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Le roman d'un jeune homme pauvre (Play)

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Le roman d'un jeune homme pauvre (Play)
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PERSONNAGES

MAXIME ODIOT, marquis de Champcey. M. LAFONTAINE.

M. DE BEVALLAN, 38 ans. M. FELIX.

M. LAROQUE, octogénaire. M. PARADE.

LAUBEPIN, notaire honoraire. M. CHAUMONT.

ALAIN, vieux domestique. M. GALABERT.

LE DOCTEUR DESMARETS. M. LINGE.

GASTON DE LUSSAC. M. NERTANN.

VAUBERGER, concierge. M. BASTIEN.

CHAMPLEIN. M. ROGER.

YVONNET. M. SCHAUBB.

MARGUERITE, fille de madame LAROQUE. Mme JANE ESSLER.

MADAME LAROQUE, belle-fille de M. Laroque, 56 ans. Mme

GUILLEMIN.

MADEMOISELLE HELOUIN, institutrice. Mme SAINT-MARC.

MADAME AUBRY, parente ruinée, recueillie dans le château. Mme

CAYOT.

CHRISTINE. Mme PIERSON.

MADAME VAUBERGER. Mme ALEXIS.

JEUNES FILLES.

La scène se passe à Paris et en Bretagne.

Les indications de mise en scène sont prises de la salle: le premier personnage inscrit occupe la gauche du spectateur.

ACTE PREMIER

1ER TABLEAU

L'intérieur d'une mansarde dans l'hôtel de Champcey à Paris.

Ameublement très-simple: commode, secrétaire, une petite table, une étagère, un vieux fauteuil en velours d'Utrecht.

Porte au fond.

SCENE I.

MADAME VAUBERGER, tenant un époussetoir et entr'ouvrant la porte avec précaution.

Il n'est pas rentré, j'en étais sûre. (Elle entre.) Il faut absolument que j'en aie le coeur net. (Regardant sur la cheminée.) Une bourse… vide… (S'approchant du secrétaire.) Il a laissé la clef; c'est déjà mauvais signe… (Elle ouvre le secrétaire et les tiroirs.) Comme dans la bourse, rien et rien, pas l'ombre d'un centime… Vauberger a beau dire: c'est clair… (Entendant du bruit, elle referme le secrétaire à la hâte et se met à épousseter les meubles; Maxime entre, il est pâle, vêtu de noir.)

SCENE II.

MADAME VAUBERGER, MAXIME.

MAXIME, l'observant d'un air mécontent.

Qu'est-ce que vous faites là, madame Vauberger?

MADAME VAUBERGER.

Vous voyez, monsieur Maxime, je nettoie, je range…

MAXIME.

Vous avez déjà nettoyé et rangé ce matin; il me semble que vous prenez beaucoup trop de peine.

MADAME VAUBERGER.

Pardon, monsieur Maxime, je croyais bien faire; je m'en vais…

MAXIME.

Allez, Madame, allez. (Elle sort.)

SCENE III.

MAXIME seul, puis MADAME VAUBERGER.

MAXIME

Est-ce que cette misérable femme m'espionne? son oeil ne me quitte pas… et il me semble avoir vu son fils acharné à me suivre dans les rues hier soir et ce matin… Quel intérêt pourrait-elle avoir? Bah! un intérêt de curiosité, un intérêt de commère… La chute du puissant, l'humiliation du riche, n'est-ce pas de tout temps le plus doux objet d'entretien pour ces gens-là?.. et cependant cette femme, elle a été comblée des bienfaits de ma mère; elle m'a vu naître; elle affichait une passion exaltée pour ma famille… Enfin il faut me faire à ces choses-là! (Madame Vauberger rentre.) Encore!.. Qu'y a-t-il?

MADAME VAUBERGER.

C'est un monsieur à qui je n'ai pas pu dire que vous n'y étiez pas, il vous a vu rentrer; voici sa carte.

MAXIME, regardant la carte.

Gaston de Lussac!.. Faites monter. (Madame Vauberger sort.) Gaston! Eh bien, je ne suis pas fâché de le voir… c'est un étourdi, mais un brave coeur, je crois. Il y a si longtemps que je n'ai touché une main amie… Nous étions très-liés il y a deux ans. (Souriant.) S'il me rendait ce que je lui ai prêté… seulement la moitié, il serait deux fois le bienvenu en ce dur moment. (La porte s'ouvre.) Ah! bonjour, Gaston!

