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De la terre à la lune

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III. EFFET DE LA COMMUNICATION BARBICANE

Il est impossible de peindre l’effet produit par les dernières paroles de l’honorable président. Quels cris! quelles vociférations! quelle succession de grognements, de hurrahs, de «hip! hip! hip!» et de toutes ces onomatopées qui foisonnent dans la langue américaine! C’était un désordre, un brouhaha indescriptible! Les bouches criaient, les mains battaient, les pieds ébranlaient le plancher des salles. Toutes les armes de ce musée d’artillerie, partant à la fois, n’auraient pas agité plus violemment les ondes sonores. Cela ne peut surprendre. Il y a des canonniers presque aussi bruyants que leurs canons.

Barbicane demeurait calme au milieu de ces clameurs enthousiastes; peut-être voulait-il encore adresser quelques paroles à ses collègues, car ses gestes réclamèrent le silence, et son timbre fulminant s’épuisa en violentes détonations. On ne l’entendit même pas. Bientôt il fut arraché de son siège, porté en triomphe, et des mains de ses fidèles camarades il passa dans les bras d’une foule non moins surexcitée.

Rien ne saurait étonner un Américain. On a souvent répété que le mot «impossible» n’était pas français; on s’est évidemment trompé de dictionnaire. En Amérique, tout est facile, tout est simple, et quant aux difficultés mécaniques, elles sont mortes avant d’être nées. Entre le projet Barbicane et sa réalisation, pas un véritable Yankee ne se fût permis d’entrevoir l’apparence d’une difficulté. Chose dite, chose faite.

La promenade triomphale du président se prolongea dans la soirée. Une véritable marche aux flambeaux. Irlandais, Allemands, Français, Écossais, tous ces individus hétérogènes dont se compose la population du Maryland, criaient dans leur langue maternelle, et les vivats, les hurrahs, les bravos s’entremêlaient dans un inexprimable élan.

Précisément, comme si elle eût compris qu’il s’agissait d’elle, la Lune brillait alors avec une sereine magnificence, éclipsant de son intense irradiation les feux environnants. Tous les Yankees dirigeaient leurs yeux vers son disque étincelant; les uns la saluaient de la main, les autres l’appelaient des plus doux noms; ceux-ci la mesuraient du regard, ceux-là la menaçaient du poing; de huit heures à minuit, un opticien de Jone’s-Fall-Street fit sa fortune à vendre des lunettes. L’astre des nuits était lorgné comme une lady de haute volée. Les Américains en agissaient avec un sans-façon de propriétaires. Il semblait que la blonde Phoebé appartînt à ces audacieux conquérants et fît déjà partie du territoire de l’Union. Et pourtant il n’était question que de lui envoyer un projectile, façon assez brutale d’entrer en relation, même avec un satellite, mais fort en usage parmi les nations civilisées.

Minuit venait de sonner, et l’enthousiasme ne baissait pas; il se maintenait à dose égale dans toutes les classes de la population; le magistrat, le savant, le négociant, le marchand, le portefaix, les hommes intelligents aussi bien que les gens «verts[16]», se sentaient remués dans leur fibre la plus délicate; il s’agissait là d’une entreprise nationale; aussi la ville haute, la ville basse, les quais baignés par les eaux du Patapsco, les navires emprisonnés dans leurs bassins regorgeaient d’une foule ivre de joie, de gin et de whisky; chacun conversait, pérorait, discutait, disputait, approuvait, applaudissait, depuis le gentleman nonchalamment étendu sur le canapé des bar-rooms devant sa chope de sherry-cobbler[17], jusqu’au waterman qui se grisait de «casse-poitrine[18]» dans les sombres tavernes du Fells-Point.

Cependant, vers deux heures, l’émotion se calma. Le président Barbicane parvint à rentrer chez lui, brisé, écrasé, moulu. Un hercule n’eût pas résisté à un enthousiasme pareil. La foule abandonna peu à peu les places et les rues. Les quatre rails-roads de l’Ohio, de Susquehanna, de Philadelphie et de Washington, qui convergent à Baltimore, jetèrent le public hexogène aux quatre coins des États-Unis, et la ville se reposa dans une tranquillité relative.

