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Oliver Twist

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Oliver Twist
Oliver Twist
Аудиокнига
Читает Cora McDonald
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Oliver Twist
Аудиокнига
Читает Alex Jennings
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CHAPITRE III. Comment Olivier Twist fut sur la point d'attraper une place qui n'eût pas été une sinécure

Après avoir commis le crime impardonnable de redemander du gruau, Olivier resta pendant huit jours étroitement enfermé dans le cachot où l'avaient envoyé la miséricorde et la sagesse du conseil d'administration. On pouvait supposer, au premier abord, que, s'il eût accueilli avec respect la prédiction du monsieur au gilet blanc, il aurait pu établir, une fois pour toutes, la réputation prophétique de ce sage administrateur, en accrochant un bout de son mouchoir à un clou dans la muraille, et en se suspendant à l'autre. Il n'y avait qu'un obstacle à l'exécution de cet acte: c'est que, par ordre exprès du conseil, signé, paraphé et scellé de tous les membres, les mouchoirs, étant considérés comme objets de luxe, avaient été, à toujours, interdits aux pauvres du dépôt; l'âge si tendre d'Olivier était un second obstacle aussi sérieux; il se contenta de pleurer amèrement pendant des journées entières; et, quand venaient les longues et tristes heures de la nuit, il mettait ses petites mains devant ses yeux pour ne pas voir l'obscurité, et se blottissait dans un coin pour tâcher de dormir; parfois il s'éveillait en sursaut et tout tremblant; il se collait contre le mur, comme s'il trouvait, à toucher cette surface dure et froide, une protection contre les ténèbres et la solitude qui l'environnaient.

Il ne faut pas que les ennemis du Système s'imaginent que, pendant la durée de son emprisonnement, Olivier fut privé du bienfait de l'exercice, du plaisir de la société, ou des consolations de la religion. Quant à l'exercice, comme le temps était beau et froid, il avait la permission de se laver tous les matins sous la pompe, dans une cour pavée, en présence de M. Bumble, qui, pour l'empêcher de s'enrhumer, activait chez lui la circulation du sang au moyen de fréquents coups de canne. Quant à la société, on l'amenait tous les deux jours dans le réfectoire des enfants, et on lui administrait une verte correction, pour le bon exemple et l'édification des autres. Bien loin de lui refuser les avantages des consolations religieuses, on le faisait entrer, à coups de pieds, dans la salle, tous les soirs, à l'heure de la prière, et il avait la permission d'écouter, pour sa plus grande consolation, la prière de ses camarades, revue et augmentée par le conseil, dans laquelle ils demandaient d'être bons, vertueux, contents et obéissants, et d'être préservés des fautes et des vices d'Olivier Twist, qu'on présentait ainsi comme exclusivement placé sous le patronage et la protection de Satan, comme un échantillon direct des produits de la manufacture du diable.

Tandis que les affaires d'Olivier prenaient cette tournure favorable et avantageuse, il advint un matin que M. Gamfield, ramoneur de son métier, descendait la grande rue en se creusant la tête pour savoir comment il payerait plusieurs termes de loyer, pour lesquels son propriétaire devenait fort exigeant. Il avait beau supputer et calculer, il ne pouvait arriver au chiffre de cinq livres sterling dont il avait besoin. Dans son désespoir de ne pouvoir parfaire cette somme, il se frappait le front, puis frappait son baudet alternativement, lorsque, en passant devant le dépôt, il jeta les yeux sur l'affiche collée sur la porte.

«Oh, oh!» dit M. Gamfield à son baudet.

Le baudet était en ce moment tout à fait distrait: il se demandait probablement s'il n'aurait pas à son déjeuner un ou deux trognons de choux pour se régaler, quand il serait débarrassé des deux sacs de suie qu'il traînait sur une petite charrette; il ne prit pas garde à l'ordre de son maître et continua son chemin.

M. Gamfield adressa au baudet un gros juron, courut après lui, et lui appliqua sur la tête un coup qui eût brisé tout autre crâne que celui d'un baudet; puis, saisissant la bride, il lui secoua rudement la mâchoire pour le rappeler à l'obéissance; il lui fit ainsi faire volte-face et lui donna un autre coup sur la tête, de manière à l'étourdir jusqu'à son retour; ensuite il monta sur le perron pour lire l'affiche.

