Бесплатно

La Marquise

Текст
0
Отзывы
iOSAndroidWindows Phone
Куда отправить ссылку на приложение?
Не закрывайте это окно, пока не введёте код в мобильном устройстве
ПовторитьСсылка отправлена

По требованию правообладателя эта книга недоступна для скачивания в виде файла.

Однако вы можете читать её в наших мобильных приложениях (даже без подключения к сети интернет) и онлайн на сайте ЛитРес.

Отметить прочитанной
Шрифт:Меньше АаБольше Аа

Il sortit, et je restai longtemps stupéfaite à ma place, ne songeant point à avaler le vin chaud épicé que j'avais demandé pour me donner un air cavalier. Quand je m'aperçus du lieu où j'étais et des regards qui s'attachaient sur moi, la peur me prit; c'était la première fois de ma vie que je me trouvais dans une situation si équivoque et dans un contact si direct avec des gens de cette classe; depuis, l'émigration m'a bien aguerrie à ces inconvenances de position.

Je me levai et j'essayai de fuir, mais j'oubliai de payer. Le garçon courut après moi. J'eus une honte effroyable; il fallut rentrer, m'expliquer au comptoir, soutenir tous les regards méfiants et moqueurs dirigés sur moi. Quand je fus sortie, il me sembla qu'on me suivait. Je cherchai vainement un fiacre pour m'y jeter, il n'y en avait plus devant la Comédie; Des pas lourds se faisaient entendre toujours sur les miens. Je me retournai en tremblant; je vis un grand escogriffe que j'avais remarqué dans un coin du café, et qui avait bien l'air d'un mouchard ou de quelque chose de pis. Il me parla; je ne sais pas ce qu'il me dit, la frayeur m'ôtait l'intelligence; cependant j'eus assez de présence d'esprit pour m'en débarrasser. Transformée tout d'un coup en héroïne par ce courage que donne la peur, je lui allongeai rapidement un coup de canne dans la figure, et, jetant aussitôt la canne pour mieux courir, tandis qu'il restait étourdi de mon audace, je pris ma course, légère comme un trait, et ne m'arrêtai que chez Florence. Quand je m'éveillai le lendemain à midi dans mon lit à rideaux ouatés et à chapiteaux de plumes rosés, je crus avoir fait un rêve, et j'éprouvai de ma déception et de mon aventure de la veille une grande mortification. Je me crus sérieusement guérie de mon amour, et j'essayai de m'en féliciter; mais ce fut en vain. J'en éprouvais un regret mortel; l'ennui retombait sur ma vie, tout se désenchantait. Ce jour-là je mis Larrieux à la porte.

Le soir arriva et ne m'apporta plus ces agitations bienfaisantes des autres soirs. Le monde me sembla insipide. J'allai à l'église; j'écoutai la conférence, résolue à me faire dévote; je m'y enrhumai: j'en revins malade.

Je gardai le lit plusieurs jours. La comtesse de Ferrières vint me voir, m'assura que je n'avais point de fièvre, que le lit me rendait malade, qu'il fallait me distraire, sortir, aller à la Comédie. Je crois qu'elle avait des vues sur Larrieux, et qu'elle voulait ma mort.

Il en arriva autrement; elle me força d'aller avec elle voir jouer Cinna. «Vous ne venez plus au spectacle, me disait-elle; c'est la dévotion et l'ennui qui vous minent. Il y a longtemps que vous n'avez vu Lélio; il a fait des progrès; on l'applaudit quelquefois maintenant; j'ai dans l'idée qu'il deviendra supportable.»

Je ne sais comment je me laissai entraîner. Au reste, désenchantée de Lélio comme je l'étais, je ne risquais plus de me perdre en affrontant ses séductions en public. Je me parai excessivement, et j'allai en grande loge d'avant-scène braver un danger auquel je ne croyais plus.

