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Читать книгу: «Henri VI. 1», страница 7

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SCÈNE II

A Londres. – Une salle du palais
Entrent LE ROI HENRI, GLOCESTER ET EXETER

LE ROI. – Avez-vous vu les lettres du pape, de l'empereur et du comte d'Armagnac?

GLOCESTER. – Oui, mon prince, et voici ce qu'elles contiennent: ils demandent en grâce à Votre Majesté qu'une bienheureuse paix soit conclue entre la France et l'Angleterre.

LE ROI. – Et que pensez-vous de cette demande?

GLOCESTER. – Je l'approuve, mon prince, comme le moyen d'arrêter l'effusion du sang chrétien et de rétablir la tranquillité dans les deux royaumes.

LE ROI. – Allons, j'y consens, mon oncle; car j'ai toujours pensé que c'était une chose impie et contre nature, que d'entretenir ces barbares et sanglantes querelles entre des nations qui professent la même foi.

GLOCESTER. – De plus, sire, pour accélérer et affermir encore plus le noeud de cette alliance, le comte d'Armagnac, proche parent de Charles, et homme d'un grand poids en France, propose à Votre Majesté sa fille en mariage, avec une riche et magnifique dot.

LE ROI. – En mariage? Hélas! mon oncle, je suis bien jeune encore: mon cabinet et mes livres vont mieux à mon âge que l'amour et le choix d'une femme. Cependant, qu'on fasse entrer les ambassadeurs, et que chacun d'eux reçoive la réponse que vous jugerez convenable; je serai satisfait de toute résolution qui tendra à la gloire de Dieu et au bien de mon pays.

(Entrent un légat et deux ambassadeurs, avec Winchester, revêtu du chapeau de cardinal.)

EXETER, à part. – Quoi! voilà donc le lord Winchester élevé à la dignité de cardinal 16! Ah! je commence à voir que ce qu'a prédit un jour Henri V pourra bien s'accomplir: «Si jamais, disait-il, Winchester parvient à être cardinal, il fera de son chapeau le rival de la couronne

LE ROI. – Ambassadeurs, vos différentes demandes ont été examinées et discutées. Votre proposition est juste et sage: aussi nous sommes décidément résolus à dresser les articles d'une paix sincère; et ils seront incessamment présentés à la France par milord Winchester.

GLOCESTER, à l'ambassadeur du comte d'Armagnac.-Et quant à l'offre particulière du comte votre maître, j'en ai instruit Sa Majesté en détail; et le roi, satisfait des vertus de la princesse, informé de sa beauté, et content de sa dot, a le dessein de la faire reine de l'Angleterre.

LE ROI. – Pour preuve de mes intentions et de mon aveu, portez-lui ce joyau, gage de mon affection. (Il lui remet un bijou.) Et vous, lord protecteur, veillez à ce qu'ils soient escortés et conduits en sûreté jusqu'à Douvres; et après qu'ils seront embarqués, remettez-les aux chances de la mer.

(Le roi sort avec sa suite.)

WINCHESTER, au légat. – Arrêtez, seigneur légat; vous recevrez d'abord la somme que j'ai promise à Sa Sainteté, en échange de ces ornements vénérables dont elle m'a revêtu.

LE LÉGAT. – J'attendrai votre convenance, milord.

WINCHESTER. – Maintenant Winchester ne se soumettra pas, je pense, et ne le cédera pas au plus fier des pairs. – Humfroy de Glocester, tu reconnaîtras que l'évêque n'est ton inférieur, ni en naissance, ni en autorité, je te ferai plier et fléchir le genou, ou j'abîmerai ce royaume à force de révoltes.

(Ils sortent.)

SCÈNE III

En France
Entrent CHARLES, LE DUC DE BOURGOGNE, ALENÇON, LE BATARD, RENÉ ET LA PUCELLE

CHARLES. – Ces nouvelles, seigneur, doivent ranimer nos esprits abattus. On dit que les fiers Parisiens se révoltent et reviennent au parti des Français.

ALENÇON. – Marchons donc vers Paris, prince, et ne tenons pas ici notre armée dans l'inaction.

LA PUCELLE. – Que la paix soit avec eux, s'ils reviennent à nous! Autrement, que la ruine s'attache à leurs palais!

