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Ma confession

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2° Je comprenais que toutes nos réflexions tournaient dans un cercle magique, comme une roue qui ne s'engrène pas aux autres rouages. Nous avions beau raisonner et méditer, nous ne pouvions pas recevoir de réponse à la question, car toujours 0 égale 0; c'est là probablement la raison pour laquelle notre chemin n'était pas le bon.

3° Je commençais à comprendre que, dans les réponses données par la foi, gisait une profonde sagesse humaine, que je n'avais pas le droit de nier ces réponses, en me basant sur la raison, et qu'enfin ces réponses capitales étaient les seules qui répondissent à la question de la vie.

X

Je comprenais cela, mais cela ne me soulageait pas.

J'étais prêt à recevoir maintenant toute croyance, à la condition qu'elle n'exigerait pas de moi la négation directe de la raison, ce qui aurait été un mensonge. Et j'étudiai le bouddhisme et le mahométisme, d'après leurs livres, et surtout le christianisme par les livres aussi bien que par les hommes vivants qui m'entouraient.

Je m'adressai naturellement aux hommes croyants de mon entourage et surtout aux personnes instruites, aux théologiens grecs du nouveau mode et même aux nouveaux chrétiens, ceux qui confessent le salut par la croyance à la Rédemption. Et je m'attachai à ces croyants et je leur demandai comment ils croyaient et en quoi ils voyaient le sens de la vie.

Malgré toutes les concessions possibles que je faisais, toutes les discussions que j'évitais, je ne pus partager la foi de ces gens, – je voyais que ce qu'ils faisaient passer pourla foi, n'était pas l'explication, mais l'obscurcissement du sens de la vie, et qu'eux-mêmes n'affirmaient pas la foi pour répondre à cette question de la vie qui m'avait amené à la foi; s'ils croyaient, c'était dans un but qui m'était étranger.

Je me rappelle le douloureux sentiment de terreur que j'éprouvai à la suite de mes rapports avec ces personnes, la terreur de retourner au désespoir après l'espérance que j'avais eue.

Plus ils m'exposaient en détail leur enseignement de la foi, plus clairement je voyais leur erreur et plus je sentais se perdre mon espoir de trouver dans leur foi une explication au sens de la vie.

Ce n'est pas que dans l'exposition de leur enseignement ils aient ajouté beaucoup de choses inutiles aux vérités chrétiennes qui m'ont toujours été chères. Ce n'était pas cela qui me repoussait; mais c'était la vie de ces hommes, laquelle était semblable à la mienne, avec cette différence qu'elle ne correspondait pas à ces mêmes principes qu'ils développaient dans leur enseignement.

Je sentais clairement qu'ils se trompaient eux-mêmes et qu'eux, comme moi, ne voyaient pas d'autre sens à la vie que celui de vivre tant que plus et d'en jouir aussi bien que possible.

Je voyais cela, parce que, s'ils avaient donné une autre signification à la vie, signification qui détruit la peur des privations, des souffrances et de la mort, ils n'auraient pas eu précisément si grande peur de ces accidents. Car ces croyants de notre monde, qui vivaient, comme moi, dans l'aisance et le superflu en s'efforçant de l'augmenter et de le conserver, avaient peur des privations, des souffrances, de la mort, tandis que, comme moi et comme nous tous, ils vivaient dans l'incrédulité, satisfaisaient leurs désirs, bref vivaient tout aussi mal, sinon plus mal encore que les incrédules.

Aucun raisonnement ne put me convaincre de la vérité de leur foi. Si par leurs actions ils m'avaient démontré qu'ils possédaient le sens de la vie sans que la misère, la maladie et la mort, dont j'avais peur, les effrayassent, ils auraient pu me convaincre. Mais je ne vis pas d'actions conformes à cette supposition dans la variété des croyants de notre monde.

Au contraire, je voyais ces actions-là chez les hommes de notre monde les plus incrédules, jamais parmi ceux qu'on nommait les croyants.

