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Histoire de la Guerre de Trente Ans

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Le roi n'avait pu consacrer à la conquête de la Franconie beaucoup plus de temps qu'il ne lui en avait fallu pour la parcourir. Pour achever la soumission de tout le cercle et assurer ses conquêtes, il laissa derrière lui un de ses meilleurs généraux, Gustave Horn, avec un corps de huit mille hommes. Lui-même, avec le gros de l'armée, qui était renforcée par les levées faites en Franconie, il se hâta de marcher vers le Rhin, pour s'assurer de cette frontière de l'Empire contre les Espagnols, pour désarmer les électeurs ecclésiastiques et s'ouvrir dans ces riches contrées de nouvelles ressources pour la continuation de la guerre. Il suivit le cours du Mein: Seligenstadt, Aschaffenbourg, Steinheim, tout le pays situé sur les deux bords de la rivière, furent soumis dans cette expédition. Rarement les garnisons impériales attendaient son arrivée; nulle part, elles ne purent se maintenir. Quelque temps auparavant, un de ses lieutenants avait déjà réussi à enlever aux Impériaux, par une surprise, la ville et la citadelle de Hanau, pour la conservation desquelles le comte Tilly avait pris tant de soins. Joyeux d'échapper à l'insupportable tyrannie de cette soldatesque, le comte de Hanau se soumit avec empressement au joug plus doux du monarque suédois.

C'était principalement sur la ville de Francfort que se dirigeait alors l'attention de Gustave-Adolphe, dont la règle générale, sur le territoire allemand, était d'assurer ses derrières par l'alliance et la possession des places les plus importantes. Francfort avait été une des premières villes impériales que, dès la Saxe, il avait fait préparer d'avance à le recevoir, et maintenant, d'Offenbach, il la fit sommer une seconde fois, par de nouveaux envoyés, de lui accorder le passage et de recevoir garnison. Cette ville aurait bien voulu être dispensée d'un choix périlleux entre le roi de Suède et l'empereur: en effet, quelque parti qu'elle embrassât, elle avait à craindre pour ses priviléges et son commerce. La colère de l'empereur pouvait tomber rudement sur elle, si elle se soumettait trop promptement au roi de Suède, et qu'il ne restât pas assez puissant pour protéger ses partisans en Allemagne. Mais elle pouvait souffrir bien plus encore du mécontentement d'un vainqueur irrésistible, qui était déjà pour ainsi dire devant ses portes avec une armée formidable, et qui pouvait la punir de sa résistance par la ruine de tout son commerce et de sa prospérité. Vainement elle allégua pour son excuse, par l'intermédiaire de ses envoyés, les dangers qui menaçaient ses foires, ses priviléges, peut-être même sa liberté de ville impériale, si, en embrassant le parti suédois, elle attirait sur elle la colère de l'empereur. Gustave-Adolphe se montra surpris que, dans une affaire aussi importante que la liberté de l'Allemagne tout entière et le sort de l'Église protestante, la ville de Francfort parlât de ses foires et subordonnât à des avantages temporels les grands intérêts de la patrie et de la conscience. «Pour lui, ajouta-t-il avec menace, il avait, depuis l'île de Rügen jusqu'au Mein, trouvé la clef de toutes les villes et forteresses, et il saurait bien trouver aussi celle de Francfort. En arrivant les armes à la main, il n'avait d'autre objet que le bien de l'Allemagne et la liberté de l'Église protestante, et, avec la conscience d'une si juste cause, il n'était nullement disposé à se laisser arrêter dans sa course par aucun obstacle. Il voyait bien que les habitants de Francfort ne lui voulaient tendre que les doigts, mais il lui fallait la main tout entière, afin de pouvoir s'y tenir.» Ensuite il marcha avec toute son armée sur les pas des envoyés de la ville, qui se retiraient avec cette réponse, et il attendit, en ordre de bataille, devant Sachsenhausen, la dernière déclaration du sénat.