Le monsieur au gilet blanc était debout devant la porte, les mains derrière le dos, après avoir opiné avec profondeur dans la salle du conseil; il avait assisté à la petite dispute entre M. Gamfield et le baudet; il sourit avec satisfaction en voyant le ramoneur s'approcher de l'affiche, car il vit tout de suite que M. Gamfield était bien le maître qui convenait à Olivier. M. Gamfield sourit aussi, en parcourant l'affiche, car c'était justement cinq livres sterling qu'il lui fallait; et, quant à l'enfant dont il devait se charger, il pensa, d'après le régime du dépôt, qu'il devait être de taille à grimper dans un tuyau de poêle; il relut l'avis d'un bout à l'autre, syllabe par syllabe; puis, portant respectueusement la main à sa casquette fourrée, il aborda le monsieur au gilet blanc.

«Il y a ici un enfant que la paroisse veut mettre en apprentissage? dit M. Gamfield.

– Oui, mon bon homme, dit le monsieur au gilet blanc avec un sourire bienveillant. Que lui voulez-vous?

– Si la paroisse veut qu'il apprenne un état bien agréable, comme de ramoner les cheminées par exemple, dit M. Gamfield, j'ai besoin d'un apprenti, et je suis disposé à m'en charger.

– Entrez,» dit le monsieur au gilet blanc.

M. Gamfield alla d'abord donner à son âne un coup sur la tête et une rude secousse à la mâchoire, par manière de précaution, pour qu'il ne lui prît pas fantaisie de s'en aller, puis suivit le monsieur au gilet blanc dans la salle où Olivier Twist avait vu le gentleman pour la première fois.

«C'est un état bien sale, dit M. Limbkins, quand Gamfield eut réitéré sa demande.

– On a vu des enfants qui ont été étouffés dans les cheminées, dit un autre monsieur.

– C'est à cause qu'on mouillait la paille avant de l'allumer pour les faire redescendre, dit Gamfield; il n'y a que de la fumée, pas de flamme. D'ailleurs, la fumée n'est bonne à rien pour faire descendre un enfant; elle ne fait que l'endormir, et c'est justement ce qu'il veut; les enfants sont très entêtés, voyez- vous, très paresseux; il n'y a rien de si bon qu'une belle flamme pétillante pour les faire descendre quatre à quatre; ça vaut mieux pour eux, voyez-vous, à cause que, s'ils sont pris dans la cheminée, ils se trémoussent mieux pour se tirer d'affaire, quand ils se sentent rôtir la plante des pieds.»

Cet éclaircissement parut amuser beaucoup le monsieur au gilet blanc, mais un coup d'oeil plus grave de M. Limbkins mit fin à sa gaieté. Le conseil se mit à délibérer pendant quelques minutes, mais à voix si basse, qu'on n'entendait que ces mots:

«Diminution de dépenses; soyons économes; l'occasion de publier un bon rapport.» Encore n'entendait-on ces expressions que parce qu'elles étaient répétées souvent avec énergie.

Enfin cette conversation à voix basse eut un terme, et les membres du conseil ayant repris leurs sièges et leur attitude majestueuse, M. Limbkins dit:

«Nous avons examiné votre demande, et nous ne pouvons l'accueillir.

– Nous la repoussons complètement, dit le monsieur au gilet blanc.

– Sans hésitation,» ajoutèrent les autres membres.

M. Gamfield se trouvait sous le coup de l'accusation frivole d'avoir déjà fait périr trois ou quatre enfants sous le bâton; il lui vint à l'esprit que le conseil, par un singulier caprice, faisait peut-être entrer en ligne de compte dans sa décision cette circonstance accessoire. S'il en était ainsi, les administrateurs sortaient évidemment de leur manière de faire habituelle; pourtant, comme Gamfield ne se souciait nullement de raviver ce souvenir, il se mit à tourner sa casquette dans ses doigts, et s'éloigna lentement de la table:

«Ainsi, messieurs, vous ne voulez pas me le donner? dit-il en s'arrêtant sur la seuil de la porte.