Ce serait d’ailleurs une erreur de croire que, pendant cette soirée mémorable, Baltimore fût seule en proie à cette agitation. Les grandes villes de l’Union, New York, Boston, Albany, Washington, Richmond, Crescent-City[19], Charleston, la Mobile, du Texas au Massachusetts, du Michigan aux Florides, toutes prenaient leur part de ce délire. En effet, les trente mille correspondants du Gun-Club connaissaient la lettre de leur président, et ils attendaient avec une égale impatience la fameuse communication du 5 octobre. Aussi, le soir même, à mesure que les paroles s’échappaient des lèvres de l’orateur, elles couraient sur les fils télégraphiques, à travers les États de l’Union, avec une vitesse de deux cent quarante-huit mille quatre cent quarante-sept milles[20] à la seconde. On peut donc dire avec une certitude absolue qu’au même instant les États-Unis d’Amérique, dix fois grands comme la France, poussèrent un seul hurrah, et que vingt-cinq millions de cœurs, gonflés d’orgueil, battirent de la même pulsation.

Le lendemain, quinze cents journaux quotidiens, hebdomadaires, bi-mensuels ou mensuels, s’emparèrent de la question; ils l’examinèrent sous ses différents aspects physiques, météorologiques, économiques ou moraux, au point de vue de la prépondérance politique ou de la civilisation. Ils se demandèrent si la Lune était un monde achevé, si elle ne subissait plus aucune transformation. Ressemblait-elle à la Terre au temps où l’atmosphère n’existait pas encore? Quel spectacle présentait cette face invisible au sphéroïde terrestre? Bien qu’il ne s’agît encore que d’envoyer un boulet l’astre des nuits, tous voyaient là le point de départ d’une série d’expériences; tous espéraient qu’un jour l’Amérique pénétrerait les derniers secrets de ce disque mystérieux, et quelques-uns même semblèrent craindre que sa conquête ne dérangeât sensiblement l’équilibre européen.

Le projet discuté, pas une feuille ne mit en doute sa réalisation; les recueils, les brochures, les bulletins, les «magazines» publiés par les sociétés savantes, littéraires ou religieuses, en firent ressortir les avantages, et «la Société d’Histoire naturelle» de Boston, «la Société américaine des sciences et des arts» d’Albany, «la Société géographique et statistique» de New York, «la Société philosophique américaine» de Philadelphie, «l’Institution Smithsonienne» de Washington, envoyèrent dans mille lettres leurs félicitations au Gun-Club, avec des offres immédiates de service et d’argent.

Aussi, on peut le dire, jamais proposition ne réunit un pareil nombre d’adhérents; d’hésitations, de doutes, d’inquiétudes, il ne fut même pas question. Quant aux plaisanteries, aux caricatures, aux chansons qui eussent accueilli en Europe, et particulièrement en France, l’idée d’envoyer un projectile à la Lune, elles auraient fort mal servi leur auteur; tous les «lifepreservers[21]» du monde eussent été impuissants le garantir contre l’indignation générale. Il y a des choses dont on ne rit pas dans le Nouveau Monde. Impey Barbicane devint donc, partir de ce jour, un des plus grands citoyens des États-Unis, quelque chose comme le Washington de la science, et un trait, entre plusieurs, montrera jusqu’où allait cette inféodation subite d’un peuple à un homme.

Quelques jours après la fameuse séance du Gun-Club, le directeur d’une troupe anglaise annonça au théâtre de Baltimore la représentation de – Much ado about nothing[22] – . Mais la population de la ville, voyant dans ce titre une allusion blessante aux projets du président Barbicane, envahit la salle, brisa les banquettes et obligea le malheureux directeur à changer son affiche. Celui-ci, en homme d’esprit, s’inclinant devant la volonté publique, remplaça la malencontreuse comédie par – As you like it[23], et, pendant plusieurs semaines, il fit des recettes phénoménales.

