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Histoire de la Guerre de Trente Ans

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Les conditions auxquelles il accordait la neutralité à l'électeur de Bavière étaient dures et conformes à cette manière de voir. Il exigeait de la Ligue catholique une complète inaction: elle retirerait ses troupes de l'armée impériale, des places conquises, de tous les pays protestants. Il voulait de plus voir les forces des États ligués réduites à un petit nombre de soldats. Toutes leurs terres devaient être fermées aux armées impériales et ne fournir à la maison d'Autriche aucun secours en hommes, en vivres et en munitions. Si dure que fût la loi dictée par le vainqueur au vaincu, le médiateur français se flattait encore de la faire accepter à l'électeur de Bavière. Pour faciliter cette affaire, Gustave-Adolphe s'était laissé persuader d'accorder à Maximilien une trêve de quinze jours. Mais, dans le même temps où le roi recevait par l'agent français les assurances répétées de l'heureux progrès de cette négociation, une lettre interceptée de l'électeur au général Pappenheim en Westphalie lui découvrit la perfidie de ce prince, qui n'avait cherché, dans toute cette affaire, qu'à gagner du temps pour sa défense. Bien loin de se laisser enchaîner dans ses opérations militaires par un accommodement avec la Suède, l'artificieux Maximilien n'en mettait que plus d'activité dans ses préparatifs et profitait du loisir que lui laissait l'ennemi pour faire des préparatifs de résistance d'autant plus énergiques. Toute cette négociation de neutralité fut donc rompue sans avoir rien produit; elle n'avait servi qu'à renouveler avec plus d'acharnement les hostilités entre la Bavière et la Suède.

L'accroissement des forces de Tilly, avec lesquelles ce général menaçait d'envahir la Franconie, rappelait impérieusement le roi dans ce cercle; mais il fallait d'abord chasser du Rhin les Espagnols, et fermer à leurs armes le passage des Pays-Bas dans les provinces allemandes. A cet effet, Gustave-Adolphe avait déjà offert à l'électeur de Trèves, Philippe de Zeltern, la neutralité, à condition que la forteresse d'Hermannstein lui serait remise, et qu'un libre passage par Coblentz serait accordé aux troupes suédoises. Mais, avec quelque déplaisir que l'électeur vît ses domaines dans les mains des Espagnols, il pouvait bien moins encore se résoudre à les mettre sous la protection suspecte d'un hérétique et à rendre le conquérant suédois maître de son sort. Toutefois, se voyant hors d'état de maintenir son indépendance contre deux rivaux si redoutables, il chercha contre l'un et l'autre un refuge sous la puissante protection de la France. Richelieu, avec sa politique accoutumée, avait mis à profit l'embarras de ce prince pour étendre le pouvoir de la France et lui acquérir aux frontières de l'Allemagne un important allié. Une nombreuse armée française devait couvrir le pays de Trèves et mettre garnison dans la forteresse d'Ehrenbreitstein. Mais les vues qui avaient décidé l'électeur à cette démarche hasardée ne furent pas complétement remplies, car le ressentiment qu'elle excita chez Gustave-Adolphe ne put être apaisé avant que les troupes suédoises eussent aussi obtenu le libre passage à travers le pays de Trèves.

Tandis que cette affaire se négociait avec Trèves et la France, les généraux du roi avaient nettoyé tout l'électorat de Mayence du reste des garnisons espagnoles, et Gustave-Adolphe avait lui-même achevé la conquête de ce pays par la prise de Kreuznach. Pour garder ce qui était conquis, le chancelier Oxenstiern dut rester sur le Rhin moyen, avec une partie de l'armée; et le corps principal se mit en marche, sous la conduite du roi, pour chercher l'ennemi en Franconie.

