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Le Journalisme dans le Tennessee

Le médecin me persuada qu'un climat plus doux me ferait du bien. Je partis donc pour le Tennessee, et bientôt ma collaboration fut acquise au journal La Gloire du matin et le Cri de guerre du comté de Johnson. Quand je vins me mettre à la besogne, je trouvai le rédacteur en chef assis sur une chaise boiteuse et renversée en arrière; ses pieds reposaient en l'air sur une table de bois blanc. Il y avait dans la salle une autre table de bois blanc et une autre chaise invalide, toutes deux à moitié ensevelies sous des journaux, des feuilles de papier et des fragments de manuscrits. On y voyait, en outre, un crachoir à base de sable, rempli de bouts de cigare et de jus de chique, et un poêle dont la porte pendait par le gond supérieur. Le rédacteur en chef portait un habit noir à longue queue et un pantalon de toile blanche. Ses bottes étaient petites et soigneusement cirées. Il avait une chemise à manchettes, une large bague à cachet, un col droit d'un modèle démodé et un mouchoir à carreaux dont le bout pendait. Date du costume: vers 1848. Il était en train de fumer un cigare et de chercher des phrases. En se passant la main dans les cheveux, il avait notablement dérangé l'harmonie de sa coiffure. Il avait l'air épouvantablement renfrogné; je jugeai qu'il s'était mis à confectionner un article d'une espèce particulièrement noueuse. Il me dit de prendre les journaux reçus à titre d'échange, de les parcourir, et de condenser sous la rubrique: «Esprit de la presse du Tennessee» tout ce que j'y trouverais d'intéressant.

J'écrivis ce qui suit:

ESPRIT DE LA PRESSE DU TENNESSEE

«Les rédacteurs du journal Le Tremblement de Terre semi-hebdomadaire travaillent évidemment sous l'empire d'une grande erreur en ce qui concerne le chemin de fer de Rosseteigne. La Compagnie n'a jamais eu l'intention de négliger Sotteville. Au contraire, elle considère cet endroit comme un des points les plus importants de la ligne, et conséquemment n'a aucun désir de le dédaigner. Les honorables rédacteurs du Tremblement de Terre seront naturellement heureux de faire la rectification.

«John W. Blossom, le très intelligent directeur du journal Le Coup de Foudre et le Cri de bataille de la Liberté, de Richebourg, est arrivé hier dans nos murs. Il est descendu à la maison Van Buren.

«Nous remarquons que notre confrère du journal Le Hurlement matinal, de Puits-de-Boue, a commis une inexactitude en supposant que l'élection de Van Werther n'était pas un fait établi; mais il aura reconnu qu'il s'est trompé, avant que ces lignes lui parviennent: point de doute! Il a été évidemment abusé par un compte rendu incomplet des élections.

«Nous sommes heureux d'annoncer que la cité de Triplemont tâche de faire un marché avec quelques honorables personnages de New-York pour paver, selon le système Nicholson, ses rues presque impraticables. Mais il n'est pas facile à une ville de se passer une pareille fantaisie, depuis que Memphis a fait faire un travail de cette espèce par une compagnie de New-York et a refusé de rien payer pour cela. Toutefois Le Hourra quotidien recommande toujours cette mesure, en presse la réalisation, et semble sûr du succès final.

«Nous regrettons d'apprendre que le colonel Bascom, rédacteur en chef du Cri de mort pour la Liberté, est tombé le soir dans la rue, il y a quelques jours, et s'est cassé la jambe. Il était atteint d'anémie; cette affection provenait d'un travail excessif et de graves inquiétudes sur ses parents malades; on suppose qu'il aura marché trop longtemps au soleil, c'est ce qui l'aura fait choir.»

Je tendis le manuscrit au rédacteur en chef pour qu'il décidât de son sort, l'acceptât, le corrigeât ou le détruisit. Il le regarda, et sa figure se couvrir de nuages. Il parcourut les pages de haut en bas, et sa figure devint inquiétante. Il était aisé de voir que ça ne lui allait pas comme un gant. Soudain, il sauta sur sa chaise et dit:

«Éclairs et tonnerre! croyez-vous que je veuille parler ainsi de ces bestiaux-là? Croyez-vous que mes abonnés se contentent d'une pareille bouillie? Donnez-moi la plume!»