– Non, répondit M. Limbkins; ou du moins, comme c'est un métier malpropre, nous sommes d'avis que la récompense offerte devrait être diminuée.»

La physionomie de M. Gamfield devint radieuse; il se rapprocha bien vite de la table et dit:

«Combien voulez-vous me donner, messieurs? Voyons, ne soyez pas trop durs pour un pauvre homme; combien me donneriez-vous?

– Il me semble, que ce serait bien assez de trois livres dix schellings, dit M. Limbkins.

– C'est encore dix schellings de trop, dit le monsieur au gilet blanc.

– Allons, dit Gamfield, mettons quatre livres, messieurs, mettez quatre livres, et vous en êtes à tout jamais débarrassés! Est-ce dit?

– Trois livres dix schellings, répéta M. Limbkins avec fermeté.

– Tenez, messieurs, partageons le différend, dit Gamfield avec insistance; trois livres quinze schellings.

– Pas une obole de plus, répondit M. Limbkins avec la même fermeté.

– Vous êtes pour moi d'une dureté désolante, dit Gamfield avec hésitation.

– Bah! bah! sottise! dit le monsieur au gilet blanc; ce serait encore une bonne affaire que de le prendre pour rien; prenez-le, niais que vous êtes; c'est un enfant comme il vous en faut, il a souvent besoin de correction; cela lui fera du bien; et son entretien ne sera guère coûteux, car depuis sa naissance il n'a jamais eu d'indigestion. Ah! ah! ah!»

M. Gamfield jeta un coup d'oeil sournois sur les membres du conseil, et, voyant le sourire sur toutes les figures, il se laissa aller à rire aussi lui-même.

L'affaire fut conclue, et M. Bumble reçut l'ordre de mener le jour même Olivier Twist devant le magistrat qui devait signer et approuver le contrat d'apprentissage.

En conséquence de cette détermination, le petit Olivier fut, à sa grande surprise, tiré de sa prison, et on lui fit mettre une chemise blanche. À peine avait-il terminé cette toilette inaccoutumée que M. Bumble lui apporta un bol de gruau, et, comme aux jours de fête, deux onces un quart de pain.

 

À cette vue, Olivier se mit à pleurer à chaudes larmes, pensant avec assez de vraisemblance que, si on l'engraissait de la sorte, c'est que le conseil avait l'arrière-pensée décidée de le tuer dans quelque vue d'utilité humanitaire.

«N'allez pas vous rendre les yeux rouges, Olivier, mais mangez bien et soyez content, dit M. Bumble d'un air magistral; vous allez entrer en apprentissage, Olivier.

– En apprentissage, monsieur! dit l'enfant tout tremblant.

– Oui, Olivier, dit M. Bumble; les hommes bienfaisants et généreux qui vous tiennent lieu de père, Olivier, puisque vous n'en avez pas, vont vous mettre en apprentissage, vous lancer dans la vie, faire de vous un homme, bien qu'il en coûte à la paroisse trois livres dix schellings. Trois livres dix schellings, Olivier! soixante-dix schellings! Cent quarante pièces de six pence! Et tout cela pour un misérable orphelin, qui n'est aimé de personne!»

M. Bumble s'arrêta pour reprendre haleine, après avoir prononcé cette allocution d'un ton doctoral; les larmes inondaient le visage du pauvre enfant et il sanglotait amèrement.

«Allons, dit M. Bumble avec moins d'emphase, car son amour-propre était flatté de l'impression que causait son éloquence; allons, Olivier, essuyez vos yeux avec les manches de votre veste, et ne pleurez pas dans votre gruau; c'est agir comme un sot, Olivier.» Sans aucun doute, car il y avait déjà assez d'eau dans le gruau sans cela.