Cependant, le comte Tilly et le général suédois de Horn, que Gustave-Adolphe avait laissé dans ce cercle avec huit mille hommes, s'en étaient disputé la possession avec des succès balancés, et l'évêché de Bamberg surtout était à la fois le prix et le théâtre de leurs dévastations. Appelé vers le Rhin par ses autres projets, le roi avait remis à son général le châtiment de l'évêque, qui avait provoqué sa colère par sa conduite perfide, et l'activité du général justifia le choix du monarque. Il soumit en peu de temps une grande partie de l'évêché aux armées suédoises, et il prit d'assaut la capitale même, abandonnée par la garnison impériale. L'évêque, expulsé, demandait instamment des secours à l'électeur de Bavière, qui se laissa enfin persuader de mettre un terme à l'inaction de Tilly. Autorisé par l'ordre de son maître à rétablir le prélat, ce général rassembla ses troupes dispersées dans le haut Palatinat et s'approcha de Bamberg avec une armée de vingt mille hommes. Gustave Horn, fermement résolu à défendre sa conquête contre ces forces supérieures, attendit l'ennemi derrière les remparts de Bamberg; mais il se vit arracher, par la seule avant-garde de Tilly, ce qu'il avait espéré de disputer à l'armée tout entière. Le désordre qui tout à coup se mit dans la sienne, et auquel toute sa présence d'esprit ne put remédier, ouvrit la place aux ennemis, et les troupes, les bagages et l'artillerie ne purent être sauvés qu'à grand'peine. La reprise de Bamberg fut le fruit de cette victoire; mais le général suédois se retira en bon ordre derrière le Mein, et Tilly, malgré toute sa célérité, ne put le rejoindre. L'apparition en Franconie du roi de Suède, à qui Gustave Horn amena près de Kitzingen le reste de ses troupes, mit bientôt un terme aux conquêtes de Tilly et le força de pourvoir lui-même à sa sûreté par une prompte retraite.

Le roi avait passé à Aschaffenbourg une revue générale de son armée, qui, après sa jonction avec Gustave Horn, Banner et le duc Guillaume de Weimar, s'élevait à près de quarante mille hommes. Rien n'arrêta sa marche à travers la Franconie, car le comte Tilly, beaucoup trop faible pour attendre un ennemi si supérieur, s'était retiré, à marches forcées, vers le Danube. La Bohême et la Bavière se trouvaient alors également près du roi, et Maximilien, incertain de la route que suivrait ce conquérant, hésitait à prendre une résolution. Le chemin qu'on allait tracer à Tilly devait fixer le choix de Gustave-Adolphe et le sort des deux provinces. A l'approche d'un si redoutable ennemi, il était dangereux de laisser la Bavière sans défense, pour couvrir les frontières de l'Autriche; il était plus dangereux encore, en recevant Tilly en Bavière, d'y appeler en même temps l'ennemi et d'en faire le théâtre d'une lutte dévastatrice. L'inquiétude paternelle du prince surmonta enfin les doutes de l'homme d'État, et, quoi qu'il en pût arriver, Tilly reçut l'ordre de défendre avec toutes ses forces l'entrée de la Bavière.

La ville impériale de Nuremberg accueillit avec une joie triomphante le défenseur de la religion évangélique et de la liberté allemande, et l'ardent enthousiasme des citoyens se répandit à son aspect en touchants témoignages d'allégresse et d'admiration. Gustave lui-même ne pouvait cacher son étonnement de se voir dans cette ville, au centre de l'Allemagne, jusqu'où il n'avait jamais espéré de porter ses étendards. La grâce et la noblesse de son maintien complétaient l'impression produite par ses glorieux exploits, et l'affabilité avec laquelle il répondait aux salutations de cette ville impériale lui eut en peu d'instants gagné tous les cœurs. Il confirma alors en personne le traité qu'il avait conclu avec elle dès les rivages de la Baltique, et unit tous les citoyens dans les sentiments d'un zèle ardent et d'une concorde fraternelle contre l'ennemi commun. Après une courte station dans les murs de Nuremberg, il suivit son armée vers le Danube et parut devant la place frontière de Donawert, avant qu'on y soupçonnât l'approche d'un ennemi. Une nombreuse garnison bavaroise défendait cette ville, et le commandant, Rodolphe-Maximilien, duc de Saxe-Lauenbourg, montra d'abord la plus ferme résolution de tenir jusqu'à l'arrivée de Tilly. Mais bientôt la vigueur avec laquelle Gustave-Adolphe commença le siége le força de songer à une prompte et sûre retraite, qu'il effectua heureusement sous le feu terrible de l'artillerie suédoise.