Je compris que la foi de ces gens n'était pas la foi que je cherchais; que leur foi n'était pas une foi, mais rien qu'une des consolations épicuriennes de la vie.

Je compris que cette foi était bonne peut-être, sinon comme consolation, du moins comme distraction pour un Salomon se repentant sur son lit de mort; mais elle ne saurait convenir à l'énorme majorité des hommes qui ne sont pas destinés à s'amuser et à profiter des travaux des autres, mais qui sont voués à contribuer à leur vie.

Pour que toute l'humanité puisse vivre, pour qu'elle continue la vie, en lui donnant un sens – eux, ces milliards d'humains doivent connaître une autre et réelle signification de la foi.

Ce n'est pas parce que ni moi, ni Salomon, ni Schopenhauer nous ne nous tuons pas, ce n'est pas cela qui peut me convaincre de l'existence de la foi; niais c'est que ces milliards de créatures vivaient et vivent, et qu'ils nous avaient entraînés avec les Salomons sur l'océan de la vie.

Je commençai alors à me rapprocher des croyants parmi le peuple, hommes simples et ignorants, pauvres pèlerins, moines, sectaires, paysans.

La foi de ces gens était aussi la foi chrétienne, c'était le même enseignement que celui des croyants imaginaires de notre cercle. Bien des superstitions étaient aussi mêlées aux vérités chrétiennes, mais avec cette différence que les superstitions des croyants de notre monde ne leur étaient pas du tout nécessaires, ne répondaient pas à leur vie, qu'ils n'étaient en un mot que des amusements épicuriens d'un certain genre, tandis que les superstitions chez les croyants du peuple des travailleurs étaient jusqu'à un certain point si étroitement unies à leur vie, qu'on ne pouvait pas s'imaginer leur vie sans ces superstitions. Elles étaient une condition indispensable de cette vie.

Toute la vie des croyants de notre monde était en contradiction avec leur foi, et toute la vie des hommes croyants et travailleurs était une confirmation de ce sens de la vie que donnait la connaissance de la foi.

Je me mis donc à examiner la vie de ces gens, et plus je l'examinai, plus je me convainquis qu'ils avaient une véritable foi, que leur foi leur était nécessaire, et que c'était elle seule qui leur donnait le sens et la possibilité de la vie.

Par opposition à ce que je voyais dans notre cercle, où la vie sans foi est possible et où je doute que sur mille un seul s'avoue croyant, je pense que dans le peuple il n'y a pas un seul incrédule sur plusieurs milliers de croyants. Au rebours de ce que je voyais dans notre cercle où toute la vie s'écoule dans l'oisiveté, dans les amusements et dans le mécontentement de la vie, je voyais que toute la vie de ces hommes se passait dans un dur labeur et ils étaient contents de la vie.

Contrairement aux hommes de notre monde qui protestaient contre le destin et s'indignaient de ces rigueurs, ces gens recevaient les maladies et les chagrins, sans aucune révolte, sans opposition, mais avec une confiance ferme et tranquille en ce que tout cela devait être ainsi, ne pouvait être autrement et que tout cela était bien.

Plus nous vivons par l'esprit, moins nous comprenons le sens de la vie; nous ne voyons qu'une méchante plaisanterie dans les souffrances et la mort, tandis que ces gens vivent, souffrent et approchent de la mort avec tranquillité et le plus souvent avec joie.

Si une mort tranquille, sans terreur ni désespoir, est une exception des plus rares dans notre monde, la mort avec révolte ou désolation est une exception fort rare dans le peuple.

Et il y a des masses énormes d'hommes qui sont heureux du plus grand bonheur, bien qu'ils soient privés de tout ce qui pour nous, selon Salomon, est le seul bien de la vie.

Je regardai autour de moi dans un rayon plus étendu.

J'examinai la vie des masses d'hommes passés et celle de mes contemporains. Et je vis que ceux qui avaient compris le sens de la vie et qui savaient vivre et mourir n'étaient pas au nombre de deux, trois, dix, mais qu'ils étaient des centaines, de milliers, des millions.

