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Le magasin d'antiquités. Tome I

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S'il y avait possibilité de fuir sans être vus, c'était bien le moment. Short était en train de manier vigoureusement le bâton pour faire le moulinet et d'en cogner les figures de bois, dans la chaleur du combat, contre les parois du théâtre; les spectateurs suivaient en riant ces évolutions, et M. Codlin lui-même se laissait aller à un sourire aussi laid que lui, tandis que son regard scrutateur épiait le mouvement des mains qui se plongeaient dans les poches des gilets et y cherchaient discrètement les pièces de dix sous. S'il y avait possibilité de fuir sans être vus, c'était bien le moment. Nelly et son grand-père saisirent l'occasion et s'enfuirent.

Ils se faufilèrent à travers les baraques, les voitures et la multitude, sans s'arrêter un instant pour retourner la tête. La cloche tintait, et le champ de courses était libre lorsqu'ils atteignirent la corde; ils la franchirent sans prendre garde aux cris et aux réclamations qui s'élevaient de toutes parts contre la liberté qu'ils prenaient de violer la sainteté de cette barrière, et, gagnant d'un pas rapide le sommet de la colline, ils se trouvèrent en rase campagne.

CHAPITRE XX

Chaque jour, en revenant au logis, après avoir fait quelque nouvel effort pour trouver du travail, Kit levait ses yeux vers la fenêtre de la petite chambre où si souvent il avait salué Nelly, et il espérait y apercevoir quelque indice de sa présence. Ce voeu ardent, fortifié de l'assurance que lui avait donnée Quilp, lui persuadait que Nelly viendrait enfin réclamer l'asile qu'il lui avait offert: son espérance, éteinte chaque soir, renaissait chaque matin.

«Mère, disait-il avec un soupir en posant son chapeau d'un air découragé, je pense qu'ils arriveront certainement demain. Voilà bien une semaine qu'ils sont partis… Sûrement ils ne pourront rester loin de nous plus d'une semaine; ne le pensez-vous pas?»

La mère secoua la tête et lui rappela combien déjà il avait éprouvé de mécomptes à cet égard.

«Pour cela, dit Kit, vous avez bien raison, comme toujours, ma mère. Cependant, il me semble qu'une semaine employée à errer partout, c'est bien assez long. Est-ce que vous ne le croyez pas?

– C'est assez long, Kit, plus long même qu'il ne le faudrait.

Pourtant ils ne sont pas revenus.»

Kit éprouva presque de l'humeur de cette contradiction; il ne pouvait pourtant pas se dissimuler que cette réflexion était parfaitement juste et qu'il l'avait faite déjà lui-même. Mais ce mouvement de contrariété n'eut que la durée d'un moment; et avant que le jeune homme eût fait le tour de la chambre, son regard fâché redevint doux et bon comme à l'ordinaire.

«Alors, demanda-t-il, ma mère, que peut-il leur être arrivé?

Croyez-vous qu'ils se soient embarqués, par hasard?

– Pas pour se faire mousses, toujours, répondit la mère avec un sourire. Cependant je ne puis m'empêcher d'imaginer qu'ils sont partis à l'étranger.

– Mère, s'écria Kit d'un ton lamentable, ne me dites pas cela, je vous en prie.

– Je crains pourtant qu'ils ne l'aient fait, voilà la vérité. Tous les voisins le disent comme moi; il y en a même qui affirment qu'on les a vus à bord d'un bâtiment et qui vont jusqu'à dire vers quel lieu ils se dirigent. Quant à moi, c'est plus que je n'en pourrais dire: le nom même qu'ils donnent à ce pays est trop difficile à prononcer pour moi.

– Je ne crois pas cela. Je n'en crois pas un mot!.. Un tas de chipies, de commères! Qu'est-ce qu'elles en peuvent savoir?..

