Бесплатно

Ma confession

Текст
0
Отзывы
iOSAndroidWindows Phone
Куда отправить ссылку на приложение?
Не закрывайте это окно, пока не введёте код в мобильном устройстве
ПовторитьСсылка отправлена
Отметить прочитанной
Шрифт:Меньше АаБольше Аа
PRÉFACE

La vive admiration que l'on manifeste à Paris pour les ouvrages de Tolstoï, la sympathie avec laquelle on accueille chaque nouveau volume de ses œuvres, et l'intérêt qu'on porte à son individualité, m'ont donné l'idée de traduire ce petit volume intitulé Ma Confession.

Ce livre n'a jamais été publié en Russie. Confession trop franche pour être tolérée dans un pays où la pensée même est sévèrement contrôlée, il n'a circulé dès l'année 1882 qu'en nombreux manuscrits parmi la société intelligente de toute la Russie. Ensuite, à Genève, il a eu deux éditions, dont la dernière date de 1886.

Je regrette de ne l'avoir pas traduit plus tôt; il aurait dû précéder Que faire?, Ma Religion, et leur servir d'introduction, puisque c'est justement le récit de l'évolution par laquelle Tolstoï a été amené à ses dernières idées. Or, pour tous ceux qui s'intéressent à notre illustre écrivain, cette évolution doit présenter un vif intérêt. Le psychologue, le moraliste, le médecin même y trouveront des matériaux pour leurs observations et leurs recherches, car, envisagée sous tous ces points de vue, la confession d'un grand écrivain, faite avec une entière franchise, ne peut pas être stérile.

Y lira-t-on l'explication de l'état où se trouve actuellement Tolstoï? Pourra-t-on en tirer une explication pour les idées bizarres qui se sont emparées de lui dans ces dernières années?

Je l'espère, et j'espère surtout qu'on pourra annoncer une réaction dans son esprit et une guérison complète, si c'est une maladie.

Qu'on me comprenne bien; je suis loin de classer Tolstoï parmi les aliénés. Admiratrice passionnée de mon cher compatriote, j'aurais éprouvé trop de peine à en parler, si jamais je l'avais pensé. Mais si j'ose exprimer mon humble opinion, je le crois fatigué moralement, comme du reste il le dit lui-même: «Je tombai malade, plutôt moralement que physiquement, etc.[1]», ou: «Il arriva ce qui se produit quand une maladie intérieure est sur le point de se déclarer, etc.[2].»

Or, on ne saurait expliquer autrement ce manque de logique dans ses raisonnements qu'on remarque après une critique sérieuse et suivie. Je dis une critique suivie, car Tolstoï possède au plus haut point ce don de captiver le lecteur dès le premier abord et de le rendre esclave souvent contre sa propre volonté, tant le choix des exemples est heureux, le style irrésistible et la sincérité de l'auteur convaincante.

Hélas! c'est une triste influence que celle-ci en Russie!.. Son pessimisme ne pousse pas à l'action, il ne tend pas à élever les malheureux jusqu'à nous, il veut que nous nous abaissions jusqu'à eux…

Mais comme le disait M. Sarcey dans sa conférence sur Que faire?1, les idées ne sont pas dangereuses en France. Effectivement, à part le charme du style bien affaibli par une traduction, le caractère français, l'état politique de la nation et bien d'autres raisons l'empêchent de tomber sous l'influence des dernières idées de Tolstoï qu'il regardera plutôt comme une simple curiosité.

ZORIA.

I

J'ai été baptisé et élevé selon les principes de l'Église chrétienne orthodoxe. On me les enseigna dès mon enfance, pendant toute mon adolescence et ma jeunesse. Mais, à dix-huit ans, après une seconde année d'Université, je ne croyais déjà plus à rien de ce qu'on m'avait appris.

Certains souvenirs me donnent même à penser que jamais je n'ai cru sérieusement et que ce que je prenais pour la foi n'était que confiance en ce que professaient les grands.

Cette confiance elle-même était très chancelante.

Je me rappelle que, lorsque j'avais onze ans à peu près, nous eûmes, un dimanche, la visite de Volodinka2 M., un élève du gymnase mort depuis, qui nous annonça comme une grande nouvelle une toute récente découverte faite au gymnase. Cette découverte consistait en ce que Dieu n'existait pas et que tout ce qu'on nous enseignait n'était que vaine invention.