Mais le danger ne fut jamais plus imminent. Lélio fut sublime, et je m'aperçus que jamais je n'en avais été plus éprise. L'aventure de la veille ne me paraissait plus qu'un rêve; il ne se pouvait pas que Lélio fût autre qu'il ne me paraissait sur la scène. Malgré moi, je retombai dans toutes les agitations terribles qu'il savait me communiquer. Je fus forcée de couvrir mon visage en pleurs de mon mouchoir; dans mon désordre, j'effaçai mon rouge, j'enlevai mes mouches, et la comtesse de Ferrières m'engagea à me retirer au fond de ma loge, parce que mon émotion faisait événement dans la salle. Heureusement j'eus l'adresse de faire croire que tout cet attendrissement était produit par le jeu de mademoiselle Hippolyte Clairon. C'était, à mon avis, une tragédienne bien froide et bien compassée, trop supérieure peut-être, par son éducation et son caractère, à la profession du théâtre comme on l'entendait alors; mais la manière dont elle disait Tout beau, dans Cinna, lui avait fait une réputation de haut lieu.

Il est vrai de dire que, lorsqu'elle jouait avec Lélio, elle devenait très-supérieure à elle-même. Quoiqu'elle affichât aussi un mépris de bon ton pour sa méthode, elle subissait l'influence de son génie sans s'en apercevoir, et s'inspirait de lui lorsque la passion les mettait en rapport sur la scène.

Ce soir-là Lélio me remarqua, soit pour ma parure, soit pour mon émotion; car je le vis se pencher, dans un instant où il était hors de scène, vers un des hommes qui étaient assis à cette époque sur le théâtre, et lui demander mon nom. Je compris cela à la manière dont leurs regards me désignèrent. J'en eus un battement de coeur qui faillit m'étouffer, et je remarquai que dans le cours de la pièce les yeux de Lélio se dirigèrent plusieurs fois de mon côté. Que n'aurais-je pas donné pour savoir ce que lui avait dit de moi le chevalier de Brétillac, celui qu'il avait interrogé, et qui, en me regardant, lui avait parlé à plusieurs reprises! La figure de Lélio, forcée de rester grave pour ne pas déroger à la dignité de son rôle, n'avait rien exprimé qui pût me faire deviner le genre de renseignements qu'on lui donnait sur mon compte. Je connaissais du reste fort peu ce Brétillac; je n'imaginais pas ce qu'il avait pu dire de moi en bien ou en mal.

De ce soir seulement je compris l'espèce d'amour qui m'enchaînait à Lélio: c'était une passion tout intellectuelle, toute romanesque. Ce n'était pas lui que j'aimais, mais le héros des anciens jours qu'il savait représenter; ces types de franchise, de loyauté et de tendresse à jamais perdus revivaient en lui, et je me trouvais avec lui et par lui reportée à une époque de vertus désormais oubliées. J'avais l'orgueil de penser qu'en ces jours-là je n'eusse pas été méconnue et diffamée, que mon coeur eût pu se donner, et que je n'eusse pas été réduite à aimer un fantôme de comédie. Lélio n'était pour moi que l'ombre du Cid, que le représentant de l'amour antique et chevaleresque dont on se moquait maintenant en France. Lui, l'homme, l'histrion, je ne le craignais guère, je l'avais vu; je ne pouvais l'aimer qu'en public. Mon Lélio à moi, c'était un être factice que je ne pouvais plus saisir dès qu'on éloignait le lustre de la Comédie. Il lui fallait l'illusion de la scène, le reflet des quinquets, le fard du costume pour être celui que j'aimais. En dépouillant tout cela, il rentrait pour moi dans le néant; comme une étoile il s'effaçait à l'éclat du jour. Hors les planches il ne me prenait plus la moindre envie de le voir, et même j'en eusse été désespérée. C'eût été pour moi comme de contempler un grand homme réduit à un peu de cendre dans un vase d'argile.