En se rendant chez le magistrat, M. Bumble apprit à Olivier que tout ce qu'il avait à faire, c'était de paraître bien content, et, quand on lui demanderait s'il voulait entrer en apprentissage, de dire qu'il ne demandait pas mieux. Olivier promit d'obtempérer à ces deux injonctions, d'autant plus que M. Bumble lui donna doucement à entendre que, s'il y manquait, on ne pouvait répondre de ce qui lui en adviendrait. Arrivé au bureau du magistrat, il fut enfermé seul dans un petit cabinet, où M. Bumble lui ordonna de l'attendre.

L'enfant y resta une demi-heure, palpitant de crainte, et au bout de ce temps M. Bumble entr'ouvrit la porte, montra sa tête sans tricorne et dit à haute voix:

«Olivier, mon ami, venez trouver le magistrat.» En même temps, lançant à l'enfant un regard menaçant, il ajouta tout bas: «Attention à ce que je t'ai dit, petit vaurien.»

En entendant ces deux manières de parler un peu contradictoires, Olivier regarda ingénument M. Bumble avec de grands yeux; mais celui-ci prévint toute observation de la part de l'enfant, en l'introduisant tout de suite dans une pièce voisine, dont la porte était ouverte. C'était une grande salle avec une grande fenêtre. Derrière un bureau élevé, siégeaient deux vieux messieurs à tête poudrée, dont l'un lisait un journal, tandis que l'autre, à l'aide d'une paire de lunettes d'écaille, parcourait un petit parchemin étalé devant lui. Devant le bureau, M. Limbkins était debout d'un côté, et de l'autre M. Gamfield, avec sa figure noire de suie, tandis que deux ou trois gros gaillards à bottes à revers paradaient dans la salle.

Le vieux monsieur à lunettes s'assoupit peu à peu sur le petit morceau de parchemin, et il y eut une courte pause, après qu'Olivier eut été placé par M. Bumble en face du bureau.

«Voici l'enfant, Votre Honneur,» dit M. Bumble.

Le vieux monsieur qui lisait le journal leva un instant la tête, et éveilla son voisin en le tirant par la manche.

«Ah! voici l'enfant? dit le vieux monsieur.

– Oui, monsieur, répondit M. Bumble. Saluez le magistrat, mon ami.

Olivier s'arma de courage et salua de son mieux. Les yeux fixés sur la perruque poudrée des magistrats, il se demandait s'ils venaient tous au monde avec cette étoupe blanche sur la tête, et si c'était à cela qu'ils étaient redevables d'être magistrats.

«Eh bien! dit le vieux monsieur, je suppose qu'il a du goût pour l'état de ramoneur?

– Il en raffole, Votre Honneur, répondit Bumble en pinçant sournoisement Olivier, pour lui faire comprendre qu'il ne devait pas dire le contraire.

– Il veut être ramoneur, n'est-ce pas? demanda le vieux monsieur.

– Si demain on voulait lui faire embrasser un autre état, il se sauverait immédiatement, répondit Bumble.

– Et voici l'homme qui doit être son maître? Vous, monsieur? Vous le traiterez bien, n'est-ce pas? Vous le nourrirez, enfin vous en aurez bien soin? dit le vieux monsieur.

– Quand je dis oui, c'est oui, répondit M. Gamfield d'un air rébarbatif.

– Vous avez le ton brusque, mon ami, mais vous avez l'air d'un honnête homme plein de franchise, dit le vieux monsieur en tournant ses lunettes vers le candidat à la prime de cinq livres sterling, dont l'extérieur hideux respirait la cruauté; mais le magistrat était presque aveugle et moitié en enfance: aussi ne pouvait-on s'attendre qu'il vit aussi clair que tout le monde.

– Je m'en flatte, monsieur, dit M. Gamfield avec un affreux sourire.

– Je n'en doute pas, mon ami, répondit le vieux monsieur en affermissant ses lunettes sur son nez et en cherchant des yeux l'encrier.

C'était le moment critique de la destinée d'Olivier. Si l'encrier s'était trouvé à la place où le vieux monsieur le cherchait, il y eût trempé sa plume, il eût signé l'acte d'apprentissage, et Olivier eût été emmené sur l'heure. Mais le hasard voulut que l'encrier fût précisément sous son nez, et qu'il le cherchât des yeux de tous côtés sans l'apercevoir. Pendant cette recherche, il jeta les yeux en face de lui, et son regard rencontra la figure pâle et bouleversée d'Olivier Twist, qui, en dépit des coups d'oeil significatifs et des pinçons de Bumble, considérait l'extérieur affreux de son futur maître avec une expression d'horreur et de crainte, trop visible pour échapper même à un magistrat à demi aveugle.