Jamais je ne vis une plume égratigner et écorcher le papier à droite et à gauche sur sa route avec autant de vice, ni labourer aussi implacablement les verbes et les adjectifs d'autrui.

Comme il était à moitié chemin, quelqu'un passa dans la rue, devant la fenêtre ouverte, et tira sur lui un coup de pistolet; le coup fit un léger accroc à la symétrie de son oreille gauche.

«Ah! dit-il, c'est cet animal de Smith, du Volcan de morale. Il a eu son compte hier.»

Et il tira de sa ceinture un revolver de marine. Il fit feu. Smith tomba, atteint à la cuisse. Smith se préparait à tirer un second coup. La direction de son arme fut faussée et le coup blessa un tiers. Le tiers, c'était moi. Un simple doigt enlevé.

Le rédacteur en chef poursuivit ses ratures et corrections. Comme il finissait, une bombe portative tomba par le tuyau du poêle et l'explosion brisa ce petit monument en mille morceaux. Cela n'occasionna, du reste, aucun autre accident, si ce n'est qu'un éclat vagabond m'emporta deux dents.

«Ce poêle est tout à fait démoli,» dit le rédacteur en chef.

Je répondis que je pensais qu'il l'était.

«Bien, n'en parlons plus. Nous n'avons pas besoin de poêle par ce temps-ci. Je sais qui a fait le coup. Je le rattraperai. Maintenant, tenez, voici comment il faut rédiger vos machines.»

Je repris le manuscrit.

Il était criblé de ratures et de surcharges, à ce point qu'une mère ne l'aurait pas reconnu, s'il avait pu avoir une mère. Voici comment il s'exprimait maintenant:

ESPRIT DE LA PRESSE DU TENNESSEE

«Les invétérés faussaires du journal Le Tremblement de Terre semi-hebdomadaire sont évidemment en train de faire avaler par quelque noble et chevaleresque imagination une autre de leurs viles et brutales fourberies par rapport à cette superbe conception, une des plus glorieuses du XIXe siècle, le chemin de fer de Rosseteigne. L'idée que Sotteville devait être laissée de côté est sortie de leur propre cerveau, de leur cerveau obscène et stupide, ou plutôt des couches fécales qu'ils considèrent comme leur cerveau. Quant à leur dégoûtante carcasse de reptile, elle mérite une correction exemplaire.

«Blossom, cet âne du journal Le Coup de Tonnerre et le Cri de bataille de la Liberté, est revenu braire ici, chez Van Buren.

«Nous remarquerons que ces damnées canailles du Hurlement matinal, de Puits-de-Boue, ont soutenu, avec leur impudeur habituelle, que Van Werther n'avait pas été élu. La céleste mission du journalisme est de répandre la vérité, d'affiner les moeurs et les manières, de rendre tous les hommes plus polis, plus vertueux, plus charitables, et en tous points meilleurs, plus purs, plus heureux; pourtant ces goujats au coeur d'encre dégradent leur grand sacerdoce avec une infâme persistance, en répandant la médisance, le mensonge, la calomnie et les grossièretés les plus ignobles.

«Triplemont a besoin d'un pavage Nicholson. Triplemont a besoin aussi d'une prison et d'un asile. La belle idée de paver une ville qui possède en tout un seul cheval, deux fabriques de genièvre, une serrurerie et un cataplasme de journal appelé Le Hourra quotidien! On ferait bien par là d'aller prendre des leçons à Memphis, où l'article est pour rien. Ce rampant insecte, Buckner, qui édite Le Hourra, s'est mis à croasser à ce propos avec son ineptie accoutumée, et s'imagine qu'il parle sérieusement. Une telle sottise nous épouvante pour l'avenir du genre humain.»

«Voilà comment il faut écrire, s'écria le rédacteur en chef. Poivre et vinaigre! Et faire revenir à point. Le journalisme à la crème me donne la nausée.»

A ce moment, une brique vint, à travers la croisée, me fracasser considérablement le dos. Je me mis à l'écart; je commençais à me sentir exposé.

Le chef dit: «C'est le colonel, probablement. Je l'attends depuis deux jours. Il va venir tout droit maintenant.»

Il ne se trompait pas. Le colonel apparut à la porte un moment après, un revolver de cavalerie à la main.

Il dit: «Monsieur, est-ce au poltron qui édite cette feuille galeuse que j'ai l'honneur de parler?