Si la ville de Francfort avait fait difficulté de se soumettre aux Suédois, c'était uniquement dans la crainte de l'empereur; l'inclination personnelle des bourgeois ne leur permettait pas d'hésiter un moment entre l'oppresseur de la liberté allemande et son protecteur. Les préparatifs menaçants dont Gustave-Adolphe appuyait maintenant sa demande d'une déclaration formelle pouvaient atténuer aux yeux de l'empereur la culpabilité de leur défection, et pallier, par une apparence de contrainte, une démarche qu'ils faisaient volontiers. On ouvrit donc alors les portes au roi de Suède, qui traversa cette ville impériale, à la tête de son armée, dans un défilé magnifique et un ordre admirable. Six cents hommes de garnison restèrent dans Sachsenhausen; le roi marcha, dès le premier soir, avec le reste de son armée, sur la ville mayençaise de Hœchst, qui fut prise avant la nuit.

Tandis que Gustave-Adolphe faisait des conquêtes sur le cours du Mein, la fortune couronnait aussi les entreprises de ses généraux et de ses alliés dans le nord de l'Allemagne. Rostock, Wismar et Dœmitz, les seules places fortes du Mecklembourg qui gémissaient encore sous le joug des garnisons impériales, furent emportées par le souverain légitime, le duc Jean-Albert, sous la direction du général suédois Achatius Tott. Vainement le général impérial Wolf, comte de Mansfeld, essaya de reprendre aux Suédois l'évêché de Halberstadt, dont ils avaient pris possession aussitôt après la victoire de Leipzig; il lui fallut bientôt laisser aussi dans leurs mains l'évêché de Magdebourg. Un général suédois, Banner, qui était resté sur l'Elbe, avec une division forte de huit mille hommes, tenait bloquée étroitement la ville de Magdebourg et avait déjà culbuté plusieurs régiments impériaux, envoyés pour délivrer cette place. Le comte de Mansfeld la défendait, il est vrai, en personne, avec une très-grande valeur; mais, trop faible en hommes pour être en état d'opposer une longue résistance à la nombreuse armée des assiégeants, il songeait déjà aux conditions sous lesquelles il voulait rendre la ville, quand le général Pappenheim accourut à sa délivrance et occupa ailleurs les armes des ennemis. Cependant Magdebourg, ou plutôt les misérables cabanes qui sortaient tristement du milieu des ruines de cette grande cité, furent dans la suite volontairement évacuées par les Impériaux, et aussitôt après occupées par les Suédois.

Les membres du cercle de basse Saxe hasardèrent aussi, après les heureuses entreprises du roi, de se relever du coup qu'ils avaient reçu de Wallenstein et de Tilly dans la malheureuse guerre danoise. Ils tinrent à Hambourg une assemblée où l'on convint de mettre sur pied trois régiments, avec le secours desquels ils espéraient se débarrasser de l'excessive tyrannie des garnisons impériales. L'évêque de Brême, parent du roi de Suède, ne s'en tint pas à cela: il leva aussi des troupes pour son compte, et avec elles il inquiéta des prêtres et des moines sans défense; mais il eut le malheur d'être bientôt désarmé par le comte de Gronsfeld, général de l'empereur. Georges, duc de Lunebourg, auparavant colonel au service de Ferdinand, embrassa alors aussi le parti de Gustave-Adolphe, et leva pour ce prince quelques régiments par lesquels les troupes impériales furent occupées dans la basse Saxe, ce qui ne fut pas un médiocre avantage pour le roi.

