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Ivanhoe. 1. Le retour du croisé

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«Et moi, dit le templier en emplissant sa coupe, je porte la santé de la belle Rowena. Depuis que ce nom est connu en Angleterre, jamais pareil hommage ne fut mieux mérité. Je pardonnerais au malheureux Vortigern d'avoir perdu son honneur et son royaume, si l'ancienne Rowena avait eu la moitié des attraits de la moderne.» – «Je vous dispense de tant de courtoisie, sire chevalier, dit lady Rowena sans lever son voile; ou, pour mieux dire, je vais vous prier de nous en donner une preuve, en nous apprenant quelles sont les dernières nouvelles de la Palestine. Ce sujet sera plus agréable à des oreilles anglaises, que tous les complimens que votre éducation française vous apprend.»

«J'ai bien peu de chose à dire, répondit Bois-Guilbert, si ce n'est que le bruit d'une trêve avec Saladin paraît se confirmer.»

Il fut interrompu par Wamba, qui avait pris sa place ordinaire sur une chaise dont le dossier était décoré de deux oreilles d'âne; elle était à deux pas derrière celle de son maître, qui de temps en temps lui donnait quelque morceau qu'il prenait sur son assiette, faveur que le bouffon partageait avec des chiens favoris admis dans la salle. Wamba, ayant une petite table devant lui, les talons appuyés sur le bâton de sa chaise, les joues creuses et semblables à un casse-noisettes, tenait les yeux à demi fermés, et ne perdait pas une occasion de lancer ses quolibets. «Ces trêves avec les infidèles me vieillissent bien!» s'écria-t-il sans s'inquiéter s'il interrompait le fier templier.

«Que veux-tu dire, imbécille?» lui demanda son maître, dont les traits annonçaient qu'il ne se fâcherait point de ses plaisanteries. – «C'est que je m'en rappelle trois, répondit Wamba, dont chacune devait durer cinquante ans, de manière que, si je calcule bien, je dois avoir aujourd'hui cent cinquante ans.» – «N'importe, dit le templier, qui reconnut son ami de la foret, je me charge de vous empêcher de mourir de vieillesse, et de vous éviter toute espèce de mort lente; si jamais vous vous avisez encore de tromper des voyageurs égarés, comme vous l'avez fait ce soir à l'égard du prieur et de moi.»

«Comment, misérable, s'écria Cedric, tromper des voyageurs! vous méritez les verges, car c'est un trait de méchanceté plutôt que de folie.» – «Je vous en prie, mon oncle, veuillez faire grâce à la malice à cause de la folie; je n'ai fait qu'une légère erreur, en prenant ma main droite pour ma gauche; et sous ce rapport, je dois être excusé par celui qui a choisi pour guide et pour conseiller un véritable fou.»

La conversation fut interrompue par l'arrivée du domestique de la porte, qui annonça qu'un étranger demandait l'hospitalité. «Qu'on le fasse entrer, répondit Cedric, quel qu'il soit, n'importe; car, dans une nuit comme celle-ci, où la nature paraît entièrement bouleversée, les animaux eux-mêmes cherchent la protection de l'homme, leur ennemi mortel, plutôt que de succomber sous la fureur des élémens.» Oswald sortit immédiatement pour exécuter les ordres de son maître.

CHAPITRE V

«Un juif n'a-t-il pas des yeux? n'a-t-ilpas des mains, des organes, des membres, des sens, des affections, des passions?Quelle différence y a-t-il entre lui et unchrétien? Ne se nourrit-il pas des mêmesalimens? n'est-il pas blessé par les mêmesarmes, sujet aux mêmes maladies, guéripar les mêmes remèdes, échauffé par lemême été, et refroidi par le même hiver?»

Shakspeare, le Marchand de Venise,act. III, sc. I.

Oswald rentré, s'approchant de son maître, lui dit à l'oreille: «C'est un juif qui se nomme Isaac d'Yorck; faut-il que je l'introduise dans la salle?» – «Que Gurth se charge de tes fonctions, Oswald, dit Wamba avec son effronterie accoutumée. Un gardien de pourceaux est un introducteur assez bon pour un juif.»