Le vieux monsieur s'arrêta, posa sa plume et regarda M. Limbkins qui prit une prise de tabac, en affectant un air de gaieté et d'indifférence.

«Mon enfant,» dit le vieux monsieur en se penchant sur le bureau.

Olivier tressaillit à cette parole, et on peut excuser son trouble, car ces mots étaient dits d'un ton bienveillant, et un bruit inconnu effraye toujours; il trembla de tout son corps et fondit en larmes.

«Mon enfant, dit le vieux monsieur, vous avez l'air pâle et épouvanté; pourquoi cela?

– Éloignez-vous un peu de lui, bedeau, dit l'autre magistrat en posant son journal et en se penchant vers Olivier d'un air d'intérêt. Voyons, mon enfant, qu'avez-vous? n'ayez pas peur.»

Olivier tomba à genoux, et, joignant les mains, supplia les magistrats d'ordonner qu'on le ramenât au cachot, disant qu'il aimait mieux mourir de faim, être battu, être tué même, si on voulait, plutôt que d'être remis à cet homme qui le faisait trembler.

«Bien! dit M. Bumble levant les yeux et les mains de l'air le plus majestueux. Bien, Olivier! De tous les orphelins rusés et trompeurs que j'aie jamais vus, tu es bien un des plus effrontés.

– Taisez-vous, bedeau, dit le second magistrat, quand M. Bumble eût achevé ce superlatif.

– Je demande pardon à Votre Honneur, dit M. Bumble, qui ne pouvait en croire ses oreilles; est-ce à moi que s'adresse Votre Honneur?

– Oui, taisez-vous.»

Bumble demeura stupéfait: ordonner à un bedeau de se taire! c'était le monde renversé!

Le vieux monsieur à lunettes d'écaille regarda son collègue, et lui fit un mouvement de tête qui témoignait de son approbation.

«Nous refusons notre sanction à cet acte d'apprentissage, dit le magistrat, et en même temps il jeta de côté la feuille de parchemin.

– J'espère, balbutia M. Limbkins, j'espère que, sur le témoignage sans valeur d'un enfant, les magistrats ne suspecteront pas la conduite des autorités.

– Les magistrats ne sont pas appelés à se prononcer sur ce sujet, dit d'un ton bref le vieux monsieur; reconduisez cet enfant au dépôt et traitez-le bien, il paraît en avoir besoin.»

Le soir même, le monsieur au gilet blanc affirma de la manière la plus nette et la plus formelle qu'Olivier, non seulement se ferait pendre, mais écarteler par-dessus le marché. M. Bumble hocha la tête d'un air sombre et mystérieux et dit qu'il souhaitait que l'enfant tournât bien; à quoi M. Gamfield répondit qu'il aurait souhaité que l'enfant lui fût confié. Ce souhait semblait en contradiction directe avec celui du bedeau, bien que Bumble et Gamfield fussent d'accord sur beaucoup de points.

Le lendemain matin, le public fut informé de nouveau qu'Olivier Twist était encore à louer, et que quiconque voudrait s'en charger recevrait cinq livres sterling.

CHAPITRE IV. Olivier trouve une place et fait son entrée dans le monde

Dans les grandes familles, quand un jeune homme prend des années et qu'on ne peut lui obtenir une place avantageuse par achat, succession, réversibilité ou survivance, on a coutume de l'envoyer sur mer. Le conseil d'administration, pour suivre un exemple si sage et si salutaire, délibéra sur l'opportunité d'embarquer Olivier Twist à bord de quelque bâtiment marchand en destination d'un bon petit port bien malsain. Ce parti semblait aux administrateurs le meilleur que l'on pût suivre; il était probable en effet que le patron s'amuserait un jour après son dîner à fouetter l'enfant jusqu'à ce que mort s'ensuivit, ou à lui faire sauter la cervelle avec une barre de fer; on sait que pour les gens de cette classe ce sont là deux passe-temps ordinaires qui ne manquent pas d'agrément. Plus le conseil envisageait la chose à ce point de vue plus il y trouvait d'avantage. La conclusion fut que le seul moyen d'assurer l'avenir d'Olivier était de l'embarquer sans délai.