Mais il reçut des services encore bien plus importants du landgrave Guillaume de Hesse-Cassel, dont les armes victorieuses firent trembler une grande partie de la Westphalie et de la basse Saxe, l'abbaye de Fulde et même l'électorat de Cologne. On se souvient qu'immédiatement après l'alliance que le landgrave avait conclue, dans le camp de Werben, avec Gustave-Adolphe, deux généraux de l'empereur, Fugger et Altringer, furent envoyés dans la Hesse par le comte Tilly pour châtier le landgrave de sa défection. Mais ce prince avait résisté avec un mâle courage aux armes de l'ennemi, comme ses états provinciaux aux manifestes dans lesquels Tilly prêchait la révolte, et bientôt la bataille de Leipzig le délivra de ces bandes dévastatrices. Il profita de leur éloignement avec autant de vaillance que de résolution, conquit en peu de temps Vach, Münden et Hœxter, et inquiéta par ses rapides succès l'abbaye de Fulde, l'évêché de Paderborn et tous les bénéfices limitrophes de la Hesse. Ces États, effrayés, se hâtèrent de mettre des bornes à ses progrès par une prompte soumission, et ils échappèrent au pillage au moyen de sommes d'argent considérables qu'ils lui payèrent volontairement. Après ces heureuses entreprises, le landgrave réunit son armée victorieuse à la grande armée de Gustave-Adolphe, et il se rendit lui-même à Francfort auprès de ce monarque, pour délibérer avec lui sur le plan des opérations ultérieures.

Beaucoup de princes et d'ambassadeurs étrangers avaient paru avec lui dans cette ville pour rendre hommage à la grandeur de Gustave-Adolphe, implorer sa faveur ou apaiser sa colère. Le plus remarquable entre tous était le roi de Bohême et comte palatin dépossédé, Frédéric V, qui était accouru de Hollande pour se jeter dans les bras de celui qu'il regardait comme son vengeur et son protecteur. Gustave-Adolphe lui accorda le stérile honneur de le saluer comme une tête couronnée, et s'efforça d'alléger son malheur par une noble sympathie. Mais, quoi que Frédéric se promît de la puissance et de la fortune de son protecteur, quelque fond qu'il crût pouvoir faire sur sa justice et sa magnanimité, l'espérance du rétablissement de cet infortuné dans ses États perdus était cependant fort éloignée. L'inaction et la politique absurde de la cour d'Angleterre avaient refroidi le zèle de Gustave-Adolphe, et une susceptibilité dont il ne put se rendre tout à fait maître lui fit oublier ici la glorieuse vocation de défenseur des opprimés, qu'il avait si hautement proclamée à son apparition dans l'Empire d'Allemagne. La frayeur de sa puissance irrésistible et de sa vengeance prochaine avait aussi amené à Francfort le landgrave Georges de Hesse-Darmstadt et l'avait porté à une prompte soumission. Les liaisons de ce prince avec l'empereur, et son peu de zèle pour la cause protestante, n'étaient pas un secret pour le roi, mais il se contenta de rire d'un si impuissant ennemi. Comme le landgrave se connaissait assez peu lui-même, ainsi que la situation politique de l'Allemagne, pour s'ériger, avec autant de sottise que d'assurance, en médiateur entre les deux partis, Gustave-Adolphe avait coutume de ne l'appeler, par moquerie, que le «pacificateur». On l'entendait dire souvent, lorsqu'il jouait avec le landgrave et qu'il lui gagnait de l'argent, «que ce gain lui faisait doublement plaisir, parce que c'était de la monnaie impériale.» Ce fut seulement en faveur de la parenté du landgrave Georges avec l'électeur de Saxe, prince que Gustave-Adolphe avait des raisons de ménager, que ce monarque se contenta de la remise de sa forteresse de Rüsselsheim et de la promesse qu'il observerait pendant cette guerre une stricte neutralité. Les comtes de Westerwald et de Wettéravie avaient également paru à Francfort auprès du roi, pour conclure avec lui une alliance et lui offrir contre les Espagnols leur secours, qui lui fut très-utile dans la suite. La ville de Francfort elle-même eut tout sujet de se louer de la présence de Gustave-Adolphe, qui prit son commerce sous la protection de son autorité royale et rétablit par les mesures les plus énergiques la sûreté des foires, que la guerre avait beaucoup troublée.