SCENE IV.

MASIME, GASTON.

GASTON, de la porte.

Avant tout, mon ami, rassure-toi, je n'ai pas besoin d'argent!

MAXIME.

Vrai?

GASTON.

Ma parole… je suis riche, mon cher, je viens te dire cela.

Tu vois un homme orné de cinquante mille francs de rente.

MAXIME.

Bah! ton oncle?

GASTON, simplement.

Eh! mon Dieu, oui… Pauvre bonhomme!.. Enfin, je ne l'ai pas tué!.. que veux-tu!.. Mais d'où arrives-tu donc, toi, cher ami? J'ai été vingt fois tenté depuis deux ans de partir pour Grenoble et d'aller te relancer au fond de tes forêts… J'ai cru rêver quand je t'ai aperçu sur le boulevard tout à l'heure! Que diable es-tu revenu?

MAXIME.

J'ai voyagé, mon ami.

GASTON.

Ah! (Il regarde autour de lui.) Tiens! tu es drôlement installé ici… Je croyais que vous vous réserviez le rez-de-chaussée de votre hôtel?

MAXIME.

Autrefois, oui.

GASTON.

Ah çà… mais… qu'y a-t-il donc? mon ami! Je te trouve pâle, changé… tu es en grand deuil… est-ce que?..

MAXIME, avec un triste sourire.

Mon ami, tu tombes mal; je suis malheureux; j'ai besoin d'un confident, tu te présentes: tant pis pour toi.

GASTON.

Comment, cher ami!.. Mais parle bien vite… Je suis une tête un peu folle… mais tu ne doutes pas de mon coeur, j'espère?

MAXIME.

Non, je n'en doute pas, et je vais te le prouver; mets-toi là. (Ils s'asseoient1 [1. Gaston, Maxime.].) Le malheur qui me frappe, mon ami, j'aurais dû le prévoir depuis de longues années, si l'habitude, la dissipation de ma vie, et surtout le respect filial, ne m'eussent aveuglé… Voyons, toi, tu es venu deux ou trois fois au château passer la saison de chasse, n'es-tu jamais remarqué rien de mystérieux, rien d'extraordinaire dans l'intérieur de notre famille?

GASTON.

Mais rien… c'est-à-dire, j'ai bien remarqué que ta mère était un peu bizarre; elle était charmante, ta mère… mais elle paraissait triste, elle vivait très-retirée, et affectait même dans sa toilette une simplicité extrême, presque religieuse.

MAXIME.

Oui, et cependant elle avait, dans sa première jeunesse, aimé le monde avec passion… puis tout à coup nous l'avions vue s'en détacher et se vouer à une vie de réclusion, de solitude, d'où les instances de mon père, qu'elle adorait pourtant, ne purent jamais la faire sortir… Tu te rappelles mon père?

GASTON.

Ton père? je crois bien! Quel charmant vieillard! quel feu! quel entrain! toujours le premier au plaisir! un convive admirable, un écuyer sans égal, un causeur éblouissant! un vrai type de gentilhomme!

MAXIME.

Oui, ces brillantes qualités que j'admirais comme toi l'attiraient invinciblement dans toutes les fêtes de la vie mondaine dont il était le héros. Ma mère refusait obstinément de l'y suivre: elle refusa même bientôt de paraître dans son propre salon quand on recevait au château. J'attribuais à ces refus, qui exaspéraient mon père, les scènes pénibles, violentes parfois, dont les échos arrivaient jusqu'à moi. Je croyais la pauvre femme atteinte d'une affection nerveuse, d'une espèce de maladie noire, et mon père, d'ailleurs, me le donnait à entendre. Cependant, mon ami… tu sais que j'ai une soeur beaucoup plus jeune que moi?

GASTON.

Mademoiselle Hélène! Oui.

MAXIME.

Peu de jours après sa naissance, il y a sept ans de cela, mon père m'appela chez lui et me fit part avec un certain embarras d'un désir singulier que manifestait ma mère: c'était de me voir suivre un cours de droit. Alors, pour la première fois, mon ami, la pensée me vint que les goûts mondains de mon père, sa répugnance et son dédain pour le côté positif et ennuyeux de la vie avaient pu introduire dans notre fortune quelque secret désordre; peut-être, me disais-je, ma mère veut-elle que je sois en état de suppléer à la négligence de mon père, de réparer ses erreurs.