La prise de Donawert ouvrit au roi la rive droite du Danube, et la petite rivière du Lech le séparait seule encore de la Bavière. Le danger pressant de ses États éveilla toute l'activité de Maximilien, et autant il avait laissé l'ennemi pénétrer facilement jusqu'au seuil de la Bavière, autant il se montra cette fois résolu à lui rendre le dernier pas difficile. Tilly établit de l'autre côté du Lech, près de la petite ville de Rain, un camp bien retranché, qui, entouré de trois rivières, défiait toutes les attaques. On avait coupé tous les ponts du Lech; on avait défendu par de fortes garnisons le cours entier de la rivière jusqu'à Augsbourg; et même, pour s'assurer de cette ville impériale, qui laissait voir depuis longtemps l'impatience qu'elle éprouvait de suivre l'exemple de Francfort et de Nuremberg, on y avait logé une garnison bavaroise et désarmé les bourgeois. L'électeur lui-même, avec toutes les troupes qu'il avait pu rassembler, s'enferma dans le camp de Tilly, comme si toutes ses espérances eussent tenu à ce poste unique, et que la fortune des Suédois eût dû échouer contre cette dernière muraille.

Gustave-Adolphe parut bientôt sur la rive, vis-à-vis des lignes bavaroises, après avoir soumis tout le territoire d'Augsbourg en deçà du Lech, et ouvert à ses troupes dans cette contrée de riches approvisionnements. On était au mois de mars, époque où cette rivière, grossie par les pluies fréquentes et par les neiges des montagnes du Tyrol, s'élève à une hauteur extraordinaire et court entre des rives escarpées avec une rapidité impétueuse. Une tombe certaine s'ouvrait dans ses flots à l'assaillant téméraire, et, sur la rive opposée, les canons ennemis lui montraient leurs gueules meurtrières. Si, cependant, son audace venait à bout de ce passage, presque impossible à travers la fureur des flots et du feu, un ennemi frais et courageux attendait, dans un camp inexpugnable, des troupes harassées; et, soupirant après le repos, elles trouvaient une bataille. Avec des forces épuisées, il leur faut escalader les lignes ennemies, dont la solidité semble défier toute attaque. Une défaite, essuyée sur cette rive, les entraîne à une perte inévitable, car la même rivière, qui leur fait obstacle sur le chemin de la victoire, leur ferme toute retraite, si la fortune les abandonne.

 