 

L'armée suédoise était maintenant renforcée de dix mille Hessois, que le landgrave Guillaume de Cassel avait amenés au roi. Déjà Gustave-Adolphe avait fait attaquer Kœnigstein; Kostheim et Flœrsheim se rendirent à lui après un siége de peu de durée; il était maître de tout le cours du Mein et fit construire à Hœchst en toute hâte des bateaux pour faire passer le Rhin à ses troupes. Ces préparatifs remplirent de crainte l'électeur de Mayence, Anselme Casimir, et il ne douta plus un instant qu'il ne fût le premier que menaçait l'orage de la guerre. Comme partisan de l'empereur et un des membres les plus actifs de la Ligue catholique, il ne pouvait s'attendre à être mieux traité que ne l'avaient été déjà ses deux confrères, les évêques de Würtzbourg et de Bamberg. La situation de ses domaines au bord du Rhin faisait à l'ennemi une nécessité de s'en assurer, et d'ailleurs cette riche contrée avait, pour l'armée, dans son dénûment, un irrésistible attrait. Mais l'électeur, connaissant trop peu ses ressources et l'adversaire qu'il avait devant lui, se flatta de repousser la force par la force et de lasser la vaillance suédoise par la solidité de ses remparts. Il fit réparer en toute hâte les fortifications de sa résidence, la pourvut de tout ce qui la mettait en état de soutenir un long siége, et reçut de plus dans ses murs deux mille Espagnols commandés par un général de leur nation, don Philippe de Sylva. Pour rendre l'approche impossible aux bateaux suédois, il fit obstruer, par une quantité de pieux qu'on y enfonça, l'embouchure du Mein; il y fit jeter aussi de grandes masses de pierres et couler à fond des bateaux entiers. Lui-même, accompagné de l'évêque de Worms, il s'enfuit à Cologne avec ses plus précieux trésors et abandonna ville et territoire à la rapacité d'une garnison tyrannique. Tous ces préparatifs, qui témoignaient moins de vrai courage que d'impuissante obstination, ne détournèrent pas l'armée suédoise de marcher sur Mayence et de faire les plus sérieuses dispositions pour l'attaque de la ville. Tandis qu'une partie des troupes se répandait dans le Rhingau, culbutait tout ce qui s'y trouvait d'Espagnols, et arrachait d'énormes contributions, et que l'autre partie rançonnait les cantons catholiques du Westerwald et de la Wettéravie, l'armée principale était déjà campée près de Cassel, vis-à-vis de Mayence, et le duc Bernard de Weimar avait même pris, sur la gauche du Rhin, le Mæusethurm et le château d'Ehrenfels. Déjà Gustave-Adolphe se préparait sérieusement à passer le Rhin et à bloquer la ville du côté de terre, quand les progrès du comte Tilly en Franconie l'arrachèrent précipitamment à ce siége et donnèrent à l'électorat un repos, qui du reste ne fut pas de longue durée.

Le danger de la ville de Nuremberg, que le comte Tilly faisait mine d'assiéger pendant l'absence de Gustave-Adolphe, occupé aux bords du Rhin, et qu'il menaçait, en cas de résistance, du sort affreux de Magdebourg, avait décidé le roi de Suède à ce prompt départ de Mayence. Pour ne pas s'exposer une seconde fois, devant toute l'Allemagne, au reproche et à la honte d'avoir laissé une ville alliée à la discrétion d'un ennemi barbare, il accourait, à marches forcées, pour délivrer cette importante cité impériale; mais il apprit, dès Francfort, la valeureuse résistance des habitants de Nuremberg et la retraite de Tilly: alors il ne tarda pas un moment à poursuivre ses projets sur Mayence. N'ayant pas réussi à forcer le passage du Rhin, près de Cassel, sous le canon des assiégés, il dirigea sa marche vers la Bergstrasse, pour s'approcher de la ville d'un autre côté, s'empara chemin faisant de toutes les places importantes, et parut, pour la seconde fois, au bord du Rhin, près de Stockstadt, entre Gernsheim et Oppenheim. Les Espagnols avaient abandonné toute la Bergstrasse, mais ils cherchaient encore à défendre, avec beaucoup d'opiniâtreté, la rive gauche du fleuve. Dans cette vue, ils avaient brûlé ou coulé à fond tous les bateaux du voisinage, et ils étaient préparés sur l'autre bord à l'attaque la plus formidable, si le roi risquait le passage sur ce point.

