La Queue Entre les Jambes

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Из серии: Une Enquête de Riley Paige #3
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La Queue Entre les Jambes
La queue entre les jambes
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La queue entre les jambes
La queue entre les jambes
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Читает Elisabeth Lagelee
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Chapitre huit

Les eaux du lac Nimbo tendaient un miroir paisible aux passagers de l’hélicoptère.

Les miroirs sont trompeurs, se rappela Riley. Elle savait que les eaux les plus calmes cachaient souvent de noirs secrets.

L’hélicoptère se posa sur la pelouse. Riley se tendit comme un arc. Elle n’aimait pas beaucoup voyager en hélicoptère. Elle adressa à Bill un regard en coin. Il n’avait pas l’air très à l’aise, lui non plus.

Quant à l’agent Holbrook, l’expression de son visage était vide – ou impénétrable. Il avait à peine prononcé un mot depuis leur départ de Phoenix. Riley savait qu’elle était un excellent juge de la nature humaine. Le langage du corps avait peu de secrets pour elle – c’en était presque gênant, parfois. Mais Holbrook était une énigme.

Les trois agents se détachèrent et sautèrent de l’hélicoptère en se penchant pour se protéger des bourrasques que déplaçaient les pales. Deux ornières parallèles rayaient le paysage. C’était ce qui devait faire office de route, ici.

Riley se pencha. La route ne devait pas être souvent utilisée, mais des pneus avaient sans doute déjà effacé les traces du tueur.

Le pilote de l’hélicoptère coupa le moteur. Riley et Bill suivirent Holbrook.

— Dites-nous ce que vous savez sur ce lac, demanda Riley.

— C’est un lac artificiel. Il y en a plusieurs dans le coin. Ce sont les barrages sur le fleuve Acacia qui les ont créés, dit Holbrook. Ça grouille de poissons. Les gens aiment bien venir là pour se détendre, mais les aires de pique-nique sont de l’autre côté. Un couple d’ados shootés au cannabis a trouvé le corps. Je vous montre.

Holbrook descendit la pente et se percha sur une crête rocheuse surplombant le lac.

— Les gamins se trouvaient là, dit-il. Ils ont baissé les yeux et ils l’ont vu. D’après eux, ce n’était qu’une tache noire dans l’eau.

— Quelle heure était-il ? demanda Riley.

— Un peu plus tôt qu’aujourd’hui, dit Holbrook. Ils avaient séché l’école pour fumer.

Riley embrassa la scène du regard. Le soleil était bas et enflammait de ses rayons les crêtes rocheuses, de l’autre côté du lac. Quelques bateaux naviguaient.

Un peu plus loin de l’à-pic, la berge descendait en pente douce. C’était l’endroit que Holbrook montrait du doigt.

— Ils sont descendus pour aller voir ce que c’était, dit-il. C’est là qu’ils ont compris.

Les pauvres, pensa Riley. Elle avait essayé le cannabis à l’université. Faire une telle découverte sous l’influence de la drogue… Ce devait être terrible.

— Tu veux descendre pour t’approcher ? demanda Bill.

— Non, ici, c’est bien.

Ses tripes lui disaient qu’elle se trouvait au bon endroit. Le tueur, lui, n’avait pas pris la peine de descendre.

Non. Il est resté là.

L’herbe sous ses pieds avait même l’air un peu abîmé.

Elle prit de profondes inspirations, pour se glisser dans son rôle. Il était venu la nuit. Une nuit claire ou brumeuse ? En Arizona, à cette époque de l’année, les nuits devaient être claires. Et, une semaine plus tôt, la lune brillait. Peut-être même qu’il avait apporté une lampe torche.

Il avait déposé le corps ici. Et ensuite ? Il l’avait roulé jusqu’au bord. Le corps était tombé comme une pierre.

Non, quelque chose clochait. Comment avait-il pu se montrer si imprudent ?

