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Germinal

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Dehors, Étienne suivit un moment la route, absorbé. Toutes sortes d’idées bourdonnaient en lui. Mais il eut une sensation de plein air, de ciel libre, et il respira largement. Le soleil paraissait à l’horizon glorieux, c’était un réveil d’allégresse, dans la campagne entière. Un flot d’or roulait de l’orient à l’occident, sur la plaine immense. Cette chaleur de vie gagnait, s’étendait, en un frisson de jeunesse, où vibraient les soupirs de la terre, le chant des oiseaux, tous les murmures des eaux et des bois. Il faisait bon vivre, le vieux monde voulait vivre un printemps encore.

Et, pénétré de cet espoir, Étienne ralentit sa marche, les yeux perdus à droite et à gauche, dans cette gaieté de la nouvelle saison. Il songeait à lui, il se sentait fort, mûri par sa dure expérience au fond de la mine. Son éducation était finie, il s’en allait armé, en soldat raisonneur de la révolution, ayant déclaré la guerre à la société, telle qu’il la voyait et telle qu’il la condamnait. La joie de rejoindre Pluchart, d’être comme Pluchart un chef écouté, lui soufflait des discours, dont il arrangeait les phrases. Il méditait d’élargir son programme, l’affinement bourgeois qui l’avait haussé au-dessus de sa classe le jetait à une haine plus grande de la bourgeoisie. Ces ouvriers dont l’odeur de misère le gênait maintenant, il éprouvait le besoin de les mettre dans une gloire, il les montrerait comme les seuls grands, les seuls impeccables, comme l’unique noblesse et l’unique force où l’humanité pût se retremper. Déjà, il se voyait à la tribune, triomphant avec le peuple, si le peuple ne le dévorait pas.

Très haut, un chant d’alouette lui fit regarder le ciel. De petites nuées rouges, les dernières vapeurs de la nuit, se fondaient dans le bleu limpide; et les figures vagues de Souvarine et de Rasseneur lui apparurent. Décidément, tout se gâtait, lorsque chacun tirait à soi le pouvoir. Ainsi, cette fameuse Internationale qui aurait dû renouveler le monde avortait d’impuissance, après avoir vu son armée formidable se diviser, s’émietter dans des querelles intérieures. Darwin avait-il donc raison, le monde ne serait-il qu’une bataille, les forts mangeant les faibles, pour la beauté et la continuité de l’espèce? Cette question le troublait, bien qu’il tranchât, en homme content de sa science. Mais une idée dissipa ses doutes, l’enchanta, celle de reprendre son explication ancienne de la théorie, la première fois qu’il parlerait. S’il fallait qu’une classe fût mangée, n’était-ce pas le peuple, vivace, neuf encore, qui mangerait la bourgeoisie épuisée de jouissance? Du sang nouveau ferait la société nouvelle. Et, dans cette attente d’un envahissement des barbares, régénérant les vieilles nations caduques, reparaissait sa foi absolue à une révolution prochaine, la vraie, celle des travailleurs, dont l’incendie embraserait la fin du siècle de cette pourpre de soleil levant, qu’il regardait saigner au ciel.