Le conseil de guerre, assemblé en ce moment par Gustave-Adolphe, fit valoir toute l'importance de ces motifs, pour empêcher l'exécution d'une si périlleuse entreprise. Les plus braves reculaient, et un groupe respectable de guerriers vieillis au service ne rougit point d'avouer ses inquiétudes; mais la résolution du roi était prise. «Comment! dit-il à Gustave Horn, qui portait la parole pour les autres, nous aurions franchi la Baltique et tant de grands fleuves d'Allemagne, et, devant un ruisseau, devant ce Lech que voilà, nous renoncerions à notre entreprise?» Dans une reconnaissance du pays, qu'il avait faite en exposant plusieurs fois sa vie, il avait découvert que la rive en deçà du Lech dominait l'autre sensiblement et favorisait l'effet de l'artillerie suédoise, au préjudice de celle de Tilly. Il sut profiter de cette circonstance avec une prompte habileté. Il fit dresser, sans délai, à la place où la rive gauche du Lech se courbait vers la droite, trois batteries, d'où soixante-douze pièces de campagne entretinrent un feu croisé contre l'ennemi. Tandis que cette furieuse canonnade éloignait les Bavarois de la rive opposée, le roi fit jeter en toute hâte un pont sur le Lech; une épaisse fumée, produite par un feu de bois et de paille mouillée, sans cesse entretenu, déroba longtemps aux yeux des ennemis les progrès de l'ouvrage, tandis que le tonnerre presque continuel de l'artillerie empêchait en même temps d'entendre le bruit des haches. Gustave-Adolphe excitait lui-même l'ardeur des troupes par son exemple, et mit, de sa propre main, le feu à plus de soixante canons. Les Bavarois répondirent, pendant deux heures, à cette canonnade, avec la même vivacité, mais non avec le même succès, parce que les batteries des Suédois s'avançaient de manière à dominer l'autre bord, et que l'élévation de celui qu'ils occupaient leur servait de parapet contre l'artillerie ennemie. Vainement, de la rive, les Bavarois s'efforcèrent de détruire les ouvrages des Suédois: l'artillerie supérieure de ceux-ci les repoussa, et ils furent réduits à voir le pont s'achever presque sous leurs yeux. Dans ce jour terrible, Tilly fit les plus grands efforts pour enflammer le courage des siens: le plus menaçant danger ne put l'éloigner de la rive. Enfin il trouva la mort qu'il cherchait. Une balle de fauconneau lui fracassa la jambe, et bientôt après, Altringer, son compagnon d'armes et son égal en courage, fut blessé dangereusement à la tête. Les Bavarois, n'étant plus animés par la présence de ces deux chefs, plièrent enfin, et Maximilien lui-même fut entraîné, contre son gré, à une résolution pusillanime. Vaincu par les représentations de Tilly mourant, dont la fermeté accoutumée fléchissait aux approches du moment suprême, il abandonna précipitamment son poste inexpugnable, et un gué, découvert par les Suédois, où leur cavalerie était sur le point de tenter le passage, hâta sa timide retraite. Il leva son camp, dès la même nuit, avant qu'un seul soldat ennemi eût passé le Lech; et, sans laisser au roi le temps de l'inquiéter dans sa marche, il se retira dans le meilleur ordre à Neubourg et à Ingolstadt. Gustave-Adolphe, qui effectua le passage le lendemain, vit avec surprise le camp ennemi évacué, et la fuite de l'électeur excita plus encore son étonnement lorsqu'il reconnut la force du camp abandonné. «Si j'eusse été le Bavarois, s'écria-t-il stupéfait, jamais, quand même un boulet m'aurait emporté la barbe et le menton, jamais je n'eusse abandonné un poste comme celui-là, et livré à l'ennemi l'entrée de mes États.»

La Bavière était donc maintenant ouverte au vainqueur, et le flot de la guerre, qui n'avait encore exercé ses fureurs qu'aux frontières de cette contrée, se précipita, pour la première fois, sur ses fertiles plaines, longtemps épargnées. Mais, avant de hasarder la conquête d'un pays qui lui était hostile, Gustave arracha d'abord la ville impériale d'Augsbourg au joug bavarois, reçut le serment des bourgeois, et s'assura de leur fidélité en y laissant une garnison. Ensuite, il s'avança vers Ingolstadt à marches forcées, voulant, par la prise de cette forteresse importante, que l'électeur couvrait avec une grande partie de son armée, assurer ses conquêtes en Bavière et s'établir sur le Danube.

Peu de temps après l'arrivée du roi devant Ingolstadt, Tilly, blessé, termina sa carrière dans les murs de cette ville, après avoir éprouvé tous les caprices de la fortune infidèle. Écrasé par le génie supérieur de Gustave-Adolphe, ce général vit, au déclin de ses jours, se flétrir tous les lauriers de ses anciennes victoires, et, par une suite d'adversités, il satisfit la justice du sort et les mânes irrités de Magdebourg. En lui, l'armée de l'empereur et de la Ligue perdit un chef qui ne se pouvait remplacer, la religion catholique son plus zélé défenseur, et Maximilien de Bavière son serviteur le plus fidèle, qui scella de son sang sa fidélité, et remplit même encore en mourant les devoirs de général. Son dernier legs à l'électeur fut le conseil d'occuper Ratisbonne, afin de rester maître du Danube et de conserver ses communications avec la Bohême.