GASTON.

Eh bien?

MAXIME.

Je ne pus m'arrêter à cette idée… j'avais bien, à la vérité, entendu mon père se plaindre parfois des désastres que notre fortune avait subis pendant la révolution, mais ces plaintes m'avaient toujours paru assez injustes. Tu as vu toi-même quelle était notre situation, notre genre de vie.

GASTON.

Mais c'était tout ce qu'il y avait de plus confortable. Un hôtel à Paris, un château seigneurial, des écuries immenses peuplées de chevaux de prix.

MAXIME.

Cependant, j'obéis à ma mère, je fis mon droit; mais en même temps je commençai, j'avais vingt ans, à la fuir, à l'éviter… elle était toujours souffrante, et malheur à ceux qui souffrent toujours! oui, cette pauvre femme qui m'aimait tant, et que j'aimais aussi, je t'assure, je l'abandonnai chaque jour davantage; nous nous disions, mon père et moi, qu'elle n'était pas malade, qu'elle avait des manies. Nous n'étions jamais si heureux que quand nous nous élancions hors de cette pauvre maison où languissait cette malade éternelle! Allons, Maxime, criait gaiement mon père, un temps de galop!.. et nous courions!.. Un jour en recevant d'une de ces courses, nous trouvâmes… elle était morte, mon ami, me laissant un remords qui ne finira pas! (Il se lève.)

GASTON.

Maxime!

MAXIME.

Deux mois plus tard, sur le désir formel de mon père, je partis pour l'Italie, et je commençai une série de voyages dont il avait lui-même fixé le terme. Pendant plusieurs années, sa correspondance affectueuse, mais brève, ne témoigna jamais la moindre impatience au sujet de mon retour… Je n'en fus que plus alarmé, il y a deux mois, quand je trouvai, en débarquant à Marseille, plusieurs lettres de mon père qui, toutes, me rappelaient avec une hâte fébrile.

GASTON.

Ah! est-ce que vraiment…? il me semble avoir entendu le nom de ton père mêlé à des spéculations de Bourse l'an passé?

MAXIME.

 

J'arrivai le soir: il y avait une légère couche de neige sur le sol, et en traversant l'avenue j'entendais les flocons de givre se détacher des arbres, et tomber autour de moi comme des larmes… Comme j'approchais du château, je vis derrière les fenêtres à demi éclairées du grand salon une ombre qui me parut être celle de mon père. A peine j'eus franchi le seuil, il accourut, il me saisit dans ses bras avec une effusion de sensibilité à laquelle il ne m'avait pas habitué, et je sentis son coeur battre contre le mien avec une violence effrayante; il me montra un siège et s'assit brusquement en face de moi. (Maxime s'asseoit.) Alors comme s'il eût désiré de parler sans en trouver le courage, ses yeux s'arrêtèrent sur les miens avec une expression d'angoisse, d'humilité et de prière, qui de la part d'un homme aussi fier que l'était mon père, me toucha, me navra profondément! Ah! ce tort qu'il avait tant de peine à confesser, je l'avais compris déjà, et Dieu sait que du fond de l'âme j'étais prêt à lui crier: Je vous pardonne! je vous pardonne! quand soudain ce regard qui ne me quittait pas prit une fixité grave, étonnée et terrible; la main se mon père se crispa sur mon bras, il se souleva sur son fauteuil et retomba lourdement sur le parquet, il n'était plus!

GASTON, se levant.

Pauvre ami… mais quoi?.. qu'y a-t-il encore?.. parle… est-ce la ruine?

MAXIME.

Tu l'as dit. (Il se lève1 [1. Maxime, Gaston.].) La Bourse l'avait achevé. De sorte que je me trouve avec ma soeur en face d'un abîme dont je ne connais même pas le fond, car le désordre était immense, et j'avais à peine, d'ailleurs, essayé de mettre un peu de lumière dans ce chaos que je tombai gravement malade. J'ai été pendant deux mois entre la vie et la mort; dès que j'ai pu marcher, je suis accouru à Paris, et me voilà.

GASTON.

Mais tes affaires pendant ce temps? La liquidation…

MAXIME.

Grâce à Dieu, un ami s'en était chargé dès la première heure, un ami que je connais à peine, mais en qui cependant j'ai pleine confiance, parce que ma mère l'estimait profondément; c'est un vieillard, un monsieur Laubépin, autrefois notaire de notre famille.

GASTON.