– Elles se trompent peut-être; je ne puis pas dire non, quoiqu'il me semble qu'elles peuvent aussi n'avoir pas tout à fait tort; car le bruit court que le vieillard a emporté une somme dont personne n'avait connaissance, pas même ce vilain petit homme dont vous m'avez parlé. Comment donc s'appelle-t-il?.. Quilp… On dit que miss Nell et son grand-père sont allés demeurer loin pour qu'on ne leur enlevât point cet argent et qu'on les laissât tranquilles. Tout cela n'est pas si invraisemblable, qu'en dites-vous?»

Kit se gratta tristement la tête, obligé malgré lui de reconnaître qu'il y avait bien là quelque apparence de vérité. Il grimpa ensuite jusqu'au vieux clou auquel était accrochée la cage, la prit, la nettoya et donna à manger à l'oiseau. Sa pensée le ramena en ce moment au souvenir du petit vieillard qui lui avait donné un schelling; il se rappela tout à coup que c'était le jour même, l'heure même à laquelle le gentleman avait dit qu'il se trouverait de nouveau devant la maison du notaire. Cette idée ne lui fut pas plutôt venue, qu'il se hâta de remettre la cage à son clou, et qu'expliquant rapidement à sa mère la raison de son départ précipité, il courut de toute la vitesse de ses jambes à son rendez-vous.

C'était à une distance considérable de chez lui: il n'y arriva que deux minutes après l'heure fixée; mais, par un bonheur inespéré, le vieux petit monsieur ne s'y trouvait pas encore; du moins, aucune chaise attelée d'un poney n'était visible à l'oeil nu et il n'y avait pas à présumer que la voiture fût partie sitôt. Heureux de penser qu'il n'était pas arrivé trop tard, Kit s'appuya pour reprendre haleine contre un lampadaire et attendit l'arrivée du poney et de sa société.

Justement, au bout de peu de temps, le poney apparut tournant le coin de la rue, avec l'air aussi entêté que peut l'avoir un poney, posant ses pieds avec précaution comme s'il cherchait les places les plus propres afin d'éviter la poussière, et qu'il ne voulût pas se presser d'une manière inconvenante. Derrière le poney, était assis le vieux petit gentleman, auprès duquel se trouvait la vieille petite dame, portant un aussi gros bouquet que la fois précédente.

Le vieux monsieur, la vieille dame, le poney et la chaise descendirent la rue avec un ensemble parfait jusqu'au moment où ils arrivèrent à une demi-douzaine de portes avant la maison du notaire. Là, le poney, trompé par une plaque de cuivre qui se trouvait au-dessous du marteau d'un tailleur, fit halte, et soutint par son silence obstiné que c'était bien là la maison où l'on devait aller.

«Voyons, monsieur, dit le vieux gentleman, voulez-vous avoir la bonté de continuer? Ce n'est pas ici!»

Le poney regarda très-attentivement le tampon d'un conduit des eaux pour les pompes à incendie qui se trouvait à ses pieds, et il eut l'air d'être absorbé tout entier dans cette contemplation.

«Ah! mon Dieu! le méchant Whisker! cria la vieille dame. Après avoir été d'abord si gentil et avoir été si loin et d'un si bon pas! Je suis vraiment honteuse pour lui. Je ne sais ce que nous en pourrons faire, en vérité, je n'en sais rien.»

Le poney s'étant complètement édifié sur la nature et les propriétés du tampon, regarda en l'air ses ennemies naturelles, les mouches, et, comme il arriva qu'il y en eut une précisément qui lui piqua l'oreille en ce moment, il secoua la tête et battit ses flancs avec sa queue; après quoi, il parut avoir repris tout son bien-être et toute sa tranquillité. Cependant le vieux gentleman, ayant épuisé les moyens de persuasion, avait mis pied à terre pour le conduire à la main, quand le poney, soit qu'il vît dans cette détermination de son maître une concession suffisante, soit parce qu'il avait aperçu l'autre plaque de cuivre, soit enfin qu'il éprouvât un accès de dépit, partit comme un trait avec la vieille dame et s'arrêta juste devant la maison, laissant le vieux monsieur le suivre tout essoufflé.

En ce moment, Kit se présenta à la tête du poney et souleva son chapeau en souriant.

«Eh! Dieu me bénisse! s'écria le vieux monsieur, c'est bien le garçon de l'autre jour!.. Voyez-vous, ma chère?

