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Читать книгу: «La petite Fadette», страница 9

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XXIV

Landry eut bien peur, et lui frappa dans les mains pour la faire revenir. Ses mains étaient froides comme des glaces et raides comme du bois. Il les échauffa et les frotta bien longtemps dans les siennes, et quand elle put retrouver la parole, elle lui dit:

– Je crois que tu te fais un jeu de moi, Landry. Il y a des choses dont il ne faut pourtant point plaisanter. Je te prie donc de me laisser tranquille et de ne me parler jamais, à moins que tu n'aies quelque chose à me demander, auquel cas je serai toujours à ton service.

– Fadette, Fadette, dit Landry, ce que vous dites là n'est point bon. C'est vous qui vous êtes jouée de moi. Vous me détestez, et pourtant vous m'avez fait croire autre chose.

– Moi! dit-elle tout affligée. Qu'est-ce que je vous ai donc fait accroire? Je vous ai offert et donné une bonne amitié comme celle que votre besson a pour vous, et peut-être meilleure; car, moi, je n'avais pas de jalousie, et, au lieu de vous traverser dans vos amours, je vous y ai servi.

– C'est la vérité, dit Landry. Tu as été bonne comme le bon Dieu, et c'est moi qui ai tort de te faire des reproches. Pardonne-moi, Fanchon, et laisse-moi t'aimer comme je pourrai. Ce ne sera peut-être pas aussi tranquillement que j'aime mon besson ou ma sœur Nanette, mais je te promets de ne plus chercher à t'embrasser si cela te répugne.

Et, faisant retour sur lui-même, Landry s'imagina qu'en effet la petite Fadette n'avait pour lui que de l'amitié bien tranquille; et, parce qu'il n'était ni vain ni fanfaron, il se trouva aussi craintif et aussi peu avancé auprès d'elle que s'il n'eût point entendu de ses deux oreilles ce qu'elle avait dit de lui à la belle Madelon.

Quant à la petite Fadette, elle était assez fine pour connaître enfin que Landry était bel et bien amoureux comme un fou, et c'est pour le trop grand plaisir qu'elle en avait qu'elle s'était trouvée comme en pâmoison pendant un moment. Mais elle craignait de perdre trop vite un bonheur si vite gagné; à cause de cette crainte, elle voulait donner à Landry le temps de souhoiter vivement son amour.

Il resta auprès d'elle jusqu'à la nuit, car, encore qu'il n'osât plus lui conter fleurette, il en était si épris et il prenait tant de plaisir à la voir et à l'écouter parler, qu'il ne pouvait se décider à la quitter un moment. Il joua avec le sauteriot, qui n'était jamais loin de sa sœur, et qui vint bientôt les rejoindre. Il se montra bon pour lui, et s'aperçut bientôt que ce pauvre petit, si maltraité par tout le monde, n'était ni sot ni méchant avec qui le traitait bien; mêmement, au bout d'une heure, il était si bien apprivoisé et si reconnaissant qu'il embrassait les mains du besson et l'appelait mon Landry, comme il appelait sa sœur ma Fanchon; et Landry était compassionné et attendri pour lui, trouvant tout le monde et lui-même dans le passé bien coupables envers les deux pauvres enfants de la mère Fadet, lesquels n'avaient besoin, pour être les meilleurs de tous, que d'être un peu aimés comme les autres.

Le lendemain et les jours suivants, Landry réussit à voir la petite Fadette, tantôt le soir, et alors il pouvait causer un peu avec elle, tantôt le jour, en la rencontrant dans la campagne: et encore qu'elle ne pût s'arrêter longtemps, ne voulant point et ne sachant point manquer à son devoir, il était content de lui avoir dit quatre ou cinq mots de tout son cœur et de l'avoir regardée de tous ses yeux. Et elle continuait à être gentille dans son parler, dans son habillement et dans ses manières avec tout le monde; ce qui fit que tout le monde y prit garde, et que bientôt on changea de ton et de manières avec elle. Comme elle ne faisait plus rien qui ne fût à propos, on ne l'injuria plus, et, comme elle ne s'entendit plus injurier, elle n'eut plus tentation d'invectiver, ni de chagriner personne.