De là-haut, il aurait pu ne pas remarquer que le corps n’avait pas coulé. « Une tache noire », avaient dit les gamins. A cette distance, même sous un ciel étoilé, la couleur du sac poubelle se serait confondue avec celle de l’eau. L’homme serait parti du principe que le corps avait coulé, comme font les cadavres dans l’eau douce, surtout dans un sac poubelle rempli de pierres.

Avait-il cru que l’eau était profonde, à cet endroit-là ?

Riley se pencha. Dans la lumière de l’après-midi, il était facile de voir où le corps était tombé. C’était une sorte de plateau horizontal. Tout autour, l’eau était noire et devait être plus profonde.

Riley se tourna vers le lac. Visiblement, c’était un ancien canyon. Il était difficile de s’approcher du bord. Les falaises étaient particulièrement abruptes.

A gauche et à droite, se dressaient des masses rocheuses comme celle sur laquelle Riley se tenait. Sous ces petites falaises, l’eau était noire. Le plateau n’existait qu’ici.

Un éclair de compréhension traversa la tête de Riley.

— Il est déjà venu, dit-elle à Bill et Holbrook. Il y a un autre corps dans ce lac.

*

Alors que l’hélico les ramenait à Phoenix, Holbrook demanda :

— Alors, vous pensez vraiment que c’est l’œuvre d’un tueur en série ?

— Oui, dit Riley.

— Tant mieux. Je voulais surtout mettre quelqu’un de compétent sur l’affaire. Qu’est-ce qui vous a convaincue ?

— Il y a plusieurs aplombs rocheux, expliqua-t-elle. Ils se ressemblent. La dernière fois, il a jeté le corps d’un endroit différent et le corps a coulé. Quand il est revenu, il s’est trompé d’endroit – ou peut-être qu’il pensait que c’était sans importance. Bref, il s’attendait au même résultat. Il a eu tort.

— Je savais que tu trouverais quelque chose, dit Bill.

— Il faudra envoyer des plongeurs, ajouta Riley.

— Ça prendra du temps, les prévint Holbrook.

— Peu importe, il faut le faire. Il y a un autre corps. Vous pouvez en être sûr. Je ne sais pas depuis combien de temps il est là, mais il y est.

Elle s’interrompit. Que lui apprenait cette révélation sur la personnalité du tueur ? Il était compétent. Il ne ressemblait pas à Eugene Fisk, mais plutôt à Peterson, le tueur qui les avait enlevées toutes les deux, elle et April. Il était malin et réfléchi, et il aimait tuer. C’était un sociopathe, plutôt qu’un psychopathe. Et surtout, il avait confiance en lui.

Un peu trop pour son bien, pensa Riley.

Ce serait peut-être la raison de sa chute.

— Ce n’est pas un voyou, dit-elle. Je pense qu’il s’agit d’un citoyen ordinaire, qui a peut-être fait des études, qui s’est peut-être marié. Personne ne le soupçonne.

Riley dévisageait Holbrook tout en parlant. Elle venait de lui apprendre quelque chose sur l’assassin de sa sœur, mais Holbrook demeurait impénétrable.

L’hélicoptère décrivit de larges cercles au-dessus du bâtiment du FBI. La nuit tombait et la zone était bien éclairée.

— Regarde, dit Bill en pointant du doigt le hublot.

Riley se pencha. La rocaille dont leur avait parlé le jeune agent ressemblait à une immense empreinte digitale vue d’en haut. Un paysagiste excentrique avait dû penser que cela conviendrait mieux au FBI qu’un simple parterre de fleurs. Des centaines de pierres avaient été disposées avec soin. L’illusion était parfaite.

— Eh ben ! s’exclama Riley. Tu penses que ce sont les empreintes de qui ? Une affaire célèbre, je parie. Dillinger, peut-être ?

— Ou John Wayne Gacy. Ou Jeffrey Dahmer.