Avec la confiance qui est le fruit ordinaire d'une telle suite de victoires, Gustave-Adolphe entreprit le siége d'Ingolstadt, dont il espérait vaincre la résistance par l'impétuosité de la première attaque. Mais la force des ouvrages et la bravoure de la garnison lui opposèrent des obstacles qu'il n'avait pas eu à combattre depuis la victoire de Breitenfeld, et peu s'en fallut que les remparts d'Ingolstadt ne devinssent le terme de ses exploits. Comme il faisait la reconnaissance de la place, un boulet de vingt-quatre, qui tua son cheval sous lui, le jeta par terre, et, un instant après, son favori, le jeune Margrave de Bade, fut emporté à ses côtés par un autre boulet. Le roi se releva sur-le-champ avec sang-froid et rassura ses soldats, effrayés, en continuant aussitôt son chemin sur un autre cheval.

Les Bavarois avaient pris possession de la ville impériale de Ratisbonne, que l'électeur avait surprise, suivant le conseil de Tilly, et qu'il tenait enchaînée par une forte garnison. Cet événement changea soudain le plan de guerre du roi. Il s'était flatté lui-même de l'espérance d'occuper cette ville, attachée au protestantisme, et de trouver en elle une alliée non moins dévouée que Nuremberg, Augsbourg et Francfort. La prise de Ratisbonne par les Bavarois éloigna pour longtemps l'accomplissement de son principal désir, qui était de s'emparer du Danube, afin de couper à son adversaire tout secours de la Bohême. Il quitta promptement les murs d'Ingolstadt, devant lesquels il prodiguait inutilement son temps et ses soldats, et pénétra dans l'intérieur de la Bavière, afin d'y attirer l'électeur pour la protection de ses États et de dégarnir les rives du Danube de leurs défenseurs.

Tout le pays jusqu'à Munich était ouvert au conquérant. Moosbourg, Landshut, tout l'évêché de Freisingen se soumirent à lui: rien ne pouvait résister à ses armes. Mais, quoiqu'il ne trouvât point sur son chemin de troupes régulières, il avait à combattre dans le cœur de chaque Bavarois un implacable ennemi, le fanatisme religieux. Des soldats qui ne croyaient pas au pape étaient dans ce pays une apparition nouvelle, inouïe; le zèle aveugle des prêtres les avait représentés au paysan comme des monstres, des fils de l'enfer, et leur chef comme l'Antechrist. Il n'est pas étonnant qu'on s'affranchît de tous les devoirs de la nature et de l'humanité envers cette couvée de Satan, et qu'on se crût autorisé aux plus effroyables attentats. Malheur au soldat suédois qui tombait seul dans les mains d'une troupe de ces sauvages! Toutes les tortures que peut imaginer la rage la plus raffinée étaient exercées sur ces malheureuses victimes, et la vue de leurs corps mutilés provoquait l'armée à d'affreuses représailles. Gustave-Adolphe lui seul ne souilla par aucun acte de vengeance son caractère héroïque: la mauvaise opinion que les Bavarois avaient de son christianisme était loin de le délier, envers ce malheureux peuple, des préceptes de l'humanité; elle lui faisait, au contraire, un devoir plus sacré d'honorer sa croyance par une modération plus scrupuleuse encore.

L'approche du roi répandit le trouble et l'épouvante dans la capitale, qui, dépourvue de défenseurs et abandonnée par les principaux habitants, ne chercha son salut que dans la magnanimité du vainqueur. Elle espérait apaiser son courroux par une soumission absolue et volontaire, et envoya des députés au-devant de lui jusqu'à Freisingen, pour déposer à ses pieds les clefs de la ville. Si vivement que le roi fût excité par l'inhumanité des Bavarois et la haine de leur souverain à faire un usage cruel de son droit de conquête; si instamment qu'il fût sollicité, même par des Allemands, de faire expier le malheur de Magdebourg à la capitale de son destructeur, son grand cœur dédaigna néanmoins cette basse vengeance: l'impuissance de l'ennemi désarma sa colère. Satisfait d'un triomphe plus noble, de la joie de conduire, avec la pompe d'un vainqueur, le comte palatin, Frédéric V, dans la résidence du prince qui était le principal artisan de sa chute et le ravisseur de ses États, il releva la magnificence de son entrée par l'éclat plus beau de la modération et de la douceur.