Et tous, infiniment divers par leur caractère, leur intelligence, leur éducation, leur position, tous connaissaient le sens de la vie et de la mort de la même manière, manière tout opposée à mon ignorance.

Ils travaillaient tranquillement, enduraient les privations et les souffrances, vivaient et mouraient, et dans tout cela voyaient le bien, sans voir la vanité.

Et j'aimai ces gens.

Plus j'approfondissais leur vie, aussi bien celle des vivants que celle des morts, soit que je la connusse par ce que je lisais ou par ce que j'en entendais dire, plus je les aimais et plus il me devenait possible de vivre aussi.

Je vécus ainsi deux années à peu près pendant lesquelles il se fit en moi un changement, qui se préparait depuis longtemps et pour lequel j'avais toujours eu des dispositions.

Il m'arriva, que non seulement la vie de notre monde – des savants, des riches, me dégoûta, mais aussi qu'elle perdit tout sens à mes yeux.

Toutes nos actions, nos délibérations, nos sciences, nos arts, tout m'apparut avec une nouvelle signification.

Je compris que toutes ces choses étaient de charmants passe-temps, mais qu'on ne pouvait y chercher du sens profond, tandis que la vie de tout le peuple qui travaille, la vie de toute l'humanité qui contribue à l'existence, m'apparut dans sa véritable acception.

Je compris que c'est là véritablement la vie, que le sens qu'on donne à cette vie est la vérité et je l'acceptai.

XI

Je me rappelais combien ces mêmes croyances m'avaient repoussé et m'avaient paru absurdes, lorsqu'elles étaient confessées par des gens qui vivaient contrairement à ces croyances, et comme elles m'attirèrent et me parurent raisonnables lorsque je vis que les hommes établissaient leur vie sur elles.

Je compris pourquoi j'avais rejeté alors ces croyances et pourquoi je les avais trouvées absurdes, tandis que maintenant elles me semblaient pleines de raison.

 

Je compris mon égarement et la manière dont il s'était produit. Je m'étais égaré, non pas pour avoir jugé faussement, mais pour avoir mal vécu.

Je compris que la vérité m'avait été cachée, non pas tant par l'erreur de mes pensées que par celle de ma propre vie qui s'était écoulée à satisfaire mes désirs, à suivre mon penchant épicurien.

Je compris que la question de ce qu'était ma vie et la réponse: le mal, – étaient parfaitement correctes.

Ce qui n'était pas correct, c'était que la réponse qui ne s'adressait qu'à moi, je l'avais attribuée à la vie en général. Je me demandais ce qu'était ma vie et je recevais pour réponse: un mal et un non-sens. Et vraiment ma vie – vie d'hypocrisie, de concupiscence, était absurde et méchante et c'est pourquoi la réponse: «la vie est méchante et absurde», – ne se rapportait qu'à ma vie seule et non pas à la vie humaine en général.

Je compris cette vérité, trouvée plus tard dans l'Evangile, que les hommes préférèrent l'obscurité à la lumière quand leurs actions furent mauvaises. Celui qui fait de mauvaises actions déteste la lumière et ne marche pas dans la lumière pour ne pas dénoncer ses actions.

Je compris que, pour saisir le sens de la vie, il fallait avant tout que la vie ne fût pas absurde, ni méchante, et que l'intelligence ne devait venir qu'après.

Je compris pourquoi j'avais tourné si longtemps autour d'une vérité si évidente, et que, si je voulais penser et parler de la vie de l'humanité, je devais envisager l'humanité en général et non quelques parasites de la vie. Cette vérité a toujours été aussi incontestable que 2 et 2 font 4; mais je ne la reconnaissais pas, puisqu'en reconnaissant que 2 et 2 font 4, j'aurais dû reconnaître aussi que j'étais un méchant.