M. Bumble avait été dépêché pour faire quelques recherches préliminaires, afin de découvrir un capitaine ou autre qui voulût d'un mousse auquel âme qui vive ne s'intéressait; il revenait au dépôt de mendicité pour rendre compte du résultat de sa mission, quand il rencontra à la porte l'entrepreneur des pompes funèbres da la paroisse, M. Sowerberry en personne.

M. Sowerberry était un homme grand, maigre, fortement charpenté, vêtu d'un habit noir râpé, avec des bas de coton rapiécés de même couleur et des souliers à l'avenant. La nature n'avait pas donné à sa physionomie une expression souriante; mais, comme il trouvait dans son métier ample matière à plaisanterie, sa démarche était pour ainsi dire élastique et sa figure enjouée, quand il aborda M. Bumble et lui donna une cordiale poignée de main.

«Je viens de prendre la mesure des deux femmes qui sont mortes la nuit dernière, monsieur Bumble, dit l'entrepreneur.

– Vous ferez fortune, monsieur Sowerberry, dit le bedeau en introduisant le pouce et l'index dans la tabatière que lui présentait l'entrepreneur, laquelle offrait ingénieusement l'image d'un petit cercueil breveté, sans garantie du gouvernement. Je vous dis que vous ferez fortune, monsieur Sowerberry, répète M. Bumble en lui donnant amicalement sur l'épaule un léger coup de canne.

– Vous croyez? dit l'entrepreneur d'un ton qui ne voulait dire ni oui ni non; les prix fixés par l'administration sont bien minces, monsieur Bumble.

– Et vos cercueils aussi,» répondit le bedeau d'un air qui approchait de la plaisanterie, autant qu'il convenait à un fonctionnaire important.

M. Sowerberry fut ravi, comme il devait l'être, de la finesse de ce mot, et partit d'un long éclat de rire. «C'est vrai, monsieur Bumble, dit-il enfin. Il faut l'avouer, depuis la mise en vigueur du nouveau système de nourriture, les cercueils sont un peu plus étroits et moins profonds que par le passé; mais il faut bien gagner quelque chose, monsieur Bumble; le bois sec coûte fort cher, monsieur, et les attaches de fer viennent de Birmingham par le canal.

– Bah! dit M. Bumble, chaque métier a ses avantages et ses inconvénients, et un beau profit est bien aussi quelque chose.

– Sans doute, répondit l'entrepreneur; si je ne gagne rien sur chaque article en particulier, je me rattrape sur l'ensemble, voyez-vous. Eh! eh! eh!

– Justement, dit-il, Bumble.

– Il faut pourtant dire, continua M. Sowerberry en reprenant le fil de son discours que le bedeau avait interrompu; il faut pourtant dire, monsieur Bumble, que j'ai contre moi un grand désavantage: c'est que les gens robustes s'en vont les premiers. Je veux dire que les gens qui ont vécu à leur aise, qui ont payé leurs contributions pendant longtemps, sont les premiers à succomber quand ils entrent au dépôt; et, voyez-vous, monsieur Bumble, trois ou quatre pouces de plus qu'on n'avait calculé font une grande brèche dans les profits, surtout quand on a une famille à soutenir, monsieur.»

Comme Sowerberry disait cela du ton indigné d'un homme qui a lieu de se plaindre, et que M. Bumble sentait que cela pourrait amener quelques réflexions défavorables aux intérêts de la paroisse, ce dernier crut prudent de parler d'autre chose; et Olivier Twist lui fournit un sujet de conversation.

 

«Vous ne connaîtriez pas par hasard, dit M. Bumble, quelqu'un qui aurait besoin d'un apprenti? C'est un enfant de la paroisse qui est en ce moment une grosse charge, une meule de moulin, pour ainsi dire, pendue au cou de la paroisse! Offres avantageuses, monsieur Sowerberry, offres avantageuses.»