(Entre un éclaireur.)

L'ÉCLAIREUR. – Succès à notre vaillant général, et prospérité à ses partisans!

CHARLES. – Quelles nouvelles nous envoient nos éclaireurs? Parle.

L'ÉCLAIREUR. – L'armée anglaise, qui était divisée en deux corps, est maintenant réunie en un seul, et se propose de vous livrer bataille à l'instant.

CHARLES. – Cet avis est un peu soudain; mais nous allons nous mettre en état de les recevoir.

LE DUC DE BOURGOGNE. – J'ai confiance; l'ombre de Talbot n'est pas au milieu d'eux: à présent que Talbot n'est plus, seigneur, vous ne devez plus vous alarmer.

LA PUCELLE. – De toutes les passions honteuses, la plus maudite est la peur. Commandez à la victoire, Charles, et la victoire est à vous. Que Henri écume de rage; et que l'univers murmure en voyant nos triomphes.

CHARLES. – Marchons, mes seigneurs. Et que la France soit heureuse!

(Ils sortent.)

SCÈNE IV

Une alarme. – Attaques
Entre LA PUCELLE

LA PUCELLE. – Le régent triomphe, et les Français fuient! – Venez à notre secours, paroles magiques, charmes puissants 17; et vous, esprits d'élite qui m'instruisez de l'avenir et me faites prévoir les événements. (On entend un coup de tonnerre.) Vous, génies légers, qui servez sous les lois du souverain monarque du Nord, paraissez, et secondez-moi dans cette entreprise. (Paraissent des démons.) À cette prompte apparition, je reconnais votre obéissance ordinaire à ma voix. Maintenant, esprits familiers, qui sortez du redoutable empire des régions souterraines, assistez-moi aujourd'hui, et faites que la France ait la victoire! (Les démons se promènent en silence.) Ah! ne gardez pas plus longtemps ce morne silence. – Faut-il vous nourrir de mon propre sang? Je vais me couper un membre et vous le donner pour gage d'un plus riche salaire; consentez donc à m'assister. (Les démons baissent la tête.) N'est-il plus d'espoir de secours? – Eh bien, si vous m'accordez ma prière, mon corps sera le prix dont je payerai votre bienfait. (Les démons secouent la tête.) Quoi? le sacrifice de mon corps et de mon sang ne peuvent vous toucher et obtenir votre assistance accoutumée? Prenez donc mon âme. Oui, mon corps, mon sang, mon âme, tout, plutôt que de laisser la France succomber sous l'Angleterre. (Les démons s'évanouissent.) Hélas! ils m'abandonnent! – L'heure est donc venue où la France doit couvrir d'un voile son superbe panache et laisser tomber sa tête dans le giron de l'Angleterre. Mes anciens enchantements sont impuissants, et l'enfer est trop fort pour que je lutte contre lui. C'en est fait, ô France; ta gloire va tomber en poussière.

(Elle sort.)

(Escarmouches. La Pucelle et York combattent corps à corps. La Pucelle est prise. Les Français fuient.)

YORK. – Damoiselle de France, je crois que je vous tiens. – Déchaînez à présent vos esprits infernaux par vos sortiléges; essayez s'ils peuvent vous remettre en liberté: vous êtes une précieuse prise et qui doit tenter le diable. – Voyez comme cette sorcière hideuse fronce ses sourcils; on dirait que, comme une autre Circé, elle cherche à me faire changer de forme.

LA PUCELLE. – Tu ne peux recevoir une forme plus odieuse que la tienne.

YORK. – Oh! sans doute, le dauphin Charles est un bel homme; nul autre que lui ne peut plaire à votre oeil difficile.

LA PUCELLE. – Que la peste tombe sur Charles et sur toi! et puissiez-vous tous deux être surpris endormis dans votre lit et assaillis par des mains homicides!

YORK. – Farouche et maudite sorcière, retiens ta langue.

LA PUCELLE. – Je t'en conjure, laisse-moi maudire à mon gré.

YORK. – Tu maudiras à ton gré, mécréante, quand tu seras attachée au poteau.

(Ils sortent.)
(Une alarme. Entre Suffolk tenant Marguerite par la main.)

