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Oeuvres complètes de Guy de Maupassant, volume 05

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Elle sentit comme une goutte d'eau froide qui lui descendait le long du dos; et elle repartit à grands pas, la tête égarée.

Elle aperçut, de loin, des gens en tas sous le platane. Elle s'élança, et, le groupe s'étant ouvert, elle vit sa mère étendue par terre, la tête soutenue par deux oreillers. La figure était toute noire, les yeux fermés, et sa poitrine, qui depuis vingt ans haletait, ne bougeait plus. La nourrice saisit l'enfant dans les bras de la jeune femme, et l'emporta.

Jeanne, hagarde, demandait: «Qu'est-il arrivé? Comment est-elle tombée? Qu'on aille chercher le médecin.» Et, comme elle se retournait, elle aperçut le curé, prévenu on ne sait comment. Il offrit ses soins, s'empressa en relevant les manches de sa soutane. Mais le vinaigre, l'eau de Cologne, les frictions demeurèrent inefficaces. «Il faudrait la dévêtir et la coucher,» dit le prêtre.

Le fermier Joseph Couillard se trouvait là ainsi que le père Simon et Ludivine. Aidés de l'abbé Picot, ils voulurent emporter la baronne; mais, quand ils la soulevèrent, la tête s'abattit en arrière, et la robe qu'ils avaient saisie se déchirait, tant sa grosse personne était pesante et difficile à remuer. Alors Jeanne se mit à crier d'horreur. On reposa par terre le corps énorme et mou.

Il fallut prendre un fauteuil du salon; et, quand on l'eut assise dedans, on put enfin l'enlever. Pas à pas ils gravirent le perron, puis l'escalier; et, parvenus dans la chambre, la déposèrent sur le lit.

Comme la cuisinière n'en finissait pas d'enlever ses vêtements, la veuve Dentu se trouva là juste à point, venue soudain, ainsi que le prêtre, comme s'ils avaient «senti la mort», selon le mot des domestiques.

Joseph Couillard partit à franc étrier pour prévenir le docteur; et comme le prêtre se disposait à aller chercher les saintes huiles, la garde lui souffla dans l'oreille: «Ne vous dérangez point, Monsieur le curé, je m'y connais, elle a passé.»

Jeanne, affolée, implorait, ne savait que faire, que tenter, quel remède employer. Le curé, à tout hasard, prononça l'absolution.

Pendant deux heures on attendit auprès de ce corps violet et sans vie. Tombée maintenant à genoux, Jeanne sanglotait, dévorée d'angoisse et de douleur.

Lorsque la porte s'ouvrit et que le médecin parut, il lui sembla voir entrer le salut, la consolation, l'espérance; et elle s'élança vers lui, balbutiant tout ce qu'elle savait de l'accident: «Elle se promenait comme tous les jours… elle allait bien… très bien même… elle avait mangé un bouillon et deux œufs au déjeuner… elle est tombée tout d'un coup… elle est devenue noire comme vous la voyez… et elle n'a plus remué… nous avons essayé de tout pour la ranimer… de tout…» Elle se tut, saisie par un geste discret de la garde au médecin pour signifier que c'était fini, bien fini. Alors, se refusant à comprendre, elle interrogea anxieusement, répétant: «Est-ce grave? croyez-vous que ce soit grave?»

Il dit enfin: «J'ai bien peur que ce soit… que ce soit… fini. Ayez du courage, un grand courage.»

Et Jeanne, ouvrant les bras, se jeta sur sa mère.

Julien rentrait. Il demeura stupéfait, visiblement contrarié, sans cri de douleur ni désespoir apparent, pris à l'improviste trop brusquement pour se faire d'un seul coup le visage et la contenance qu'il fallait. Il murmura: «Je m'y attendais, je sentais bien que c'était la fin.» Puis il tira son mouchoir, s'essuya les yeux, s'agenouilla, se signa, marmotta quelque chose, et, se relevant, voulut aussi relever sa femme. Mais elle tenait à pleins bras le cadavre et le baisait, presque couchée sur lui. Il fallut qu'on l'emportât. Elle semblait folle.

Au bout d'une heure on la laissa revenir. Aucun espoir ne subsistait. L'appartement était arrangé maintenant en chambre mortuaire. Julien et le prêtre parlaient bas près d'une fenêtre. La veuve Dentu, assise dans un fauteuil, d'une façon confortable, en femme habituée aux veilles et qui se sent chez elle dans une maison dès que la mort vient d'y entrer, paraissait assoupie déjà.