Mais, comme l'opinion des gens ne tourne pas aussi vite que nos résolutions, il devait encore s'écouler du temps avant qu'on passât pour elle du mépris à l'estime et de l'aversion au bon vouloir. On vous dira plus tard comment se fit ce changement; quant à présent, vous pouvez bien vous imaginer vous-mêmes qu'on ne donna pas grosse part d'attention au rangement de la petite Fadette. Quatre ou cinq bons vieux et bonnes vieilles, de ceux qui regardent s'élever la jeunesse avec indulgence, et qui sont, dans un endroit, comme les pères et mères à tout le monde, devisaient quelquefois entre eux sous les noyers de la Cosse, en regardant tout ce petit ou jeune monde grouillant autour d'eux, ceux-ci jouant aux quilles, ceux-là dansant. Et les vieux disaient: – Celui-ci sera un beau soldat s'il continue, car il a le corps trop bon pour réussir à se faire exempter; celui-là sera finet et entendu comme son père; cet autre aura bien la sagesse et la tranquillité de sa mère; voilà une jeune Lucette qui promet une bonne servante de ferme; voici une grosse Louise qui plaira à plus d'un, et quant à cette petite Marion, laissez-la grandir, et la raison lui viendra bien comme aux autres.

Et, quand ce venait au tour de la petite Fadette à être examinée et jugée:

– La voilà qui s'en va bien vite, disait-on, sans vouloir chanter ni danser. On ne la voit plus depuis la Saint-Andoche. Il faut croire qu'elle a été grandement choquée de ce que les enfants d'ici l'ont décoiffée à la danse; aussi a-t-elle changé son grand calot, et à présent on dirait qu'elle n'est pas plus vilaine qu'une autre.

– Avez-vous fait attention comme la peau lui a blanchi depuis un peu de temps? disait une fois la mère Couturier. Elle avait la figure comme un œuf de caille, à force qu'elle était couverte de taches de rousseur; et la dernière fois que je l'ai vue de près, je me suis étonnée de la trouver si blanche, et mêmement si pâle que je lui ai demandé si elle n'avait point eu la fièvre. A la voir comme elle est maintenant, on dirait qu'elle pourra se refaire; et, qui sait? il y en a eu de laides qui devenaient belles en prenant dix-sept ou dix-huit ans.

– Et puis la raison vient, dit le père Naubin, et une fille qui s'en ressent apprend à se rendre élégante et agréable. Il est bien temps que le grelet s'aperçoive qu'elle n'est point un garçon. Mon Dieu, on pensait qu'elle tournerait si mal que ça serait une honte pour l'endroit. Mais elle se rangera et s'amendera comme les autres. Elle sentira bien qu'elle doit se faire pardonner d'avoir eu une mère si blâmable, et vous verrez qu'elle ne fera point parler d'elle.

– Dieu veuille, dit la mère Courtillet, car c'est vilain qu'une fille ait l'air d'un chevau échappé; mais j'en espère aussi de cette Fadette, car je l'ai rencontrée devant z'hier, et au lieu qu'elle se mettait toujours derrière moi à contrefaire ma boiterie, elle m'a dit bonjour et demandé mon portement avec beaucoup d'honnêteté.

– Cette petite-là dont vous parlez est plus folle que méchante, dit le père Henri. Elle n'a point mauvais cœur, c'est moi qui vous le dis; à preuve qu'elle a souvent gardé mes petits enfants aux champs avec elle, par pure complaisance, quand ma fille était malade; et elle les soignait très-bien, et ils ne la voulaient plus quitter.

– C'est-il vrai ce qu'on m'a raconté, reprit la mère Couturier, qu'un des bessons au père Barbeau s'en était affolé à la dernière Saint-Andoche?

– Allons donc! répondit le père Naubin; il ne faut pas prendre ça au sérieux. C'était une amusette d'enfants, et les Barbeau ne sont point bêtes, les enfants pas plus que le père ni la mère, entendez-vous?

Ainsi devisait-on sur la petite Fadette, et le plus souvent on n'y pensait mie, parce qu'on ne la voyait presque plus.