«Sainte Marie! dit le prieur en faisant un signe de croix, admettre en notre présence un juif mécréant!» – «Un chien de juif, dit le templier, approcherait d'un défenseur du saint Sépulcre!» – «Par ma foi, dit Wamba, il me semble que les templiers préfèrent l'argent des juifs à leur compagnie.» – «Paix! mes dignes hôtes, dit Cedric; mon hospitalité ne doit pas être limitée par vos antipathies. Si le ciel a supporté, pendant des siècles, une nation de mécréans aussi têtus, nous pouvons bien endurer quelques heures la présence d'un Israélite. Personne ne sera contraint de lui parler ni de manger avec lui; on lui donnera une table à part, ajouta-t-il en souriant, à moins que ces étrangers à turbans ne consentent à le recevoir dans leur société.»

«Sire franklin! dit le templier; mes esclaves sarrasins sont de bons musulmans, et leur mépris pour les juifs n'est pas moins profond que celui d'un chrétien.» – «Oh! ma foi, dit Wamba, je ne sais pas pourquoi les sectateurs de Mahomet et de Termagaut ont de pareils avantages sur ce peuple autrefois choisi de Dieu.» – «Il se placera près de toi, Wamba, dit Cedric, un fou et un juif doivent être bien ensemble.» – «Mais le fou, répondit Wamba, en s'emparant du reste d'un jambon, saura bien élever entre lui et le juif un boulevart salutaire.» – «Paix, dit Cedric, le voici.»

Introduit avec peu de cérémonie, s'avançant avec crainte et hésitation, et saluant profondément à plusieurs reprises, un vieillard maigre et de haute stature, mais à qui l'habitude de se courber avait fait perdre quelque chose de sa taille, s'approche du bout inférieur de la table; ses traits ouverts et réguliers, son nez aquilin, ses yeux noirs et perçans, son front élevé et sillonné de rides, sa longue barbe, ses cheveux gris, lui auraient donné un air respectable, si sa physionomie particulière n'eût annoncé en lui le descendant d'une race qui, durant ce siècle d'ignorance, était à la fois détestée par le peuple crédule, imbu de préjugés, et persécutée par la noblesse avide et rapace, et qui, peut-être, par l'effet de cette haine et de cette persécution, avait gardé un caractère national dont les principaux traits, pour n'en pas dire davantage, étaient la bassesse, l'avarice et la cupidité.

Les vêtemens de l'Israélite, mouillés par une pluie d'orage, consistaient en un grand manteau brun sur une tunique d'un pourpre foncé; il avait de grandes bottes garnies de fourrures; une ceinture qui soutenait un très petit couteau de chasse et une écritoire; un bonnet jaune carré, d'une forme particulière, prescrite aux juifs pour les distinguer des chrétiens, et qu'il ôta respectueusement à l'entrée de la salle.

L'accueil qu'il obtint dans le château de Cedric fut tel que l'ennemi le plus fanatique des tribus de Jacob en eût été flatté. Cedric lui-même, qu'il salua plusieurs fois avec la plus profonde humilité, ne lui répondi que par un geste hautain, pour lui signifier qu'il pouvait prendre place à la table inférieure, où cependant personne ne voulut le recevoir; au contraire, partout où il se présentait, en faisant le tour de la table en vrai suppliant, on éloignait les coudes de chaque côté du corps, on se serrait voisin contre voisin, et les domestiques saxons, livrés à leur souper comme de vrais affamés, ne s'inquiétaient nullement des besoins du nouvel arrivé. Les frères lais qui avaient escorté l'abbé faisaient des signes de croix en regardant l'intrus avec une sainte horreur; et les Sarrasins irrités, quand il arriva près d'eux, retroussèrent leurs moustaches, et mirent la main sur la garde de leurs sabres, comme dernier moyen d'éviter la souillure d'un juif.

Les mêmes motifs qui avaient déterminé Cedric à faire ouvrir sa maison à ce fils d'un peuple réprouvé, l'auraient porté à donner l'ordre à ses gens de le recevoir avec plus d'égards; mais il s'occupait alors d'une discussion que le prieur venait d'entamer sur les différentes races de chiens et sur les moyens de les croiser, et ce sujet ne pouvait être interrompu pour savoir si un juif irait se coucher sans souper.