La nuit tombait. Le curé s'avança vers Jeanne, lui prit les mains, l'encouragea, déversant, sur ce cœur inconsolable, l'onde onctueuse des consolations ecclésiastiques. Il parla de la trépassée, la célébra en termes sacerdotaux, et, triste de cette fausse tristesse de prêtre pour qui les cadavres sont bienfaisants, il s'offrit à passer la nuit en prières auprès du corps.

Mais Jeanne, à travers ses larmes convulsives, refusa. Elle voulait être seule, toute seule en cette nuit d'adieux. Julien s'avança: «Mais, ce n'est pas possible, nous resterons tous les deux.» Elle faisait «non» de la tête, incapable de parler davantage. Elle put dire enfin: «C'est ma mère, ma mère. Je veux être seule à la veiller.» Le médecin murmura: «Laissez-la faire à sa guise, la garde pourra rester dans la chambre à côté.»

Le prêtre et Julien consentirent, songeant à leur lit. Puis l'abbé Picot s'agenouilla à son tour, pria, se releva et sortit en prononçant: «C'était une sainte», sur le ton dont il disait «Dominus vobiscum».

Alors le vicomte, de sa voix ordinaire, demanda: «Vas-tu prendre quelque chose?» Jeanne ne répondit point, ignorant qu'il s'adressait à elle. Il reprit: «Tu ferais peut-être bien de manger un peu pour te soutenir.» Elle répliqua d'un air égaré: «Envoie tout de suite chercher papa.» Et il sortit pour expédier un cavalier à Rouen.

Elle demeura abîmée dans une sorte de douleur immobile, comme si elle eût attendu, pour s'abandonner au flot montant des regrets désespérés, l'heure du dernier tête-à-tête.

Les ombres avaient envahi la chambre, voilant la morte de ténèbres. La veuve Dentu se mit à rôder, de son pas léger, cherchant et disposant des objets invisibles avec des mouvements silencieux de garde-malade. Puis elle alluma deux bougies qu'elle posa doucement sur la table de nuit couverte d'une serviette blanche, à la tête du lit.

Jeanne ne semblait rien voir, rien sentir, rien comprendre. Elle attendait d'être seule. Julien rentra; il avait dîné; et, de nouveau, il demanda: «Tu ne veux rien prendre?» Sa femme fit «non» de la tête.

Il s'assit, d'un air résigné plutôt que triste, et demeura sans parler.

Ils restaient tous trois, éloignés l'un de l'autre, sans un mouvement, sur leurs sièges.

Par moments la garde s'endormant ronflait un peu, puis se réveillait brusquement.

Julien à la fin se leva, et, s'approchant de Jeanne: «Veux-tu rester seule maintenant?» Elle lui prit la main, dans un élan involontaire: «Oh oui, laissez-moi.»

Il l'embrassa sur le front, en murmurant: «Je viendrai te voir de temps en temps.» Et il sortit avec la veuve Dentu qui roula son fauteuil dans la chambre voisine.

Jeanne ferma la porte, puis alla ouvrir toutes grandes les deux fenêtres. Elle reçut en pleine figure la tiède caresse d'un soir de fenaison. Les foins de la pelouse, fauchés la veille, étaient couchés sous le clair de lune.

Cette douce sensation lui fit mal, la navra comme une ironie.

Elle revint auprès du lit, prit une des mains inertes et froides et se mit à considérer sa mère.

Elle n'était plus enflée comme au moment de l'attaque; elle semblait dormir à présent plus paisiblement qu'elle n'avait jamais fait; et la flamme pâle des bougies qu'agitaient des souffles déplaçait à tout moment les ombres de son visage, la faisaient vivante comme si elle eût remué.

Jeanne la regardait avidement; et du fond des lointains de sa petite jeunesse une foule de souvenirs accourait.

Elle se rappelait les visites de petite mère au parloir du couvent, la façon dont elle lui tendait le sac de papier plein de gâteaux, une multitude de petits détails, de petits faits, de petites tendresses, des paroles, des intonations, des gestes familiers, les plis de ses yeux quand elle riait, son grand soupir essoufflé quand elle venait de s'asseoir.

Et elle restait là, contemplant, se répétant dans une sorte d'hébétement: «Elle est morte»; et toute l'horreur de ce mot lui apparut.

Celle couchée là, – maman – petite mère – maman Adélaïde, était morte? Elle ne remuerait plus, ne parlerait plus, ne rirait plus, ne dînerait plus jamais en face de petit père; elle ne dirait plus: «Bonjour Jeannette». Elle était morte!