– A lui-même. Asseyez-vous, monsieur. Faites attention à la chaise; elle a perdu une de ses jambes. Je pense que j'ai l'honneur de m'adresser à ce beuglant Robert Macaire, qui se fait appeler le colonel Blatherskite Tecumseh.

– Oui, c'est moi. J'ai un petit compte à régler avec vous. Si vous en avez le loisir, nous allons commencer.

– J'ai un article à finir sur les encourageants progrès de la morale et le développement intellectuel en Amérique. Mais ce n'est pas pressé. Commençons.»

Immédiatement, deux coups de pistolet partirent à la fois. Mon rédacteur en chef perdit le bout de son mouchoir, après quoi la balle finit sa carrière dans la partie charnue de ma cuisse. L'épaule du colonel fut éraflée. Us firent feu de nouveau. Cette fois ils se manquèrent tous deux; mais, par compensation, je fus atteint au bras. A la troisième attaque, les deux combattants furent blessés légèrement; moi, j'eus le jarret endommagé. Je me hasardai alors à dire que je pensais devoir sortir et faire une petite promenade, car, l'entrevue de ces messieurs ayant un caractère absolument intime, j'avais quelque scrupule à y participer plus longtemps. Mais ces deux messieurs me prièrent de me rasseoir, en m'assurant que j'étais hors de portée. J'avais pensé le contraire jusqu'alors.

Ils parlèrent un instant des élections et des récoltes, et je me mis à bander mes blessures. Mais, sans prévenir, ils recommencèrent le feu avec beaucoup d'entrain, et chaque coup porta; – or, je dois remarquer que, cinq fois sur six, c'est vers moi que se dirigèrent les balles. Le sixième coup blessa mortellement le colonel, qui observa, avec belle humeur, qu'il avait maintenant à nous souhaiter le bonsoir, une affaire urgente l'appelant en ville. Puis il demanda l'adresse des Pompes-Funèbres, le chemin pour y aller, et sortit.

 

Mon rédacteur en chef se tourna vers moi et dit: «J'attends de la compagnie à dîner; il faut que je fasse un brin de toilette. Je vous serai fort obligé de lire les épreuves et de recevoir les clients.»

Je regimbai quelque peu à l'idée de recevoir la pratique, mais j'étais trop abasourdi par la fusillade, qui me résonnait encore dans les oreilles, pour penser à répliquer la moindre parole.

Il ajouta: «Jones sera ici à trois heures, – assommez-le! Gillespie viendra un peu plus tôt, peut-être; – jetez-le par la fenêtre! Fergusson vous rendra visite sur les quatre heures, – tuez-le! C'est tout pour aujourd'hui, je crois. S'il vous reste quelques minutes, vous pourrez écrire un grand article sur la police et arranger comme il faut l'inspecteur en chef. Il y a des nerfs de boeuf et des cannes plombées sous la table; – des armes dans le tiroir; – des munitions, là, dans le coin; – de la charpie et des bandes dans ces trous à pigeon. En cas d'accident, allez voir Lancet, le docteur, à l'étage supérieur. Nous lui faisons des réclames, visites comprises.»

Et le voilà parti. Trois heures plus tard, j'avais traversé de si terribles catastrophes, que j'avais à jamais perdu toute ma sérénité, tout mon courage. Gillespie était venu, et c'est moi qu'il avait jeté par la fenêtre. Jones l'avait promptement suivi, et c'est moi qu'il avait roué de coups. Un étranger imprévu, qui n'était pas dans le programme, était entré et m'avait scalpé. Un autre étranger, un M. Thompson, n'avait laissé de moi que des ruines lamentables, qu'un informe tas de loques sanglantes. A la fin, je me trouvai dans un coin, aux abois, en proie à une meute furieuse d'éditeurs, de rédacteurs, d'aventuriers et de coquins, qui extravaguaient, juraient, et brandissaient leurs armes sur ma tête. L'air semblait plein d'aveuglants reflets d'acier. Je me résignais à donner ma démission, quand mon rédacteur en chef rentra, suivi d'une cohorte d'amis enthousiastes. Il s'ensuivit une scène de pillage et de carnage que nulle plume humaine, nulle plume de fer, d'oie ou même de canard, ne pourrait décrire. Il y eut des gens blessés, lardés, mutilés, écartelés, désarticulés, hachés, exterminés, anéantis. Il y eut une courte éjaculation de sombres blasphèmes, avec une danse guerrière, aussi confuse que frénétique, et tout fut dit. Cinq minutes après, le silence régnait à la rédaction: mon chef sanguinaire et moi, nous restions seuls, assis sur des chaises doublement boiteuses, et regardant les horribles débris qui jonchaient le sol autour de nous.