Or il était d'une nécessité plus absolue pour moi de me trouver bon, que de reconnaître que 2 et 2 font 4, car j'aimais les hommes bons.

Je me détestai donc et je reconnus la vérité.

A partir de ce moment tout devint clair pour moi.

Eh quoi! si le bourreau qui passe sa vie à martyriser et à couper les têtes, si un ivrogne, si un fou confiné pour toute sa vie dans un sombre et triste cabanon dont il s'imagine ne pouvoir sortir que par la mort, si de telles gens se demandent ce qu'est la vie, ils ne pourront évidemment pas se faire d'autre réponse que celle-ci: «la vie est un immense mal» et cette réponse du fou ou du bourreau serait parfaitement correcte, mais rien que pour eux.

Suis-je donc semblable à ce fou?

Et nous tous, hommes riches et oisifs, sommes-nous donc des fous aussi?..

Et je compris que nous sommes vraiment des fous: moi, sûrement, j'en étais un.

L'oiseau existe pour voler, amasser sa nourriture, bâtir son nid; et, lorsque je le vois occupé de ces soins, je me réjouis avec lui.

La chèvre, le lièvre, le loup existent pour se nourrir, se multiplier, élever leur famille, et lorsqu'ils font cela, je suis sûr qu'ils sont heureux et que leur vie est raisonnable.

Que doit donc faire l'homme?

Il doit, comme les animaux, se préoccuper des besoins matériels de la vie, avec cette différence qu'il ne doit pas travailler pour lui seul, mais étendre l'influence de son travail sur ses semblables. Et lorsqu'il fait cela, je crois fermement qu'il est heureux et que sa vie est raisonnable.

Qu'avais-je donc fait pendant toute ma vie – pendant trente ans?

Non seulement je n'avais rien fait pour les autres, mais je n'avais rien produit pour moi-même. Je vivais en parasite, et m'étant demandé pourquoi je vivais, je recevais en réponse: pour rien. Si le sens de la vie humaine est dans la participation à la vie commune, comment donc moi, qui m'étais occupé pendant trente ans à la détruire en moi et chez les autres, comment pouvais-je recevoir une autre réponse que celle que ma vie était un non-sens et un mal?

C'est qu'elle était réellement absurde et méchante.

Dans l'univers tout arrive par la volonté de «quelqu'un», qui fait servir nos vies à la réalisation d'un but qui nous est inconnu. Pour avoir l'espoir de comprendre le sens de cette volonté, il faut avant tout l'exécuter, faire ce qu'on exige de nous. Si je me refuse à ce qu'on attend de moi, je ne comprendrai jamais ce qu'on me demande, et encore moins ce qu'on veut obtenir de tous et de tout le monde.

Je suppose que l'on prenne un mendiant nu et affamé, qu'on l'amène à une place où s'élève un magnifique bâtiment.

Après l'avoir nourri et vêtu, on lui fait mouvoir de haut en bas une tige de bois qu'on lui désigne.

Avant de chercher pourquoi on l'a recueilli, nourri, vêtu; avant d'examiner si le bâtiment est beau et bien construit, le mendiant devra agiter ce bâton. Il comprendra alors que ce mouvement fait monter dans la pompe l'eau qui se répandra ensuite dans les jardins et rafraîchira les parterres.

Une autre occupation suivra celle-ci: il sera chargé de récolter les fruits et prendra sa part de la joie de son maître si la'récolte est bonne.

Passant ainsi d'un travail bas à un autre plus élevé, il comprendra de mieux en mieux tout l'arrangement de l'établissement et, en y prenant part, il ne pensera plus à demander pourquoi il est là; jamais aussi l'idée ne lui viendra d'adresser un reproche à son maître.

C'est ainsi que ceux qui font la volonté de leur maître ne lui reprochent rien, et ceux-là sont les hommes simples, travailleurs, ignorants, ce sont ceux-là enfin que nous estimons à l'égal des bestiaux.