Le roi ne trouva dans Munich qu'un palais abandonné: on avait emporté à Werfen les trésors de l'électeur. La magnificence du château électoral le jeta dans l'étonnement, et il demanda au gardien qui lui montrait les appartements le nom de l'architecte. «Il n'y en a pas d'autre, répondit-il, que l'électeur lui-même. – Je voudrais l'avoir, cet architecte, répliqua le roi, pour l'envoyer à Stockholm. – C'est de quoi l'architecte saura se garder,» repartit le gardien. Lorsqu'on visita l'arsenal, il ne s'y trouva que des affûts, dépourvus de leurs pièces. On avait enfoui si soigneusement les canons dans la terre, qu'il n'en paraissait aucune trace, et, sans la trahison d'un ouvrier, on n'aurait jamais découvert l'artifice. «Ressuscitez des morts, s'écria le roi, et paraissez au jugement!» On fouilla la terre, et l'on découvrit environ cent quarante pièces, plusieurs d'une grandeur extraordinaire, et la plupart enlevées en Bohême et dans le Palatinat. Une somme de trente mille ducats d'or, qui était cachée dans une des plus grandes, compléta la joyeuse surprise que fit au roi cette précieuse découverte.

Mais ce qu'il eût bien mieux aimé voir paraître, c'était l'armée bavaroise elle-même, qu'il avait voulu attirer hors de ses retranchements en pénétrant au cœur de la Bavière. Le roi se vit trompé dans cet espoir. Aucun ennemi ne se montra; les plus pressantes sollicitations de ses sujets ne purent décider l'électeur à mettre au hasard d'une bataille le dernier reste de ses forces. Enfermé dans Ratisbonne, il languissait dans l'attente des secours que le duc de Friedland lui devait amener de Bohême, et, jusqu'à l'arrivée des auxiliaires espérés, il essayait provisoirement d'enchaîner l'activité de son ennemi en renouvelant les négociations de neutralité. Mais la défiance du roi, trop souvent excitée, déjoua cette manœuvre, et les retards calculés de Wallenstein laissèrent sur l'entrefaite la Bavière en proie aux Suédois.

C'était jusqu'à cette contrée lointaine que Gustave-Adolphe s'était avancé de victoire en victoire, de conquête en conquête, sans trouver sur sa route un ennemi capable de lutter contre lui. Une partie de la Bavière et de la Souabe, les évêchés de Franconie, le bas Palatinat, l'archevêché de Mayence, restaient subjugués derrière lui: un bonheur non interrompu l'avait accompagné jusqu'au seuil de la monarchie autrichienne; et un brillant succès avait justifié le plan d'opérations qu'il s'était tracé après la victoire de Breitenfeld. S'il n'avait pas réussi d'abord, comme il le désirait, à opérer entre les membres protestants de l'Empire la réunion qu'il avait espérée, il avait du moins désarmé ou affaibli les membres de la Ligue catholique; il avait fait la guerre en très-grande partie à leurs frais; il avait diminué les ressources de l'empereur, fortifié le courage des États faibles, et trouvé le chemin de l'Autriche à travers les provinces des alliés de Ferdinand, qu'il avait mises à contribution. Lorsqu'il ne pouvait imposer l'obéissance par la force des armes, l'amitié des villes impériales, qu'il avait su s'attacher par le double lien de la politique et de la religion, lui rendait les plus importants services, et, aussi longtemps que ses armes conservaient leur supériorité, il pouvait tout attendre de leur zèle. Par ses conquêtes sur le Rhin, les Espagnols étaient séparés du bas Palatinat, à supposer que la guerre néerlandaise leur laissât des forces pour prendre part à celle d'Allemagne; le duc de Lorraine, après sa malheureuse campagne, avait préféré le parti de la neutralité. Tant de garnisons, laissées par Gustave-Adolphe sur son passage en Allemagne, n'avaient point diminué son armée; et, aussi vigoureuse qu'au début de l'expédition, elle se trouvait maintenant au centre de la Bavière, prête et résolue à porter la guerre dans l'intérieur de l'Autriche.