Et en parlant M. Bumble dirigeait sa canne vers l'affiche en question et frappait trois petits coups sur les mots: cinq livres sterling, qui étaient imprimés en majuscules de la plus grande dimension.

– Ma foi! dit l'entrepreneur en prenant M. Bumble par le pan à garniture dorée de son habit; voici précisément ce dont je voulais vous parler. Vous savez… Quel joli bouton vous avez là, mon cher monsieur Bumble! je ne l'avais jamais remarqué.

– Oui, il est assez bien, dit le bedeau en regardant avec orgueil les gros boutons de cuivre qui ornaient son habit; le sujet est le même que celui du sceau paroissial: le bon Samaritain pansant le voyageur blessé. Le conseil me l'a donné pour mes étrennes, monsieur Sowerberry. La première fois que je l'ai mis, c'était pour assister à l'enquête relative à ce marchand sans ressources, qui mourut la nuit sous une porte cochère.

– Je m'en souviens, dit l'entrepreneur; le jury déclara qu'il était mort de froid et de faim, n'est-ce pas?»

«Et le verdict ajoutait, je crois, d'une manière spéciale, dit l'entrepreneur, que si l'officier de secours…

– Bast! sottise que cela! dit le bedeau avec humeur; si le Conseil faisait attention à toutes les niaiseries que débitent ces ignorants de jurés, il aurait fort à faire.

– C'est bien vrai, dit l'entrepreneur.

– Les jurés, dit M. Bumble en serrant fortement sa canne, ce qui était chez lui signe de colère, les jurés sont des êtres sans éducation, des êtres vils et rampants.

– C'est encore vrai, dit l'entrepreneur.

– Ils n'ont pas plus de philosophie et d'économie politique à eux tous que ça, dit le bedeau en faisant claquer ses doigts avec dédain.

– Non, sans doute, reprit Sowerberry.

– Je les méprise, dit le bedeau, dont la figure se colorait de plus en plus.

– Et moi aussi, répondit l'entrepreneur.

– Et je voudrais seulement tenir ces jurés, si indépendants, au dépôt pendant une semaine ou deux; les règlements de l'administration leur rabattraient bien vite leur caquet.

– Enfin, laissons-les pour ce qu'ils sont,» reprit l'entrepreneur; et en même temps il souriait d'un air approbateur, pour calmer la colère croissante du bedeau courroucé.

M. Bumble ôta son tricorne, en tira un mouchoir, essuya la sueur que la colère faisait ruisseler sur son front, remit son tricorne; puis, se tournant vers l'entrepreneur, il dit d'un ton plus calme:

«Eh bien! et cet enfant?

– Oh! vous savez, monsieur Bumble, répondit le fabricant de cercueils; je paye une forte taxe pour les pauvres.

– Hem! fit M. Bumble; eh bien?

– Eh bien! reprit M. Sowerberry, je songeais que, si je paye beaucoup pour les pauvres, j'ai le droit de les exploiter aussi de mon mieux, monsieur Bumble; ainsi… ainsi je crois que cet enfant fera mon affaire.»

M. Bumble saisit le bras de l'entrepreneur et le fit entrer au dépôt. M. Sowerberry resta en conférence avec les administrateurs pendant cinq minutes, et il fut convenu qu'Olivier entrerait chez lui le soir venu à l'essai, c'est-à-dire que si, au bout de quelque temps, il trouvait que l'enfant lui rapportait plus par son travail qu'il ne lui coûtait pour sa nourriture, il le prendrait pour un nombre d'années déterminé, avec le droit de l'employer à sa fantaisie.

Le petit Olivier fut amené le soir devant les administrateurs et informé qu'il allait entrer immédiatement en qualité d'apprenti chez un fabricant de cercueils, et que, s'il se plaignait de sa position, s'il retombait encore à la charge de la paroisse, on l'embarquerait pour être noyé ou assommé. Il ne manifesta aucune émotion. Ces messieurs déclarèrent tous que c'était un petit garnement sans coeur, et ordonnèrent à M. Bumble de l'emmener sur le champ.