 

IV. RÉPONSE DE L’OBSERVATOIRE DE CAMBRIDGE

Cependant Barbicane ne perdit pas un instant au milieu des ovations dont il était l’objet. Son premier soin fut de réunir ses collègues dans les bureaux du Gun-Club. Là, après discussion, on convint de consulter les astronomes sur la partie astronomique de l’entreprise; leur réponse une fois connue, on discuterait alors les moyens mécaniques, et rien ne serait négligé pour assurer le succès de cette grande expérience.

Une note très précise, contenant des questions spéciales, fut donc rédigée et adressée à l’Observatoire de Cambridge, dans le Massachusetts. Cette ville, où fut fondée la première Université des États-Unis, est justement célèbre par son bureau astronomique. Là se trouvent réunis des savants du plus haut mérite; là fonctionne la puissante lunette qui permit à Bond de résoudre la nébuleuse d’Andromède et à Clarke de découvrir le satellite de Sirius. Cet établissement célèbre justifiait donc à tous les titres la confiance du Gun-Club.

Aussi, deux jours après, sa réponse, si impatiemment attendue, arrivait entre les mains du président Barbicane. Elle était conçue en ces termes:

– Le Directeur de l’Observatoire de Cambridge au Président du Gun-Club, à Baltimore. —

«Cambridge, 7 octobre.

«Au reçu de votre honorée du 6 courant, adressée à l’Observatoire de Cambridge au nom des membres du Gun-Club de Baltimore, notre bureau s’est immédiatement réuni, et il a jugé à propos[24] de répondre comme suit:

Les questions qui lui ont été posées sont celles-ci:

1° Est-il possible d’envoyer un projectile dans la Lune?

2° Quelle est la distance exacte qui sépare la Terre de son satellite?

3° Quelle sera la durée du trajet du projectile auquel aura été imprimée une vitesse initiale suffisante, et, par conséquent, à quel moment devra-t-on le lancer pour qu’il rencontre la Lune en un point déterminé?

4° A quel moment précis la Lune se présentera-t-elle dans la position la plus favorable pour être atteinte par le projectile?

5° Quel point du ciel devra-t-on viser avec le canon destiné à lancer le projectile?

6° Quelle place la Lune occupera-t-elle dans le ciel au moment où partira le projectile?

Sur la première question: – Est-il possible d’envoyer un projectile dans la Lune?

Oui, il est possible d’envoyer un projectile dans la Lune, si l’on parvient à animer ce projectile d’une vitesse initiale de douze mille yards par seconde. Le calcul démontre que cette vitesse est suffisante. A mesure que l’on s’éloigne de la Terre, l’action de la pesanteur diminue en raison inverse du carré des distances, c’est-à-dire que, pour une distance trois fois plus grande, cette action est neuf fois moins forte. En conséquence, la pesanteur du boulet décroîtra rapidement, et finira par s’annuler complètement au moment où l’attraction de la Lune fera équilibre à celle de la Terre, c’est-à-dire aux quarante-sept cinquante-deuxièmes du trajet. En ce moment, le projectile ne pèsera plus, et, s’il franchit ce point, il tombera sur la Lune par l’effet seul de l’attraction lunaire. La possibilité théorique de l’expérience est donc absolument démontrée; quant à sa réussite, elle dépend uniquement de la puissance de l’engin employé.

«Sur la deuxième question: – Quelle est la distance exacte qui sépare la Terre de son satellite?