 

Tandis que le roi faisait la guerre dans l'Empire avec une si grande supériorité, la fortune n'avait pas moins favorisé, sur un autre théâtre, son allié, l'électeur de Saxe. On se souvient que, dans la conférence qui fut tenue à Halle, entre les deux princes, après la bataille de Leipzig, la conquête de la Bohême échut en partage à l'électeur, tandis que le roi se réserva de marcher contre les États de la Ligue. Le premier fruit que Jean-Georges recueillit de la victoire de Breitenfeld fut la reprise de Leipzig, que suivit en peu de temps l'expulsion des garnisons impériales de tout le cercle. Renforcé par les soldats de ces garnisons, qui passèrent de son côté, le général saxon d'Arnheim dirigea sa marche vers la Lusace, qu'un général impérial, Rodolphe de Tiefenbach, avait inondée de ses troupes, pour punir l'électeur de s'être rangé du parti de l'ennemi. Il avait déjà commencé, dans cette province mal défendue, les dévastations accoutumées, conquis plusieurs villes et effrayé Dresde même par son approche menaçante; mais ces progrès rapides furent arrêtés subitement, par un ordre formel et réitéré de l'empereur, d'épargner à toutes les possessions saxonnes les maux de la guerre.

Ferdinand reconnaissait trop tard qu'il s'était laissé égarer par une fausse politique en poussant à bout l'électeur de Saxe et en amenant de force, pour ainsi dire, au roi de Suède cet important allié. Le mal qu'il avait fait par une fierté inopportune, il voulait le réparer maintenant par une modération tout aussi maladroite, et il fit une nouvelle faute, en voulant corriger la première. Pour enlever à son ennemi un si puissant allié, il renouvela, par l'entremise des Espagnols, ses négociations avec l'électeur, et, afin d'en rendre le succès plus facile, Tiefenbach eut l'ordre d'évacuer sur-le-champ toutes les provinces de Saxe. Mais cette louable démarche de l'empereur, bien loin de produire l'effet espéré, ne fit que révéler à l'électeur l'embarras de son ennemi et de sa propre importance, et l'encouragea même à poursuivre d'autant plus vivement les avantages qu'il avait remportés. D'ailleurs, comment eût-il pu, sans se déshonorer par la plus honteuse ingratitude, abandonner un allié auquel il avait donné les assurances les plus sacrées de sa fidélité, auquel il devait la conservation de ses États et même de sa couronne électorale?

L'armée saxonne, dispensée de marcher en Lusace, prit donc le chemin de la Bohême, où un concours de circonstances favorables semblait lui assurer d'avance la victoire. Le feu de la discorde couvait encore sous la cendre dans ce royaume, premier théâtre de cette funeste guerre, et le poids incessant de la tyrannie donnait chaque jour au mécontentement de la nation un nouvel aliment. De quelque côté que l'on portât les yeux, on voyait dans ce malheureux pays les traces du plus déplorable changement. Des cantons entiers avaient reçu de nouveaux propriétaires, et gémissaient sous le joug détesté de seigneurs catholiques, que la faveur de l'empereur et des jésuites avait revêtus de la dépouille des protestants bannis. D'autres avaient profité de la misère publique pour acheter à vil prix les biens confisqués des proscrits. Le sang des plus nobles défenseurs de la liberté avait coulé sur les échafauds, et ceux qui avaient échappé à la mort par une prompte fuite erraient dans la misère loin de leur patrie, tandis que les souples esclaves de la tyrannie dissipaient en débauches leurs héritages. Mais le joug de ces petits despotes était moins insupportable que l'asservissement des consciences, qui pesait sans distinction sur tout le parti protestant de ce royaume. Nul danger extérieur, nulle résistance nationale, si sérieuse qu'elle fût, nulle expérience, même la plus décourageante, n'avait pu mettre de bornes au prosélytisme des jésuites. Si les voies de la douceur ne produisaient rien, on recourait aux soldats, pour ramener au bercail les brebis égarées. Ceux qui eurent le plus à souffrir de ces violences furent les habitants du Joachimsthal, dans les montagnes frontières entre la Bohême et la Misnie. Deux commissaires impériaux, soutenus de deux jésuites et de quinze mousquetaires, parurent dans cette paisible vallée, pour prêcher l'Évangile aux hérétiques. Si l'éloquence des jésuites ne suffisait pas, on tâchait d'atteindre son but en logeant de force les mousquetaires dans les maisons et en recourant aux menaces de bannissement et aux amendes. Mais cette fois la bonne cause triompha, et la courageuse résistance de cette peuplade força l'empereur de retirer honteusement son mandat de conversion. L'exemple de la cour servit de règle de conduite aux catholiques du royaume et justifia tous les genres d'oppression que, dans leur arrogance, ils étaient tentés d'exercer contre les protestants. Il ne faut pas s'étonner que ce parti, cruellement poursuivi, fût favorable à un changement, et qu'il portât ses regards avec impatience vers son libérateur, qui se montrait alors à la frontière.