SUFFOLK. – Soyez qui vous voudrez, vous êtes ma prisonnière. (Il la regarde.) Ô la plus belle de toutes les belles, ne crains rien, ne songe pas à fuir: je ne te toucherai que d'une main respectueuse; et je les pose doucement sur ton coeur. Je baise ces doigts en signe d'une paix éternelle. Qui es-tu? dis-le-moi afin que je te rende l'hommage qui t'est dû.

MARGUERITE. – Marguerite est mon nom: je suis fille d'un roi, du roi de Naples; apprends-le, qui que tu sois toi-même.

SUFFOLK. – Je suis comte, et je m'appelle Suffolk. Merveille de la nature, ne t'offense point du sort qui t'a fait ma captive; c'est ainsi que le cygne sauve ses petits du danger en les tenant emprisonnés sous ses ailes. Mais si ce droit de la guerre t'offense, va, sois libre comme l'amie de Suffolk. (Marguerite va pour s'éloigner.)-Ah! reste. – Je ne me sens pas le pouvoir de la laisser partir: ma main voudrait la laisser libre, mais mon coeur dit non. Telle que l'image du soleil dont les rayons se jouent dans l'onde pure, telle paraît à mes yeux cette beauté ravissante. – Je voudrais lui faire ma cour, mais je n'ose lui parler. Je vais demander une plume et de l'encre et lui écrire ma pensée. – Allons donc, Suffolk, aie plus de confiance en toi. N'as-tu pas une langue? n'est-elle pas ta captive? Seras-tu dompté par la vue d'une femme? – Oh! la majesté de la beauté est si souveraine qu'elle enchaîne la langue et confond tous les sens.

MARGUERITE. – Dis, comte de Suffolk, si tel est ton nom, quelle rançon faudra-t-il que je paye pour obtenir ma liberté? car je vois que je suis ta prisonnière.

SUFFOLK, à part. – Comment peux-tu être sûr qu'elle dédaignera tes voeux avant d'avoir essayé de gagner son amour?

MARGUERITE. – Pourquoi ne parles-tu pas? Quelle rançon dois-je payer?

SUFFOLK, à part. – Elle est belle, et dès lors faite pour être adorée; elle est femme, et dès lors faite pour être conquise.

MARGUERITE. – Veux-tu accepter une rançon, oui ou non?

SUFFOLK, à part.-Insensé, souviens-toi que tu as une femme: comment donc Marguerite pourrait-elle être l'objet de ton amour?

MARGUERITE. – Il vaut mieux que je le quitte; car il ne veut point m'entendre.

SUFFOLK, à part. – C'est là ce qui renverse tous mes projets; il n'y faut plus songer.

MARGUERITE. – Il parle au hasard: sûrement cet homme est fou.

SUFFOLK, à part. – Mais on pourrait obtenir une dispense.

MARGUERITE. – Et cependant je voudrais bien obtenir votre réponse.

SUFFOLK, toujours à part.-Je veux gagner le coeur de cette belle Marguerite… Pour qui? – Quoi? pour mon roi. – Ah! c'est une créature de bois.

MARGUERITE. – Il parle de bois: c'est quelque charpentier.

SUFFOLK, à part.-Mais enfin ce moyen satisferait mon désir, et la paix serait cimentée entre les deux royaumes. – Mais à cela il reste encore un obstacle: car quoique son père soit roi de Naples, duc d'Anjou et du Maine, cependant il est pauvre, et notre noblesse dédaignerait cette alliance.

MARGUERITE. – M'entendez-vous, capitaine? – N'en avez-vous donc pas le loisir?

SUFFOLK. – Cela sera, en dépit de tous leurs dédains. Henri est jeune, il cédera facilement. (En se rapprochant d'elle.) Madame, j'ai un secret à vous révéler.

MARGUERITE, à part.-Quoique je sois prisonnière, il me paraît un chevalier, et je ne dois craindre aucune insulte.

SUFFOLK. – Madame, daignez écouter ce que je vous dis.

MARGUERITE, à part.-Peut-être serai-je délivrée par les Français, et alors je n'ai pas besoin de mendier ses égards.

SUFFOLK. – Aimable dame, donnez-moi votre attention sur un objet important.