On allait la clouer dans une caisse et l'enfouir, et ce serait fini. On ne la verrait plus. Était-ce possible? Comment? elle n'aurait plus sa mère? Cette chère figure si familière, vue dès qu'on a ouvert les yeux, aimée dès qu'on a ouvert les bras, ce grand déversoir d'affection, cet être unique, la mère, plus important pour le cœur que tout le reste des êtres, était disparu. Elle n'avait plus que quelques heures à regarder son visage, ce visage immobile et sans pensée; et puis rien, plus rien, un souvenir.

Et elle s'abattit sur les genoux dans une crise horrible de désespoir; et, les mains crispées sur la toile qu'elle tordait, la bouche collée sur le lit, elle cria d'une voix déchirante, étouffée dans les draps et les couvertures: «Oh! maman, ma pauvre maman, maman!»

Puis, comme elle se sentait devenir folle, folle ainsi qu'elle l'avait été dans cette nuit de fuite à travers la neige, elle se releva et courut à la fenêtre pour se rafraîchir, boire de l'air nouveau qui n'était point l'air de cette couche, l'air de cette morte.

Les gazons coupés, les arbres, la lande, la mer là-bas, se reposaient dans une paix silencieuse, endormis sous le charme tendre de la lune. Un peu de cette douceur calmante pénétra Jeanne et elle se mit à pleurer lentement.

Puis elle revint auprès du lit et s'assit en reprenant dans sa main la main de petite mère, comme si elle l'eût veillée malade.

Un gros insecte était entré, attiré par les bougies. Il battait les murs comme une balle, allait d'un bout à l'autre de la chambre. Jeanne, distraite par son vol ronflant, levait les yeux pour le voir; mais elle n'apercevait jamais que son ombre errante sur le blanc du plafond.

 

Puis elle ne l'entendit plus. Alors elle remarqua le tic-tac léger de la pendule et un autre petit bruit, ou, plutôt, un bruissement presque imperceptible. C'était la montre de petite mère qui continuait à marcher, oubliée dans la robe jetée sur une chaise aux pieds du lit. Et soudain un vague rapprochement entre cette morte et cette mécanique qui ne s'était point arrêtée raviva la douleur aiguë au cœur de Jeanne.

Elle regarda l'heure. Il était à peine dix heures et demie; et elle fut prise d'une peur horrible de cette nuit entière à passer là.

D'autres souvenirs lui revenaient: ceux de sa propre vie – Rosalie, Gilberte – les amères désillusions de son cœur. Tout n'était donc que misère, chagrin, malheur et mort. Tout trompait, tout mentait, tout faisait souffrir et pleurer. Où trouver un peu de repos et de joie? Dans une autre existence sans doute! Quand l'âme était délivrée de l'épreuve de la terre. L'âme! Elle se mit à rêver sur cet insondable mystère, se jetant brusquement en des convictions poétiques que d'autres hypothèses non moins vagues renversaient immédiatement. Où donc était, maintenant, l'âme de sa mère? l'âme de ce corps immobile et glacé? Très loin, peut-être. Quelque part dans l'espace? Mais où? Évaporée comme le parfum d'une fleur sèche? ou errante comme un invisible oiseau échappé de sa cage?

Rappelée à Dieu? ou éparpillée au hasard des créations nouvelles, mêlée aux germes près d'éclore?

Très proche peut-être? Dans cette chambre, autour de cette chair inanimée qu'elle avait quittée? Et brusquement Jeanne crut sentir un souffle l'effleurer, comme le contact d'un esprit. Elle eut peur, une peur atroce, si violente qu'elle n'osait plus remuer, ni respirer, ni se retourner pour regarder derrière elle. Son cœur battait comme dans les épouvantes.

Et soudain l'invisible insecte reprit son vol et se remit à heurter les murs en tournoyant. Elle frissonna des pieds à la tête, puis, rassurée tout à coup quand elle eut reconnu le ronflement de la bête ailée, elle se leva, et se retourna. Ses yeux tombèrent sur le secrétaire aux têtes de sphinx, le meuble aux reliques.

Et une idée tendre et singulière l'envahit; c'était de lire, en cette dernière veillée, comme elle aurait fait d'un livre pieux, les vieilles lettres chères à la morte. Il lui sembla qu'elle allait remplir un devoir délicat et sacré, quelque chose de vraiment filial, qui ferait plaisir, dans l'autre monde, à petite mère.