Ah! je crois l'avoir vu chez vous, un ébouriffé un peu fantasque?

MAXIME.

Oui, un peu… Je l'avais perdu de vue depuis des années… mon père ne l'aimait pas; il se moquait de ses formes solennelles et respectueuses, sous lesquelles il prétendait flairer un vieux levain bourgeois, roturier, et même jacobin, disait-il. J'ai ri moi-même plus d'une fois aux dépens de ce bonhomme, ne me doutant guère que j'attendrais un jour, de sa bouche, le dernier mot de ma destinée.

GASTON.

Mais enfin, vous aviez cent mille francs de rente… Les morceaux en sont bons, que diable!

MAXIME.

Tu penses, n'est-ce pas, que je sauverai quelque épave? Eh! mon Dieu, si seulement l'existence de ma soeur était assurée!.. mais cette incertitude est affreuse!..

GASTON.

Et comment n'as-tu pas encore vu ton Laubépin?

MAXIME.

Tu peux croire qu'à peine arrivé j'ai couru chez lui, mais bah! il n'y était pas! Il était à la campagne, en province, je ne sais où… aussi je suis là depuis deux jours dans un état de misère, de détresse morale… et physique… dont j'ose à peine te donner l'idée.

GASTON, avec distraction et embarras.

Pauvre ami! Ah! voilà… voilà la vie!.. c'est atroce! c'est atroce! (Regardant l'heure à sa montre.) Ah çà, mon ami, je te demande mille fois pardon, mais j'ai un rendez-vous au tattersall pour trois heures; voilà trois heures et demie…

MAXIME, froidement.

Va, mon ami, va. (Avec une nuance d'ironie.) Tu reviendras, n'est-ce pas?

GASTON.

Parbleu, en doutes-tu? Diable! ce n'est pas dans des moments pareils qu'on abandonne ses amis. (Il tire son porte-cigare.) Ah çà, tu vas bien me permettre de t'offrir un cigare, mon ami, j'en ai d'excellents; il n'y en a plus que deux… nous allons partager en frères… A revoir, Maxime, à bientôt, bon courage!

MAXIME, qui s'est laissé mettre le cigare dans la main, avec un sourire triste.

Je vais le fumer!

SCENE V.

MAXIME, MADAME VAUBERGER.

MADAME VAUBERGER.

Monsieur! c'est monsieur Laubépin.

MAXIME.

Laubépin!.. Ah! faites entrer! faites entrer! (A part.) Dieu soit loué! Je vais du moins être tiré de cette angoisse! (Entre Laubépin.)

SCENE VI.

MAXIME, LAUBEPIN.

MAXIME.

Ah! cher Monsieur, je vous attendais avec impatience…

LAUBEPIN, s'inclinant.

Monsieur le marquis! Votre santé, monsieur le marquis?

MAXIME.

Meilleure, monsieur Laubépin, je vous remercie…

LAUBEPIN.

Et mademoiselle Hélène de Champcey?

MAXIME.

Elle va bien, elle est toujours ici, dans sa pension. La pauvre enfant ignore nos désastres; moi-même, monsieur Laubépin, vous le savez, je n'en connais pas exactement l'étendue, et c'est de votre bouche…

LAUBEPIN.

Pardon, monsieur le marquis, mais il entre dans mes habitudes de procéder avec méthode.

MAXIME.

Ah! veuillez vous asseoir, Monsieur. (Ils s'asseoient à droite1 [1. Laubépin, Maxime.].)

LAUBEPIN.

Ce fut, monsieur, en l'année 1820, que mademoiselle Louise-Hélène Dugald Delatouche d'Erouville fut recherchée en mariage par Charles-Christian Odiot, marquis de Champcey d'Hauterive. Vous n'ignorez pas, Monsieur, que j'étais enchaîné à la famille Dugald Delatouche par les liens d'un dévouement en quelque sorte héréditaire, et que, de plus, la jeune héritière de cette maison m'avait inspiré, par ses aimables vertus, une affection aussi profonde que respectueuse. Je dus employer tous les arguments de la raison pour détourner mademoiselle Dugald de la funeste alliance qui lui était proposée. Je dis funeste alliance, Monsieur, parce que tout en rendant justice aux qualités chevaleresques et trop séduisantes qui distinguaient monsieur le marquis de Champcey, comme tous ceux de sa maison, j'apercevais déjà clairement sous ces dehors brillants l'irréflexion et la frivolité obstinées, la fureur du plaisir, et finalement le barbare égoïsme…

MAXIME.

