui terrifiaient le pays forestier, les redoutés coureurs de la Brousse.

Abe était, il faut le dire, d’une intelligence lente et se mouvait lourdement dans les circonstances ordinaires.

Mais à l’heure du danger, il était aussi remarquable par son sang-froid et sa résolution que par sa promptitude à agir d’une manière décisive.

Tout en s’avançant à travers le jardin, il calcula les chances qu’il avait contre lui.

Selon l’évaluation la plus modérée, il avait une demi-douzaine d’adversaires, tous gens déterminés à tout et ne redoutant rien.

Il s’agissait de savoir s’il pourrait les tenir pendant un instant en échec et les empêcher de pénétrer par force dans la maison.

Nous avons déjà dit que des sentinelles avaient été postées dans la rue principale de la ville. Abe se dit qu’il arriverait de l’aide moins de dix minutes après le premier coup de feu.

S’il s’était trouvé dans l’intérieur de la maison, il aurait été sûr de tenir bon plus longtemps que cela. Mais les coureurs de la Brousse arriveraient sur lui avant qu’il eût pu réveiller les habitants endormis et se faire ouvrir.

Il devait se résigner à faire de son mieux.

En tout cas, il prouverait à Carrie que s’il ne savait pas lui parler, il était du moins capable de mourir pour elle.

Cette idée fit passer en lui une vraie flamme de plaisir, pendant qu’il rampait dans l’ombre de la maison.

Il arma son révolver: l’expérience lui avait appris l’avantage d’être le premier à tirer.

La route par laquelle arrivaient les coureurs de la Brousse aboutissait à une porte de bois donnant sur le haut du petit jardin de l’essayeur.

Cette porte était flanquée à gauche et à droite d’une haute haie d’acacia, et s’ouvrait sur une courte allée bordée également d’une muraille infranchissable d’arbustes épineux.

Abe connaissait parfaitement la disposition des lieux.

À son avis, un homme résolu pouvait barrer le passage pendant quelques minutes, jusqu’au moment où les assaillants se feraient jour par quelque autre endroit et le prendraient par derrière.

En tout cas, c’était sa chance la plus favorable.

Il passa devant la porte de la façade, mais s’abstint de donner l’alarme.

Sinclair était un homme assez avancé en âge et ne pouvait lui être bien utile dans un combat désespéré comme celui auquel il s’attendait, et l’apparition de lumières dans la maison avertirait les brigands de la résistance qu’on se préparait à leur faire.

Ah! que n’avait-il auprès de lui son associé, le patron, Chicago Bill, n’importe lequel des vaillants hommes qui auraient accouru à son appel et se seraient rangés à ses côtés en une pareille lutte!

Il fit demi-tour dans l’étroite allée.

Voici la porte de bois qu’il connaissait très bien, et là-haut, perché sur la traverse, un homme, dans une attitude languissante, balançait ses jambes, et épiait sur la route qui s’étendait devant lui; c’était master John Morgan, celui-là même qu’Abe appelait du plus profond de son cœur.

Le temps manquait pour de longues explications.

En quelques mots hâtifs, le patron dit qu’en revenant de sa petite excursion, il avait croisé les coureurs de la Brousse partis à cheval pour leur expédition ténébreuse.

Il avait surpris des propos qui lui avaient fait connaître le but.

En courant à toutes jambes, et grâce à sa connaissance du pays, il était parvenu à les devancer.

– Pas le temps de donner l’alarme, expliqua-t-il, tout haletant de son récent effort, il faut les arrêter nous-mêmes. Pas venu pour faire le galant… venu pour votre jeune fille… N’arriveront que par-dessus nos corps, «Les Os».

Et après ces quelques mots jetés d’une voix entrecoupée, ces deux amis si étrangement assortis se donnèrent une poignée de main, échangèrent un regard de profonde affection pendant que la brise parfumée des bois leur apportait le bruit des pas des chevaux.

Il y avait six brigands en tout.

L’un d’eux, qui paraissait être le chef, marchait en avant.

Les autres venaient derrière, formant un groupe.

Arrivés devant la maison, ils mirent leurs chevaux à l’attache à un petit arbre, après quelques mots dits à voix basse par leur capitaine, et s’avancèrent avec assurance vers la porte.

Le patron Morgan et Abe étaient accroupis dans l’ombre de la haie, tout au bout de l’allée.

Ils étaient invisibles pour les bandits, qui évidemment s’attendaient à ne rencontrer qu’une faible résistance dans cette maison isolée.

Comme l’homme de tête, qui s’était avancé, se tournait à moitié pour donner un ordre à ses camarades, les deux amis reconnurent le profil dur et la grosse moustache de Ferguson le Noir, le prétendant refusé par miss Carrie Sinclair.

 

L’honnête Abe jura mentalement que celui-là du moins n’arriverait pas vivant jusqu’à la porte.

Le bandit s’avança jusqu’à cette porte et mit la main sur le loquet.