Il me dit: «Vous vous plairez ici, quand vous aurez un peu l'habitude.

– Pardonnez-moi, répondis-je. Je pourrais écrire comme vous le désirez. J'apprendrais vite votre langage; j'en suis sûr, je l'apprendrais vite. Mais, pour vous parler franchement, je trouve que cette énergie d'expressions a ses inconvénients, et qu'elle nous expose à des interruptions peu agréables. Vous le voyez, vous-même. La littérature énergique est calculée pour élever le niveau de l'esprit public, nul doute; mais je suis peu désireux d'attirer sur moi l'attention qu'elle commande. Je ne puis écrire posément, quand je suis interrompu comme je l'ai été aujourd'hui. J'aimerais assez la situation que j'ai ici, mais je n'aime pas du tout qu'on me laisse recevoir seul les visites. L'expérience est nouvelle pour moi, et jusqu'à un certain point intéressante, si l'on veut; mais je trouve que les rôles ne sont pas équitablement distribués. Un monsieur vous vise par la croisée, et me blesse, moi; une bombe portative est lancée par le tuyau du poêle dans ma tête, à moi; un ami entre pour échanger des compliments avec vous, et c'est moi qu'il crible de balles, jusqu'à ce que ma peau ne puisse plus retenir mes principes. Vous allez dîner; et Jones m'éreinte, Gillespie me flanque par la fenêtre, Thompson me met en lambeaux. Puis un étranger absolument imprévu me scalpe avec la libre familiarité d'une vieille connaissance. En moins de cinq minutes, toute la canaille du pays se donne rendez-vous à la rédaction; ces coquins arrivent dans un épouvantable attirail de guerre et se disposent à mettre à mort le peu qui reste de moi à coups de je ne sais quels tomahawks. Prenez-le comme vous voudrez, mais jamais de ma vie je n'ai eu un jour aussi accidenté que celui-ci. Voyez-vous, je vous admire, et j'admire votre manière implacablement calme d'expliquer les choses aux visiteurs; mais vous comprenez que je ne pourrais m'y faire. Non, non! je ne saurais. Les coeurs du Midi sont trop expansifs, l'hospitalité méridionale est trop prodigue pour un étranger. Les alinéas que j'ai écrits aujourd'hui, et dans les froides phrases desquels votre main magistrale a infusé le fervent esprit du journalisme tennesséen, éveilleront un autre nid de guêpes. Tous ces brigands de journalistes viendront; et ils viendront en fureur, et ils voudront dévorer quelqu'un pour leur déjeuner. Je n'ai plus qu'à vous dire adieu. Je renonce à assister à ces solennités. Je suis venu dans le Midi pour ma santé; je m'en retourne pour le même motif, et tout de suite. Le journalisme du Tennessee est trop nerveux pour moi.»

Cela dit, nous nous quittâmes avec de mutuels regrets: et je pris le lit à l'hôpital.

La «Petite Femme vive» du Juge

Je siégeais ici, dit le Juge, à ce vieux pupitre, tenant Cour ouverte. Nous étions en train de juger un gros chenapan d'Espagnol, à mauvaise figure, accusé d'avoir assassiné le mari d'une charmante petite Mexicaine. C'était un jour d'été plein d'indolence, un jour horriblement long, et les témoins étaient assommants. Personne ne prenait le moindre intérêt aux débats, excepté cette nerveuse et inquiète petite diablesse de Mexicaine; – vous savez comment elles aiment et haïssent au Mexique, et celle-ci avait aimé son mari de toutes ses forces, et maintenant elle avait fait bouillir et tourner tout son amour en haine. Elle se tenait là, crachant par les yeux toute cette haine sur cet Espagnol; parfois, je vous l'avoue, elle me remuait moi-même avec ses regards pleins d'orage.