Nous, les savants, nous mangeons tout ce qui appartient au maître; mais, quant à sa volonté, loin de faire ce qu'il attend de nous et d'agir, nous nous asseyons en rond et nous délibérons sur cette proposition:

– Pourquoi donc agiter le bras de la pompe?

– C'est stupide.

Et voilà tout ce que notre raisonnement a trouvé. Nous avons fini par décider que le maître est dépourvu de raison ou qu'il n'existe pas et que nous seuls possédons l'intelligence. Seulement, nous sentons que nous ne sommes bons à rien et qu'il faut d'une manière ou d'une autre nous débarrasser de nous-mêmes.

XII

La conscience que j'acquis de l'erreur dans laquelle était tombée ma raison m'aida à me délivrer de la tentation des méditations creuses. La conviction que la science de la vérité ne pouvait être trouvée que dans la vie m'avait porté à douter si ma manière de vivre était la bonne; mais je fus sauvé parce que j'eus le temps de m'arracher à cette situation exclusive où je me trouvais, parce que je pus voir la véritable vie du peuple travailleur et comprendre que là seulement était la véritable vie.

Je sentis que si je voulais comprendre la vie, je devais vivre, non pas de la vie du parasite, mais de la vie véritable.

Après avoir ainsi accepté le sens donné à la vie par la vraie humanité, dans laquelle je me confondais désormais, je devais aussi vérifier ce sens par moi-même.

En ce même temps, il m'arriva ce qui suit. Pendant toute la durée de cette année, lorsque je me demandais presque sans cesse comment finir, par une corde ou par une balle, pendant tout ce temps, à côté de ces mouvements d'idées et d'observations dont je viens de parler, mon cœur languissait d'un douloureux sentiment. Je ne puis appeler ce sentiment autrement que la recherche de Dieu.

Je dis que cette recherche de Dieu n'était pas un raisonnement, mais un sentiment, parce que cette recherche ne provenait pas du mouvement de mes idées, – elle leur était même directement contraire, – mais elle sortait du cœur. C'était comme un sentiment de crainte qui me faisait semblable à un orphelin et comme isolé au milieu de choses qui m'étaient étrangères; toutefois ce sentiment de crainte était mitigé par l'espoir de trouver l'assistance de quelqu'un.

Cependant, j'étais pleinement convaincu de l'impossibilité de prouver l'existence de Dieu.

J'avais compris avec Kant qu'on ne le peut.

Je cherchais Dieu quand même.

J'espérais le trouver et, par une vieille habitude, j'adressais pour m'y aider une prière à celui que je cherchais et ne trouvais pas.

Tantôt je répétais dans mon esprit les arguments de Kant et de Schopenhauer sur l'impossibilité de prouver l'existence de Dieu, tantôt je méditais ces arguments et les réfutais.

Je me disais:

– Si je suis, la cause de ce que je suis existe aussi, ainsi que la cause de toutes les causes. Et cette cause originale est ce qu'on appelle Dieu.

Je m'arrêtais sur cette pensée, et m'efforçais de concevoir la présence de cette cause. Du moment que je concevais qu'il y avait une force au pouvoir de laquelle je me trouvais, je sentais immédiatement la possibilité de vivre.

Mais je me demandais:

– Qu'est-ce donc que cette cause, cette force? Que dois-je penser d'elle, comment me comporter vis-à-vis de ce qu'on appelle Dieu?

Et ce n'était que des réponses connues qui me venaient dans la tête.

– Il est le Créateur, le dispensateur de tous les biens.

Ces réponses ne me contentaient pas et je sentais que ce dont j'avais besoin pour la vie, se perdait en moi. Je tombais dans la terreur et je commençais à prier celui que je cherchais, l'implorant de m'aider. Plus je le priais, plus il m'était évident qu'il ne m'entendait pas et qu'il n'y avait personne à qui l'on pût s'adresser.

Et, le désespoir au cœur de ce qu'il n'y eût pas de Dieu, je disais:

– Seigneur, pardonne-moi et sauve-moi! Seigneur, enseigne-moi, mon Dieu.