XXV

Mais qui la voyait souvent et faisait grande attention à elle, c'était Landry Barbeau. Il en était comme enragé en lui-même, quand il ne pouvait lui parler à son aise; mais sitôt qu'il se trouvait un moment avec elle, il était apaisé et content de lui, parce qu'elle lui enseignait la raison et le consolait dans toutes ses idées. Elle jouait avec lui un petit jeu qui était peut-être entaché d'un peu de coquetterie; du moins, il le pensait quelquefois; mais comme son motif était l'honnêteté, et qu'elle ne voulait point de son amour, à moins qu'il n'eût bien tourné et retourné la chose dans son esprit, il n'avait point droit de s'en offenser. Elle ne pouvait pas le suspecter de la vouloir tromper sur la force de cet amour-là, car c'était une espèce d'amour comme on n'en voit pas souvent chez les gens de campagne, lesquels aiment plus patiemment que ceux des villes. Et justement Landry était un caractère patient plus que d'autres, jamais on n'aurait pu présager qu'il se laisserait brûler si fort à la chandelle, et qui l'eût su (car il le cachait bien) s'en fût grandement émerveillé. Mais la petite Fadette, voyant qu'il s'était donné à elle si entièrement et si subitement, avait peur que ce ne fût feu de paille, ou bien encore qu'elle-même prenant feu du mauvais côté, la chose n'allât plus loin entre eux que l'honnêteté ne permet à deux enfants qui ne sont point encore en âge d'être mariés, du moins au dire des parents et de la prudence: car l'amour n'attend guère, et, quand une fois il s'est mis dans le sang de deux jeunesses, c'est miracle s'il attend l'approbation d'autrui.

Mais la petite Fadette, qui avait été dans son apparence plus longtemps enfant qu'une autre, possédait au dedans une raison et une volonté bien au-dessus de son âge. Pour que cela fût, il fallait qu'elle eût un esprit d'une fière force, car son cœur était aussi ardent, et plus encore peut-être que le cœur et le sang de Landry. Elle l'aimait comme une folle, et pourtant elle se conduisit avec une grande sagesse; car si le jour, la nuit, à toute heure de son temps, elle pensait à lui et séchait d'impatience de le voir et d'envie de le caresser, aussitôt qu'elle le voyait elle prenait un air tranquille, lui parlait raison, feignait même de ne point encore connaître le feu d'amour, et ne lui permettait pas de lui serrer la main plus haut que le poignet.

Et Landry, qui, dans les endroits retirés où ils se trouvaient souvent ensemble, et mêmement quand la nuit était bien noire, aurait pu s'oublier jusqu'à ne plus se soumettre à elle, tant il était ensorcelé, craignait pourtant si fort de lui déplaire, et se tenait pour si peu certain d'être aimé d'amour, qu'il vivait aussi innocemment avec elle que si elle eût été sa sœur, et lui Jeanet, le petit sauteriot.

Pour le distraire de l'idée qu'elle ne voulait point encourager, elle l'instruisait dans les choses qu'elle savait, et dans lesquelles son esprit et son talent naturel avaient surpassé l'enseignement de sa grand'mère. Elle ne voulait faire mystère de rien à Landry, et comme il avait toujours un peu peur de la sorcellerie, elle mit tous ses soins à lui faire comprendre que le diable n'était pour rien dans les secrets de son savoir.

– Va, Landry, lui dit-elle un jour, tu n'as que faire de l'intervention du mauvais esprit. Il n'y a qu'un esprit et il est bon, car c'est celui de Dieu. Lucifer est de l'invention de M. le curé, et Georgeon de l'invention des vieilles commères de campagne. Quand j'étais toute petite, j'y croyais, et j'avais peur des maléfices de ma grand'mère. Mais elle se moquait de moi, car l'on a bien raison de dire que si quelqu'un doute de tout, c'est celui qui fait tout croire aux autres, et que personne ne croit moins à Satan que les sorciers qui feignent de l'invoquer à tout propos. Ils savent bien qu'ils ne l'ont jamais vu et qu'ils n'ont jamais reçu de lui aucune assistance. Ceux qui ont été assez simples pour y croire et pour l'appeler n'ont jamais pu le faire venir, à preuve le meunier de la Passe-aux-Chiens, qui, comme ma grand'mère me l'a raconté, s'en allait aux quatre chemins avec une grosse trique, pour appeler le diable, et lui donner, disait-il, une bonne vannée. Et on l'entendait crier dans la nuit: Viendras-tu, figure de loup? Viendras-tu, chien enragé? Viendras-tu, Georgeon du diable? Et jamais Georgeon ne vint. Si bien que ce meunier en était devenu quasi fou de vanité, disant que le diable avait peur de lui.

– Mais, disait Landry, ce que tu crois là, que le diable n'existe point, n'est pas déjà trop chrétien, ma petite Fanchon.

– Je ne peux pas disputer là-dessus, répondit-elle; mais s'il existe, je suis bien assurée qu'il n'a aucun pouvoir pour venir sur la terre nous abuser et nous demander notre âme pour la retirer du bon Dieu. Il n'aurait pas tant d'insolence, et, puisque la terre est au bon Dieu, il n'y a que le bon Dieu qui puisse gouverner les choses et les hommes qui s'y trouvent.