«La Lune ne décrit pas autour de la Terre une circonférence, mais bien une ellipse dont notre globe occupe l’un des foyers; de là cette conséquence que la Lune se trouve tantôt plus rapprochée de la Terre, et tantôt plus éloignée, ou, en termes astronomiques, tantôt dans son apogée, tantôt dans son périgée. Or, la différence entre sa plus grande et sa plus petite distance est assez considérable, dans l’espèce, pour qu’on ne doive pas la négliger. En effet, dans son apogée, la Lune est à deux cent quarante-sept mille cinq cent cinquante-deux milles ( – 99,640 lieues de 4 kilomètres), et dans son périgée à deux cent dix-huit mille six cent cinquante-sept milles seulement ( – 88 010 lieues), ce qui fait une différence de vingt-huit mille huit cent quatre-vingt-quinze milles ( – 11 630 lieues), ou plus du neuvième du parcours. C’est donc la distance périgéenne de la Lune qui doit servir de base aux calculs.

«Sur la troisième question: – Quelle sera la durée du trajet du projectile auquel aura été imprimée une vitesse initiale suffisante, et, par conséquent, à quel moment devra-t-on le lancer pour qu’il rencontre la Lune en un point déterminé?

«Si le boulet conservait indéfiniment la vitesse initiale de douze mille yards par seconde qui lui aura été imprimée à son départ, il ne mettrait que neuf heures environ à se rendre à sa destination; mais comme cette vitesse initiale ira continuellement en décroissant, il se trouve, tout calcul fait, que le projectile emploiera trois cent mille secondes, soit quatre-vingt-trois heures et vingt minutes, pour atteindre le point où les attractions terrestre et lunaire se font équilibre, et de ce point il tombera sur la Lune en cinquante mille secondes, ou treize heures cinquante-trois minutes et vingt secondes. Il conviendra donc de le lancer quatre-vingt-dix-sept heures treize minutes et vingt secondes avant l’arrivée de la Lune au point visé.

«Sur la quatrième question: – A quel moment précis la Lune se présentera-t-elle dans la position la plus favorable pour être atteinte par le projectile?

«D’après ce qui vient d’être dit ci-dessus, il faut d’abord choisir l’époque où la Lune sera dans son périgée, et en même temps le moment où elle passera au zénith, ce qui diminuera encore le parcours d’une distance égale au rayon terrestre, soit trois mille neuf cent dix-neuf milles; de telle sorte que le trajet définitif sera de deux cent quatorze mille neuf cent soixante-seize milles ( – 86 410 lieues). Mais, si chaque mois la Lune passe à son périgée, elle ne se trouve pas toujours au zénith à ce moment. Elle ne se présente dans ces deux conditions qu’à de longs intervalles. Il faudra donc attendre la coïncidence du passage au périgée et au zénith. Or, par une heureuse circonstance, le 4 décembre de l’année prochaine, la Lune offrira ces deux conditions: à minuit, elle sera dans son périgée, c’est-à-dire sa plus courte distance de la Terre, et elle passera en même temps au zénith.

«Sur la cinquième question: – Quel point du ciel devra-t-on viser avec le canon destiné à lancer le projectile?

«Les observations précédentes étant admises, le canon devra être braqué sur le zénith[25] du lieu; de la sorte, le tir sera perpendiculaire au plan de l’horizon, et le projectile se dérobera plus rapidement aux effets de l’attraction terrestre. Mais, pour que la Lune monte au zénith d’un lieu, il faut que ce lieu ne soit pas plus haut en latitude que la déclinaison de cet astre, autrement dit, qu’il soit compris entre 0° et 28° de latitude nord ou sud[26]. En tout autre endroit, le tir devrait être nécessairement oblique, ce qui nuirait à la réussite de l’expérience.

«Sur la sixième question: – Quelle place la Lune occupera-t-elle dans le ciel au moment où partira le projectile?

«Au moment où le projectile sera lancé dans l’espace, la Lune, qui avance chaque jour de treize degrés dix minutes et trente-cinq secondes, devra se trouver éloignée du point zénithal de quatre fois ce nombre, soit cinquante-deux degrés quarante-deux minutes et vingt secondes, espace qui correspond au chemin qu’elle fera pendant la durée du parcours du projectile. Mais comme il faut également tenir compte de la déviation que fera éprouver au boulet le mouvement de rotation de la terre, et comme le boulet n’arrivera à la Lune qu’après avoir dévié d’une distance égale à seize rayons terrestres, qui, comptés sur l’orbite de la Lune, font environ onze degrés, on doit ajouter ces onze degrés à ceux qui expriment le retard de la Lune déjà mentionné, soit soixante-quatre degrés en chiffres ronds. Ainsi donc, au moment du tir, le rayon visuel mené à la Lune fera avec la verticale du lieu un angle de soixante-quatre degrés.