– Je vous avais promis d'être ici, monsieur, dit Kit en caressant le cou de Whisker. J'espère que vous avez fait un bon voyage, monsieur. Vous avez là un joli petit poney.

– Ma chère, reprit le vieux monsieur, voilà un garçon comme on n'en voit pas!.. Ce doit être un brave garçon, j'en suis sûr.

– Oh! oui, dit la vieille dame, un brave garçon et sans doute aussi un bon fils.»

Kit les remercia de ces expressions bienveillantes en soulevant à plusieurs reprises son chapeau et en rougissant jusqu'aux oreilles.

Le vieux monsieur offrit alors la main à la vieille dame pour l'aider à descendre. Après avoir tous deux regardé Kit avec un sourire aimable, ils entrèrent dans la maison, sans doute en s'entretenant de lui, du moins ne put-il s'empêcher de le penser. M. Witherden vint, en respirant le gros bouquet, se pencher à la fenêtre et regarder Kit; puis ce fut M. Abel qui vint et le regarda; puis ce furent le vieux monsieur et la vieille dame qui vinrent et le regardèrent de nouveau; puis ce fut tout le monde qui vint le regarder à la fois.

Kit, assez embarrassé de sa contenance, feignit de ne pas s'en apercevoir. Aussi se mit-il à redoubler de caresses envers le poney, familiarité qui sembla ne pas trop déplaire à ce caractère indépendant.

Les visages venaient à peine de disparaître de la croisée, quand M. Chukster, dans sa tenue officielle, et avec son chapeau perché sur le côté de la tête et penché comme s'il allait tomber de sa patère, descendit jusqu'au trottoir et annonça au jeune homme qu'on le demandait.

«Entrez, dit-il; pendant ce temps je garderai la chaise.»

Tout en lui donnant cet ordre, M. Chukster fit la remarque qu'il faudrait être bien malin pour savoir si Kit, avec ses airs innocents, était un novice ou un roué, mais son mouvement de tête plein de méfiance indiquait assez qu'il le rangeait plutôt dans la dernière catégorie.

Kit entra tout tremblant dans l'office; car le pauvre garçon n'avait pas l'habitude de se trouver en société de dames et de messieurs inconnus; et, de plus, les boîtes de fer-blanc et les liasses de papiers poudreux avaient à ses yeux quelque chose de si terrible et de si vénérable! M. Witherden était, d'ailleurs, un personnage bruyant qui parlait haut et vite, et puis tous les regards étaient fixés sur le pauvre garçon qui pensait à ses habits râpés.

 

«Eh bien! mon garçon, dit M. Witherden, vous êtes venu pour achever de gagner votre schelling de l'autre jour, mais non pas pour en gagner un autre, n'est-ce pas?

– Non certes, monsieur, répondit Kit, trouvant le courage de lever les yeux. Je n'en ai seulement pas eu l'idée.

– Votre père est-il vivant? demanda le notaire.

– Il est mort, monsieur.

– Vous avez votre mère?

– Oui, monsieur.

– Remariée, hein?»

Kit répondit, non sans indignation, que sa mère était restée veuve avec trois enfants; et que, si le gentleman la connaissait, il ne ferait pas une pareille question. À cette réplique, M. Witherden replongea son nez dans les fleurs, et, par derrière le bouquet, il insinua à voix basse au vieux monsieur que ce garçon lui avait l'air d'un honnête garçon.

«Voyons, dit M. Garland, après qu'on eut adressé à Kit diverses questions, je ne vais rien vous donner aujourd'hui.

– Merci, monsieur, dit Kit d'un ton sérieux et se sentant soulagé du soupçon que les premières paroles du notaire avaient semblé exprimer.

– Mais, reprit le vieux monsieur, peut-être aurais-je besoin d'autres renseignements sur votre compte. Ainsi, indiquez-moi votre adresse; je vais l'écrire sur mon agenda.»