C'était en 1838.

Je me rappelle combien mes frères aînés s'intéressèrent à cette nouveauté, en m'engageant à me joindre à eux. Nous nous animâmes tous extrêmement et reçûmes cette nouvelle comme quelque chose de très amusant et de tout à fait possible.

Je me rappelle encore que, pendant son séjour à l'Université, mon frère aîné, Dimitri, s'adonna tout à coup à la religion avec la passion qui lui était propre. Lorsqu'il commença à assister à tous les services, à jeûner, amener une vie pure et morale, nous tous, les plus âgés même, nous nous moquâmes de lui en le gratifiant, Dieu sait pourquoi, du surnom de Noé.

Je me souviens encore que M. Maussin-Pouchkine, alors recteur de l'Université de Kazan, nous invitait parfois à danser et comme mon frère refusait son invitation, il voulut le décider en lui disant ironiquement que David avait aussi dansé devant l'Arche.

Je faisais chorus alors à ces plaisanteries des aînés et j'en tirais la conclusion qu'il fallait apprendre le catéchisme et aller à l'église, mais qu'il ne fallait pas prendre tout cela trop au sérieux.

Je me souviens aussi que, très jeune encore, je lus Voltaire, et que ses moqueries, loin de me révolter, m'amusaient beaucoup.

Mon abandon de la foi se fit comme cela arrivait et arrive encore aux personnes de notre monde.

Il me paraît que cela se passe dans la plupart des cas ainsi:

Les hommes vivent comme vit tout le monde, et tout le monde base sa vie sur des principes qui non seulement n'ont rien de commun avec la religion, mais qui, le plus souvent, lui sont complètement opposés. L'enseignement de la Religion n'a pas d'action sur la vie. Il ne règle, en aucune façon, nos rapports avec les autres hommes, et dans notre propre existence, jamais il ne nous arrive de le consulter. Cet enseignement trouve son application là, quelque part, loin de la vie, et indépendamment d'elle. Si l'on se trouve en contact avec lui, c'est comme avec un phénomène tout extérieur, qui n'est pas du tout lié à la vie.

Par la vie de l'homme, par ses actions, alors comme aujourd'hui, il est impossible de savoir s'il croit ou non.

S'il y a une différence entre celui qui professe publiquement l'orthodoxie et celui qui la nie, ce n'est pas en faveur du premier.

Alors comme à présent, l'aveu et la pratique ostensible de l'orthodoxie se rencontrent, dans la plupart des cas, chez des personnes bornées, cruelles, immorales et se croyant une grande importance, tandis que l'intelligence, l'honnêteté, la franchise, la bienveillance et la morale se trouvent généralement parmi les hommes qui se disent incrédules.

On enseigne le catéchisme dans les écoles et on envoie les écoliers à l'église; on exige des employés du gouvernement des certificats de communion. Mais l'homme de notre société, qui n'apprend plus et qui n'est pas au service du gouvernement, maintenant et autrefois encore plus, peut vivre des années et des années sans se rappeler une seule fois qu'il vit parmi des chrétiens et que lui-même est considéré comme pratiquant la religion chrétienne orthodoxe.

Alors, de même que maintenant, ce qui a été admis sans examen et maintenu par la pression, fond sous l'influence du savoir et de l'expérience de la vie, qui sont contraires à la Religion. Et cependant l'homme vit, souvent très longtemps, en s'imaginant que la foi, dans laquelle il a été instruit dans son enfance, vit pleinement en lui, tandis qu'il n'y en a plus de traces depuis longtemps.

S… un homme franc et spirituel, m'a raconté comment il cessa de croire.

Il avait vingt-six ans, lorsqu'un jour à la chasse, pendant l'heure du repos, il se mit à prier suivant une habitude d'enfance.

Son frère, qui chassait avec lui, était couché sur le foin et le regardait. Quand S… eut fini sa prière et se disposa à se coucher, son frère lui dit:

– Et tu fais cela encore à présent?