Bien! J'avais ôté ma redingote et mis mes talons à la hauteur de mes yeux, suant et tirant la langue, et fumant un de ces cigares de feuilles de chou que les gens de San-Francisco jugeaient assez bons pour nous en ce temps-là. Les jurés avaient également ôté leur redingote, suaient et fumaient; les témoins de même, le prisonnier comme les témoins.

Bien! Le fait est qu'alors un meurtre ne présentait aucune espèce d'intérêt, parce que l'accusé était toujours renvoyé avec un verdict d'acquittement, les jurés espérant qu'il le leur rendrait un jour. Aussi, quoiqu'il y eût des charges accablantes, écrasantes, contre cet Espagnol, nous savions qu'il nous serait impossible de le condamner sans paraître avoir la dent bien dure, et sans inquiéter par ricochet tous les gros personnages du pays; car, nul ne pouvant se procurer voiture et livrée, le seul genre possible était de s'offrir son petit cimetière particulier.

Mais cette femme semblait avoir décidé dans son coeur qu'on pendrait l'Espagnol. Il fallait voir comme elle le regardait, et comme elle me regardait ensuite d'une manière suppliante, et puis comme elle examinait pendant cinq minutes la figure des jurés, et comme alors elle mettait sa tête dans ses mains un tout petit instant, d'un air las, et comme enfin elle la relevait, plus vive et plus anxieuse que jamais. Mais lorsque le verdict du jury eut été proclamé: «Non coupable!» et que j'eus dit au prisonnier qu'il était acquitté et libre de s'en aller, cette femme se dressa d'une telle façon qu'elle parut aussi grande et aussi haute qu'un vaisseau de soixante-dix canons; et elle dit:

«Juge, dois-je entendre que vous avez proclamé non coupable cet homme qui a tué mon mari sans motif, sous mes propres yeux, à côté de mon petit enfant? Est-ce là tout ce que peuvent contre lui la justice et la loi?

– Vous l'avez dit,» répondis-je.

Que pensez-vous qu'elle fit alors? Eh bien! elle se tourna comme un chat sauvage vers ce mauvais drôle d'Espagnol, sortit un pistolet de sa poche et lui brûla la cervelle en pleine Cour.

– C'était vif, il faut l'admettre.

– N'est-ce pas, c'était vif? répéta le juge avec admiration. Je ne voudrais, pour rien au monde, avoir perdu le coup d'oeil. J'ajournai la Cour sur-le-champ; chacun remit sa redingote et s'en alla. On fit une collecte pour la veuve et l'enfant, et on les renvoya à leurs amis par delà les montagnes. Ah! quelle petite femme vive!

Comment Je devins une fois Directeur d'une Feuille rurale

Ce n'est pas sans appréhension que je me chargeai provisoirement de la direction d'une feuille rurale hebdomadaire. S'imagine-t-on qu'un simple pékin, n'ayant pas le pied marin, recevrait sans appréhension le commandement d'un vaisseau? Mais je me trouvais en des circonstances qui me forçaient à chercher un salaire. Le directeur du journal s'offrait des vacances, pour se rendre à je ne sais quelle cérémonie; j'acceptai les propositions qu'on me fit, et je pris sa place.

J'éprouvai délicieusement la sensation d'être au travail de nouveau, et je travaillai toute la semaine avec un plaisir sans mélange. On mit enfin sous presse. J'attendis toute la journée avec une certaine anxiété, pour voir si mes efforts allaient attirer quelque peu l'attention. Comme je quittais le bureau, vers le coucher du soleil, un groupe d'hommes et d'enfants, qui s'était formé au pied de l'escalier, se remua tout d'un coup à ma vue, m'ouvrit un passage, et plusieurs voix chuchotèrent: «C'est lui! c'est lui!» Je fus tout naturellement satisfait de cet incident. Le lendemain matin, je rencontrai un groupe semblable au pied de l'escalier et j'aperçus des gens qui se tenaient un par un, ou deux par deux, çà et là dans la rue, sur mon chemin, m'examinant avec un intérêt particulier. Le rassemblement s'ouvrit devant moi, et j'entendis quelqu'un qui disait: «Regardez donc ses yeux!» Je feignis de ne pas remarquer l'attention que j'excitais, mais au fond du coeur j'en fus ravi et je me proposai d'écrire tout cela à ma famille. Je montai quelques marches; je perçus des voix joviales et un éclat de rire, au moment d'ouvrir la porte. En l'ouvrant, je vis du premier coup d'oeil deux jeunes gens d'apparence campagnarde, dont la figure pâlit et s'allongea à mon apparition. Puis tous deux sautèrent par la fenêtre avec grand bruit. Je fus étonné.