«Telles sont les réponses aux questions posées à l’Observatoire de Cambridge par les membres du Gun-Club.

«En résumé:

«1° Le canon devra être établi dans un pays situé entre 0° et 28° de latitude nord ou sud.

«2° Il devra être braqué sur le zénith du lieu.

«3° Le projectile devra être animé d’une vitesse initiale de douze mille yards par seconde.

«4° Il devra être lancé le 1er décembre de l’année prochaine, à onze heures moins treize minutes et vingt secondes.

«5° Il rencontrera la Lune quatre jours après son départ, le 4 décembre à minuit précis, au moment où elle passera au zénith.

«Les membres du Gun-Club doivent donc commencer sans retard les travaux nécessités par une pareille entreprise et être prêts à opérer au moment déterminé, car, s’ils laissaient passer cette date du 4 décembre, ils ne retrouveraient la Lune dans les mêmes conditions de périgée et de zénith que dix-huit ans et onze jours après.

«Le bureau de l’Observatoire de Cambridge se met entièrement à leur disposition pour les questions d’astronomie théorique, et il joint par la présente ses félicitations à celles de l’Amérique tout entière.

Pour le bureau:

J. -M. BELFAST, – Directeur de l’Observatoire de Cambridge.»

V. LE ROMAN DE LA LUNE

Un observateur doué d’une vue infiniment pénétrante, et placé à ce centre inconnu autour duquel gravite le monde, aurait vu des myriades d’atomes remplir l’espace à l’époque chaotique de l’univers. Mais peu à peu, avec les siècles, un changement se produisit; une loi d’attraction se manifesta, à laquelle obéirent les atomes errants jusqu’alors; ces atomes se combinèrent chimiquement suivant leurs affinités, se firent molécules et formèrent ces amas nébuleux dont sont parsemées les profondeurs du ciel.

Ces amas furent aussitôt animés d’un mouvement de rotation autour de leur point central. Ce centre, formé de molécules vagues, se prit tourner sur lui-même en se condensant progressivement; d’ailleurs, suivant des lois immuables de la mécanique, à mesure que son volume diminuait par la condensation, son mouvement de rotation s’accélérait, et ces deux effets persistant, il en résulta une étoile principale, centre de l’amas nébuleux.

En regardant attentivement, l’observateur eût alors vu les autres molécules de l’amas se comporter comme l’étoile centrale, se condenser à sa façon par un mouvement de rotation progressivement accéléré, et graviter autour d’elle sous forme d’étoiles innombrables. La nébuleuse, dont les astronomes comptent près de cinq mille actuellement, était formée.

 

Parmi ces cinq mille nébuleuses, il en est une que les hommes ont nommée la Voie lactée, et qui renferme dix-huit millions d’étoiles, dont chacune est devenue le centre d’un monde solaire.

Si l’observateur eût alors spécialement examiné entre ces dix-huit millions d’astres l’un des plus modestes et des moins brillants[27], une étoile de quatrième ordre, celle qui s’appelle orgueilleusement le Soleil, tous les phénomènes auxquels est due la formation de l’univers se seraient successivement accomplis à ses yeux.

En effet, ce Soleil, encore à l’état gazeux et composé de molécules mobiles, il l’eût aperçu tournant sur son axe pour achever son travail de concentration. Ce mouvement, fidèle aux lois de la mécanique, se fût accéléré avec la diminution de volume, et un moment serait arrivé où la force centrifuge l’aurait emporté sur la force centripète, qui tend à repousser les molécules vers le centre.