Et ils ne se dirent rien de plus. Mais S… ne pria plus depuis ce jour, et voici trente ans qu'il ne prie pas, ne communie pas et ne va pas à l'église. Et cela, non parce qu'il connaît les convictions de son frère et qu'il les a adoptées; non parce qu'il a décidé quelque chose dans son âme, mais seulement parce que la parole prononcée par son frère a été comme la légère poussée du doigt sur un mur près de tomber, entraîné qu'il est par son propre poids. Cette parole ne fit que lui montrer que l'endroit où il supposait que la Religion résidait, était une place vide depuis longtemps et qu'ainsi les paroles qu'il disait, les croix et les saluts qu'il faisait pendant sa prière, n'étaient que des actions sans le moindre sens. Ayant saisi leur absurdité, il ne put les continuer.

C'est ainsi que cela arrive et que cela est arrivé, je crois, pour la majorité des hommes de notre éducation. Je parle des hommes sincères envers eux-mêmes et non de ceux qui font de la Religion un moyen d'atteindre n'importe quel but éphémère.

Ces gens-là sont les athées les plus authentiques, parce que, si la Religion n'est pour eux qu'un moyen d'arriver à quelque but mondain, ce n'est bien sûr pas la conviction qui les mène.

 

C'est comme si ces hommes avaient senti la lumière du savoir et de la vie fondre cet édifice artificiel; ils s'en sont déjà aperçus ou bien n'ont pas encore ouvert les yeux.

L'instruction religieuse que j'avais reçue depuis mon enfance disparut en moi de la même manière que chez les autres, avec la seule différence que, comme j'avais commencé à lire des ouvrages de philosophie depuis l'âge de quinze ans, c'est avec discernement et de très bonne heure que j'abjurai ma foi première.

Dès l'âge de seize ans, je ne priai plus et je n'allai plus à l'église et ne fis plus mes dévotions, et en cela je suivais ma propre impulsion.

Je ne croyais pas à ce qu'on m'avait enseigné depuis mon enfance, mais je croyais à quelque chose.

A quoi?

Je ne pouvais pas le dire d'une manière précise.

Je croyais en Dieu, ou plutôt je ne niais pas Dieu, mais quel Dieu?

Je ne niais pas le Christ non plus, ni son enseignement, mais en quoi cet enseignement consistait-il?..

Aujourd'hui, en me rappelant ce temps, je vois clairement que ma Religion était ce quelque chose qui, en dehors de l'instinct purement animal, guidait ma vie.

Ma seule, ma véritable croyance en ce temps-là, était ma foi dans le perfectionnement.

Mais en quoi consistait le perfectionnement et quel était son but?

Je n'aurais pu le dire.

Je tâchais de me perfectionner spirituellement. J'apprenais tout ce que je pouvais sur les horizons que m'ouvrait la vie. J'essayais de développer ma volonté. Je composais des règles que je m'efforçais de suivre; je me perfectionnais physiquement par toutes sortes d'exercices, cultivant ma force et mon adresse et m'habituant à la fatigue et à la patience par toute espèce de privations.

Toutes ces réformes, je les prenais pour du perfectionnement.

Le commencement de tout était certainement le perfectionnement moral; mais bientôt cela se changea en perfectionnement général, c'est-à-dire en désir d'être meilleur, non pas à mes propres yeux ou à ceux de Dieu, mais en désir d'être meilleur aux yeux des autres hommes. Et bientôt cette tendance se modifia en désir d'être plus fort que les autres hommes, c'est-à-dire plus célèbre et plus riche que les autres.

II

Je raconterai un jour l'histoire de ma vie qui fut touchante et instructive, pendant ces dix années de ma jeunesse. Je voulais de toute mon âme être bon; mais j'étais jeune, j'avais des passions et j'étais seul, tout à fait seul, quand je cherchais le bien. Chaque fois que j'essayais de me prononcer sur cet ardent désir que j'avais d'être bon moralement, je ne rencontrais que mépris et moqueries; mais quand je m'adonnais aux vilaines passions, on me louait, on m'encourageait.

L'ambition, la passion du pouvoir, la cupidité, la volupté, l'orgueil, la colère, la vengeance – tout cela était estimé.

Me livrant à ces passions, je commençais à ressembler à un homme et je sentais qu'on était content de moi.

Ma bonne tante, chez qui je vivais et qui était bien l'être le plus pur du monde, me disait toujours qu'elle ne désirait rien tant pour moi qu'une liaison avec une femme mariée:

– Rien ne forme un jeune homme comme une liaison avec une femme comme il faut, disait-elle.