A peu près une demi-heure plus tard, un vieux monsieur, à la barbe de fleuve, à la physionomie distinguée et quelque peu austère, entra, et, sur mon invitation, prit un siège. Il semblait préoccupé. Il ôta son chapeau, le posa sur le plancher, en tira un foulard rouge et un exemplaire du journal.

Il mit la feuille sur ses genoux, puis, nettoyant ses lunettes avec son foulard, il me dit: «Etes-vous le nouveau rédacteur en chef?»

Je répondis que je l'étais.

«Avez-vous jamais dirigé un autre journal d'agriculture auparavant?

– Non, c'est mon début.

– Très vraisemblablement! Avez-vous quelque expérience pratique en matière d'agriculture?

– Non, je ne pense pas.

– Quelque chose me le disait», fit le vieux monsieur, mettant ses lunettes à cheval sur son nez, et me regardant par-dessus ses lunettes avec quelque rudesse, tandis qu'il dépliait son journal. «Voulez-vous que je vous lise ce qui m'a donné cette idée? Voici l'article. Écoutez-le, et voyez si c'est bien vous qui l'avez écrit.»

Et il lut:

«Il ne faut jamais arracher les navets, ça leur fait du mal. Mieux vaut faire grimper quelqu'un et le laisser secouer l'arbre.»

Et il me regarda de nouveau par-dessus ses lunettes.

«Eh bien! qu'en pensez-vous? reprit-il; car positivement je présume que c'est vous qui avez écrit cela.

– Ce que je pense? Mais je pense que c'est bien. Je pense que c'est juste. Je suis sûr que chaque année des milliers et des millions de navets sont gâtés dans le pays, parce qu'on les arrache à moitié mûrs, tandis que si l'on faisait grimper un jeune homme pour secouer l'arbre…

– C'est votre cervelle qu'il faut secouer! Est-ce que les navets poussent sur les arbres?

– Oh! non, non, n'est-ce pas? Mais qu'est-ce qui vous a dit qu'ils poussaient sur les arbres? L'article est métaphorique, purement métaphorique. Quiconque a de l'idée, aura compris tout de suite que c'est le prunier que le jeune homme doit secouer.»

Le vieux monsieur sauta sur sa chaise, déchira le journal en petits morceaux, foula ces petits morceaux sous ses bottes, cassa plusieurs objets mobiliers avec sa canne, et dit que je n'en savais pas plus qu'une vache. Alors il s'en alla, fracassa les portes, bref, se conduisit de façon à me faire croire que quelque chose lui avait déplu. Mais, ne sachant pas quoi, je ne pus rien y faire.

 

Un instant après, une longue créature cadavéreuse, avec des mèches flasques qui descendaient sur ses épaules et un chaume d'une semaine planté droit dans les vallées et sur les collines de son visage, s'élança dans le bureau, et soudain fit halte, immobile, un doigt sur les lèvres, la tête et le corps penchés dans l'attitude de quelqu'un qui écoute. Aucun son ne se faisait entendre. L'étrange individu écoutait toujours. Rien encore! Alors il tourna la clé dans la serrure et vint avec précaution vers moi, sur la pointe des pieds. A quelques pas, il s'arrêta; il scruta un moment ma figure avec un intérêt intense, tira de son sein un exemplaire plié de notre journal, et dit:

«Voyons, vous avez écrit cela? Lisez-moi cela, vite, vite, vite!

Soulagez-moi. Je souffre.»

Je lui lus ce qui suit; et tandis que les phrases tombaient de mes lèvres, je pouvais voir le soulagement lui venir, je pouvais voir ses muscles contractés se détendre, l'anxiété quitter son visage, et la sérénité revenir doucement sur ses traits, comme un suave clair de lune sur un paysage désolé.

Voici ce que je lus:

«Le Guano. – C'est un bel oiseau, mais il faut beaucoup de soins pour l'élever. Il ne doit pas être importé plus tôt qu'en juin, ni plus tard qu'en septembre. L'hiver, il faut le laisser dans un endroit chaud, où il puisse couver ses petits.