Tandis qu'Isaac était ainsi traité en paria dans cette maison comme son peuple au milieu des nations de la terre, le pèlerin, assis sous la cheminée, et qui avait soupé sur une petite table, eut compassion du malheureux. Se levant tout à coup: «Vieillard, lui dit-il, viens occuper cette place, mes vêtemens sont secs, et les tiens sont mouillés; mon appétit est apaisé et le tien ne l'est pas.» En même temps il rapprocha les tisons dispersés dans l'immense cheminée, posa lui-même sur la petite table ce qui était nécessaire au souper du juif, et, sans attendre ses remercîmens, s'avança vers le bout de la table, pour éviter sans doute d'avoir plus de communication avec l'objet de sa pitié.

S'il avait existé un artiste capable de dessiner ce juif courbé devant le feu, étendant ses mains ridées et tremblantes, ç'aurait été une excellente personnification de l'hiver. Ayant un peu chassé le froid, le juif s'assit devant la petite table et mangea avec une hâte qui prouvait une longue abstinence. Cependant, le prieur et Cedric continuaient leur dissertation sur les chiens; Rowena causait avec une de ses suivantes; et l'orgueilleux templier, les regards attachés tour à tour sur le juif et sur la belle Saxonne, semblait méditer quelque projet qui l'intriguait singulièrement.

«Je m'étonne, Cedric, dit le prieur, que, nonobstant votre prédilection pour votre langue énergique, vous n'ayez pas admis dans vos bonnes graces le français-normand, au moins en ce qui regarde les termes de lois et de chasse. Nul idiome ne peut fournir à un chasseur des expressions aussi variées dans cet art joyeux.» – «Bon père Aymer, répondit Cedric, je ne me soucie aucunement de ces termes recherchés qui arrivent d'outre-mer; je goûte, sans cela, les plaisirs de la chasse au milieu de nos bois. Je n'ai que faire, pour sonner du cor, d'appeler mes fanfares une réveillée ou une mort. Je sais fort bien pousser ma meute sur le gibier et mettre une pièce en quartiers, quand elle est prisé, sans avoir recours au jargon de curée, de nombles 37, d'arbor, etc., et de tout le bavardage du fabuleux sir Tristrem 38.

 

«Le Français, dit le templier en haussant la voix d'un ton présomptueux, suivant ses habitudes, est non seulement l'idiome naturel de la chasse, mais encore celui de l'amour et de la guerre, celui qui doit gagner le coeur des belles et répandre la terreur parmi les ennemis.» – «Sire templier, dit Cedric, videz votre coupe et remplissez celle du prieur, tandis que je vais remonter à une trentaine d'années. Tel que j'étais à cette époque, mon franc saxon n'avait pas besoin d'ornemens français pour se rendre propice l'oreille d'une femme, et les champs de North-Alterton 39 pourraient dire si, à la journée du Saint-Étendard, le cri de guerre saxon ne fut pas entendu aussi loin dans les rangs de l'armée écossaise, que le cri de guerre normand: À la mémoire des braves qui combattirent dans cette journée! Faites-moi raison, mes chers hôtes;» et ayant vidé d'un trait son verre, il continua avec une chaleur toujours croissante: «Oui, ce fut une mémorable levée de boucliers, lorsque cent bannières se déployèrent sur les têtes des braves; que le sang coula autour de nous par torrens, et où la mort devint préférable à la fuite. Un barde saxon eût appelé cette journée la fête des épées, le rassemblement des aigles fondant sur leur proie, le heurt affreux des lances contre les boucliers, un bruit de guerre plus propre à chatouiller l'oreille que les airs joyeux d'un festin de noces! mais nos bardes ne sont plus; nos exploits se perdent dans ceux d'une autre race; notre langue, notre nom même, sont près de s'éteindre, et il ne reste qu'un vieillard isolé pour donner des larmes à tant de vicissitudes. Échanson paresseux, remplis les verres. Allons, sire templier, aux forts en armes! aux valeureux champions, quelles que soient leur nation et leur langue, qui aujourd'hui combattent avec le plus de persévérance parmi les défenseurs de la croix.»