C'était l'ancienne correspondance de son grand-père et de sa grand'mère, qu'elle n'avait point connus. Elle voulait leur tendre les bras par-dessus le corps de leur fille, aller vers eux en cette nuit funèbre comme s'ils eussent souffert aussi, former une sorte de chaîne mystérieuse de tendresse entre ceux-là morts autrefois, celle qui venait de disparaître à son tour, et elle-même restée encore sur la terre.

Elle se leva, abattit la tablette du secrétaire et prit dans le tiroir du bas une dizaine de petits paquets de papiers jaunes, ficelés avec ordre, et rangés côte à côte.

Elle les déposa tous sur le lit, entre les bras de la baronne, par une sorte de raffinement sentimental, et elle se mit à lire.

C'étaient ces vieilles épîtres qu'on retrouve dans les antiques secrétaires de familles, ces épîtres qui sentent un autre siècle.

La première commençait par «Ma chérie». Une autre par «Ma belle petite-fille», puis c'étaient «Ma chère petite» – «Ma mignonne» – «Ma fille adorée», puis «Ma chère enfant» – «Ma chère Adélaïde» – «Ma chère fille» selon qu'elles s'adressaient à la fillette, à la jeune fille, et, plus tard, à la jeune femme.

Et tout cela était plein de tendresses passionnées et puériles, de mille petites choses intimes, de ces grands et simples événements du foyer, si mesquins pour les indifférents: «père a la grippe; la bonne Hortense s'est brûlée au doigt; le chat «Croquerat» est mort; on a abattu le sapin à droite de la barrière; mère a perdu son livre de messe en revenant de l'église, elle pense qu'on le lui a volé.»

On y parlait aussi de gens inconnus à Jeanne, mais dont elle se rappelait vaguement avoir entendu prononcer le nom, autrefois, dans son enfance.

Elle s'attendrissait à ces détails qui lui semblaient des révélations; comme si elle fût entrée tout à coup dans toute la vie passée, secrète, la vie du cœur de petite mère. Elle regardait le corps gisant, et, brusquement, elle se mit à lire tout haut, à lire pour la morte, comme pour la distraire, la consoler.

Et le cadavre immobile semblait heureux.

Une à une elle rejetait les lettres sur les pieds du lit; et elle pensa qu'il faudrait les mettre dans le cercueil, comme on y dépose des fleurs.

Elle délia un autre paquet. C'était une écriture nouvelle. Elle commença: «Je ne peux plus me passer de tes caresses. Je t'aime à devenir fou.»

Rien de plus; pas de nom.

Elle retourna le papier sans comprendre. L'adresse portait bien «Madame la baronne Le Perthuis des Vauds».

Alors elle ouvrit la suivante: «Viens ce soir, dès qu'il sera sorti. Nous aurons une heure. Je t'adore.»

Dans une autre: «J'ai passé une nuit de délire à te désirer vainement. J'avais ton corps dans mes bras, ta bouche sous mes lèvres, tes yeux sous mes yeux. Et puis je me sentais des rages à me jeter par la fenêtre en songeant qu'à cette heure-là même, tu dormais à son côté, qu'il te possédait à son gré…»

Jeanne interdite ne comprenait pas.

Qu'était-ce que cela? A qui, pour qui, de qui ces paroles d'amour?

Elle continua, retrouvant toujours des déclarations éperdues, des rendez-vous avec des recommandations de prudence, puis toujours, à la fin, ces quatre mots: «Surtout brûle cette lettre.»

Enfin elle ouvrit un billet banal, une simple acceptation à dîner, mais de la même écriture, et signé: «Paul d'Ennemare», celui que le baron appelait, quand il parlait encore de lui: «Mon pauvre vieux Paul», et dont la femme avait été la meilleure amie de la baronne.

Alors Jeanne, brusquement, fut effleurée d'un doute qui devint tout de suite une certitude. Sa mère l'avait eu pour amant.

Et soudain, la tête éperdue, elle rejeta d'une secousse ces papiers infâmes, comme elle eût rejeté quelque bête venimeuse montée sur elle, et elle courut à la fenêtre, et elle se mit à pleurer affreusement avec des cris involontaires qui lui déchiraient la gorge; puis, tout son être se brisant, elle s'affaissa au pied de la muraille, et, cachant son visage dans le rideau pour qu'on n'entendît point ses gémissements, elle sanglota abîmée dans un désespoir insondable.