Monsieur, la mémoire de mon père m'est sacrée, et j'entends qu'elle le soit à tous ceux qui parlent de mon père devant moi.

LAUBEPIN, avec émotion.

Monsieur, je respecte ce sentiment; mais quand je parle de votre père, comment oublier, Monsieur, que je parle de l'homme qui a tué votre mère, une enfant héroïque, une martyre!

MAXIME, se levant.

Monsieur Laubépin!

LAUBEPIN, se levant aussi et posant une main sur le bras de Maxime.

Pardon, jeune homme; mais j'étais l'ami de votre mère… je l'ai pleurée. Veuillez me pardonner!.. Au surplus (se rasseyant), si vous l'exigez, je ne parlerai que du présent.

MAXIME.

Je vous en prie. (Ils s'asseyent.)

LAUBEPIN.

Monsieur, vous verre le détail de mes opérations dans le dossier volumineux que le concierge de cet hôtel est allé chercher chez moi: mais pour résumer ces opérations en un mot, il se trouve qu'après la vente de votre château, de vos terres et de cet hôtel même, à des conditions inespérées, vous resterez redevable envers les créanciers de Monsieur votre père, d'une somme de 45,000 fr.

MAXIME.

Est-il possible!

LAUBEPIN.

Monsieur, cela est certain.

MAXIME.

Comment! non-seulement il ne nous reste rien, mais…

LAUBEPIN.

Vous devez quarante-cinq mille francs…

MAXIME, se levant. Faisant quelques pas dans la chambre. A part.

Mon Dieu! pauvre Hélène1 [1. Maxime, Laubépin.]!

LAUBEPIN, qui l'observe, se levant.

Maintenant, monsieur le marquis, je dois vous dire que Madame votre mère, en prévision de ce qui arrive, avait daigné me remettre en dépôt quelques bijoux et joyaux d'une valeur de 50,000 francs environ.

MAXIME.

Ah!

LAUBEPIN.

Pour empêcher que cette faible somme, votre unique fortune désormais, ne tombe aux mains des créanciers, nous pouvons user d'un subterfuge légal que je vais avoir l'honneur de vous soumettre.

MAXIME, simplement.

Comment? mais c'est tout à fait inutile. Je suis trop heureux de pouvoir, à l'aide de cette somme, dégager entièrement l'honneur de mon père.

LAUBEPIN, qui ne cesse d'observer Maxime avec une attention marquée.

Ah! – soit, monsieur le marquis; mais comme en ce cas vous restez absolument sans ressources, puis-je vous demander, à titre confidentiel et respectueux, si vous avez avisé à quelque moyen d'assurer votre existence et celle de votre soeur et pupille?

MAXIME.

Mon Dieu! Monsieur, tous mes projets sont bouleversés, je vous l'avoue. Je ne m'attendais pas à ce complet dénûment. Si j'étais seul au monde, je me ferais soldat; mais j'ai ma soeur. Je ne puis souffrir le pensée de la voir condamnée au travail, aux privations, aux dangers de la pauvreté. Elle est heureuse dans sa pension; elle est assez jeune pour y demeurer quelques années encore. Si je pouvais trouver quelque occupation qui me permît, en me réduisant moi-même à l'existence la plus étroite, de payer la pension de ma soeur, et de lui amasser une dot, je serais heureux!..

LAUBEPIN.

Ah! – dans notre cadre social, monsieur le marquis, une occupation assez lucrative pour répondre à vos honorables attentions, ne se trouve guère du jour au lendemain… Heureusement j'ai à vous communiquer quelques propositions qui, sans aucun effort de votre part, sont de nature à modifier votre situation. En premier lieu, je serai près de vous l'interprète d'un spéculateur riche et influent; cet individu a conçu l'idée d'une entreprise considérable qui doit réussir surtout par le concours de la classe aristocratique de ce pays. Il pense qu'un nom comme le vôtre, monsieur le marquis, figurant en tête de son prospectus, aiderait puissamment à lancer l'entreprise.

MAXIME.

Oui, vraiment?

LAUBEPIN.

Il vous offre, en retour d'une facile complaisance, d'abord une forte prime, ensuite…

MAXIME.

En voilà assez, monsieur Laubépin; en voilà trop1 [1.

Laubépin, Maxime.]!