Son courage l'exposa, dans cette occasion, au danger imminent de tomber dans les mains de l'ennemi. Pour reconnaître l'autre rive, il s'était hasardé à franchir le fleuve dans un petit bateau; mais, à peine avait-il abordé, qu'il fut surpris par une troupe de cavaliers espagnols, auxquels il ne se déroba que par une retraite précipitée. Enfin, avec le secours de quelques mariniers du voisinage, il réussit à s'emparer d'un petit nombre de bateaux, sur deux desquels il fit passer le comte de Brahé, avec trois cents Suédois. A peine cet officier avait-il eu le temps de se retrancher sur la rive opposée, qu'il fut assailli par quatorze compagnies de dragons et de cuirassiers espagnols. Aussi grande était la supériorité, aussi courageuse fut la résistance de Brahé et de sa petite troupe, et son héroïque défense donna au roi le temps de le soutenir en personne avec des troupes fraîches. Alors les Espagnols prirent la fuite, après une perte de six cents hommes, quelques-uns se hâtèrent de gagner la ville forte d'Oppenheim, et d'autres Mayence. Un lion de marbre, sur une haute colonne, portant une épée nue dans la griffe droite et un casque sur la tête, indiquait encore au voyageur, soixante-dix ans après, la place où l'immortel monarque passa le grand fleuve de la Germanie.

Aussitôt après cet heureux exploit, Gustave-Adolphe fit transporter au delà du Rhin l'artillerie et la plus grande partie des troupes, et assiégea Oppenheim, qui fut pris d'assaut le 8 décembre 1631, après une résistance désespérée. Cinq cents Espagnols, qui avaient défendu si vaillamment cette place, furent, jusqu'au dernier, victimes de la fureur suédoise. La nouvelle que Gustave-Adolphe avait passé le Rhin effraya tous les Espagnols et les Lorrains, qui avaient occupé l'autre bord et s'étaient crus à l'abri, derrière le fleuve, de la vengeance des Suédois. Une prompte fuite était maintenant leur unique ressource: toute place qui n'était pas tout à fait tenable fut précipitamment abandonnée. Après une longue suite de violence envers les bourgeois désarmés, les Lorrains évacuèrent la ville de Worms, qu'ils maltraitèrent encore, avant leur départ, avec une cruauté raffinée. Les Espagnols se renfermèrent à la hâte dans Frankenthal, où ils se flattaient de braver les armées victorieuses de Gustave-Adolphe.

Le roi ne perdit plus un moment pour exécuter ses desseins sur Mayence, où s'était jetée l'élite des troupes espagnoles. Tandis qu'il marchait sur cette ville par la rive gauche du Rhin, le landgrave de Hesse-Cassel s'en était approché par l'autre rive et avait conquis sur sa route plusieurs places fortes. Les Espagnols assiégés, quoique investis des deux côtés, montrèrent d'abord beaucoup de courage et de résolution pour se défendre jusqu'à la dernière extrémité, et, pendant plusieurs jours, ils firent pleuvoir, sans interruption, sur le camp suédois, un violent feu de bombes, qui coûta au roi plus d'un brave soldat. Cependant, malgré cette courageuse résistance, les Suédois gagnaient toujours du terrain et s'étaient déjà tellement approchés des fossés de la place, qu'ils se disposaient sérieusement à l'assaut. Alors les assiégés perdirent courage. Ils tremblaient, avec raison, à la pensée du fougueux emportement du soldat suédois, dont le Marienberg, près de Würtzbourg, fournissait un affreux témoignage. Un sort terrible attendait la ville de Mayence, s'il fallait la prendre d'assaut, et l'ennemi pouvait se sentir aisément tenté de venger l'horrible sort de Magdebourg sur cette riche et magnifique résidence d'un prince catholique. Par ménagement pour la ville plus que pour leur propre vie, les Espagnols capitulèrent le quatrième jour et obtinrent du généreux monarque un sauf-conduit jusqu'à Luxembourg; mais, comme bien d'autres avaient fait jusqu'alors, la plupart s'enrôlèrent sous les drapeaux suédois.