Déjà l'armée saxonne était en marche sur Prague. Toutes les places devant lesquelles elle paraissait avaient été abandonnées par les garnisons impériales. Schlœckenau, Tetschen, Aussig, Leutmeritz, tombèrent rapidement, l'une après l'autre, au pouvoir de l'ennemi; chaque ville ou village catholique était livré au pillage. L'effroi saisit tous les catholiques du royaume, et, se souvenant des traitements qu'ils avaient fait subir aux évangéliques, ils ne se hasardaient pas à attendre l'arrivée vengeresse d'une armée protestante. Tout ce qui était catholique, et avait quelque chose à perdre, fuyait de la campagne dans la capitale, pour quitter ensuite la capitale elle-même, tout aussi promptement. Prague même n'était nullement préparée à repousser une attaque, et se trouvait trop dépourvue de troupes pour être en état de soutenir un long siége. On avait résolu trop tard à la cour impériale d'appeler le feld-maréchal Tiefenbach au secours de cette capitale. Avant que l'ordre impérial eût atteint les quartiers de ce général, en Silésie, les Saxons étaient déjà près de Prague; la bourgeoisie, à demi protestante, promettait peu de zèle, et la faible garnison ne laissait pas espérer une longue résistance. Dans cette affreuse extrémité, les habitants catholiques attendaient leur salut de Wallenstein, qui vivait à Prague en simple particulier. Mais, bien éloigné d'employer pour la défense de la ville son expérience militaire et le poids de son autorité, il saisit au contraire le moment favorable pour satisfaire sa vengeance. Si ce ne fut pas lui qui attira les Saxons à Prague, du moins ce fut certainement sa conduite qui leur facilita la prise de cette ville. Si peu en mesure qu'elle fût d'opposer une longue résistance, elle ne manquait pourtant pas de moyens de se maintenir jusqu'à l'arrivée d'un secours; et un colonel impérial, le comte Maradas, témoigna effectivement le désir d'entreprendre la défense; mais, étant sans commandement, et poussé uniquement par son zèle et son courage à cette action hardie, il n'osait pas se mettre à l'œuvre à ses propres risques, sans l'assentiment d'un supérieur. En conséquence, il demanda conseil au duc de Friedland, dont l'approbation tenait lieu d'une commission impériale, et à qui un ordre exprès de la cour adressait la généralité de Bohême dans cette extrémité. Mais Wallenstein prétexta artificieusement son éloignement de tout emploi et son absolue retraite de la scène politique, et il abattit la fermeté du subalterne par les scrupules que lui, l'homme puissant, laissa paraître. Afin de rendre le découragement général et complet, il quitta même enfin la ville, avec toute sa cour, quoiqu'il eût fort peu de chose à craindre de l'ennemi à la prise de la place, et elle fut perdue précisément parce qu'il marqua par sa retraite qu'il désespérait d'elle. Son exemple fut suivi par toute la noblesse catholique, par la généralité avec les troupes, par le clergé et tous les officiers de la couronne. On employa toute la nuit à sauver les personnes et les biens. Tous les chemins jusqu'à Vienne étaient remplis de fuyards, qui ne revinrent de leur frayeur que dans la résidence impériale. Maradas lui-même, désespérant du salut de Prague, suivit la foule et conduisit sa petite troupe jusqu'à Thabor, où il voulut attendre l'événement.

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