LAUBEPIN, haussant la voix.

Si la proposition ne vous plaît pas, monsieur le marquis, elle ne me plaît pas plus qu'à vous. Mais j'ai cru devoir vous la soumettre. En voici une autre qui, j'espère, vous sourira davantage: j'ai parmi mes anciens clients un honorable commerçant qui s'est retiré des affaires avec une fortune assez ronde: sa fille, monsieur le marquis, fille unique et conséquemment adorée, a été par hasard informée de votre situation, et je sais, je suis certain qu'elle serait prête et disposée à recevoir de votre main le titre de marquise de Champcey. Le père consent, et je n'attends qu'un mot de vous pour vous dire le nom et la demeure de cette famille intéressante.

MAXIME.

Mon nom n'est pas plus à vendre qu'à louer. D'ailleurs, dans l'état de ma fortune, mon titre est dérisoire, et comme il paraît devoir en outre m'exposer à toutes les entreprises de l'intrigue, je suis déterminé à le quitter; le nom originaire de ma famille est Odiot: c'est le seul que je porterai désormais.

LAUBEPIN.

Ah! (se frottant les mains gaiement et amicalement.) Savez-vous que vous serez difficile à caser, très-difficile à caser, jeune homme, avec ces idées-là? C'est étonnant, Monsieur, comme je suis frappé depuis un moment de votre ressemblance avec madame votre mère.

MAXIME, souriant tristement.

Avec ma mère? Je ne pensais pas… On m'a toujours dit que j'étais le portrait vivant de mon aïeul paternel… Jacques de Champcey.

LAUBEPIN.

Oh!.. cependant… les yeux et le sourire… Mais c'est assez abuser de vos instants. Monsieur le marquis… je vous laisse.

SCENE VII.

LES MEMES, VAUBERGER.

VAUBERGER.

Voilà les papiers, Monsieur.

LAUBEPIN.

Ah! c'est votre dossier que j'ai envoyé prendre; il y a encore deux ou trois pièces importantes qui sont déposées chez le notaire, chez mon successeur. C'est à deux pas d'ici. Si vous voulez venir les prendre, vous donneriez en même temps quelques signatures indispensables.

MAXIME.

Soit. Je vous accompagne. (A Vauberger.) Rangez ces papiers sur cette étagère. Allons, Monsieur. (Ils sortent après quelques cérémonies de Laubépin.)

SCENE VIII.

VAUBERGER, puis MADAME VAUBERGER.

VAUGERGER, rangeant les papiers1 [1. Vauberger, madame Vauberger.] .

 

Il ne me remercierait pas seulement de la peine.

MADAME VAUBERGER.

Dis donc, Vauberger, sais-tu si le vieux l'a invité à dîner?

VAUBERGER.

Je n'en sais rien, je n'ai pas entendu… qu'est-ce que ça me fait, d'ailleurs!

MADAME VAUBERGER.

Pauvre M. Maxime!

VAUBERGER.

T'y voilà encore! Ecoute, tu m'ennuies à la fin avec ton Maxime! Est-ce ma faute à moi s'il est ruiné, tiens!

MADAME VAUBERGER.

Tu verras, Vauberger, tu verras qu'un de ces matins il se tuera, ce garçon-là.

VAUBERGER.

Eh bien! s'il se tue, on l'enterra, quoi!

MADAME VAUBERGER.

Je te dis, Vauberger, que ça t'aurait fendu le coeur si tu l'avais vu, comme je l'ai vu ce matin, avaler sa carafe d'eau claire pour déjeuner. Songe donc, Vauberger, manquer de feu et de pain! un garçon qui a été élevé dans des fourrures et nourri toute sa vie avec du blanc-manger! Ca n'est pas une honte et une indignité, ça! et ça n'est pas un drôle de gouvernement que ton gouvernement qui permet des choses pareilles!..

VAUBERGER, avec un profond dédain.

Mais ça ne regarde pas du tout le gouvernement! Mon Dieu! que les femmes sont bêtes! et puis, c'est pas vrai, il n'en est pas là, il ne manque pas de pain… ce n'est pas possible.

MADAME VAUBERGER.

Puisque j'en suis sûre! puisqu'il n'a plus un sou, puisque Edouard l'a espionné… Je te dis qu'il n'a pas déjeuné ce matin, à preuve que ses pauvres jambes ne peuvent plus le soutenir… et je parie qu'il ne va pas encore dîner ce soir… car il est trop fier pour mendier un dîner!