Mes fréquentes absences aux heures où j'avais l'habitude de recevoir Larrieux, et surtout mon refus formel d'être désormais sur un autre pied avec lui que sur celui de l'amitié, lui inspirèrent un accès de jalousie mieux fondé, je l'avoue, qu'aucun de ceux qu'il eût ressentis. Un soir que j'allais aux Carmélites dans l'intention de m'en échapper par l'autre issue, je m'aperçus qu'il me suivait, et je compris qu'il serait désormais presque impossible de lui cacher mes courses nocturnes. Je pris donc le parti d'aller publiquement au théâtre. J'acquis peu à peu l'hypocrisie nécessaire pour renfermer mes impressions, et d'ailleurs je me mis à professer hautement pour Hippolyte Clairon une admiration qui pouvait donner le change sur mes véritables sentiments. J'étais désormais plus gênée; forcée comme je l'étais de m'observer attentivement, mon plaisir était moins vif et moins profond. Mais de cette situation il en naquit une autre qui établit une compensation rapide. Lélio me voyait, il m'observait; ma beauté l'avait frappé, ma sensibilité le flattait. Ses regards avaient peine à se détacher de moi. Quelquefois il en eut des distractions qui mécontentèrent le public. Bientôt il me fut impossible de m'y tromper; il m'aimait à en perdre la tête.

Ma loge ayant semblé faire envie à la princesse de Vaudemont, je la lui avais cédée pour en prendre une plus petite, plus enfoncée et mieux située. J'étais tout à fait sur la rampe, je ne perdais pas un regard de Lélio, et les siens pouvaient m'y chercher sans me compromettre. D'ailleurs, je n'avais même plus besoin de ce moyen pour correspondre avec toutes ses sensations: dans le son de sa voix, dans les soupirs de son sein, dans l'accent qu'il donnait à certains vers, à certains mots, je comprenais qu'il s'adressait à moi. J'étais la plus fière et la plus heureuse des femmes; car à ces heures-là ce n'était pas du comédien, c'était du héros que j'étais aimée.

Eh bien! après deux années d'un amour que j'avais nourri inconnu et solitaire au fond de mon âme, trois hivers s'écoulèrent encore sur cet amour désormais partagé sans que jamais mon regard donnât à Lélio le droit d'espérer autre chose que ces rapports intimes et mystérieux. J'ai su depuis que Lélio m'avait souvent suivie dans les promenades; je ne daignai pas l'apercevoir ni le distinguer dans la foule, tant j'étais peu avertie par le désir de le distinguer hors du théâtre. Ces cinq années sont les seules que j'aie vécu sur quatre-vingts.

Un jour enfin je lus dans le Mercure de France le nom d'un nouvel acteur engagé à la Comédie-Française, à la place de Lélio, qui partait pour l'étranger. Cette nouvelle fut un coup mortel pour moi; je ne concevais point comment je pourrais vivre désormais sans cette émotion, sans cette existence de passion et d'orage. Cela fit faire à mon amour un progrès immense et faillit me perdre.

Désormais je ne me combattis plus pour étouffer dès sa naissance toute pensée contraire à la dignité de mon rang. Je ne m'applaudis plus de ce qu'était réellement Lélio. Je souffris, je murmurai en secret de ce qu'il n'était point ce qu'il paraissait être sur les planches, et j'allai jusqu'à le souhaiter beau et jeune comme l'art le faisait chaque soir, afin de pouvoir lui sacrifier tout l'orgueil de mes préjugés et toutes les répugnances de mon organisation. Maintenant que j'allais perdre cet être moral qui remplissait depuis si longtemps mon âme, il me prenait envie de réaliser tous mes rêves et d'essayer de la vie positive, sauf à détester ensuite et la vie, et Lélio, et moi-même.

 

J'en étais à ces irrésolutions, lorsque je reçus une lettre d'une écriture inconnue; c'est la seule lettre d'amour que j'aie conservée parmi les mille protestations écrites de Larrieux et les mille déclarations parfumées de cent autres. C'est qu'en effet c'est la seule lettre d'amour que j'aie reçue.»