Le 13 décembre 1631, le roi de Suède fit son entrée dans la ville conquise, où il se logea dans le palais de l'électeur. Quatre-vingts canons tombèrent en son pouvoir, et la bourgeoisie eut à payer quatre-vingt mille florins pour se racheter du pillage. Dans cette contribution n'étaient pas compris les juifs et le clergé, qui furent contraints de payer à part de très-fortes sommes. Le roi s'appropria la bibliothèque de l'électeur et en fit présent à son chancelier Oxenstiern, qui la céda au gymnase de Westeræs; mais le vaisseau qui la transportait en Suède fit naufrage, et, perte irréparable, la Baltique engloutit ce trésor.

Après qu'ils eurent perdu Mayence, le malheur ne cessa de poursuivre les Espagnols dans les contrées du Rhin. Peu de temps avant la prise de cette ville, le landgrave de Hesse-Cassel s'était emparé de Falkenstein et de Reifenberg; la forteresse de Kœnigstein se rendit aux Hessois; le rhingrave Othon-Louis, un des généraux du roi, eut le bonheur de battre neuf escadrons espagnols, qui marchaient sur Frankenthal, et de se rendre maître des villes les plus importantes des bords du Rhin, depuis Boppart jusqu'à Bacharach. Après la prise de Braunfels, place forte dont les comtes de Wettéravie s'emparèrent avec le secours des Suédois, les Espagnols perdirent toutes les places en Wettéravie, et dans tout le Palatinat, ils ne purent conserver, outre Frankenthal, que très-peu de villes. Landau et Kronweissenbourg se déclarèrent hautement pour les Suédois. Spire offrit de lever des troupes pour le service du roi. Les ennemis perdirent Mannheim par la présence d'esprit du jeune duc Bernard de Weimar et la négligence du commandant de la place, qui fut traduit pour ce revers devant le tribunal militaire à Heidelberg et décapité.

Le roi avait prolongé la campagne jusque bien avant dans l'hiver, et vraisemblablement la rigueur même de la saison avait été une des causes de la supériorité que le soldat suédois conservait sur l'ennemi. Mais maintenant les troupes épuisées avaient besoin de se refaire dans les quartiers d'hiver, que Gustave-Adolphe leur fit prendre en effet, dans le pays d'alentour, peu de temps après la conquête de la ville de Mayence. Il profita lui-même du relâche que la saison imposait à ses opérations militaires, pour expédier avec son chancelier les affaires du cabinet, négocier avec l'ennemi au sujet de la neutralité, et terminer avec une puissance alliée quelques démêlés politiques, auxquels sa conduite antérieure avait donné lieu. Pour sa résidence d'hiver et pour centre des affaires d'État, il choisit la ville de Mayence, pour laquelle il laissait en général paraître une prédilection qui s'accordait peu avec l'intérêt des princes allemands et l'intention qu'il avait témoignée de ne faire qu'une courte visite à l'Empire. Non content d'avoir fortifié la ville le mieux possible, il fit élever vis-à-vis, dans l'angle qui forme la jonction du Mein avec le Rhin, une nouvelle citadelle, qui fut appelée Gustavsbourg, d'après son fondateur, mais qui a été plus connue sous le nom de Pfaffenraub, Pfaffenzwang.