VAUBERGER.

Eh bien, tant pis pour lui! Quand on est pauvre, faut pas être fier!

MADAME VAUBERGER, indignée.

Vauberger! tu es un concierge, tu veux qu'on t'appelle concierge… eh bien, tu as les sentiments d'un portier!

VAUBERGER.

Madame Vauberger! (Maxime paraît au fond.)

SCENE IX.

LES MEMES, MAXIME.

VAUBERGER, servilement.

Monsieur le marquis, je rangeais ces papiers… Monsieur le marquis n'a pas d'autre ordre à nous donner?

MAXIME, froidement.

Allez-vous-en.

VAUBERGER.

Oui, monsieur le marquis. (Se retournant près de sortir.)

Ruiné, va!

SCENE X.

MAXIME, seul.

Je n'ai pas osé… je n'ai pas osé lui demander l'aumône… et pourtant ce n'eût pas été une aumône, puisqu'il a de l'argent à moi… mais je n'ai pas osé… Je le verrai demain matin, et j'espère qu'il m'offrira de lui-même… on ne meurt pas pour un jour de jeûne… Ah! si je pèche par orgueil, je suis puni… car réellement je souffre… Si j'allais dîner tout bonnement n'importe où… on me connaît… je pourrais dire que j'ai oublié ma bourse… j'ai fait cela cent fois, sans scrupule, dans d'autres temps… Non! tous ces expédients, qui sentent la misère et la tricherie, me répugnent trop… Pour les pauvres, cette pente est glissante; je n'y mettrai pas le pied! Si je pouvais dormir. (Il s'asseoit dans le fauteuil.) La faim! ce n'est donc pas un vain mot… la faim! Il y a donc vraiment une maladie de ce nom-là… il y a vraiment des créatures humaines qui souffrent presque chaque jour ce que je souffre en ce moment?.. et encore, moi, je souffre seul; le seul être qui m'intéresse au monde, ma soeur, je vois son cher visage, heureux, souriant… Mais ceux qui entendent le cri déchirant de leurs entrailles répété par des voix aimées, suppliantes… ceux qu'attendent dans leur froid logis des femmes aux joues pâles et des petits enfants sans sourire… pauvres gens… O sainte charité! (Il sommeille. – Musique jusqu'au réveil de Maxime.)

SCENE XI.

MAXIME, MADAME VAUBERGER.

Elle entre doucement, portant quelques plats sur un plateau. Elle pose le plateau sur la cheminée, approche une petite table et la couvre d'une nappe.

MAXIME, s'éveillant à demi.

Triste sommeil! Je fais de vrais rêves de naufragé… je ne vois que des mirages de festins, de banquets! (Apercevant le plateau.) Tiens! (Il voit madame Vauberger.) Qu'est-ce que c'est? qu'est-ce que vous faites?

MADAME VAUBERGER, affectant la surprise.

Est-ce que Monsieur n'a pas demandé à dîner?

MAXIME.

Pas du tout.

MADAME VAUBERGER.

Edouard m'a pourtant dit que Monsieur…

MAXIME.

Edouard s'est trompé: c'est quelque locataire à côté; voyez.

MADAME VAUBERGER.

Il n'y a pas de locataire sur le palier de Monsieur… Je ne comprends pas…

MAXIME.

Enfin, ce n'est pas moi! Qu'est-ce que cela veut donc dire?..

Vous me fatiguez! Emportez cela!..

MADAME VAUBERGER. Elle replie tristement la nappe, et reprend timidement après une pause.

Monsieur a probablement dîné?

MAXIME.

Probablement.

MADAME VAUBERGER.

C'est dommage, car le dîner est prêt… il va être perdu, et le petit va être grondé par son père… Si Monsieur n'avait pas dîné, par hasard, il m'aurait vraiment bien obligée…

MAXIME, violemment.

Allez-vous-en, vous dis-je! sortez!.. (Il se lève et s'approche d'elle avec douceur.) Louison… je vous comprends… je vous remercie: mais je suis un peu souffrant ce soir: je n'ai pas faim.

MADAME VAUBERGER, avec émotion. Elle se rapproche, portant le plateau qu'elle dépose doucement sur la table devant Maxime.