Alors un autre phénomène se serait passé devant les yeux de l’observateur, et les molécules situées dans le plan de l’équateur, s’échappant comme la pierre d’une fronde dont la corde vient à se briser subitement, auraient été former autour du Soleil plusieurs anneaux concentriques semblables à celui de Saturne. A leur tour, ces anneaux de matière cosmique, pris d’un mouvement de rotation autour de la masse centrale, se seraient brisés et décomposés en nébulosités secondaires, c’est-à-dire en planètes.

Si l’observateur eût alors concentré toute son attention sur ces planètes, il les aurait vues se comporter exactement comme le Soleil et donner naissance à un ou plusieurs anneaux cosmiques, origines de ces astres d’ordre inférieur qu’on appelle satellites.

Ainsi donc, en remontant de l’atome à la molécule, de la molécule à l’amas nébuleux, de l’amas nébuleux à la nébuleuse, de la nébuleuse à l’étoile principale, de l’étoile principale au Soleil, du Soleil à la planète, et de la planète au satellite, on a toute la série des transformations subies par les corps célestes depuis les premiers jours du monde.

Le Soleil semble perdu dans les immensités du monde stellaire, et cependant il est rattaché, par les théories actuelles de la science, à la nébuleuse de la Voie lactée. Centre d’un monde, et si petit qu’il paraisse au milieu des régions éthérées, il est cependant énorme, car sa grosseur est quatorze cent mille fois celle de la Terre. Autour de lui gravitent huit planètes, sorties de ses entrailles mêmes aux premiers temps de la Création. Ce sont, en allant du plus proche de ces astres au plus éloigné, Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. De plus entre Mars et Jupiter circulent régulièrement d’autres corps moins considérables, peut-être les débris errants d’un astre brisé en plusieurs milliers de morceaux, dont le télescope a reconnu quatre-vingt-dix-sept jusqu’à ce jour.[28]

De ces serviteurs que le Soleil maintient dans leur orbite elliptique par la grande loi de la gravitation, quelques-uns possèdent à leur tour des satellites. Uranus en a huit, Saturne huit, Jupiter quatre, Neptune trois peut-être, la Terre un; ce dernier, l’un des moins importants du monde solaire, s’appelle la Lune, et c’est lui que le génie audacieux des Américains prétendait conquérir.

L’astre des nuits, par sa proximité relative et le spectacle rapidement renouvelé de ses phases diverses, a tout d’abord partagé avec le Soleil l’attention des habitants de la Terre; mais le Soleil est fatigant au regard, et les splendeurs de sa lumière obligent ses contemplateurs à baisser les yeux.

La blonde Phoebé, plus humaine au contraire, se laisse complaisamment voir dans sa grâce modeste; elle est douce à l’œil, peu ambitieuse, et cependant, elle se permet parfois d’éclipser son frère, le radieux Apollon, sans jamais être éclipsée par lui. Les mahométans ont compris la reconnaissance qu’ils devaient à cette fidèle amie de la Terre, et ils ont réglé leur mois sur sa révolution[29].

Les premiers peuples vouèrent un culte particulier à cette chaste déesse. Les Égyptiens l’appelaient Isis; les Phéniciens la nommaient Astarté; les Grecs l’adorèrent sous le nom de Phoebé, fille de Latone et de Jupiter, et ils expliquaient ses éclipses par les visites mystérieuses de Diane au bel Endymion. A en croire la légende mythologique, le lion de Némée parcourut les campagnes de la Lune avant son apparition sur la Terre, et le poète Agésianax, cité par Plutarque, célébra dans ses vers ces doux yeux, ce nez charmant et cette bouche aimable, formés par les parties lumineuses de l’adorable Séléné.

Mais si les Anciens comprirent bien le caractère, le tempérament, en un mot, les qualités morales de la Lune au point de vue mythologique, les plus savants d’entre eux demeurèrent fort ignorants en sélénographie.