Il sursauta en entendant une voix de stentor crier: «Arrière» du milieu des buissons.

En guerre, comme en amour, le mineur était homme peu bavard.

– On ne passe pas par ici, expliqua une autre voix au timbre d’une tristesse et d’une douceur infinie, ainsi qu’elle l’était toujours quand son possesseur avait le diable dans le corps.

Le coureur de la Brousse reconnut cette voix: il se rappelait l’allocution prononcée d’une voix molle et languissante qu’il avait entendue dans la salle de billard des Armes de Buckhurst, allocution qui s’était terminée comme suit.

Le doux orateur s’était adossé à la porte, avait sorti un révolver et avait demandé à voir le filou qui aurait l’audace de se frayer un passage.

– C’est ce maudit imbécile de Durton, et son ami à la face blanche, dit-il.

Ces deux noms étaient fort connus à la ronde.

Mais les coureurs de la Brousse étaient des hommes téméraires et décidés à tout.

Ils avancèrent en masse jusqu’à la porte.

– Débarrassez le passage, dit leur chef d’un ton farouche, à demi-voix, vous ne pouvez sauver la demoiselle. Allez-vous en sans une balle dans la peau, puisqu’on vous en laisse la chance.

Les associés répondirent par leur rire.

– Alors au diable! avancez.

La porte s’ouvrit largement et la troupe tira une salve tout en poussant et fit un effort énergique pour pénétrer dans l’allée sablée.

Les revolvers firent un bruit joyeux dans le silence de la nuit entre les buissons, à l’autre bout.

Il était malaisé de tirer avec justesse dans les ténèbres.

Le second homme fit un bond convulsif en l’air et tomba la face en avant, les bras étendus. Il se tordit affreusement au clair de lune.

Le troisième fut touché à la jambe et s’arrêta.

Les autres en firent autant, par esprit d’imitation.

Après tout, la demoiselle n’était pas pour eux et ils mettaient peu d’entrain à la besogne.

Leur capitaine s’élança furieusement en avant, comme un courageux bandit qu’il était, mais il fut accueilli par un coup formidable que lui porta Abe, avec la crosse de son pistolet, coup lancé avec une telle violence qu’il recula en chancelant parmi ses compagnons, le sang ruisselant de sa mâchoire brisée, mis hors d’état de lancer un juron au moment même où il en sentait le besoin le plus urgent.

– Ne partez pas encore, dit la voix partant des ténèbres.

Mais ils n’avaient nullement l’intention de partir tout de suite.

Quelques minutes devaient s’écouler, ils le savaient, avant qu’ils eussent sur eux les gens de l’Écluse de Harvey.

Ils avaient encore le temps d’enfoncer la porte s’ils pouvaient venir à bout des défenseurs.

Ce que redoutait Abe se réalisa.

Ferguson le Noir connaissait la maison aussi bien que lui.

Il courut de toute sa vitesse le long de la haie. Les cinq hommes s’y frayaient passage à grand bruit partout où il paraissait y avoir une ouverture.

Les deux amis échangèrent un regard.

Leur flanc était tourné. Ils restèrent là, pareils à des gens qui connaissent le sort qui les attend et ne craignent pas de l’affronter.

Il y eut une mêlée furieuse de corps noirs au clair de lune, pendant qu’éclatait un cri sonore d’encouragement lancé par des voix connues.

Les farceurs de l’Écluse de Harvey se trouvaient en présence d’une situation bien plus extraordinaire que la mystification à laquelle ils venaient assister.

Les associés virent près d’eux des figures amies, Shamees, Struggles, Mac Coy.

Il y eut une reprise désespérée, un corps à corps décisif, un nuage de fumée d’où partaient des coups de feu, des jurons farouches et, quand il se dissipa, on vit une ombre noire s’enfuir toute seule pour sauver sa vie, en franchissant l’ouverture de la haie.

C’était le seul des coureurs de la Brousse qui fût resté debout.

Mais les vainqueurs ne jetèrent aucun cri de triomphe.

Un silence étrange régna parmi eux, suivi d’un murmure compatissant, car en travers du seuil qu’il avait défendu si vaillamment, gisait le pauvre Abe, l’homme au cœur loyal et simple.

Il respirait péniblement, car une balle lui avait traversé les poumons.

On le porta dans la maison, avec tous les ménagements dont étaient capables ces rudes mineurs.

Il y avait là, j’en suis sûr, des hommes qui auraient voulu avoir reçu sa blessure, s’ils avaient pu ainsi gagner l’amour de cette jeune fille vêtue de blanc qui se penchait sur le lit taché de sang, et lui disait à demi-voix des paroles si douces et si tendres.

Cette voix parut le ranimer.

Il ouvrit ses yeux bleus, au regard de rêve, et les promena autour de lui: ils se portèrent sur cette figure.

– Perdu la partie, murmura-t-il, pardon, Carrie, morib…

Et, avec un sourire languissant, il se laissa aller sur l’oreiller.

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