C’était un étrange spectacle. D’en bas, personne n’aurait jamais pu deviner que cet alignement de pierres était autre chose qu’un labyrinthe.

Riley eut l’impression qu’on lui lançait un avertissement. Pour résoudre l’affaire, elle allait devoir changer de perspective. Elle était sur le point de s’aventurer dans une région de ténèbres.

Chapitre neuf

L’homme aimait observer les tapineuses. Il aimait les voir se regrouper au coin des rues et sur les trottoirs. Elles allaient souvent par paire. Ces filles avaient plus de caractère que les escorts.

L’une d’elles était justement en train d’engueuler un groupe de jeunes. Ils étaient passés en voiture et avaient ralenti l’allure pour la photographier. La fille avait raison. Elle était là pour travailler, pas pour servir de décor.

Aucun respect, les gamins, de nos jours, pensa-t-il.

Maintenant, les jeunes l’insultaient et lui hurlaient des obscénités. Dans ce domaine, elle avait visiblement plus d’imagination qu’eux. Elle hurla quelque chose en espagnol. Son style lui plut.

L’homme s’était garé devant les motels bon marché où travaillaient les tapineuses. Les autres filles avaient moins de caractère que leur copine. Les poses qu’elles prenaient étaient plus gênantes que sexy. Quand un conducteur ralentit l’allure, l’une d’elles retroussa même sa jupe pour lui montrer sa petite culotte. La voiture ne s’arrêta pas.

L’homme se tourna à nouveau vers la fille qui avait attiré son attention. Elle battait le pavé d’un air agacé, tout en se plaignant auprès de ses copines.

Elle aurait pu devenir sa prochaine victime. Tout ce qu’il avait à faire pour l’attirer chez lui, c’était arrêter sa voiture devant elle.

Non, il n’en ferait rien. Ce n’était pas son genre. Il n’approchait pas les putes dans la rue. C’était à elles de le séduire. Il se débrouillait pour les voir seul à seul, sans jamais leur demander directement, comme si l’idée était venue d’elles.

Avec un peu de chance, la fille au fort caractère allait le repérer et trottiner jusqu’à lui. Il avait une belle voiture. Et il s’était bien habillé.

Il faudrait qu’il se montre plus prudent que la dernière fois. Lâcher le corps du haut de la falaise en espérant qu’il coule… Non, ce n’était pas du travail bien fait.

Le tollé qu’il avait créé ! La sœur d’un agent du FBI ! Ils avaient fait venir du monde de Quantico. Des experts. Mais lui, il ne faisait pas ça pour la gloire. Il voulait juste assouvir ses envies.

Et c’était son droit. Tous les hommes adultes ont des envies.

 

Ils allaient envoyer des plongeurs fouiller le lac. L’homme savait ce qu’ils pourraient y trouver, même au bout de trois ans. Et ça ne lui plaisait pas du tout.

Il ne s’inquiétait pas seulement pour lui. Etonnamment, il se sentait mal pour le lac. Envoyer des plongeurs fouiller ses moindres recoins sombres lui semblait obscène. Après tout, le lac n’avait rien fait. Pourquoi devrait-il avoir à subir ça ?

Il n’était pas inquiet. La FBI ne remonterait pas jusqu’à lui. C’était tout simplement impossible. Bien sûr, il ne retournerait plus au lac. Il ne savait pas encore où il déposerait sa prochaine victime, mais il finirait bien par trouver.

La fille avait repéré sa voiture. Elle marcha vers lui en roulant des hanches.

Il baissa la vitre du siège passager et elle passa la tête. C’était une femme latino à la peau sombre et au maquillage agressif : un contour des lèvres marqué, une ombre à paupières colorée et des sourcils tatoués. Des crucifix dorés pendaient à ses oreilles.

— Sympa, votre voiture, dit-elle.

Il sourit.

— Qu’est-ce qu’une gentille fille comme toi fait dehors, à cette heure-ci ? demanda-t-il. Tu ne devrais pas être couchée ?