Cependant, plusieurs astronomes des époques reculées découvrirent certaines particularités confirmées aujourd’hui par la science. Si les Arcadiens prétendirent avoir habité la Terre à une époque où la Lune n’existait pas encore, si Tatius la regarda comme un fragment détaché du disque solaire, si Cléarque, le disciple d’Aristote, en fit un miroir poli sur lequel se réfléchissaient les images de l’Océan, si d’autres enfin ne virent en elle qu’un amas de vapeurs exhalées par la Terre, ou un globe moitié feu, moitié glace, qui tournait sur lui-même, quelques savants, au moyen d’observations sagaces, à défaut d’instruments d’optique, soupçonnèrent la plupart des lois qui régissent l’astre des nuits.

Ainsi Thalès de Milet, 460 ans avant J. -C. , émit l’opinion que la Lune était éclairée par le Soleil. Aristarque de Samos donna la véritable explication de ses phases. Cléomène enseigna qu’elle brillait d’une lumière réfléchie. Le Chaldéen Bérose découvrit que la durée de son mouvement de rotation était égale à celle de son mouvement de révolution, et il expliqua de la sorte le fait que la Lune présente toujours la même face. Enfin Hipparque, deux siècles avant l’ère chrétienne, reconnut quelques inégalités dans les mouvements apparents du satellite de la Terre.

Ces diverses observations se confirmèrent par la suite et profitèrent aux nouveaux astronomes. Ptolémée, au IIe siècle, l’Arabe Aboul-Wéfa, au Xe, complétèrent les remarques d’Hipparque sur les inégalités que subit la Lune en suivant la ligne ondulée de son orbite sous l’action du Soleil. Puis Copernic[30], au XVe siècle, et Tycho Brahé, au XVIe, exposèrent complètement le système du monde et le rôle que joue la Lune dans l’ensemble des corps célestes.

A cette époque, ses mouvements étaient à peu près déterminés; mais de sa constitution physique on savait peu de chose. Ce fut alors que Galilée expliqua les phénomènes de lumière produits dans certaines phases par l’existence de montagnes auxquelles il donna une hauteur moyenne de quatre mille cinq cents toises.

Après lui, Hevelius, un astronome de Dantzig, rabaissa les plus hautes altitudes à deux mille six cents toises; mais son confrère Riccioli les reporta à sept mille.

Herschell, à la fin du XVIIIe siècle, armé d’un puissant télescope, réduisit singulièrement les mesures précédentes. Il donna dix-neuf cents toises aux montagnes les plus élevées, et ramena la moyenne des différentes hauteurs à quatre cents toises seulement. Mais Herschell se trompait encore, et il fallut les observations de Shrœter, Louville, Halley, Nasmyth, Bianchini, Pastorf, Lohrman, Gruithuysen, et surtout les patientes études de MM. Beer et Mœdeler, pour résoudre définitivement la question. Grâce à ces savants, l’élévation des montagnes de la Lune est parfaitement connue aujourd’hui. MM. Beer et Mœdeler ont mesuré dix-neuf cent cinq hauteurs, dont six sont au-dessus de deux mille six cents toises, et vingt-deux au-dessus de deux mille quatre cents[31]. Leur plus haut sommet domine de trois mille huit cent et une toises la surface du disque lunaire.

En même temps, la reconnaissance de la Lune se complétait; cet astre apparaissait criblé de cratères, et sa nature essentiellement volcanique s’affirmait à chaque observation. Du défaut de réfraction dans les rayons des planètes occultées par elle, on conclut que l’atmosphère devait presque absolument lui manquer. Cette absence d’air entraînait l’absence d’eau. Il devenait donc manifeste que les Sélénites, pour vivre dans ces conditions, devaient avoir une organisation spéciale et différer singulièrement des habitants de la Terre.

Enfin, grâce aux méthodes nouvelles, les instruments plus perfectionnés fouillèrent la Lune sans relâche, ne laissant pas un point de sa face inexploré, et cependant son diamètre mesure deux mille cent cinquante milles[32], sa surface est la treizième partie de la surface du globe[33], son volume la quarante-neuvième partie du volume du sphéroïde terrestre; mais aucun de ses secrets ne pouvait échapper à l’œil des astronomes, et ces habiles savants portèrent plus loin encore leurs prodigieuses observations.