Mais personne ne me faisait cette grâce et je sentais que ma vie morale s'arrêtait.

Mais revenant sans cesse à ce problème, ma conscience me disait que je ne pouvais être au monde sans une raison, un sens ou une cause; que je ne pouvais être comme le pauvre oiseau tombé du nid, auquel cependant je me comparais.

Il est là couché sur le dos et criant dans les hautes herbes, appelant sa mère parce qu'il sait que sa mère l'a porté en elle, l'a couvé, l'a chauffé, l'a nourri, l'a aimé. Où est-elle donc, cette mère?

Et, si comme l'oiseau, je suis abandonné, qui donc m'a abandonné? Je ne puis me dissimuler que quelqu'un m'a fait naître en m'aimant?

Qui est donc ce quelqu'un?

Dieu encore.

Il sait et il voit ma perplexité, mon désespoir, ma lutte.

– Il est, me disais-je.

Et je n'avais qu'à reconnaître cela pour un moment et immédiatement la vie s'élevait en moi et je sentais la possibilité de vivre et la joie de l'existence. Mais de nouveau je passais de l'aveu de l'existence de Dieu à la relation qui devait exister entre lui et moi. Alors de nouveau ce Dieu se présentait à moi sous la forme de trois personnes; lui, le Créateur, il a envoyé son fils – le Rédempteur. Et ce Dieu en dehors du monde et de moi se fondait comme une glace, s'évanouissait à mes yeux et rien ne subsistait et, de nouveau, la source de ma vie se séchait; je retombais dans le désespoir et je sentais que je ne pouvais faire autre chose que me tuer. Ce qui était le pire de tout, c'est que je sentais que je ne pouvais pas même faire cela.

Bien des fois je passais ainsi d'un accès de joie et d'animation au désespoir et au sentiment de ne pouvoir vivre.

Je me rappelle qu'un jour de printemps précoce, j'étais seul dans la forêt, prêtant l'oreille à ses bruits mystérieux. J'écoutais et ma pensée se reportait comme toujours à ce qui l'occupait sans cesse depuis ces trois dernières années: la recherche de Dieu.

– C'est bien, il n'y a aucun Dieu qui ne soit une abstraction, au lieu d'être une réalité comme l'est toute ma vie. Et rien, aucun miracle ne peut me prouver qu'il en existe un semblable, parce que les miracles ne seront que dans mon imagination.

– Mais l'idée du Dieu dont je suis en quête? me demandais-je. D'où est donc née cette idée?

Et de nouveau s'élevèrent en moi, avec cette pensée, des aspirations joyeuses vers la vie. Tout en moi s'éveilla, reçut un sens. Mais ma joie ne se soutint pas longtemps.

L'esprit continuait son travail.

– L'idée de Dieu n'est pas Dieu, me disais-je. L'idée est ce qui se passe en moi, l'idée de Dieu est un sentiment que je puis réveiller ou non en moi. Ce n'est pas ce que je cherche. Je cherche ce sans quoi la vie n'aurait pu être.

Et de nouveau tout commença à mourir autour de moi et en moi et je voulus de nouveau me tuer.

Mais ici je rentrai en moi-même, réfléchissant à ce qui se passait en moi, et je me rappelai ces élans et ces découragements qui s'étaient succédé tant de fois en moi. Alors, comme maintenant, dès que je concevais Dieu, tout s'animait en moi; et si je l'oubliais, si je me refusais à croire en lui, la vie de mon âme s'arrêtait.

Qu'est-ce donc que ces sentiments si opposés?

Je ne vis donc pas lorsque je perds la foi en l'existence de Dieu; je me serais donc tué depuis longtemps, si je n'avais pas un vague espoir de le trouver. Je ne vis donc véritablement que lorsque je le cherche et le sens.