Son sourire révéla des dents étonnamment propres et bien alignées. En fait, la fille avait l’air en excellente santé. C’était rare, ici, dans la rue. La plupart des putes étaient des junkies.

— Tu me plais, dit-il. Très chola.

Son sourire s’élargit.

— Comment tu t’appelles ?

— Socorro.

Ah, “Socorro”, pensa-t-il. Ça veut dire « aide » ou « secours » en espagnol.

— Je suis certain que tu es très forte en socorro, dit-il d’un ton lubrique.

Elle minauda.

— Ça tombe bien : tu as l’air d’avoir besoin de socorro…

— Peut-être.

Avant qu’il n’ait eu le temps de négocier, une voiture se gara derrière lui. Un homme appela la fille par la fenêtre coté conducteur.

— ¡ Socorro ! hurla-t-il. ¡ Vente !

La fille leva les bras au ciel d’un air théâtral, pour montrer son indignation.

— ¿ Porqué ?

— Vente aquí, ¡ puta !

Un éclair inquiet passa dans le regard de la fille. Ce ne pouvait pas être à cause de l’insulte. Non, l’homme dans la voiture devait être son mac. Il venait compter son argent.

— ¡ Pinche Pablo ! marmonna-t-elle.

Elle marcha vers la voiture.

L’homme resta seul dans sa voiture. Allait-elle revenir ? Il n’aimait pas attendre. Ce n’était pas lui.

Son intérêt pour la fille s’envola. Non, elle ne l’intéressait pas. Elle avait eu de la chance, ce soir.

Et d’abord, qu’est-ce qu’il faisait là ? Il avait besoin d’une fille un peu plus classe.

Mousseline, pensa-t-il. Il l’avait presque oubliée. Peut-être que je la gardais en réserve pour une grande occasion.

Ça pouvait attendre. Il n’était pas obligé de passer à l’acte ce soir. Il démarra sa voiture, tout en s’autocongratulant : il avait fait preuve de beaucoup de self-contrôle. C’était une de ses principales qualités.

Après tout, il était un homme civilisé.

Chapitre dix

Le trio qui attendait Riley dans la salle d’interrogatoire ne ressemblait pas du tout au profil qu’elle avait imaginé. Pendant quelques minutes, elle se contenta de les observer à travers le miroir sans tain. Les filles étaient habillées avec goût, un peu comme des secrétaires bien payées. Elles se faisaient appeler Mitzi, Koreen et Tantra. Bien sûr, ce n’étaient probablement pas leurs vrais noms.

S’habillaient-elles avec autant de soin quand elles travaillaient ? Riley en doutait. Ces filles gagnaient deux cent cinquante dollars de l’heure. Elles avaient de quoi investir dans une garde-robe coquine. C’étaient les anciennes collègues de Nancy « Nanette » Holbrook, à Ishtar Escorts.

Les prostituées étaient des figures familières au FBI. Riley avait déjà eu affaire à elles. Cependant, c’était la première fois qu’elle se retrouvait confrontée à leur univers de manière aussi brutale. Les femmes derrière le miroir sans tain étaient des victimes potentielles. Peut-être même des suspects potentiels, même si les meurtres de ce type étaient en général commis par des hommes. En outre, ces filles ne ressemblaient en rien aux monstres que Riley poursuivait quotidiennement.

C’était le dimanche après-midi. La nuit dernière, Riley et Bill s’étaient installés dans deux chambres séparées d’un petit hôtel non loin des bureaux du FBI. Riley avait téléphoné à April, qui se trouvait à Washington avec sa classe. Sa fille avait à peine pris le temps de lui répondre entre deux gloussements et l’avait prévenue qu’elle n’avait pas le temps de parler.

— Je t’envoie un texto demain ! avait-elle crié par-dessus la clameur de voix adolescentes.