Ah! monsieur Maxime! si vous saviez comme vous me mortifiez! Eh bien, vous me paierez mon dîner, là; vous me mettrez de l'argent dans la main quand il vous en reviendra; mais vous pouvez être bien sûr que quand vous me donneriez cent mille francs, ça ne me ferait pas autant de plaisir que de vous voir manger mon pauvre dîner! Ce serait une fière charité que vous me feriez, allez! vous devez pourtant bien comprendre ça, monsieur Maxime, vous qui avez de l'esprit.

MAXIME.

Eh bien, ma chère Louison, que voulez-vous? je ne peux pas vous donner cent mille francs… mais je vais manger votre dîner. (Il s'asseoit brusquement devant la table.)

MADAME VAUBERGER.

Oh! merci, monsieur Maxime, merci… vous avez bon coeur.

MAXIME.

Et bon appétit aussi, Louison, je vous jure… mais laissez-moi, n'est-ce pas?..

MADAME VAUBERGER

Oui, monsieur Maxime… merci, Monsieur.

MAXIME, la rappelant.

Louison… donnez-moi votre main… soyez tranquille, ce n'est pas pour y mettre de l'argent… (Lui prenant la main.) Là… à revoir. (Madame Vauberger sort en pleurant.)

SCENE XII.

MAXIME, puis LAUBEPIN.

MAXIME, portant son mouchoir à ses yeux.

Allons! pas d'enfantillage! et dînons puisque dîner il y a!.. Ce que c'est que le fruit défendu! j'ai moins faim que tout à l'heure! Cette pauvre femme, que j'accusais, cette portière… c'est un ange!.. Enfin me voilà toujours assuré de vivre jusqu'à demain… c'est quelque chose. (On entend Madame Vauberger qui parle à Laubépin dans l'escalier. La porte s'ouvre. Laubépin paraît conduit par Madame Vauberger qui se retire aussitôt. Maxime se lève un peu interdit.)

LAUBEPIN, d'un air consterné.

Au nom du ciel, monsieur le marquis, comment ne m'avez-vous pas dit…? (S'avançant.) Jeune homme, c'est mal; vous avez blessé un ami! vous faites rougir un vieillard!..

MAXIME, ému.

Monsieur!

LAUBEPIN, l'attirant sur sa poitrine.

Mon pauvre enfant! Allons! n'y pensons plus! Dînez, mon ami, et dînez gaiement… car Dieu merci, je vous apporte une bonne nouvelle…

MAXIME.

Bah! (Il lui donne une chaise1 [1. Laubépin, Maxime.].)

LAUBEPIN.

J'ai un emploi à vous offrir.

MAXIME.

Un emploi?

LAUBEPIN.

Mais, dame! je ne sais s'il vous agréera. Je suis arrivé ce matin de Bretagne, comme vous savez, mon ami. Il y a là, au fond du Morbihan, une famille considérable et très-opulente, la famille Laroque d'Arz dont je possède toute la confiance. Les Laroque avaient, depuis vingt ans, un homme d'affaires, un intendant, nommé Yvart, qui était un fripon. J'ai appris ces jours-ci que cet individu était fort malade; je suis immédiatement parti pour le château de Laroque, et j'ai demandé pour un ami à moi, que je n'ai point nommé, l'emploi qui, suivant toute apparence, allait devenir vacant.

MAXIME.

Mais tantôt vous ne m'aviez pas dit un mot…

LAUBEPIN.

D'abord, mon ami, j'avais à peine l'honneur de vous connaître, et je tenais à savoir avant tout quelle espèce d'homme vous étiez. Ensuite, c'est en rentrant chez moi seulement qu'une lettre de mon excellente amie, madame Laroque, m'a appris le décès définitif du sieur Yvart. Maintenant, voici les conditions: vous serez uniquement connu dans le château sous le nom de Maxime Odiot; vous habiterez un pavillon particulier. Quant à vos appointements, ils seront réglés chaque année de façon à vous permettre de penser à la dot de votre soeur. Cela vous convient-il?

MAXIME.

A merveille, et je ne sais comment vous remercier de votre prévoyante bonté… Seulement je crains d'être un homme d'affaires un peu neuf.

LAUBEPIN.

N'êtes-vous pas avocat, c'est-à-dire un peu propre à tout? Et puis, comme je l'écris à madame Laroque, ce qui vous manque peut s'apprendre en deux mois, et vous avez ce que cinquante ans d'expérience n'avaient pu apprendre à votre prédécesseur… la probité… je vous ai vu au feu, j'en réponds.

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