Tandis que Gustave-Adolphe se rendait maître du Rhin et menaçait de ses armes victorieuses les trois électorats voisins, ses vigilants ennemis mettaient en mouvement, à Paris et à Saint-Germain, tous les ressorts de la politique, pour lui retirer l'appui de la France et pour le mettre, s'il était possible, en guerre avec cette puissance. Lui-même, en portant, par un mouvement équivoque et inattendu, ses armes sur le Rhin, il avait donné de l'ombrage à ses amis et fourni à ses adversaires les moyens d'exciter une dangereuse défiance de ses projets. Après qu'il eut soumis à son pouvoir l'évêché de Würtzbourg et la plus grande partie de la Franconie, il ne tenait qu'à lui de pénétrer par l'évêché de Bamberg et le haut Palatinat en Bavière et en Autriche; et tous s'attendaient naturellement qu'il ne tarderait pas à attaquer l'empereur et le duc de Bavière dans le centre de leur puissance, et à terminer au plus tôt la guerre par la défaite de ces deux principaux ennemis. Mais, à la grande surprise des deux parties belligérantes, Gustave-Adolphe abandonna le chemin que lui avait tracé d'avance l'opinion générale, et, au lieu de tourner ses armes vers la droite, il les porta vers la gauche, pour faire sentir sa puissance aux princes moins coupables et moins à craindre de l'électorat du Rhin, tandis qu'il donnait à ses deux plus importants adversaires le loisir de rassembler de nouvelles forces. Le dessein de remettre avant tout le malheureux comte palatin Frédéric V en possession de ses États, par l'expulsion des Espagnols, pouvait seul expliquer cette marche surprenante, et la croyance au prochain rétablissement de Frédéric réduisit en effet quelque temps au silence les soupçons de ses amis et les calomnies de ses adversaires; mais maintenant, le bas Palatinat était presque entièrement purgé d'ennemis, et Gustave-Adolphe persistait à faire de nouveaux plans de conquêtes sur le Rhin; il persistait à ne pas rendre au maître légitime le Palatinat reconquis. Vainement l'ambassadeur du roi d'Angleterre rappela au conquérant ce que la justice exigeait de lui, et ce que sa promesse solennellement proclamée lui imposait comme un devoir d'honneur: Gustave répondit à cette demande par des plaintes amères sur l'inaction de la cour britannique et se prépara vivement à déployer, au premier jour, ses drapeaux victorieux en Alsace et même en Lorraine.

 

Alors éclata la défiance contre le monarque suédois, et la haine de ses ennemis se montra extrêmement active à répandre les bruits les plus désavantageux sur ses projets. Dès longtemps, le ministre de Louis XIII, Richelieu, avait vu avec inquiétude le roi s'approcher des frontières françaises, et l'esprit défiant de son maître ne s'ouvrait que trop aisément aux fâcheuses suppositions qu'on faisait à ce sujet. En ce temps même, la France était engagée dans une guerre civile avec les protestants de l'intérieur, et l'on avait en effet quelque raison de craindre que l'approche d'un roi victorieux, qui était de leur parti, ne ranimât le courage des huguenots et ne les excitât à la plus violente résistance. Cela pouvait arriver, quelque éloigné d'ailleurs que pût être Gustave-Adolphe de leur donner des espérances et de commettre ainsi une véritable trahison envers le roi de France son allié. Mais l'esprit vindicatif de l'évêque de Würtzbourg, qui cherchait à se consoler à la cour de France de la perte de ses États; l'éloquence empoisonnée des jésuites, et le zèle actif du ministre bavarois, présentèrent comme tout à fait démontrée cette dangereuse intelligence entre les huguenots et le roi de Suède, et surent troubler par les plus vives inquiétudes l'esprit craintif de Louis. Ce n'étaient pas seulement d'extravagants politiques, c'était aussi plus d'un catholique raisonnable, qui croyaient sérieusement que le roi allait pénétrer prochainement au cœur de la France, faire cause commune avec les huguenots et renverser dans le royaume la religion romaine. Des zélateurs fanatiques le voyaient déjà franchir les Alpes avec une armée et détrôner, en Italie même, le Vicaire de Jésus-Christ. Quoique de pareilles rêveries se réfutassent aisément d'elles-mêmes, on ne pouvait nier cependant que, par ses entreprises militaires sur le Rhin, Gustave ne donnât aux imputations de ses adversaires une prise dangereuse et ne justifiât, en quelque mesure, le soupçon d'avoir voulu diriger ses armes moins contre l'empereur et le duc de Bavière que contre la religion catholique en général.