Kit donna l'adresse que M. Garland écrivit au crayon. À peine était-ce fait qu'une grande rumeur s'éleva dans la rue; la vieille dame ayant couru à la fenêtre, s'écria que Whisker venait de se sauver. Aussitôt Kit s'élança dehors pour le rattraper, et tous les autres s'élancèrent après Kit.

Il paraît que M. Chukster s'était tenu près du poney, les mains dans ses poches, exerçant mal sa surveillance, et même insultant ce caractère ombrageux par des injonctions de ce genre: «Restez immobile! Soyez tranquille! Woa-a-a!» et autres malhonnêtetés qu'un poney qui se respecte ne saurait supporter. En conséquence le poney, sans être retenu par aucune considération de devoir ou d'obéissance, ni par aucune crainte de l'oeil impertinent qu'il voyait ouvert sur lui, avait pris sa course, et faisait en ce moment retentir le pavé de la rue. M. Chukster, la tête nue, une plume en travers sur l'oreille, s'accrochait à l'arrière-train de la chaise et faisait d'inutiles efforts pour la retenir, aux grands éclats de rire de tous les passants. Whisker, cependant, fantasque jusque dans son escapade, ne fut pas plutôt à quelque distance qu'il s'arrêta tout à coup, et, sans qu'il fût besoin d'aide pour le ramener, il revint d'un pas aussi vif à la place qu'il avait quittée. Ce qui fit que M. Chukster revint à la remorque derrière le train de la voiture jusqu'à son bureau, d'une façon peu glorieuse pour lui, et rentra épuisé et déconfit.

Alors la vieille dame s'installa sur son coussin, et M. Abel, qu'on était venu chercher, s'assit sur sa banquette. Le vieux monsieur, après avoir adressé au poney quelques représentations sur l'extrême inconvenance de sa conduite et avoir fait de son mieux des excuses à M. Chukster, prit également sa place dans la voiture. Ils partirent en souhaitant le bonjour au notaire et à son clerc, et en faisant de la main un signe amical à Kit qui était resté dans la rue à les suivre du regard.

CHAPITRE XXI

Kit s'en retourna vers son logis, et bientôt il eut oublié le poney, et la chaise, et la vieille petite dame, et le vieux petit monsieur, et le jeune petit monsieur par-dessus le marché, en songeant à ce que pouvaient être devenus son maître et la gentille Nelly, sa première et son unique pensée. Il s'efforçait de donner quelque motif plausible à leur absence prolongée, et de se persuader à lui-même qu'ils ne tarderaient pas à revenir. Fortifié par cette espérance, il s'achemina vers sa demeure, voulant d'abord terminer la besogne que lui avait fait brusquement interrompre le souvenir de sa commission, puis sortir de nouveau pour chercher à gagner le pain du jour.

Quand il arriva à l'angle du square où il habitait, voilà qu'il aperçut le poney en cet endroit! c'était bien lui, plus entêté que jamais. M. Abel était assis tout seul dans la chaise, et il exerçait une surveillance vigilante sur tous les mouvements de l'animal Ayant levé les yeux par hasard et aperçu Kit qui passait, il lui adressa le premier un petit salut.

Kit s'étonnait de revoir si près de son logis le poney et la chaise, sans pouvoir s'expliquer pourquoi le poney se trouvait de ce côté, ni où étaient allés la vieille dame et le vieux monsieur. Mais ayant soulevé le loquet de la porte et étant entré, il trouva dans la chambre M. Garland et mistress Garland en conversation réglée avec sa mère. À cet aspect inattendu, il ôta précipitamment son chapeau et fit, tout honteux, son plus beau salut.

«Nous voici encore, Christophe, vous voyez, dit M. Garland avec un sourire.

– Oui, monsieur,» dit Kit.

Et en parlant ainsi il regarda sa mère, pour savoir la raison de cette visite.

«Monsieur a eu la bonté, dit la mère, faisant droit à cette question muette, de me demander si vous avez une bonne place, ou même si vous en avez une. Je lui ai répondu que non, que vous n'en avez pas. Alors il a eu la bonté de me dire que…

– Que nous avons besoin chez nous d'un brave garçon, dirent à la fois le vieux monsieur et la vieille dame, et que nous pourrions nous arranger ici, dans le cas où nous trouverions tout à notre satisfaction.»