Et Landry, revenu de sa folle peur, ne pouvait pas s'empêcher d'admirer combien, dans toutes ses idées et dans toutes ses prières, la petite Fadette était bonne chrétienne. Mêmement elle avait une dévotion plus jolie que celle des autres. Elle aimait Dieu avec tout le feu de son cœur, car elle avait en toutes choses la tête vive et le cœur tendre; et quand elle parlait de cet amour-là à Landry, il se sentait tout étonné d'avoir été enseigné à dire des prières et à suivre des pratiques qu'il n'avait jamais pensé à comprendre, et où il se portait respectueusement de sa personne par l'idée de son devoir, sans que son cœur se fût jamais échauffé d'amour pour son Créateur, comme celui de la petite Fadette.

XXVI

Tout en devisant et marchant avec elle, il apprit la propriété des herbes et toutes les recettes pour la guérison des personnes et des bêtes. Il essaya bientôt l'effet des dernières sur une vache au père Caillaud, qui avait pris l'enflure pour avoir mangé trop de vert; et, comme le vétérinaire l'avait abandonnée, disant qu'elle n'en avait pas pour une heure, il lui fit boire un breuvage que la petite Fadette lui avait appris à composer. Il le fit secrètement; et, au matin, comme les laboureurs, bien contrariés de la perte d'une si belle vache, venaient la chercher pour la jeter dans un trou, ils la trouvèrent debout et commençant à flairer la nourriture, ayant bon œil, et quasiment toute désenflée. Une autre fois, un poulain fut mordu de la vipère, et Landry, suivant toujours les enseignements de la petite Fadette, le sauva bien lestement. Enfin, il put essayer aussi le remède contre la rage sur un chien de la Priche, qui fut guéri et ne mordit personne. Comme Landry cachait de son mieux ses accointances avec la petite Fadette, il ne se vanta pas de sa science, et on n'attribua la guérison de ses bêtes qu'aux grands soins qu'il leur avait donnés. Mais le père Caillaud, qui s'y entendait aussi, comme tout bon fermier ou métayer doit le faire, s'étonna en lui-même, et dit:

– Le père Barbeau n'a pas de talent pour le bestiau, et mêmement il n'a point de bonheur; car il en a beaucoup perdu l'an dernier, et ce n'était pas la première fois. Mais Landry y a la main très-heureuse, et c'est une chose avec laquelle on vient au monde. On l'a ou on ne l'a pas; et, quand même on irait étudier dans les écoles comme les artistes, cela ne sert de rien si on n'y est adroit de naissance. Or je vous dis que Landry est adroit, et que son idée lui fait trouver ce qui convient. C'est un grand don de la nature qu'il a reçu, et ça lui vaudra mieux que du capital pour bien conduire une ferme.

Ce que disait le père Caillaud n'était pas d'un homme crédule et sans raison, seulement il se trompait en attribuant un don de nature à Landry: Landry n'en avait pas d'autre que celui d'être soigneux et entendu à appliquer les recettes de son enseignement. Mais le don de nature n'est point une fable, puisque la petite Fadette l'avait, et qu'avec si peu de leçons raisonnables que sa grand'mère lui avait données, elle découvrait et devinait comme qui invente, les vertus que le bon Dieu a mises dans certaines herbes et dans certaines manières de les employer. Elle n'était point sorcière pour cela, elle avait raison de s'en défendre; mais elle avait l'esprit qui observe, qui fait des comparaisons, des remarques, des essais, et cela c'est un don de nature, on ne peut pas le nier. Le père Caillaud poussait la chose un peu plus loin. Il pensait que tel bouvier ou tel laboureur a la main plus ou moins bonne, et que, par la seule vertu de sa présence dans l'étable, il fait du bien ou du mal aux animaux. Et pourtant, comme il y a toujours un peu de vrai dans les plus fausses croyances, on doit accorder que les bons soins, la propreté, l'ouvrage fait en conscience, ont une vertu pour amener à bien ce que la négligence ou la bêtise font empirer.