La marquise s'interrompit, se leva, alla ouvrir d'une main assurée un coffre de marqueterie, et en tira une lettre bien froissée, bien amincie, que je lus avec peine.

«MADAME,

«Je suis moralement sûr que cette lettre ne vous inspirera que du mépris; vous ne la trouverez même pas digne de votre colère. Mais qu'importe à l'homme qui tombe dans un abîme une pierre de plus ou de moins dans le fond? Vous me considérerez comme un fou, et vous ne vous tromperez pas. Eh bien vous me plaindrez peut-être en secret, car vous ne pourrez pas douter de ma sincérité. Quelque humble que la piété vous ait faite, vous comprendrez peut-être l'étendue de mon désespoir; vous devez savoir déjà, Madame, ce que vos yeux peuvent faire de mal et de bien.

«Eh bien! dis-je, si j'obtiens de vous une seule pensée de compassion, si ce soir, à l'heure avidement appelée où chaque soir je recommence à vivre, j'aperçois sur vos traits une-légère expression de pitié, je partirai moins malheureux; j'emporterai de France un souvenir qui me donnera peut-être la force de vivre ailleurs et d'y poursuivre mon ingrate et pénible carrière.

«Mais vous devez le savoir déjà, Madame: il est impossible que mon trouble, mon emportement, mes cris de colère et de désespoir ne m'aient pas trahi vingt fois sur la scène. Vous n'avez pas pu allumer tous ces feux sans avoir un peu la conscience de ce que vous faisiez. Ah! vous avez peut-être joué comme le tigre avec sa proie, vous vous êtes fait un amusement peut-être de mes tourments et de mes folies.

«Oh! non: c'est trop de présomption. Non, Madame, je ne le crois pas; vous n'y avez jamais songé. Vous êtes sensible aux vers du grand Corneille, vous vous identifiez avec les nobles passions de la tragédie: voilà tout. Et moi, insensé, j'ai osé croire que ma voix seule éveillait quelquefois vos sympathies, que mon coeur avait un écho dans le vôtre, qu'il y avait entre vous et moi quelque chose de plus qu'entre moi et le public. Oh! c'était une insigne, mais bien douce folie! Laissez-la-moi, Madame; que vous importe? Craindriez-vous que j'allasse m'en vanter? De quel droit pourrais-je le faire, et quel titre aurais-je pour être cru sur ma parole? Je ne ferais que me livrer à la risée des gens sensés. Laissez-la-moi, vous dis-je, cette conviction que j'accueille en tremblant et qui m'a donné plus de bonheur à elle seule que la sévérité du public envers moi ne m'a donné de chagrin. Laissez-moi vous bénir, vous remercier à genoux de cette sensibilité que j'ai découverte dans votre âme et que nulle autre âme ne m'a accordée, de ces larmes que je vous ai vue verser sur mes malheurs de théâtre, et qui ont souvent porté mes inspirations jusqu'au délire; de ces regards timides qui, je l'ai cru du moins, cherchaient à me consoler des froideurs de mon auditoire.

«Oh! pourquoi êtes-vous née dans l'éclat et dans le faste! pourquoi ne suis-je qu'un pauvre artiste sans gloire et sans nom! Que n'ai-je la faveur du public et la richesse d'un financier à troquer contre un nom, contre un de ces titres que jusqu'ici j'ai dédaignés, et qui me permettraient peut-être d'aspirer à vous! Autrefois je préférais la distinction du talent à toute autre; je me demandais à quoi bon être chevalier ou marquis, si ce n'est pour être sot, fat et impertinent; je haïssais l'orgueil des grands, et je me croyais assez vengé de leurs dédains si je m'élevais au-dessus d'eux par mon génie.

Купите 3 книги одновременно и выберите четвёртую в подарок!

Чтобы воспользоваться акцией, добавьте нужные книги в корзину. Сделать это можно на странице каждой книги, либо в общем списке:

  1. Нажмите на многоточие
    рядом с книгой
  2. Выберите пункт
    «Добавить в корзину»