Le cri général d'indignation que les cours catholiques, excitées par les jésuites, élevèrent contre les liaisons de la France avec les ennemis de l'Église, décida enfin le cardinal de Richelieu à faire un pas décisif pour la sûreté de sa religion et à démontrer en même temps au monde catholique la sincérité du zèle religieux de la France et la politique intéressée des États ecclésiastiques de l'Empire. Persuadé que les vues du roi de Suède tendaient uniquement, comme les siennes, à l'abaissement de la maison d'Autriche, il ne fit point difficulté de promettre aux princes de la Ligue une parfaite neutralité du côté de la Suède, aussitôt qu'ils renonceraient à l'alliance de l'empereur et retireraient leurs troupes. Quelle que fût maintenant la résolution des princes, Richelieu avait atteint son but. S'ils se séparaient du parti autrichien, Ferdinand était exposé sans défense aux armes unies de la France et de la Suède, et Gustave-Adolphe, délivré en Allemagne de tous ses autres ennemis, pouvait tourner à la fois toutes ses forces contre les États héréditaires de l'empereur. La chute de la maison d'Autriche était alors inévitable, et ce but suprême de tous les efforts de Richelieu se trouvait atteint sans dommage pour l'Église. Le succès était incomparablement plus douteux, si les princes de la Ligue persistaient dans leur refus et demeuraient encore fidèles à l'alliance autrichienne; mais alors la France avait fait paraître devant toute l'Europe ses sentiments catholiques et avait satisfait à ses devoirs comme membre de l'Église romaine; les princes de la Ligue paraissaient les seuls auteurs de tous les maux que la continuation de la guerre devait infailliblement attirer sur l'Allemagne catholique; eux seuls, par leur attachement opiniâtre à l'empereur, rendaient vaines les mesures de leur protecteur, précipitaient l'Église dans le dernier péril et se perdaient eux-mêmes.

Richelieu suivit ce plan avec d'autant plus de chaleur qu'il était plus vivement pressé par des demandes réitérées de l'électeur de Bavière, qui réclamait le secours de la France. On se souvient que ce prince, dès le temps où il avait eu sujet de suspecter les sentiments de l'empereur, était entré avec la France dans une alliance secrète par laquelle il espérait s'assurer la possession de l'électorat palatin contre un futur changement de dispositions de Ferdinand. Si clairement que l'origine de ce traité fît connaître contre quel ennemi il avait été conclu, Maximilien l'étendait maintenant, d'une manière assez arbitraire, aux attaques du roi de Suède, et n'hésitait point à réclamer contre ce monarque, allié de la France, les mêmes secours qu'on lui avait promis seulement contre l'Autriche. Richelieu, jeté dans l'embarras par cette alliance contradictoire avec deux puissances opposées l'une à l'autre, ne vit pour lui d'autre expédient que de mettre une prompte fin à leurs hostilités; et, hors d'état, à cause de son traité avec la Suède, de protéger la Bavière, tout aussi peu disposé à la livrer, il s'employa avec une extrême ardeur pour la neutralité, comme étant le seul moyen de satisfaire à son double engagement. Un plénipotentiaire particulier, le marquis de Brézé, fut envoyé, à cet effet, au roi de Suède, à Mayence, afin de sonder sur ce point ses dispositions et d'obtenir de lui pour les princes alliés des conditions favorables. Mais, si Louis XIII avait des raisons importantes pour souhaiter de voir cette neutralité établie, Gustave-Adolphe en avait d'aussi solides pour désirer le contraire. Convaincu par des preuves nombreuses que l'horreur des princes de la Ligue pour la religion protestante était invincible, leur haine pour la puissance étrangère des Suédois implacable, leur attachement à la maison d'Autriche indestructible, il redoutait beaucoup moins leur hostilité ouverte qu'il ne se défiait d'une neutralité si opposée à leur inclination. D'ailleurs, se voyant contraint, placé, comme il l'était, sur le territoire allemand, de poursuivre la guerre aux dépens des ennemis, c'était pour lui une perte manifeste de diminuer le nombre de ses ennemis déclarés, sans acquérir par là de nouveaux amis. Il n'est donc pas étonnant que Gustave-Adolphe laissât paraître peu d'empressement à acheter, par le sacrifice des avantages qu'il avait remportés, la neutralité des princes catholiques, qui lui était d'un si faible secours.

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