MARGUERITE. – Après tout, d'autres femmes ont été captives avant moi.

SUFFOLK. – Madame, pourquoi parlez-vous ainsi?

MARGUERITE. – Je vous demande merci; ce n'est qu'un prêté rendu 18.

SUFFOLK. – Répondez, aimable princesse; ne regarderiez-vous pas votre esclavage comme un heureux événement, s'il vous faisait reine?

MARGUERITE. – Une reine dans l'esclavage est plus avilie qu'un esclave dans la plus basse servitude: il faut que les princes soient libres.

SUFFOLK. – Et vous le serez, si le roi de la belle Angleterre l'est lui-même.

MARGUERITE. – Quoi? que me fait sa liberté?

SUFFOLK. – J'entreprendrai de te faire la reine de Henri, de placer dans ta main un sceptre d'or, et une riche couronne sur ta tête, si tu veux condescendre à être ma…

MARGUERITE. – Quoi?

SUFFOLK. – L'objet de son amour.

MARGUERITE. – Je suis indigne d'être l'épouse de Henri.

SUFFOLK. – Non, madame, c'est moi qui suis indigne et me sens incapable de faire ma cour à une beauté si céleste, pour la rendre la femme de Henri, sans avoir moi-même aucune part dans ce choix. Eh bien! madame, que répondez-vous? êtes-vous satisfaite?

MARGUERITE. – Oui, je le suis, si mon père y consent.

SUFFOLK. – Allons, assemblons nos officiers et déployons nos enseignes; et, près des murs du château de votre père, faisons sonner un pourparler pour lui demander à conférer avec lui. (Un trompette sonne un pourparler. – René paraît sur les murs.) Vois, René, vois ta fille prisonnière.

RENÉ. – De qui?

SUFFOLK. – La mienne.

RENÉ. – Eh bien, Suffolk, quel remède? Je suis un soldat, et ne sais ni pleurer, ni me déchaîner contre l'inconstance de la fortune.

SUFFOLK. – Il est un remède, seigneur. Consentez (et pour votre gloire consentez-y) que votre fille soit mariée à mon roi, c'est avec peine que je suis parvenu à l'y déterminer, et cette captivité si douce aura valu à votre fille la liberté et un trône.

RENÉ. – Suffolk pense-t-il comme il parle?

SUFFOLK. – La belle Marguerite sait que Suffolk ne sait ni flatter, ni dissimuler, ni tromper.

RENÉ. – Sur ta parole de comte, je descends pour répondre à tes gracieuses offres.

SUFFOLK. – Et moi, je vais t'attendre ici.

(Les trompettes sonnent. Entre René.)

RENÉ. – Brave comte, sois le bienvenu sur notre territoire: commande dans l'Anjou selon qu'il te plaira.

SUFFOLK. – Je te rends grâces, René, heureux père d'une si belle enfant, faite pour devenir la compagne d'un roi. Quelle réponse fais-tu à ma demande?

RENÉ. – Puisque tu daignes rechercher le faible mérite de ma fille pour en faire la royale épouse d'un si grand prince, ma fille appartiendra à Henri s'il veut bien l'accepter, à condition que je jouirai tranquillement de mes duchés du Maine et de l'Anjou, exempt des troubles et de tous les maux de la guerre.

SUFFOLK. – Ton consentement est sa rançon; je lui rends sa liberté; et je me charge d'obtenir pour toi la jouissance paisible de tes deux comtés.

RENÉ. – Et moi, au nom de l'auguste Henri, voyant en toi le représentant et l'envoyé de ce puissant roi, je te donne sa main pour gage de sa foi.

SUFFOLK. – René de France, je te rends grâces au nom du roi; car c'est ici un pacte convenu pour les intérêts du roi. (A part.) Et cependant il me semble que je serais avec plaisir, dans cet accord, mon propre mandataire. – Je vais partir pour l'Angleterre avec cette nouvelle et hâter la célébration de ce mariage. Adieu, René: dépose ce diamant dans un palais, ainsi qu'il convient.

RENÉ. – Je t'embrasse, comme j'embrasserais le pieux roi Henri s'il était ici.

MARGUERITE, à Suffolk. – Adieu, milord. Suffolk peut compter toute sa vie sur les voeux, les prières et les louanges de Marguerite.