Elle souhaitait encore un autre bonheur pour moi, celui d'être aide de camp, et surtout aide de camp de l'Empereur; et, comme comble de la félicité – que je me mariasse à une jeune fille très riche, et que j'eusse, par suite de ce mariage, le plus de serfs possible.

Je ne puis sans effroi, sans dégoût et sans souffrance de l'âme, me rappeler ces années.

Je tuai des hommes à la guerre; je les défiai en duel pour les tuer; je perdis au jeu; je dissipai le produit des travaux des paysans; je les punissais, je faisais des folies, je trompais.

Le mensonge, le vol, les voluptés de toutes sortes, l'ivresse, la violence, le meurtre… Il n'y a pas de crime que je n'aie commis, et pour tout cela, on me louait, on me comptait et on me compte au nombre des hommes relativement moraux.

Je vécus ainsi dix ans.

Cependant, je commençais à écrire par vanité, par cupidité et par orgueil. Je conformais mes écrits à ma vie.

Pour obtenir la gloire et l'argent pour lesquels j'écrivais, il fallait cacher le bien et montrer le mal. C'est ce que je fis.

Combien de fois me suis-je ingénié à cacher dans mes écrits, sous les dehors de l'indifférence et d'une légère moquerie, même ces aspirations au bien qui étaient le but de ma vie!

J'y parvenais et on me louait.

A vingt-six ans, j'arrivai à Pétersbourg, après la guerre, et je me liai avec les écrivains qui me reçurent comme un des leurs. On me flatta, et je n'eus pas le temps d'y penser que les opinions sur la vie, opinions toutes spéciales à la caste des gens avec lequel je me liai, s'emparèrent de moi et effacèrent bientôt complètement tous mes précédents efforts pour devenir meilleur.

Ces opinions se basaient sur une théorie qui excusait tout le libertinage de ma vie.

Le jugement que mes compagnons de lettres portaient sur la vie consistait en ce que la vie, en général, marche en progressant et que, dans ce développement, nous prenons la part principale, nous – les hommes de la pensée. L'influence prépondérante nous appartient, à nous, artistes et poètes. Notre vocation est d'instruire les hommes.

Et, pour que cette question naturelle: «que suis-je et que dois-je enseigner», ne se présentât pas de soi-même, on expliquait, dans cette théorie, qu'il était inutile de savoir cela et que l'artiste ou le poète enseignent sans connaissance de cause.

Moi, j'étais considéré comme un magnifique artiste, un grand poète et, par conséquent, il me fut très naturel de m'approprier cette théorie.

Moi, l'artiste, le poète – j'écrivais, j'enseignais, je ne savais pas quoi, moi-même.

On me payait pour cela; j'avais tout: table magnifique, logement, femmes, société, j'avais la gloire.

Et, par conséquent, ce que j'enseignais était très bon.

Cette foi dans l'importance de la poésie et du développement de la vie était une religion, et moi j'étais un de ses prêtres.

Être un de ses prêtres était très agréable et très avantageux.

Et je vécus assez longtemps dans cette croyance, ne doutant pas de sa vérité.

Mais à la seconde et surtout à la troisième année d'une pareille vie, je commençai à douter de l'infaillibilité de cette croyance et je me mis à l'étudier.

Le premier motif de doute fut le suivant:

Je commençais à remarquer que les prêtres de notre culte n'étaient pas tous d'accord entre eux.

Les uns disaient:

– Nous, nous enseignons ce qu'il faut, et les autres n'enseignent pas le vrai.

Et ils discutaient, se querellaient, se grondaient, se trompaient, s'abusaient les uns les autres.

Il y avait, en outre, beaucoup d'hommes parmi nous qui ne se souciaient même pas de savoir qui avait raison et qui avait tort, ne poursuivant qu'un but, celui de profiter de notre activité.

Force me fut de douter de la vérité de notre croyance.

Or, ayant douté de la vérité de cette religion littéraire, je commençai à observer plus attentivement ses prêtres, et je me convainquis que presque tous étaient des hommes immoraux et, pour la plupart, des hommes mauvais, insignifiants, d'un caractère beaucoup plus bas que celui des hommes que j'avais rencontrés dans ma vie militaire et débauchée.