Quoiqu'il soit naturel de penser que les administrateurs plus que qui que ce soit au monde, devaient éprouver un légitime sentiment d'horreur à la moindre marque d'insensibilité, ils se trompaient cependant complètement dans la circonstance actuelle. Le fait est qu'Olivier, loin de manquer de sensibilité, en avait au contraire une trop forte dose et n'était en train d'arriver à un état de stupidité et d'abrutissement pour le reste de sa vie, que par suite des mauvais traitements qu'il avait endurés. Il apprit sa nouvelle destination sans dire un mot; mit sous son bras son petit bagage, qui n'était pas lourd à porter, car il tenait dans un morceau de papier d'un demi-pied carré sur trois pouces d'épaisseur, enfonça sa casquette sur ses yeux, et s'accrochant encore une fois au parement de M. Bumble, il fut conduit par ce fonctionnaire à un nouveau lieu de souffrances.

Pendant quelque temps M. Bumble traîna ainsi Olivier après lui sans faire attention à l'enfant: car le bedeau marchait la tête haute, comme il sied à un bedeau. Il faisait du vent; le petit Olivier était complètement caché par les basques de l'habit, qui en s'entr'ouvrant laissaient voir avec avantage le gilet à revers et la culotte courte du bedeau. Au moment d'arriver, M. Bumble jugea convenable de jeter un coup d'oeil sur l'enfant pour voir s'il était présentable, et il le fit de l'air capable et entendu qui convient à un protecteur bienveillant.

«Olivier! dit M. Bumble.

– Oui, monsieur, répondit l'enfant d'une voix faible et tremblante.

– Ne mettez pas votre casquette sur vos yeux et levez la tête, monsieur.»

Olivier obéit tout de suite, en passant bien vite la main sur ses yeux; mais une larme y roulait encore quand il regarda son guide, et elle coula sur ses joues tandis que M. Bumble le considérait d'un oeil sévère; cette larme fut suivie d'une autre, et d'une autre encore. L'enfant eut beau vouloir prendre sur lui, ses efforts furent vains; il lâcha la manche du bedeau, mit ses deux mains sur sa figure, et un torrent de larmes coula à travers ses doigts décharnés.

«Bien! s'écria M. Bumble s'arrêtant court, et lançant à son petit protégé un regard plein de méchanceté. C'est bien; de tous les enfants les plus ingrats, les plus vicieux que j'aie jamais vus, vous êtes…

– Non, non, monsieur, s'écria Olivier en sanglotant et en se cramponnant à la main qui tenait la fameuse canne; non, non, monsieur; je veux être bon; oui, je serai bien sage, monsieur! je suis si jeune, monsieur, et je suis si… si…

– Si quoi? demanda M. Bumble étonné.

– Si abandonné, monsieur, si complètement abandonné, s'écria l'enfant. Tout le monde me déteste; oh! monsieur, je vous en prie, ne soyez plus fâché contre moi.»

L'enfant en même temps se frappait la poitrine, sanglotait et regardait le bedeau avec angoisse.

Pendant quelques instants, M. Bumble contempla avec étonnement la mine piteuse et désolée d'Olivier; il toussa trois ou quatre fois, comme un homme enroué, en se plaignant entre ses dents de cette toux importune, et dit à Olivier de s'essuyer les yeux et d'être sage. Puis lui prenant la main, il continua à marcher en silence.

Le fabricant de cercueils venait de fermer les volets de sa boutique, et était en train d'inscrire quelques entrées sur son livre de compte, à la lueur d'une mauvaise chandelle, quand M. Bumble entra.

«Ah! dit-il en levant les jeux et arrêtant sa plume au milieu d'un mot; c'est vous, monsieur Bumble?

– En personne, monsieur Sowerberry, répondit le bedeau, tenez, je vous amène l'enfant.»

Olivier fit un salut.

«Ah! voici l'enfant en question, dit l'entrepreneur des pompes funèbres en levant la chandelle pour voir à fond Olivier. Madame Sowerberry, voulez-vous venir un instant, ma chère?»

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