«Il ne sied guère à celui qui porte cet emblème sacré de répondre, dit Bois-Guilbert en montrant la croix brodée sur son manteau; mais à qui pourrait-on décerner la palme, entre les défenseurs de la croix, si ce n'est aux champions mêmes du saint Sépulcre, aux vaillans chevaliers du temple?» – «Aux chevaliers hospitaliers, dit le prieur: j'ai un frère dans leur ordre.» – «Je respecte leur gloire, dit le templier; cependant…» – «Je crois, notre oncle, dit Wamba en l'interrompant, que, si Richard Coeur-de-Lion eût écouté les avis d'un fou, il fût resté chez lui avec ses braves Anglais, et eût laissé l'honneur de délivrer Jérusalem à ces chevaliers qui y étaient le plus intéressés.» – «L'armée anglaise en Palestine, demanda lady Rowena, n'avait-elle donc aucun guerrier dont le nom mérite de briller à côté des chevaliers du temple et de ceux de Saint-Jean?» – «Pardonnez-moi, belle étrangère, dit le templier; le monarque anglais avait amené avec lui une foule de braves champions, qui ne le cédaient qu'à ceux dont les glaives ont été le boulevart perpétuel de la Terre-Sainte.» – «Qui ne le céderaient à personne!» s'écria le pèlerin en s'approchant pour mieux entendre cette conversation qui commençait à l'impatienter. Tous les yeux se tournèrent sur-le-champ vers lui. «Je soutiens, dit-il d'une voix ferme et haute, que les chevaliers anglais de l'armée de Richard ne prétendaient céder la palme à aucun de ceux qui prirent les armes pour la défense de la Terre-Sainte; je soutiens, en outre, car je l'ai vu, qu'après la prise de Saint-Jean-d'Acre, le roi Richard eut un tournoi avec cinq de ses chevaliers contre tous venans; que chacun d'eux fournit trois courses dans cette journée, et fit vider les arçons à ses trois adversaires; enfin, qu'au nombre des assaillans se trouvaient sept chevaliers du temple. Sir Brian de Bois-Guilhert sait mieux que personne si je dis la vérité.»

Aucune langue ne pourrait exprimer la rage qui embrasa la sombre physionomie du templier après avoir entendu ces paroles. Dans l'excès de sa fureur, sa main tremblante se porta involontairement sur la garde de son épée; et, s'il ne la tira point, c'est qu'il sentit qu'il ne pouvait se permettre avec impunité dans ce lieu un pareil acte de violence. Cedric, dont le caractère décelait la droiture et la loyauté, et dont rarement la capacité saisissait plus d'une idée à la fois, était si triomphant de ce qu'il entendait à la louange de ses concitoyens, qu'il ne remarqua point la confusion et la colère de son hôte. «Pèlerin, s'écria-t-il, je te donnerais ce bracelet d'or, si tu pouvais me dire le nom des chevaliers qui soutinrent si dignement la gloire de l'heureuse Angleterre.» – «Je vous les nommerai très volontiers, dit le pèlerin, et cela sans guerdon 40, car j'ai fait voeu de ne point toucher de l'or pendant un certain laps de temps.» – «Je porterai le bracelet pour vous, si vous le voulez,» dit Wamba. – «Le premier en honneur, en rang, en courage, reprit le pèlerin, était le brave Richard, roi d'Angleterre.» – «Je lui pardonne, dit Cedric, je lui pardonne d'être issu de l'odieux tyran duc Guillaume.» – «Le second était le comte de Leicester; le troisième, sir Thomas Multon de Gilsland.» – «Au moins celui-ci est de famille saxonne, dit Cedric d'un air de triomphe.» – «Le quatrième, sir Foulk Doilly.» – «Encore de race saxonne, du moins du côté de sa mère,» interrompit Cedric, qui ne perdait pas un mot du récit, et à qui le triomphe de Richard et de ses compatriotes faisait oublier en partie sa haine contre les Normands. «Et le cinquième?» – «Le cinquième, sir Edwin Turneham.» – «Véritable Saxon, par l'ame d'Hengist!» s'écria Cedric tout joyeux. «Et le sixième, quel était son nom?» – «Le sixième,» répondit le pèlerin après une pause pendant laquelle il sembla réfléchir,» était un jeune chevalier moins renommé, qui fut admis dans cette honorable compagnie moins pour aider à l'entreprise que pour compléter le nombre de ceux qui allaient s'y dévouer.»