Riley avait l’impression de perdre son temps. Rassembler les collègues de Nanette lui avait pris la moitié de la journée. Elle avait dit à l’agent spécial Morley qu’elle voulait les interroger seule. Elle aurait plus de chance de les faire parler sans la présence d’un homme. Elle les observait depuis quelques minutes. Leur conversation lui parvenait par les enceintes.

Les filles avaient des styles et des personnalités bien distinctes. La blonde et plantureuse Mitzi correspondait à l’image d’une fille simple et banale venue d’une petite ville.

— Alors, Kip a demandé ? demanda-t-elle à Koreen.

— Pas encore, dit Koreen en esquissant un sourire.

C’était une brunette au corps gracile.

— Je crois qu’il a acheté la bague…

— Il veut toujours quatre gamins ? demanda Mitzi.

Koreen étouffa un rire aigu.

— Non, on est tombés d’accord sur trois. Mais – ça reste entre nous – je lui en ferai que deux !

Elles éclatèrent de rire.

Tantra donna un coup de coude à Koreen. C’était une afro-américaine au teint fauve. Elle avait le charme glamour d’un top-modèle.

— J’espère pour toi qu’il saura jamais ce que tu fais dans la vie !

Elles rirent de plus belle. Riley resta bouche bée. Ces trois femmes parlaient mariage, comme d’autres l’auraient fait au salon de beauté. Pouvaient-elles vraiment s’imaginer mariées, avec des enfants ? Riley n’aurait pas cru cela possible.

Elle les avait fait attendre assez longtemps. Quand Riley poussa la porte de la salle d’interrogatoire, l’ambiance détendue éclata comme une bulle de savon. Les filles se redressèrent, visiblement tendues.

— Je suis l’agent Riley Paige, dit-elle. J’aimerais vous poser quelques questions.

Le trio poussa des grognements d’agacement.

— Oh putain, encore des questions, dit Mitzi. On a déjà parlé aux flics.

— J’aimerais vous poser quelques questions, moi aussi, si cela ne vous dérange pas.

Mitzi secoua la tête.

— C’est du harcèlement…

— Ce qu’on fait, c’est parfaitement légal, renchérit Koreen.

— Ce que vous faites ne m’intéresse pas, dit Riley. J’enquête pour le FBI. Je ne vous juge pas.

Koreen marmonna :

— C’est ça…

Mitzi jeta un coup d’œil à sa montre.

— On peut se dépêcher ? J’ai trois cours aujourd’hui.

— T’en prends combien ce semestre ? demanda Koreen.

— Dix.

— Ouah, c’est beaucoup ! s’étouffa Koreen.

— Ouais, ben, je veux terminer le plus vite possible.

Mitzi va à l’université, pensa Riley avec surprise.

Elle avait entendu dire que certaines femmes se prostituaient pour payer leurs études. Avec l’argent qu’elle gagnait, Mitzi aurait moins de dettes que ses camarades de classe. Pourtant, Riley ne put s’empêcher de trouver sa démarche étrange.

— Je vais essayer de ne pas vous retenir trop longtemps, dit Riley. Je veux juste vous parler de Nanette.

L’expression sur le visage de Koreen se fit pensive.

— Pauvre Nanette, dit-elle.

Mitzi demeura imperturbable.

— Ce qui lui est arrivé, ça n’a rien à voir avec nous, dit-elle.

— Si, j’en ai bien peur, dit Riley. Nous avons de bonnes raisons de penser que son meurtrier est un tueur en série. Il recommencera. Et l’une d’entre vous sera peut-être sa prochaine victime.

Mitzi fronça les sourcils.

— Aucune chance, dit-elle. On n’est pas comme Nanette.

Sa réponse choqua Riley. Comment pouvaient-elles être si naïves ? Elles faisaient pourtant un métier dangereux.

— Mais vous faites le même travail, dit Riley.