À l'idée qu'il s'agissait de lui, que c'était lui qu'on voulait engager, Kit partagea l'anxiété de sa mère et devint tout troublé; car le bon vieux couple était si méthodique, si prudent, et multipliait tellement les questions, que le jeune homme commença à craindre de n'avoir aucune chance de succès.

«Vous comprenez, ma bonne dame, dit mistress Garland à la mère de Kit, qu'il est nécessaire d'apporter beaucoup de précaution en semblable matière; car nous ne sommes que trois dans la famille, tous trois gens très-réguliers dans nos habitudes, et il serait très-pénible pour nous de nous voir déçus dans notre attente, et obligés de renoncer à nos espérances.»

À quoi la mère de Kit répliqua que c'était très-juste, très- raisonnable, très-convenable assurément; à Dieu ne plut qu'elle voulut empêcher, ou qu'elle eût intérêt à empêcher aucune enquête sur sa moralité ou celle de son fils; un si bon fils, elle osait le dire quoique sa mère; et même elle ne craignait pas d'ajouter qu'il ressemblait à son père, qui n'avait pas été seulement un bon fils pour sa mère à lui, mais le meilleur des maris et le meilleur des pères; Kit suivrait cet exemple, elle le savait à n'en pouvoir douter; et non seulement Kit, mais le petit Jacob et le poupon aussi, quand ils seraient plus grands; mais malheureusement les autres ne l'étaient pas assez encore, et ils ignoraient même quelle perte ils avaient faite, et peut-être valait-il mieux pour eux qu'ils fussent trop jeunes pour la connaître. Tout cela, la mère de Kit l'accompagna d'une longue histoire en essuyant ses yeux avec son tablier et frappant doucement la petite tête de Jacob qui s'agitait dans le berceau et considérait avec de grands yeux ce monsieur et cette dame inconnus.

Quand la mère de Kit eut achevé son discours, la vieille dame reprit ainsi la parole:

«Je suis certaine que vous êtes une personne très-honnête et très- respectable.»

On le voyait rien qu'à sa manière de s'exprimer, la mine des enfants, la propreté de la maison, étaient faites pour inspirer la plus grande confiance.

Là-dessus la mère de Kit fit une révérence et parut soulagée. Alors la bonne femme entra dans de longs et minutieux détails sur la vie et l'histoire de Kit, depuis les moments les plus reculés jusqu'à ce dernier jour; sans omettre de mentionner sa merveilleuse chute d'une fenêtre de l'arrière-boutique lorsqu'il était en bas âge, ni tout ce qu'il avait souffert dans sa rougeole, et, à ce sujet, la mère, pour embellir le récit, imita exactement la façon plaintive dont Kit malade demandait nuit et jour, soit une rôtie, soit de l'eau, et la manière dont il disait: «Mère, ne vous affligez pas; bientôt je serai mieux.» Pour preuve de tout cela, elle invoquait le témoignage de Mme Green, locataire chez le marchand de fromage du coin, celui de plusieurs autres dames et messieurs de diverses parties de l'Angleterre et du pays de Galles; entre autres, d'un M. Brown, qui devait servir actuellement en qualité de caporal dans les Indes orientales, et auquel elle renvoyait pour les renseignements. Tout cela, disait- elle, est à la parfaite connaissance de ces personnes.

Après la narration, M. Garland adressa à Kit quelques questions sur ce qu'il savait faire, tandis que Mme Garland s'occupait des enfants, et, apprenant de la bouche de mistress Nubbles certaines circonstances remarquables qui avaient accompagné la naissance de chacun d'eux, remémora de son côté d'autres circonstances, non moins remarquables, qui avaient signalé la naissance de son propre fils, M. Abel; d'où il suivit que la mère de Kit et la mère de M. Abel avaient couru bien plus de périls, et enduré bien plus de maux que les autres femmes de toute condition d'âge et de sexe. Enfin on passa à l'inventaire de la garde-robe de Kit; une petite avance fut faite pour la mettre en état, et Kit fut formellement retenu par M. et mistress Garland, d'Abel-Cottage, à Finchley, aux gages de cent cinquante francs par an, avec la nourriture et le logement.