C'étaient des hommes contents d'eux-mêmes, comme ne peuvent l'être que les saints ou ceux qui ne savent même pas ce que c'est que la sainteté.

Je me dégoûtai des hommes, je me dégoûtai de moi-même et je compris que cette croyance était une supercherie.

Mais l'étrange, c'est qu'ayant compris tout ce mensonge bien vite et l'ayant renié, je ne renonçai pas au titre que me donnèrent ces hommes, à celui d'artiste, de poète et de maître.

Je m'imaginais naïvement que moi du moins j'étais poète, artiste, et que je pouvais enseigner à tous, ne sachant pas ce que j'enseignais.

Et c'est ce que je continuai de faire.

De ma liaison avec ces hommes, j'emportai un nouveau vice, un orgueil qui se développa jusqu'à la maladie, une folle assurance de me croire voué à enseigner aux hommes ne sachant pas quoi moi-même.

Maintenant, quand je me rappelle ce temps, mon humeur d'alors et le caractère de ces gens, – du reste il y en a des millions qui leur ressemblent aujourd'hui, – je les plains, j'ai honte et j'ai envie de rire à la fois; j'éprouve ce sentiment qui s'empare de nous dans la maison des fous.

Nous étions tous convaincus alors qu'il nous fallait parler et parler sans cesse, écrire, imprimer aussi vite que possible et autant que possible; que tout cela était nécessaire pour le bien-être de l'humanité.

Et des milliers d'entre nous, tout en se grondant et se chicanant, imprimaient, écrivaient et prétendaient instruire les autres. Et, ne remarquant pas que nous ne savions rien, qu'à la question de la vie la plus simple: Qu'est-ce qui est bon et qu'est-ce qui est mauvais? nous ne savions que répondre, nous parlions tous ensemble, n'écoutant rien ni personne, quelquefois admirant et louant l'un ou l'autre, à la condition d'en être loué et admiré aussi; d'autres fois nous irritant l'un contre l'autre tout à fait comme des fous dans un asile.

Des milliers d'ouvriers travaillaient nuit et jour, et de toutes leurs forces, composaient, imprimaient des milliers de mots que la poste répandait dans toute la Russie; et puis nous enseignions plus longuement encore sans trouver le temps d'enseigner tout, et nous nous fâchions toujours de ce qu'on ne nous écoutait pas assez.

Ce n'est que maintenant que je comprends ce temps bien étrange.

Notre désir le plus vrai et le plus intime était de recevoir le plus d'argent et de louanges possible.

Pour atteindre ce but, nous ne pouvions rien qu'écrire des livres et des journaux.

C'est ce que nous faisions.

Mais pour accomplir un travail aussi inutile, il nous fallait avoir la conviction que nous étions des hommes très importants; nous avions encore besoin d'un raisonnement qui pût justifier notre activité.

Et nous avions inventé le suivant:

Tout ce qui existe est raisonnable. Tout ce qui existe se développe à l'aide de l'instruction. L'instruction se mesure d'après la propagation des livres et des journaux, et nous, on nous paye et on nous estime parce que nous écrivons des livres et des journaux. Par conséquent, nous sommes les hommes les meilleurs et les plus utiles.

Ce raisonnement aurait été très bon si nous eussions été tous d'accord; mais, comme à chaque pensée émise par l'un s'opposait toujours une autre diamétralement opposée, nous fûmes obligés de nous raviser. Mais nous ne remarquions pas cela; on nous payait, et les hommes de notre parti nous louaient. Aussi chacun de nous s'estimait-il dans le vrai.

Je vois maintenant qu'il n'y avait aucune différence avec la maison des fous; mais alors je ne soupçonnais ceci que vaguement, et encore, comme font tous les fous, j'appelais chacun fou, excepté moi-même.

1Traduction Marina Polonsky et G. Debesse, Albert Savine, éditeur, 18, rue Drouot.
2Diminutif caressant pour Voldémar.
Купите 3 книги одновременно и выберите четвёртую в подарок!

Чтобы воспользоваться акцией, добавьте нужные книги в корзину. Сделать это можно на странице каждой книги, либо в общем списке:

  1. Нажмите на многоточие
    рядом с книгой
  2. Выберите пункт
    «Добавить в корзину»