 

– Qu'est-ce que je cherche donc encore? – s'écriait une voix en moi. Le voilà donc: Lui – c'est ce sans quoi on ne peut pas vivre. Or, connaître Dieu et vivre, c'est la même chose. Dieu est donc la vie.

– Eh bien! Vis, cherche Dieu, et il n'y aura pas de vie sans Dieu.

Dès lors, mieux que jamais, tout s'éclaira en moi et autour de moi, et cette lumière ne m'abandonne plus.

J'étais sauvé du suicide.

Quand et comment se passa en moi ce changement? Je n'aurais pu le dire.

Aussi insensiblement et graduellement que s'était détruite en moi la force de la vie et que j'étais arrivé à l'impossibilité de vivre, à la nécessité du suicide, à l'agonie morale, tout aussi graduellement et imperceptiblement me revint cette force de la vie. Et, ce qu'il y a d'étrange, c'est que cette force de la vie qui me revenait, n'était pas nouvelle. Elle était cette force ancienne, qui m'avait entraîné autrefois et c'est avec un sentiment tout juvénile que je revenais à la foi, à cette volonté qui m'avait produit et qui voulait quelque chose de moi; je revenais à la croyance que le but principal et unique de ma vie était d'être meilleur, c'est-à-dire de vivre plus en accord avec cette volonté; je revenais à la conscience que l'expression de cette volonté, je pouvais la trouver dans le formulaire que l'humanité s'est créé en dehors de moi; c'est-à-dire je revenais à la croyance en Dieu, à l'amélioration morale et à la tradition qui transmet le sens de la vie.

La seule différence était qu'alors tout cela avait été reçu sans connaissance de cause, tandis que maintenant je savais que je ne pouvais pas vivre sans cela.

Il me semblait qu'un jour, je ne me rappelais pas quand, on avait dû me faire asseoir dans une barque; on m'avait repoussé de quelque rivage inconnu, en me désignant la direction à suivre pour arriver à l'autre bord; on avait mis les rames dans mes mains inexpérimentées et on m'avait laissé seul. Je ramais comme je pouvais et je voguais. Mais plus je flottais vers le milieu, plus s'accentuait le courant qui me portait hors de ma route et plus je rencontrais de navigateurs emportés comme moi par ce courant. Les uns étaient seuls et continuaient de ramer toujours; d'autres avaient jeté les rames; il y avait de grandes barques, d'énormes vaisseaux remplis de monde; les uns luttaient contre le courant, les autres s'y abandonnaient. Plus je flottais, en regardant au loin, dans la direction du torrent et en suivant de l'œil tous les navigateurs, plus je perdais la direction qui m'avait été donnée. Lorsque je fus juste au milieu du torrent, dans la passe étroite que laissaient les canots et les vaisseaux qui se précipitaient en bas, je perdis la direction si complètement, que moi aussi je jetai les rames.

De toutes parts, avec joie et allégresse, se précipitaient autour de moi des navigateurs dans des bateaux à voiles et à rames et tous m'assuraient et assuraient aux autres qu'il ne pouvait y avoir d'autre direction. Je les crus et je naviguai avec eux. Mais voilà que je fus emporté loin, si loin que j'entendis le bruit de la cataracte dans laquelle je devais aller me briser, et je vis des chaloupes qui y disparaissaient. Longtemps je ne pus comprendre ce qui m'était arrivé. Je voyais la ruine devant moi, je la redoutais et j'y courais. Je ne voyais nulle part de secours et je ne savais que faire; mais en me retournant en arrière, je vis une innombrable quantité de chaloupes qui luttaient contre le courant sans s'arrêter, sans perdre courage. Je me souvins de la rive qu'on m'avait montrée, de la direction qu'on m'avait indiquée et des rames qu'on m'avait mises entre les mains et je fis tous mes efforts pour sortir d'où j'étais en ramant en arrière, contre le courant et vers le rivage désigné.

Ce rivage c'était Dieu; la direction c'était la tradition; ces rames m'étaient données pour voguer librement vers le bord, pour m'unir à Dieu.

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