Il serait difficile de dire à laquelle des deux parties fut le plus agréable cet arrangement, que des regards d'amitié et des sourires empressés scellèrent des deux parts. On convint que Kit serait rendu le surlendemain matin à sa nouvelle demeure; et finalement le vieux petit couple prit congé, après avoir donné un bel écu à Jacob et un autre au poupon. Leur nouveau domestique escorta M. et mistress Garland jusqu'à la rue; il tint par la bride l'obstiné poney, tandis que ses maîtres reprenaient leur place dans la voiture, et il les regarda partir avec la joie au coeur.

«Eh bien! mère, dit Kit rentrant vivement dans la maison; voilà, je pense, ma fortune faite.

– Je le crois aussi, dit la mère. Cinquante écus par an! Est-ce bien possible?

– Ah! s'écria-t-il, s'efforçant de conserver une gravité en rapport avec un semblable chiffre, mais ne pouvant malgré lui s'empêcher de laisser éclater son bonheur, nous voilà riches!»

Il poussa un long soupir de satisfaction, et plongeant ses mains bien avant dans ses poches, comme si chacune d'elles contenait au moins les gages d'une année, il regarda sa mère, comme s'il la voyait déjà nageant dans l'opulence et toute cousue d'or.

«Grâce à Dieu, j'espère que nous ferons de vous une belle dame le dimanche, ma mère! et de Jacob un savant, et du poupard un enfant soigné, et comme nous allons vous décorer une belle chambre au premier étage!.. Cinquante écus par an!

– Hum!.. croassa une voix étrange; qu'est-ce que c'est, cinquante écus par an? Qui est-ce qui a cinquante écus par an?»

Et en même temps que la voix lançait cette question, Daniel Quilp paraissait, ayant sur ses talons Richard Swiveller.

«Qui est-ce qui disait qu'il allait avoir cinquante écus par an? demanda Quilp, promenant autour de lui son regard scrutateur. Est- ce le vieux qui a dit cela? ou bien est-ce Nelly? Comment cela, où cela? hein…»

La bonne femme fut tellement alarmée par l'apparition soudaine de ce modèle achevé de laideur, qu'elle se hâta d'enlever le petit enfant de son berceau et de se réfugier avec lui à l'extrémité de la chambre. Pendant ce temps, le petit Jacob, assis sur son escabeau, les mains sur ses genoux, considérait Quilp comme une espèce de fantôme fascinateur et poussait des cris terribles. M. Richard Swiveller passait tranquillement en revue la famille par-dessus la tête de M. Quilp; et Quilp lui-même, les mains dans ses poches, souriait du plaisir d'avoir causé toute cette peur.

«Ne soyez pas effrayée, madame, dit Quilp après quelques moments de silence; votre fils me connaît; je ne mange pas les petits enfants, je ne les aime pas assez pour cela. Vous feriez mieux de faire taire ce petit qui crie comme si j'étais tenté de le dévorer. Holà, monsieur! Voulez-vous bien rester tranquille?..»

Le petit Jacob arrêta le cours de deux larmes qui coulaient de ses yeux, et aussitôt il garda le silence de la terreur.

«Ne vous avisez pas de crier encore, méchant que vous êtes! dit Quilp le regardant avec sévérité, ou bien je vous ferai des grimaces et vous donnerai des attaques de nerfs. Maintenant, monsieur, dit-il à Kit, pourquoi n'êtes-vous pas venu chez moi comme vous me l'aviez promis?

– Pourquoi y serais-je allé? répliqua le jeune homme. Je n'avais pas affaire à vous, pas plus que vous n'aviez affaire à moi.

 

– Voyons, madame, dit Quilp, se retournant vivement et quittant Kit pour sa mère; quand est-ce que son vieux maître est venu ici ou a envoyé chez vous pour la dernière fois? Est-il ici en ce moment? S'il n'y est pas, où est-il allé?