«Sire pèlerin, reprit Brian de Bois-Guilbert, après tant de choses, ce manque de mémoire est bien tardif. Mais je dirai le nom du chevalier qui triompha de l'ardeur de mon coursier et de ma lance. Ce fut le chevalier d'Ivanhoe 41, et nul entre les cinq autres n'acquit plus de gloire pour son âge. Néanmoins, je proclamerai à haute voix que, s'il était ici, et qu'il voulut joûter contre moi au tournoi qui va s'ouvrir, monté et armé comme je le suis actuellement, je lui donnerais le choix des armes sans conserver le moindre doute sur le résultat du combat.» – «S'il était près de vous, répondit le pèlerin, il n'hésiterait pas à accepter votre défi; mais ne troublons point la paix de ce château par des bravades sur un combat qui, vous le savez fort bien, ne saurait avoir lieu. Si jamais Ivanhoe revient de la Palestine, je suis certain qu'il se mesurera avec vous.» – «Bonne caution! s'écria le templier. Quel gage en donnez-vous?» – «Ce reliquaire, dit le pèlerin, en montrant une petite boîte d'ivoire d'un travail précieux; ce reliquaire contenant un morceau du bois de la vraie croix, que j'ai rapporté du monastère du Mont-Carmel.»

Le prieur de Jorvaulx fit un signe de croix que toute la compagnie ne manqua pas d'imiter, à l'exception du juif, des mahométans et du templier. Celui-ci, sans donner aucune marque de respect pour la sainteté de cette relique, détacha de son cou une chaîne d'or qu'il jeta sur la table en disant: «Que le prieur Aymer conserve mon gage avec celui de cet inconnu, comme une promesse que, lorsque le chevalier Ivanhoe arrivera en Angleterre, il aura à répondre au défi de Brian de Bois-Guilbert; et, s'il ne l'accepte pas, j'inscrirai son nom avec l'épithète de lâche sur les murs de toutes les commanderies du Temple en Europe.» – «Vous n'aurez pas un tel souci, répondit Rowena. Si nulle voix ne s'élève ici en faveur d'Ivanhoe absent, la mienne se fera entendre. J'affirme qu'il ne refusera jamais un cartel honorable; et, si ma faible garantie pouvait ajouter au gage inappréciable de ce pèlerin, je répondrais qu'Ivanhoe saura se mesurer avec ce fier chevalier comme il le souhaite.

Une multitude d'émotions opposées, qui se combattaient dans le coeur de Cedric, l'avaient réduit au silence pendant cette discussion. L'orgueil satisfait, le ressentiment, l'embarras, se peignaient tour à tour sur son front comme les nuages chassés par un vent orageux, tandis que tous ses serviteurs, sur qui le nom du sixième chevalier semblait avoir produit un effet électrique, demeuraient dans l'attente, les yeux fixés sur leur maître. Mais ce ne fut qu'après avoir entendu Rowena que Cedric tout à coup sentit qu'il devait rompre le silence.

«Lady Rowena, dit-il, ce langage est intempestif. S'il était besoin d'une autre garantie, moi-même, tout offensé que je suis, je répondrais sur mon honneur de celui d'Ivanhoe; mais il ne manque rien aux assurances du combat, même en suivant les règles de la chevalerie normande. N'est-il pas vrai, prieur Aymer?» – «Oui, oui, répondit celui-ci; la sainte relique et la superbe chaîne seront en sûreté, dans le trésor de notre couvent, jusqu'à l'époque de ce défi.»

À ces mots, faisant encore un signe de croix, il remit le reliquaire au frère Ambroise, un des moines de sa suite, et plaça la chaîne d'or, avec moins d'appareil, mais peut-être avec plus de satisfaction intérieure, dans une poche doublée de peau parfumée, qui s'ouvrait sous son bras gauche. «Noble Cedric, dit-il alors, votre vin est si bon, qu'il semble faire entendre à mes oreilles le carillon de toutes les cloches du couvent. Accordez-nous la permission de porter la santé de lady Rowena, et de songer ensuite aux douceurs du repos.» – «Par la croix de Bromholme, sire prieur, répondit le Saxon, vous démentez votre réputation. J'avais ouï dire que vous étiez homme à veiller le verre en main jusqu'aux matines, et je vois que, malgré mon âge, vous avez peine à me tenir tête. Sur ma foi, un enfant saxon de douze ans n'eût pas de mon temps quitté la table.»