(Elle va pour se retirer.)

SUFFOLK. – Adieu, ravissante dame. – Eh quoi! Marguerite, ne me chargerez-vous d'aucun compliment pour mon roi?

MARGUERITE. – Dites-lui de ma part tout ce que peut lui dire une jeune fille, sa servante.

SUFFOLK. – Douces paroles, pleines de grâce et de modestie! Mais, madame, il faut que je vous importune encore: quoi! nul gage d'amour pour Sa Majesté?

MARGUERITE. – Excusez-moi, mon cher lord: je lui envoie un coeur pur et sans tache, que n'a jamais profané l'amour.

SUFFOLK, en l'embrassant. – Et ce baiser aussi…

MARGUERITE. – Que ceci soit pour vous. – Je n'aurais pas la présomption d'envoyer à un roi des gages si téméraires.

(Sortent René et Marguerite.)

SUFFOLK. – Oh! si tu étais pour moi!.. Mais, arrête, Suffolk; ne t'engage pas dans ce dangereux labyrinthe: là sont cachés des monstres dévorants et d'horribles trahisons. – Éveille plutôt l'amour de Henri par les louanges de la charmante Marguerite; grave dans ta mémoire ses ravissantes vertus et ses grâces naturelles si supérieures à l'art: retrace-toi souvent son image en traversant les mers, afin qu'arrivé aux pieds de Henri tu puisses troubler sa raison et l'enivrer d'admiration.

(Il sort.)

SCÈNE V

Camp du duc d'York, en Anjou
Entrent YORK, WARWICK, UN BERGER, LA PUCELLE

YORK. – Amenez cette sorcière, qui est condamnée au feu.

LE BERGER. – Ah! Jeanne, ce coup donne la mort au coeur de ton père. N'ai-je donc parcouru tant de pays, et ne te retrouvé-je à présent que pour être témoin de ta mort cruelle et prématurée? Ah! Jeanne, ma chère fille, je veux mourir avec toi.

LA PUCELLE. – Vieillard décrépit, ignoble et vil mendiant, je suis sortie d'un plus noble sang que le tien: tu n'es point mon père, ni mon ami.

LE BERGER. – Ah! malheureuse!.. Milord, je vous en conjure, cela n'est pas. Je suis son père: toute la paroisse le sait; sa mère vit encore et peut attester qu'elle fut le premier fruit de ma jeunesse.

WARWICK. – Ingrate, veux-tu donc renier tes parents?

YORK. – On peut juger par là quel genre de vie elle a menée, honteuse et criminelle; sa mort répond à sa vie.

LE BERGER. – C'est une honte, Jeanne, de vouloir ainsi démentir ton père. Dieu sait que tu es formée de ma chair, et que pour toi j'ai versé bien des larmes: ne me méconnais pas, chère fille, je t'en conjure.

LA PUCELLE. – Loin de moi, paysan. (Aux Anglais.) Vous avez suborné cet homme pour flétrir ma noble origine.

LE BERGER. – Il est vrai que je donnai un noble 19 au prêtre le jour où j'épousai sa mère. – Mets-toi à genoux, ma chère fille, et reçois ma bénédiction. Quoi, tu ne veux pas? Eh bien, maudit soit l'instant de ta naissance! je voudrais que le lait que tu suçais sur le sein de ta mère fût devenu un poison pour toi; ou bien je voudrais que dans le temps où tu gardais mes moutons dans les champs, quelque loup affamé t'eût dévorée: tu renies ton père, infâme prostituée? Brûlez-la! brûlez-la! le gibet serait un supplice trop doux pour elle.

(Il sort.)

YORK. – Qu'on l'emmène; elle a vécu trop longtemps pour semer dans l'univers ces vices odieux.