Mitzi se rebiffa :

— Eh oh, je croyais que ça ne vous intéressait pas, ce qu’on fait dans la vie ! dit-elle. Vous vous croyez mieux que nous ? On fait un métier respectable, nous aussi. Et on se protège. On a le droit de refuser des clients. On utilise des capotes. On va régulièrement chez le médecin, donc on n’a pas de maladies. Si un mec a l’air trop violent ou bizarre, on s’en va. Mais, d’habitude, ce n’est pas la peine.

D’habitude ? Leur activité devait parfois les emmener sur des terrains glissants. Ce n’était pas possible autrement. Peu importaient les capotes, combien de temps échapperaient-elles au sida ?

— Nanette, elle tournait mal, poursuivit Mitzi. Elle avait perdu tout son charme et sa classe. Elle rencontrait des clients en dehors du boulot. Elle se shootait. Elle serait pas restée longtemps à Ishtar. Ils auraient fini par la virer.

Riley prit des notes, tout en observant les femmes à la dérobée. Elle commençait à deviner quelque chose derrière leurs visages placides. Ce devait être le déni. Elles refusaient d’admettre qu’elles ne démarraient pas la vie de la meilleure façon et qu’elles pouvaient toutes tomber, comme Nanette, dans une spirale infernale d’autodestruction. Leurs rêves de mariage et de succès étaient voués à l’échec. Au fond d’elles, elles le savaient.

Tantra n’avait pas encore prononcé un mot. Son regard fixait le vide. Elle avait quelque chose à dire, mais elle ne l’avait pas encore dit.

— Nous pensons que Nanette a été tuée il y a une semaine, sans doute samedi. Vous savez qui était son client, cette nuit-là ?

Koreen haussa les épaules.

— Pas la moindre idée.

— Moi non plus, dit Mitzi. C’est pas tellement notre travail de savoir ça. Vous devriez demander à Ishtar.

C’était prévu. Le FBI avait contacté le propriétaire de l’agence.

— Et les autres lieux de travail ? demanda Riley.

— Nous, on bosse chez Ishtar, dit Mitzi d’un ton ferme. On n’a pas le droit que travailler en dehors ou pour quelqu’un d’autre.

Les deux autres femmes détournaient les yeux. Riley posa la question de manière plus directe :

— Est-ce que Nanette faisait du travail supplémentaire ? Est-ce qu’elle avait des clients en-dehors de Ishtar ?

Un silence suivit ces mots. D’une voix à peine audible, Tantra finit par répondre :

— Elle m’a dit qu’elle avait commencé à travailler chez Hank’s Derby.

— Quoi ? s’exclama Mitzi, visiblement surprise.

— Elle ne voulait pas que ça se sache, expliqua-t-elle à ses collègues.

— Putain, dit Mitzi. Une vraie tapineuse. Pire que ce que je croyais.

— Hank’s Derby ? répéta Riley.

— Un coin à routiers. C’est le fond du fond.

— Elle était fauchée, dit Tantra. Elle voyait plus trop ses clients d’Ishtar. Elle gagnait pas assez. C’était juste un extra. Je lui ai dit que c’était dangereux. Y a toujours des putes qui disparaissent dans les coins comme ça, sans aucune trace. Ça arrive tout le temps. Elle m’a pas écoutée.

Un silence sinistre suivit ces mots. Riley sentit qu’elles ne diraient rien de plus. Au moins, les filles lui avaient proposé une piste intéressante.

— Ce sera tout, leur dit-elle.

Tout en quittant la salle d’interrogatoire, les filles se remirent à discuter comme si rien ne s’était passé.

Elles ne comprennent pas, pensa Riley. Ou bien elles ne veulent pas comprendre.

— Ecoutez, dit-elle. Ce tueur est dangereux. Et il y a d’autres comme lui. Vous vous mettez en danger. Si vous pensez que vous êtes en sécurité, vous vous trompez.

— Et votre boulot, à vous, Agent Paige ? Vous êtes en sécurité ? répliqua Mitzi.