Le prieur avait ses raisons pour ne pas déroger au prudent système de tempérance qu'il avait adopté. Non seulement il se croyait obligé par profession à maintenir la paix, mais il était par caractère ennemi de toute querelle. Était-ce charité pour son prochain, ou amour pour lui-même? C'était peut-être un effet de ces deux causes réunies. Il craignait que le naturel impétueux du Saxon, et le caractère altier et irascible du chevalier du Temple, ne finissent par amener une explosion désagréable. Il insinua donc adroitement que dans une lutte bachique personne ne pouvait raisonnablement risquer sa tête contre celle d'un saxon; il glissa quelques mots sur ce qu'il devait au caractère dont il était revêtu, et finit par insister pour qu'on allât goûter les bienfaits du sommeil. On servit à la ronde le coup de grâce; et les étrangers, ayant salué profondément Cedric et lady Rowena, suivirent les domestiques chargés de les conduire à leurs lits respectifs.

 

«Chien de mécréant, dit le templier au juif en passant près de lui, iras-tu au tournoi?» – «C'est mon dessein, n'en déplaise à votre vénérable valeur, répondit Isaac en le saluant avec humilité.» – «Sans doute afin de dévorer par ton usure les entrailles des nobles et ruiner les enfans et les femmes en leur vendant toute sorte de colifichets à la mode. Je parie que tu as sous ce grand manteau un sac rempli de shekels 42». – «Pas un seul, je vous jure; pas un seul,» s'écria le juif d'un air patelin, en rapprochant les mains et en s'inclinant; «pas même une pièce d'argent! J'en atteste le Dieu d'Abraham. Je vais à Asohy implorer le secours de quelques frères de ma tribu, pour m'aider à payer la taxe exigée par l'échiquier des juifs 43. Que Jacob me soit en aide! Je suis un malheureux, un homme ruiné! J'ai emprunté de Reuben de Tadcaster jusqu'au manteau dont je suis enveloppé.»

Le templier sourit, sardoniquement: «Que le ciel te maudisse, impudent menteur!» lui dit-il; et, s'éloignant comme s'il eût dédaigné de lui parler long-temps, il rejoignit ses esclaves sarrasins, auxquels il donna quelques ordres dans une langue inconnue à ceux qui étaient près de lui. Le pauvre Israélite était si interdit de ce que lui avait dit le templier, qu'on le voyait encore dans la posture la plus humble, quand Bois-Guilbert était déjà loin de lui; et lorsqu'il se releva, il avait l'air d'un homme aux pieds duquel la foudre vient de tomber, et encore étourdi du fracas qui avait déchiré ses oreilles.

L'intendant et l'échanson, précédés de deux domestiques portant des torches, et suivis de deux autres chargés de rafraîchissemens, conduisirent le prieur et le chevalier de Bois-Guilbert dans les appartemens qui les attendaient, et des valets d'un rang inférieur indiquèrent à leur suite et aux autres hôtes les chambres où ils devaient reposer jusqu'au jour.

37Les nombles, parties élevées entre les cuisses du cerf. Faire l'arbor, vider la bête.
38Tristrem, premier chevalier qui fit de la vénerie une science et en détermina la langue. A. M.
39Bourg du comté d'York, près duquel se donna, en 1138, la bataille de l'Étendard, entre les Écossais et les Anglais. A. M.
40Ce mot rappelle l'italien guiderdone, qui veut dire aussi récompense. A. M.
41Les Anglais donnent à ce nom d'Ivanhoe la prononciation d'Aïvanhô, quelques Écossais celle d'Ivenhô, et les Français, en général, celle d'Ivanhoé, quoiqu'il fût peut-être plus naturel de prononcer Ivanho. A. M.
42Ancienne monnaie juive en or.
43Commission alors chargée d'imposer arbitrairement les juifs. A. M.
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