«Sur la Citrouille. – Ce fruit est en faveur chez les natifs de l'intérieur de la Nouvelle-Angleterre, lesquels le préfèrent aux groseilles à maquereau pour faire les tartes, et pareillement lui donnent la préférence sur les framboises pour alimenter les veaux, comme plus nourrissant et tout aussi satisfaisant. La citrouille est le seul comestible de la famille des oranges qui puisse vraiment réussir dans le Nord, avec la courge et une ou deux variétés du melon. Mais l'habitude qu'on avait de la planter sur le devant des jardins est en train de s'en aller très vite, car il est aujourd'hui généralement reconnu que la citrouille, comme ombrage, ne fait pas bien.

«En ce moment, les chaleurs approchent et les dindons commencent à frayer…»

Mon auditeur ne put y tenir; il bondit vers moi, me serra les mains et dit:

«C'est bon! Merci, monsieur. Je sais maintenant que je n'ai rien, car vous avez lu cet article juste comme moi, mot pour mot. Mais, jeune étranger, quand je l'ai lu ce matin pour la première fois, je me suis dit: «Jamais, jamais je ne l'avais cru jusqu'à présent, mais je le crois maintenant, je suis fou, fou!» Et avec cela j'ai poussé un hurlement que vous auriez pu entendre d'une lieue; puis je me suis sauvé pour tuer quelqu'un, car, vous savez, je sentais que j'en viendrais là un jour ou l'autre, et je pensais qu'il valait mieux en avoir le coeur net tout de suite. J'ai relu un de ces paragraphes d'un bout à l'autre, afin d'être bien convaincu de ma folie; vite j'ai brûlé ma maison de la cave au grenier et je suis parti. J'ai estropié plusieurs personnes, et j'ai mis quelqu'un à l'ombre, dans un endroit où je suis sûr de le retrouver si j'ai besoin de lui. Puis, en passant devant le bureau, j'ai pensé à monter ici pour tirer définitivement la chose au clair; et maintenant ça y est, et je vous réponds que c'est bienheureux pour le bonhomme qui est à l'ombre. Je l'aurais tué, pour sûr, en revenant. Merci, monsieur, merci! Vous m'avez ôté de l'esprit un grand poids. Ma raison a soutenu le choc d'un de vos articles d'agriculture, et je sais que rien ne pourra l'altérer maintenant. Dieu vous garde!»

Je ne me sentis pas tout à fait à mon aise, en pensant à l'incendie et aux crimes que s'était permis cet individu, car je ne pouvais m'empêcher de me sentir un peu son complice; mais ces idées s'évanouirent vite, quand le véritable directeur du journal fit son entrée.

Le directeur paraissait triste, perplexe, abattu.

Il considéra les ruines que le vieux monsieur et les deux jeunes fermiers avaient faites, et dit: «Voilà une mauvaise affaire, une très mauvaise affaire. La bouteille à la colle est en pièces; il y a six carreaux de cassés, plus une patère et deux chandeliers. Mais là n'est pas le pis. La réputation du journal est perdue, et irrévocablement, j'en ai peur. Jamais, à la vérité, je n'avais vu pareille foule le demander; jamais on n'en a vendu tant d'exemplaires; jamais il ne s'est élevé à une telle célébrité. Mais quelle célébrité que celle qu'on doit à sa folie! Et quelle fortune que celle qu'on doit à ses infirmités! Mon ami, aussi vrai que je suis un honnête homme, la rue, là, dehors, est pleine de gens qui vous attendent, qui veulent voir comment vous êtes fait, parce qu'ils pensent que vous êtes fou. Ils vous guettent, il y en a de perchés partout. Et cela se comprend, après la lecture de vos articles. C'est une honte pour le journalisme. Qui, diable! peut vous avoir mis dans la tête que vous étiez capable de diriger une feuille de cette espèce? Vous semblez ne pas connaître les premiers rudiments de l'agriculture. Vous parlez d'un boyau et d'un hoyau comme si c'était la même chose. Vous parlez d'une saison de la mue pour les vaches. Vous recommandez l'apprivoisement du putois, pour sa folâtrerie et ses qualités supérieures de ratier. Votre remarque – que les colimaçons restent tranquilles si on leur joue de la musique – est superflue, entièrement superflue. Rien ne trouble les colimaçons. Les colimaçons restent toujours tranquilles, les colimaçons se fichent pas mal de la musique. Ah! terre et cieux! mon ami, si vous aviez fait de l'ignorance l'étude de votre vie entière, vous ne pourriez pas en avoir acquis une plus forte dose. Je n'ai jamais vu rien de pareil. Votre observation – que les marrons d'Inde, comme article de commerce, sont de plus en plus en faveur – est tout simplement calculée pour détruire le journal. Je viens vous prier d'abandonner votre place et de partir. Je ne veux plus prendre de vacances, je ne pourrais pas en jouir si j'en prenais. Non, certainement, je ne le pourrais pas, vous sentant ici. J'aurais continuellement peur de vos prochaines recommandations. Je perds patience chaque fois que je songe à cette dissertation sur les bancs d'huîtres, que vous avez intitulée: Jardinage paysagiste. Je vous somme de vous en aller. Rien sur terre ne pourra m'induire à m'octroyer un nouveau congé. Ah! pourquoi ne m'avez-vous pas dit que vous ne connaissiez rien à l'agriculture?

– Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que j'avais à vous dire, à vous, brin d'avoine, à vous, navet, à vous, fils de chou-fleur? C'est la première fois qu'on me tient un langage aussi singulier. J'ai fait quatorze ans de journalisme, sachez-le bien; et c'est la première fois que j'entends dire qu'il faille connaître quoi que ce soit pour rédiger un journal. Triple panais! Quels sont donc les bonshommes qui écrivent la critique dramatique dans les grands journaux? Des écoliers ambitieux, des savetiers sans ouvrage ou des apothicaires déclassés, qui s'entendent juste autant au théâtre que moi à l'agriculture, pas un iota de plus. Quels sont les bonshommes qui y font la revue des livres? Des garnements qui n'en ont jamais publié un seul. Et ceux qui composent les forts articles de finance? Des va-nu-pieds qui n'ont pas la moindre expérience en pareille matière. Et les littérateurs qui critiquent les campagnes de nos officiers contre les Peaux-Rouges? Des messieurs qui ne sauraient distinguer une tente de guerre d'un wigwam et n'ont jamais vu un tomahawk.

«Quels sont aussi ceux qui, sur le papier, préconisent la tempérance et pérorent contre les débordements de l'orgie? Parbleu! les plus joyeux compères et les plus grands amateurs de franches-lippées, gens qui ne commenceront qu'au tombeau l'apprentissage de la sobriété. Et quels êtres dirigent donc les feuilles rurales, s'il vous plaît, farceur que vous êtes? Les individus qui, règle générale, ont échoué dans la carrière poétique, dans la carrière des romans à couverture jaune, dans la carrière des drames à sensation, dans la carrière des feuilles urbaines, et qui, finalement, retombent dans l'agriculture comme dans un asile provisoire contre la mendicité et l'hôpital. Vous voulez m'apprendre, à moi, quelque chose en fait de journalisme! Monsieur, j'ai traversé le journalisme de part en part, de fond en comble, d'alpha à oméga, et je vous affirme que moins un journaliste en sait, plus il fait de bruit et d'argent. O mon Dieu! si j'avais eu le bonheur d'être ignorant au lieu d'être cultivé, d'être impudent au lieu d'être modeste, j'aurais certainement pu me faire un nom à moi dans ce monde égoïste et vain. Je prends congé de vous, monsieur; puisque j'ai été traité d'une façon si ridicule, je ne désire rien tant que m'en aller. Mais j'ai la conscience d'avoir fait mon devoir. J'ai rempli mon engagement aussi bien qu'il a été en mon pouvoir de le remplir. Je vous avais dit que je pouvais rendre votre feuille intéressante pour toutes les classes de la société, et je l'ai fait. Je vous avais dit que je pourrais élever votre vente à vingt mille exemplaires, et si vous m'aviez seulement laissé libre une quinzaine, je l'aurais fait. Je vous ai donné la meilleure catégorie de lecteurs que puisse jamais avoir une feuille rurale: celle où il ne se trouve pas un seul cultivateur, pas un seul valet de ferme, pas une seule bourrique champêtre, mais rien que des individus qui, même pour sauver leur vie, ne sauraient dire quelle différence il y a entre un melon d'eau et une pêche de vigne. C'est vous, n'en doutez pas, vous seul qui perdez à notre rupture, vous, espèce de chinois pour bocal. Adieu.»

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