Ainsi ils remarquèrent que, pendant la pleine Lune, le disque apparaissait dans certaines parties rayé de lignes blanches, et pendant les phases, rayé de lignes noires. En étudiant avec une plus grande précision, ils parvinrent à se rendre un compte exact de la nature de ces lignes. C’étaient des sillons longs et étroits, creusés entre des bords parallèles, aboutissant généralement aux contours des cratères; ils avaient une longueur comprise entre dix et cent milles et une largeur de huit cents toises. Les astronomes les appelèrent des rainures, mais tout ce qu’ils surent faire, ce fut de les nommer ainsi. Quant à la question de savoir si ces rainures étaient des lits desséchés d’anciennes rivières ou non, ils ne purent la résoudre d’une manière complète. Aussi les Américains espéraient bien déterminer, un jour ou l’autre, ce fait géologique. Ils se réservaient également de reconnaître cette série de remparts parallèles découverts à la surface de la Lune par Gruithuysen, savant professeur de Munich, qui les considéra comme un système de fortifications élevées par les ingénieurs sélénites. Ces deux points, encore obscurs, et bien d’autres sans doute, ne pouvaient être définitivement réglés qu’après une communication directe avec la Lune.

Quant à l’intensité de sa lumière, il n’y avait plus rien à apprendre à cet égard; on savait qu’elle est trois cent mille fois plus faible que celle du Soleil, et que sa chaleur n’a pas d’action appréciable sur les thermomètres; quant au phénomène connu sous le nom de lumière cendrée, il s’explique naturellement par l’effet des rayons du Soleil renvoyés de la Terre à la Lune, et qui semblent compléter le disque lunaire, lorsque celui-ci se présente sous la forme d’un croissant dans ses première et dernière phases.

Tel était l’état des connaissances acquises sur le satellite de la Terre, que le Gun-Club se proposait de compléter à tous les points de vue, cosmographiques, géologiques, politiques et moraux.

16Expression tout fait américaine pour désigner des gens naïfs.
17Mélange de rhum, de jus d’orange, de sucre, de cannelle et de muscade. Cette boisson de couleur jaunâtre s’aspire dans des chopes au moyen d’un chalumeau de verre. Les bar-rooms sont des espèces de cafés.
18Boisson effrayante du bas peuple. Littéralement, en anglais: – thorough knock me down.
19Surnom de La Nouvelle-Orléans.
20Cent mille lieues. C’est la vitesse de l’électricité.
21Arme de poche faite en baleine flexible et d’une boule de métal.
22– Beaucoup de bruit pour rien – , une des comédies de Shakespeare.
23– Comme il vous plaira – , de Shakespeare.
24Il y a dans le texte le mot – expedient – , qui est absolument intraduisible en français.
25Le zénith est le point du ciel situ verticalement au-dessus de la tête d’un observateur.
26Il n’y a en effet que les régions du globe comprises entre l’équateur et le vingt-huitième parallèle, dans lesquels la culmination de la Lune l’amène au zénith; au-delà du 28e degré, la Lune s’approche d’autant moins du zénith que l’on s’avance vers les pôles.
27Le diamètre de Sirius, suivant Wollaston, doit égaler douze fois celui du Soleil, soit 4 300 000 lieues.
28Quelques-uns de ces astéroïdes sont assez petits pour qu’on puisse en faire le tour dans l’espace d’une seule journée en marchant au pas gymnastique.
29Vingt-neuf jours et demi environ.
30Voir – Les Fondateurs de l’Astronomie moderne – , un livre admirable de M. J. Bertrand, de l’Institut.
31La hauteur du mont Blanc au-dessus de la mer est de 4813 mètres.
32Huit cent soixante-neuf lieues, c’est-à-dire un peu plus du quart du rayon terrestre.
33Trente-huit millions de kilomètres carrés.

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