LA PUCELLE. – Laissez-moi d'abord vous dire qui vous condamnez. Je ne suis point la fille d'un obscur berger: je suis issue de la race des rois; vierge chaste et sacrée, choisie par le Ciel, inspirée par sa grâce, et appelée à opérer sur la terre les plus grands miracles. Jamais je n'eus de commerce avec les esprits infernaux. Mais vous, hommes corrompus par la débauche, souillés du sang des innocents, chargés d'iniquités et de vices, parce que vous êtes privés de la grâce dont d'autres ont reçu les dons, vous jugez impossible d'opérer des merveilles, si ce n'est par le secours des démons. Non! cette Jeanne d'Arc, que méconnaît votre ignorance, naquit et vécut vierge depuis sa tendre enfance: elle vécut chaste et sans reproche même dans ses pensées; et son sang pur, que vos mains barbares versent si injustement, criera vengeance contre vous aux portes du Ciel.

YORK. – Oui, oui; allons, qu'on l'entraîne au supplice.

WARWICK, aux exécuteurs. – Écoutez; comme elle est fille, allumez un grand bûcher, et placez au-dessus des barils de poix, afin d'abréger ses tourments.

LA PUCELLE. – Rien ne touchera-t-il vos coeurs impitoyables? – Allons, Jeanne, puisqu'il le faut, dévoile donc ta faiblesse qui t'assure le privilége de la loi. Je suis enceinte, homicides sanguinaires; si vous m'entraînez à une mort violente, ne faites pas du moins périr le fruit qui vit dans mon sein.

YORK. – Que le Ciel ne permette pas… La sainte Pucelle enceinte?

WARWICK. – C'est là le plus grand miracle que tu aies jamais fait. Voilà donc où aboutit la scrupuleuse vertu?

YORK. – Sûrement le dauphin et elle auront eu commerce ensemble. J'avais prévu que ce serait là son dernier refuge.

WARWICK. – Allons, pars: nous ne voulons point sauver la vie à des bâtards, surtout à ceux dont Charles est le père.

LA PUCELLE. – Vous vous trompez; mon enfant n'est point de lui: c'est Alençon qui a eu mon amour.

YORK. – Alençon, cet indigne Machiavel 20! Elle mourra, eût-elle mille vies à perdre.

LA PUCELLE. – Oh! permettez. Je vous ai trompés encore: ce n'est ni Charles ni ce duc que je viens de nommer, c'est René, le roi de Naples, qui a triomphé de ma vertu.

WARWICK. – Un homme marié! Ce crime est intolérable.

YORK. – Bon; nous avons ici une vraie fille: je crois qu'elle ne sait trop lequel accuser, tant elle a eu d'amants!

WARWICK. – C'est une marque qu'elle a été facile et libérale.

YORK. – Et cependant tout à l'heure elle était vierge. – Vile prostituée, tes paroles te condamnent, toi et ton indigne fruit. Cesse les instances; elles sont inutiles.

LA PUCELLE. – Eh bien! emmenez-moi, vous à qui je lègue mes malédictions. Puisse le brillant soleil ne jamais laisser tomber ses rayons sur le pays que vous habitez! que la nuit et les funestes ombres de la mort vous environnent, jusqu'à ce que le malheur et le désespoir vous poussent à vous égorger ou à vous étrangler vous-mêmes!

(Les gardes l'emmènent.)

YORK. – Va tomber en lambeaux et te réduire en cendres, ministre maudit de l'enfer.

(Entre l'évêque de Winchester, cardinal de Beaufort.)

LE CARDINAL. – Lord régent, je salue Votre Grâce, et vous remets des lettres du roi. Apprenez, milord, que les puissances de la chrétienté, émues de pitié à la vue de ces sanglantes querelles, ont sollicité avec les plus vives instances une paix générale entre nous et l'ambitieuse France. – Et voyez le dauphin et sa suite qui s'avancent pour conférer avec nous sur les articles.

YORK. – Est-ce là tout le fruit de notre expédition? Après le meurtre de tant d'illustres lords, de tant de braves guerriers, capitaines et soldats, qui ont été immolés dans cette querelle et ont vendu leur vie pour leur patrie, finirons-nous par conclure une paix honteuse? N'avons-nous pas perdu par trahison, par fraude, la plupart des villes qu'avaient conquises nos illustres ancêtres? O Warwick, Warwick, je prévois avec douleur la perte complète de tout le royaume de France.

WARWICK. – Calmez-vous, York: si nous signons une paix, ce sera à des conditions si rigoureuses et si sévères, que les Français en retireront peu d'avantage.

(Entrent Charles, Alençon, le Bâtard et René.)