Elle serait restée peut-être ainsi toute la nuit; mais un bruit de pas dans la pièce voisine la fit se redresser d'un bond. C'était son père, peut-être? Et toutes les lettres gisaient sur le lit et sur le plancher! Il lui suffirait d'en ouvrir une! Et il saurait cela? lui!

Elle s'élança, et, saisissant à poignées tous les vieux papiers jaunes, ceux des grands parents et ceux de l'amant, et ceux qu'elle n'avait point dépliés, et ceux qui se trouvaient encore ficelés dans les tiroirs du secrétaire, elle les jetait en tas dans la cheminée. Puis elle prit une des bougies qui brûlaient sur la table de nuit et mit le feu à ce monceau de lettres. Une grande flamme jaillit qui éclaira la chambre, la couche et le cadavre d'une lueur vive et dansante, dessinant en noir sur le rideau blanc du fond du lit le profil tremblotant du visage rigide et les lignes du corps énorme sous le drap.

Quand il n'y eut plus qu'un amas de cendres au fond du foyer, elle retourna s'asseoir auprès de la fenêtre ouverte comme si elle n'eût plus osé rester auprès de la morte, et elle se remit à pleurer, la figure dans ses mains, et gémissant d'un ton navré, d'un ton de plainte désolée: «Oh! ma pauvre maman, oh! ma pauvre maman!»

Et une atroce réflexion lui vint: – Si petite mère n'était pas morte, par hasard, si elle n'était qu'endormie d'un sommeil léthargique, si elle allait soudain se lever, parler? – La connaissance de l'affreux secret n'amoindrirait-elle pas son amour filial? L'embrasserait-elle des mêmes lèvres pieuses? La chérirait-elle de la même affection sacrée? Non. Ce n'était pas possible! Et cette pensée lui déchira le cœur.

La nuit s'effaçait; les étoiles pâlissaient; c'était l'heure fraîche qui précède le jour. La lune descendue allait s'enfoncer dans la mer qu'elle nacrait sur toute sa surface.

Et le souvenir saisit Jeanne de cette nuit passée à la fenêtre lors de son arrivée aux Peuples. Comme c'était loin, comme tout était changé, comme l'avenir lui semblait différent!

Et voilà que le ciel devint rose, d'un rose joyeux, amoureux, charmant. Elle regardait, surprise maintenant comme devant un phénomène, cette radieuse éclosion du jour, se demandant s'il était possible que, sur cette terre où se levaient de pareilles aurores, il n'y eût ni joie ni bonheur.

Un bruit de porte la fit tressaillir. C'était Julien. Il demanda: «Eh bien? tu n'es pas trop fatiguée?»

Elle balbutia «Non», heureuse de n'être plus seule. «A présent, va te reposer,» dit-il. Elle embrassa lentement sa mère, d'un baiser lent, douloureux et navré; puis elle rentra dans sa chambre.

La journée s'écoula dans ces tristes occupations que réclame un mort. Le baron arriva vers le soir. Il pleura beaucoup.

L'enterrement eut lieu le lendemain.

Après qu'elle eut, pour la dernière fois, appuyé ses lèvres sur le front glacé, qu'elle eut fait la dernière toilette, et vu clouer le corps dans le cercueil, Jeanne se retira. Les invités allaient venir.

Gilberte arriva la première, et se jeta en sanglotant sur le cœur de son amie.

On voyait par la fenêtre les voitures tourner à la grille, s'en venant au trot. Et des voix résonnaient dans le grand vestibule. Des femmes en noir entraient peu à peu dans la chambre, des femmes que Jeanne ne connaissait point. La marquise de Coutelier et la vicomtesse de Briseville l'embrassèrent.

Elle s'aperçut tout à coup que tante Lison se glissait derrière elle. Et elle l'étreignit avec tendresse, ce qui fit presque défaillir la vieille fille.

Julien entra, en grand noir, élégant, affairé, satisfait de cette affluence. Il parla bas à sa femme pour un conseil qu'il demandait. Il ajouta d'un ton confidentiel: «Toute la noblesse est venue, ce sera très bien.» Et il repartit en saluant gravement les dames.

Tante Lison et la comtesse Gilberte restèrent seules auprès de Jeanne pendant que s'accomplissait la cérémonie funèbre. La comtesse l'embrassait sans cesse en répétant: «Ma pauvre chérie, ma pauvre chérie!»

Quand le comte de Fourville revint chercher sa femme, il pleurait lui-même comme s'il avait perdu sa propre mère.

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