Comme Landry avait toujours mis son idée et son goût dans ces choses-là, l'amitié qu'il avait conçue pour la Fadette s'augmenta de toute la reconnaissance qu'il lui dut pour son instruction et de toute l'estime qu'il faisait du talent de cette jeune fille. Il lui sut alors grand gré de l'avoir forcé à se distraire de l'amour dans les promenades et les entretiens qu'il faisait avec elle, et il reconnut aussi qu'elle avait pris plus à cœur l'intérêt et l'utilité de son amoureux, que le plaisir de se laisser courtiser et flatter sans cesse comme il l'eût souhaité d'abord.

Landry fut bientôt si épris qu'il avait mis tout à fait sous ses pieds la honte de laisser paraître son amour pour une petite fille réputée laide, mauvaise et mal élevée. S'il y mettait de la précaution, c'était à cause de son besson, dont il connaissait la jalousie et qui avait eu déjà un grand effort à faire pour accepter sans dépit l'amourette que Landry avait eue pour Madelon, amourette bien petite et bien tranquille au prix de ce qu'il sentait maintenant pour Fanchon Fadet.

Mais, si Landry était trop animé dans son amour pour y mettre de la prudence, en revanche, la petite Fadette, qui avait un esprit porté au mystère, et qui, d'ailleurs, ne voulait pas mettre Landry trop à l'épreuve des taquineries du monde, la petite Fadette, qui en fin de compte l'aimait trop pour consentir à lui causer des peines dans sa famille, exigea de lui un si grand secret qu'ils passèrent environ un an avant que la chose se découvrît. Landry avait habitué Sylvinet à ne plus surveiller tous ses pas et démarches, et le pays, qui n'est guère peuplé et qui est tout coupé de ravins et tout couvert d'arbres, est bien propice aux secrètes amours.

Sylvinet, voyant que Landry ne s'occupait plus de la Madelon, quoiqu'il eût accepté d'abord ce partage de son amitié comme un mal nécessaire rendu plus doux par la honte de Landry et la prudence de cette fille, se réjouit bien de penser que Landry n'était pas pressé de lui retirer son cœur pour le donner à une femme, et, la jalousie le quittant, il le laissa plus libre de ses occupations et de ses courses, les jours de fêtes et de repos. Landry ne manquait pas de prétextes pour aller et venir, et le dimanche soir surtout, il quittait la Bessonnière de bonne heure et ne rentrait à la Priche que sur le minuit; ce qui lui était bien commode, parce qu'il s'était fait donner un petit lit dans le capharnion. Vous me reprendrez peut-être sur ce mot-là, parce que le maître d'école s'en fâche et veut qu'on dise capharnaüm; mais, s'il connaît le mot, il ne connaît point la chose, car j'ai été obligé de lui apprendre que c'était l'endroit de la grange voisin des étables, où l'on serre les jougs, les chaînes, les ferrages et épelettes de toute espèce qui servent aux bêtes de labour et aux instruments du travail de la terre. De cette manière, Landry pouvait rentrer à l'heure qu'il voulait sans réveiller personne, et il avait toujours son dimanche à lui jusqu'au lundi matin, pour ce que le père Caillaud et son fils aîné, qui tous deux étaient des hommes très-sages, n'allant jamais dans les cabarets et ne faisant point noce de tous les jours fériés, avaient coutume de prendre sur eux tout le soin et toute la surveillance de la ferme ces jours-là; afin, disaient-ils, que toute la jeunesse de la maison, qui travaillait plus qu'eux dans la semaine, pût s'ébattre et se divertir en liberté, selon l'ordonnance du bon Dieu.

Et durant l'hiver, où les nuits sont si froides qu'on pourrait difficilement causer d'amour en pleins champs, il y avait pour Landry et la petite Fadette un bon refuge dans la tour à Jacot, qui est un ancien colombier de redevance, abandonné des pigeons depuis longues années, mais qui est bien couvert et bien fermé, et qui dépend de la ferme au père Caillaud. Mêmement il s'en servait pour y serrer le surplus de ses denrées, et comme Landry en avait la clef, et qu'il est situé sur les confins des terres de la Priche, non loin du gué des Roulettes, et dans le milieu d'une luzernière bien close, le diable eût été fin s'il eût été surprendre là les entretiens de ces deux jeunes amoureux. Quand le temps était doux, ils allaient parmi les tailles, qui sont jeunes bois de coupe, et dont le pays est tout parsemé. Ce sont encore bonnes retraites pour les voleurs et les amants, et comme de voleurs il n'en est point dans notre pays, les amants en profitent, et n'y trouvent pas plus la peur que l'ennui.

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12+
Дата выхода на Литрес:
28 сентября 2017
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