– Il n'est pas venu du tout ici, répondit mistress Nubbles Je voudrais bien savoir où ils sont allés… Cela donnerait à mon fils et à moi aussi bien plus de tranquillité!.. Si vous êtes le gentleman qui se nomme M. Quilp, je croyais que vous auriez su où ils étaient, et c'est ce que je disais aujourd'hui même à mon fils.

– Hum! murmura Quilp, évidemment contrarié par l'air de vérité de ces paroles; est-ce là tout ce que vous avez à dire aussi à ce gentleman?

– Si le gentleman m'adresse la même question, je ne saurais lui répondre autrement. Et je voudrais bien pouvoir lui faire une autre réponse pour notre propre satisfaction.»

Quilp dirigea un regard sur Richard Swiveller et raconta que, l'ayant rencontré sur le seuil, il avait reçu de lui la déclaration qu'il venait aussi chercher quelques renseignements sur les fugitifs.

«J'ai supposé que c'était la vérité!

– Oui, dit Richard, oui, tel était le but de mon expédition. Je m'imaginais que c'était possible: il ne nous reste plus qu'à sonner le glas funèbre de l'imagination. Je donnerai l'exemple.

– Vous semblez désappointé? dit Quilp.

– Un échec, monsieur, un échec, voilà tout, répondit Dick. Je me suis mêlé d'une affaire qui n'a abouti qu'à un échec; et un chef- d'oeuvre d'éclat et de beauté sera offert en sacrifice sur l'autel de Cheggs. Voilà tout, monsieur.»

Le nain lança à Richard un sourire moqueur; mais Richard, qui avait pris avec un ami un lunch un peu trop fort, ne s'aperçut de rien et continua à déplorer son sort avec des regards sombres et désespérés. Quilp n'eut pas de peine à comprendre que la visite de Swiveller et son violent déplaisir avaient un motif secret, et dans l'espérance de pouvoir y trouver une occasion de jouer un mauvais tour, il se promit de pénétrer au fond du mystère. Il n'eut pas plutôt pris cette résolution, qu'il donna à sa physionomie l'expression de la candeur la plus ingénue et sympathisa ouvertement avec Swiveller.

«Moi-même, dit Quilp, j'éprouve un grand désappointement au simple point de vue de l'amitié que je leur avais vouée; mais quant à vous, mon cher monsieur, vous avez des raisons sérieuses, des raisons personnelles qui, sans doute, vous rendent ce désappointement encore plus pénible.

– Je crois bien, dit Richard d'un ton bourru.

– Sur ma parole, j'en suis fâché, très-fâché. Moi-même, ils m'ont planté là. Puisque nous sommes compagnons d'infortune, pourquoi ne chercherions-nous pas aussi à nous consoler de compagnie? Si quelque affaire privée ne vous appelait pas en ce moment d'un autre côté, ajouta Quilp le tirant par la manche et le regardant du coin de l'oeil en plein visage, il y a au bord de l'eau une maison où l'on débite le meilleur schiedam qu'il y ait au monde; il passe pour provenir de contrebande, mais c'est entre nous. Le maître du lieu me connaît bien. On y trouve un petit kiosque sur la Tamise, où nous pourrons prendre un verre de cette délicieuse liqueur avec une pipe d'excellent tabac comme on n'en trouve que là; j'en sais quelque chose: un tabac première qualité. On y est tout à fait à son aise et commodément au possible. À moins que vous n'ayez quelque engagement particulier qui vous oblige absolument de vous rendre ailleurs; qu'en dites-vous, monsieur Swiveller?»

Tandis que le nain parlait, un sourire de plaisir épanouissait le visage de Dick et ses sourcils s'étaient doucement détendus. Au moment où Quilp achevait sa proposition, Dick lui rendait son regard sournois: c'était marché fait; il ne leur restait plus qu'à sortir et s'acheminer vers la maison en question. C'est ce qu'ils firent aussitôt. Ils n'avaient pas plutôt tourné le dos, que le petit Jacob cessa d'être pétrifié et le dégel commença par son cri interrompu, qu'il reprit au point même où la vue de Quilp l'avait glacé dans son gosier.