Sa répartie laissa Riley muette.

Elle compare ce qu’elle fait à ce que je fais ?

Son cœur se serra. Ces filles étaient aussi vulnérables que des tapineuses. Leur situation était peut-être même pire, parce qu’elles se cachaient sous un vernis de respectabilité. Elles refusaient d’entendre raison.

 

Le tueur n’en avait pas terminé. Et s’il choisissait sa prochaine victime parmi ces filles ? Ou bien tuerait-il une femme que Riley n’aurait pas eu le temps de prévenir ?

*

Riley cherchait Bill dans les couloirs quand son téléphone portable vibra dans sa poche. Quentin Rosner, le chef de l’équipe de plongeurs au travail dans le lac Nimbo, l’appelait.

Son cœur battit un peu plus vite dans sa poitrine. Ils avaient dû trouver le deuxième corps.

— Bonjour, Monsieur Rosner, répondit-elle vivement.

— Bonjour. Je viens d’appeler l’agent spécial chargé d’enquête Morley. Il m’a dit de voir directement avec vous.

— Très bien, dit Riley. Qu’est-ce que vous avez trouvé ? Un autre corps ?

Au bout du fil, un grognement inaudible lui répondit, suivi par ces mots :

— Agent Paige, ça ne va pas vous plaire.

— Eh bien ?

— Il n’y a pas de corps dans ce lac. C’est grand, mais nous avons cherché partout.

Riley n’en crut pas ses oreilles. Elle s’était donc trompée ?

Non, elle en était certaine : le tueur de Nancy Holbrook avait jeté un autre corps dans ce lac. Cela expliquait son manque de précautions.

Ce fut alors que Bill la rejoignit dans le couloir.

— Je vais interroger Ishtar Haynes, dit-il. Au siège de l’agence. Tu veux venir ?

Riley hocha la tête, mais elle devait en premier lieu régler ce problème de corps.

— Et la visibilité ? demanda-t-elle.

— Je ne vais pas vous mentir : on n’y voit comme dans un four, dit Rosner. De l’eau qui se déverse dans un canyon, ça soulève beaucoup de poussière, de sédiments et de végétation en décomposition. Pour que l’eau redevienne claire, ça peut prendre plusieurs années. S’il a jeté le corps il y a longtemps, il pourrait être enfoui sous les débris.

— Celui que je cherche doit se trouver là depuis quelques années.

— C’est ça, le problème. Mais nous connaissons notre métier, Agent Paige. Nous sommes biens entraînés. Et il n’y a pas de corps dans ce lac, je peux vous le garantir.

Riley se tut. Si seulement Morley avait fait appel à des plongeurs du FBI… Ils faisaient des miracles. Morley avait préféré contacter une école de plongée du coin.

Malgré la découverte de Riley, Morley pensait toujours qu’il s’agissait d’un seul meurtre et que les agents du FBI menaient l’enquête par solidarité uniquement. Elle allait devoir faire avec.

— Vous avez regardé des cartes du canyon avant son inondation ?

Rosner ne répondit pas tout de suite.

— Non, pourquoi ?

Riley étouffa un grognement d’impatience.

Entraînés, vraiment ? se dit-elle. Alors que je suis obligée de tout lui expliquer ?

— Comment savez-vous que vous avez regardé partout si vous ne connaissez pas le terrain ?

Un autre silence.

— Vous devriez trouver ça sur Internet, ajouta Riley.

— On s’en occupe, grommela Rosner.

— Merci.

Elle raccrocha. Et s’il avait raison ? S’il n’y avait pas de deuxième corps ? Il ne s’agirait pas d’un tueur en série. Riley avait horreur de se tromper… Pourtant, ce serait une bonne nouvelle.

Non. Riley savait au fond de ses tripes qu’il y avait un deuxième corps dans ce lac. Elle courait après un monstre familier. Un monstre qui frapperait à nouveau très bientôt.

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