CHARLES. – Lords d'Angleterre, puisqu'il est arrêté qu'il sera proclamé une trêve en France, nous venons savoir de vous-mêmes quelles doivent être les conditions du traité.

YORK. – Parlez, Winchester: car la bouillante colère me suffoque et étouffe ma voix à la vue de nos mortels ennemis.

LE CARDINAL. – Charles, et vous, princes de France, voici les clauses: Qu'en reconnaissance de ce que le roi Henri, ému de compassion, et par pure clémence, consent à soulager votre pays des calamités de la guerre, et à vous laisser respirer au sein d'une heureuse paix, vous vous reconnaîtrez les vassaux fidèles de sa couronne. Et vous, Charles, à condition que vous ferez serment de lui payer tribut, et l'hommage de votre soumission, vous serez établi en qualité de vice-roi sous ses ordres, et vous n'en jouirez pas moins de la dignité royale.

ALENÇON. – Quoi! faudra-t-il qu'il ne soit plus que l'ombre de lui-même? qu'il orne son front d'une couronne, et qu'en réalité et en autorité il ne conserve que le privilége d'un simple sujet? Cette offre est absurde et dénuée de toute raison.

CHARLES. – Il est notoire que je suis déjà en possession de plus de la moitié du territoire de la France, et que j'y suis reconnu pour légitime souverain. Irai-je, pour gagner le reste des provinces non encore conquises, ravaler le privilége de ma royauté au point de n'avoir plus que le titre de vice-roi? Non, non, lord ambassadeur; j'aime mieux garder ce que je possède, que de me voir, par un désir trop pressé d'acquérir ce que je n'ai pas encore, dépouillé de l'espoir de devenir maître de tout.

YORK. – Présomptueux Charles! as-tu donc, par de sourdes intrigues, imploré l'intercession de l'Europe pour obtenir une paix, et aujourd'hui qu'on en vient à la conclure, oses tu comparer ton état présent aux conditions que nous t'offrons? Accepte de tenir comme un bienfait de notre roi le titre que tu usurpes, et non comme un droit qui t'appartienne, ou bien nous te poursuivrons d'une guerre éternelle.

RENÉ, bas au dauphin.-Seigneur, vous avez tort de vous obstiner à chicaner les articles du traité; si vous laissez échapper cette occasion, je gage dix contre un que vous n'en retrouverez jamais une aussi favorable.

ALENÇON, bas au dauphin.-Il faut convenir qu'il est de votre prudence de sauver vos sujets d'un si cruel carnage, et de tous les barbares massacres qui s'exercent tous les jours dans le cours de nos hostilités. Ainsi, acceptez cette trêve, vous la romprez quand votre intérêt l'exigera.

WARWICK. – Que répondez-vous, Charles? nos conditions tiennent-elles?

CHARLES. – Elles tiendront. Je demande seulement que vous ne conserviez aucune force dans nos villes de garnison.

YORK. – Jure donc foi et hommage à Sa Majesté, et, sur l'honneur d'un chevalier, jure de ne jamais désobéir, de n'être jamais rebelle à la couronne d'Angleterre, ni toi ni ta noblesse. (Charles et sa suite font acte d'hommage.) A présent, licenciez votre armée quand il vous plaira; suspendez vos étendards, et que vos tambours se taisent, car nous promettons ici d'observer une paix sacrée.

16.Shakspeare a oublié ici que dans les premières scènes de cette tragédie il avait déjà, à diverses reprises, qualifié Winchester de cardinal; du reste, c'est en lui donnant trop tôt ce titre qu'il s'est trompé; l'évêque de Winchester ne reçut en effet le chapeau de cardinal que dans la cinquième année du règne de Henri VI.
17.Periapts, amulettes
18.A quid pro quo, c'est-à-dire: Quelque chose, pour quelque chose de pareil.
19.Jeu de mots sur noble, noble, et un noble, monnaie du temps.
20.Machiavel est postérieur à Henri VI, et cela a fait supposer à quelques critiques que ce vers avait été intercalé par quelque comédien ignorant; mais Shakspeare commet bien souvent de tels anachronismes.
Возрастное ограничение:
12+
Дата выхода на Литрес:
22 октября 2017
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120 стр. 1 иллюстрация
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