Le kiosque dont M. Quilp avait parlé était une espèce d'échoppe en bois toute délabrée et d'une hideuse nudité qui dominait la vase de la rivière et semblait menacer sans cesse d'y tomber. La taverne à laquelle appartenait ce pavillon était un bâtiment détraqué, sapé et miné par les rats, soutenu seulement par de grandes pièces de charpente qui étaient dressées contre ses murailles et lui servaient d'appui depuis si longtemps qu'elles avaient vieilli et fléchi avec leur fardeau, et, par une nuit de vent, on entendait des craquements comme si tout l'établissement allait crouler. La maison était assise, si l'on peut parler ainsi d'une vieille masure plus près d'être renversée que d'être assise, sur une sorte de terrain vague, noirci par la fumée insalubre des cheminées de fabriques et répercutant à la fois le bruit combiné des roues de fer et de l'eau clapotante. Au dedans, ses agréments répondaient parfaitement aux promesses du dehors. Les chambres étaient basses et humides; les murailles toutes visqueuses percées de crevasses et de trous; les marches d'escalier pourries et ravalées; les solives mêmes, sorties de leur assiette, avaient un aspect menaçant qui tenait à distance le passant intimidé.

Ce fut en ce lieu de délices que M. Quilp conduisit Richard Swiveller, sans oublier de lui en faire remarquer les beautés tout d'abord. Bientôt, sur la table décorée de dessins, de potences ou de lettres initiales faits au couteau, figura un petit baril de bois rempli de la liqueur tant vantée. M. Quilp en versa dans les verres avec l'habileté d'un consommateur distingué, y mêla environ un tiers d'eau, offrit sa part à Richard Swiveller, et, allumant sa pipe à un bout de chandelle dans une lanterne toute bossuée, il se jeta sur son siège et se mit à fumer.

«N'est-ce pas que c'est bon? demanda Quilp, tandis que Richard Swiveller faisait claquer ses lèvres. N'est-ce pas que c'est fort et roide? Comme ça vous fait cligner de l'oeil; comme ça vous suffoque! Comme ça fait venir les larmes aux yeux! Comme ça vous rend haletant, hein?

– Je le crois parbleu bien! s'écria Dick, jetant une partie du contenu de son verre et le remplissant d'eau; dites donc, l'ami! vous n'allez pas me faire croire que vous avalez cette lave toute bouillante?

– Comment! dit Quilp, vous ne buvez pas cela!.. Regardez-moi.

Regardez… tenez! encore. Ne pas boire cela!»

Tout en parlant, Daniel Quilp leva et absorba trois petits verres pleins de la liqueur infernale; puis, avec une horrible grimace, il tira plusieurs bouffées de sa pipe, avala la fumée et la rendit par le nez en nuages épais. Après avoir accompli cet exploit, il reprit sa première position et s'abandonna à un bruyant éclat de rire.

«Portons un toast! cria-t-il en tambourinant alternativement de son poing et de son coude sur la table, comme s'il jouait un air sur le tambour de basque. «À la femme! à la beauté! Portons un toast à la beauté et vidons nos verres jusqu'à la dernière goutte. Le nom de votre belle… voyons?

– Si vous voulez un nom, dit Richard, en voici un: Sophie Wackles.

– Sophie Wackles! cria le nain. Eh bien! va! à miss Sophie Wackles, c'est-à-dire à Mme Richard Swiveller bientôt! ah! ah! ah!

– Ah! il y a quelques semaines, à la bonne heure; mais maintenant impossible, mon gaillard. Elle s'est immolée sur l'autel de Cheggs.

– Empoisonnez Cheggs, coupez les oreilles à Cheggs. Qu'on ne me parle pas de Cheggs. Le vrai nom de cette beauté, c'est Swiveller, et pas un autre. Je bois de nouveau à sa santé, à la santé de son père, de sa mère, de tous ses frères et soeurs, – à la glorieuse famille des Wackles! – Tous les Wackles du même verre! – Buvons aux Wackles jusqu'à la lie!

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