Il marchait toujours, rêvassant, battant de sa canne de cornouiller les cailloux de la route; et, quand il jetait les yeux autour de lui, il reconnaissait des coins du pays. Justement, à la Fourche-aux-Bœufs, il se souvint qu’il avait pris là le commandement de la bande, le matin du saccage des fosses. Aujourd’hui, le travail de brute, mortel, mal payé, recommençait. Sous la terre, là-bas, à sept cents mètres, il lui semblait entendre des coups sourds, réguliers, continus: c’étaient les camarades qu’il venait de voir descendre, les camarades noirs, qui tapaient, dans leur rage silencieuse. Sans doute ils étaient vaincus, ils y avaient laissé de l’argent et des morts; mais Paris n’oublierait pas les coups de feu du Voreux, le sang de l’Empire lui aussi coulerait par cette blessure inguérissable; et, si la crise industrielle tirait à sa fin, si les usines rouvraient une à une, l’état de guerre n’en restait pas moins déclaré, sans que la paix fût désormais possible. Les charbonniers s’étaient comptés, ils avaient essayé leur force, secoué de leur cri de justice les ouvriers de la France entière. Aussi leur défaite ne rassurait-elle personne, les bourgeois de Montsou, envahis dans leur victoire du sourd malaise des lendemains de grève, regardaient derrière eux si leur fin n’était pas là quand même, inévitable, au fond de ce grand silence. Ils comprenaient que la révolution renaîtrait sans cesse, demain peut-être, avec la grève générale, l’entente de tous les travailleurs ayant des caisses de secours, pouvant tenir pendant des mois, en mangeant du pain. Cette fois encore, c’était un coup d’épaule donné à la société en ruine, et ils en avaient entendu le craquement sous leurs pas, et ils sentaient monter d’autres secousses, toujours d’autres, jusqu’à ce que le vieil édifice, ébranlé, s’effondrât, s’engloutît comme le Voreux, coulant à l’abîme.

Étienne prit à gauche le chemin de Joiselle. Il se rappela, il y avait empêché la bande de se ruer sur Gaston-Marie. Au loin, dans le soleil clair, il voyait les beffrois de plusieurs fosses, Mirou sur la droite, Madeleine et Crèvecœur, côte à côte. Le travail grondait partout, les coups de rivelaine qu’il croyait saisir, au fond de la terre, tapaient maintenant d’un bout de la plaine à l’autre. Un coup, et un coup encore, et des coups toujours, sous les champs, les routes, les villages, qui riaient à la lumière: tout l’obscur travail du bagne souterrain, si écrasé par la masse énorme des roches, qu’il fallait le savoir là-dessous, pour en distinguer le grand soupir douloureux. Et il songeait à présent que la violence peut-être ne hâtait pas les choses. Des câbles coupés, des rails arrachés, des lampes cassées, quelle inutile besogne! Cela valait bien la peine de galoper à trois mille, en une bande dévastatrice! Vaguement, il devinait que la légalité, un jour, pouvait être plus terrible. Sa raison mûrissait, il avait jeté la gourme de ses rancunes. Oui, la Maheude le disait bien avec son bon sens, ce serait le grand coup: s’enrégimenter tranquillement, se connaître, se réunir en syndicats, lorsque les lois le permettraient; puis, le matin où l’on se sentirait les coudes, où l’on se trouverait des millions de travailleurs en face de quelques milliers de fainéants, prendre le pouvoir, être les maîtres. Ah! quel réveil de vérité et de justice! Le dieu repu et accroupi en crèverait sur l’heure, l’idole monstrueuse, cachée au fond de son tabernacle, dans cet inconnu lointain où les misérables la nourrissaient de leur chair, sans l’avoir jamais vue.

Mais Étienne, quittant le chemin de Vandame, débouchait sur le pavé. À droite, il apercevait Montsou qui dévalait et se perdait. En face, il avait les décombres du Voreux, le trou maudit que trois pompes épuisaient sans relâche. Puis, c’étaient les autres fosses à l’horizon, la Victoire, Saint-Thomas, Feutry-Cantel; tandis que, vers le nord, les tours élevées des hauts fourneaux et les batteries des fours à coke fumaient dans l’air transparent du matin. S’il voulait ne pas manquer le train de huit heures, il devait se hâter, car il avait encore six kilomètres à faire.

Et, sous ses pieds, les coups profonds, les coups obstinés des rivelaines continuaient. Les camarades étaient tous là, il les entendait le suivre à chaque enjambée. N’était-ce pas la Maheude, sous cette pièce de betteraves, l’échine cassée, dont le souffle montait si rauque, accompagné par le ronflement du ventilateurs À gauche, à droite, plus loin, il croyait en reconnaître d’autres, sous les blés, les haies vives, les jeunes arbres. Maintenant, en plein ciel, le soleil d’avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s’allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d’un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s’épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s’ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre.

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