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A quoi tient l'amour?

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Et je sortis.



Avis aux bonnes petites filles

Une bonne petite fille ne doit pas faire la grimace à sa maîtresse à tout propos; elle doit réserver cela pour les circonstances d'une importance particulière.



Si une bonne petite fille n'a qu'une méchante poupée en haillons, simplement bourrée de son, tandis qu'une de ses heureuses compagnes de jeu possède une magnifique poupée articulée, la première doit néanmoins montrer à la seconde la plus cordiale amitié; elle ne doit tenter aucun échange forcé avec celle-ci, à moins qu'elle ne se sente assez vigoureuse pour réussir dans une pareille opération, et qu'elle n'ait une conscience assez aimable pour l'en absoudre complaisamment.



Une bonne petite fille ne doit jamais arracher de force les joujoux des mains de son petit frère. Mieux vaut le séduire par la promesse de la première pièce de sept francs cinquante centimes qu'on trouvera flottant au fil de l'eau sur une pierre meulière. Avec la simplicité inhérente à son jeune âge, il croira conclure une affaire magnifique. A tous les âges, d'ailleurs, de semblables et non moins douces illusions ne conduisent-elles pas les esprits ingénus très loin, très loin à travers le monde?



Si une bonne petite fille veut corriger son petit frère, elle ne doit pas lui jeter de poussière au visage; non! Mieux vaut lui jeter sur la tête une bonne bouilloire d'eau chaude, qui le débarbouillera bien et lui enlèvera toute espèce de saleté de la peau, voire même un peu la peau par-ci par-là.



Si la maman d'une bonne petite fille lui dit de faire quelque chose, il est vilain de répliquer: «Je ne le ferai pas!» Il est meilleur et plus convenable de répondre qu'on le fera, sauf à agir par la suite selon ses propres lumières.



Une bonne petite fille ne doit jamais oublier que c'est à ses bons parents qu'elle doit son pain, son doux lit et ses beaux habits, et le privilège de rester à la maison et de ne pas aller à l'école quand elle dit qu'elle est malade. Elle doit donc respecter les petits travers et supporter les petites taquineries de ses bons parents, jusqu'à ce que ça devienne réellement insupportable.



Une bonne petite fille doit toujours témoigner une déférence marquée aux vieilles gens. Elle ne doit jamais tracasser les aïeux, à moins qu'ils ne la tracassent eux-mêmes les premiers.



Une bonne petite fille ne doit jamais, si sa maman l'a mise au pain sec, se venger de sa maman en lui cachant ses souliers de bal dans la fameuse cachette où une dame de la cour ne put jamais retrouver les siens, une fois, à Compiègne. Non! il vaut mieux tout simplement les donner à un pauvre aveugle, dans la rue.



Concernant les Femmes de Chambre

Contre toutes les femmes de chambre, quels que soient leur âge et la couleur de leurs cheveux, je déchaîne ma malédiction de célibataire.



Parce que:



Elles mettent toujours les oreillers juste du côté du lit où n'est pas la table de nuit; de telle sorte que, quand vous lisez et fumez avant de vous endormir (c'est l'ancienne et honorée coutume des célibataires), il vous faut tenir votre livre ou votre journal en l'air, dans une position fatigante.



Vous vous décidez à changer les oreillers de place, à la fin, naturellement.



Mais quand, le lendemain matin, elles trouvent les oreillers de l'autre côté du lit, la leçon ne leur profite pas. Elles vous en veulent. Glorieuses de leur pouvoir absolu, sans pitié pour votre faiblesse et votre abandon, elles refont le lit strictement comme la veille, et se réjouissent en secret des angoisses que vous cause leur tyrannie.



Et toujours, et toujours, et dans les siècles des siècles, elles remettent les oreillers où il ne faut pas. Elles ont, avec cela, un air de défi. Elles saturent d'amertume la vie que Dieu vous a donnée.



Au besoin, pour vous faire enrager et vous mettre mal à l'aise, elles installent votre lit dans un courant d'air.



Si vous posez ingénieusement votre malle à cinquante centimètres du mur, pour ne pas heurter le couvercle en l'ouvrant et le faire tenir droit une fois ouvert, elles poussent toujours votre malle tout contre la muraille; elles guettent votre malle pour exécuter cela; elles le font exprès.



Si vous avez besoin du crachoir ici ou là, elles l'emportent toujours ailleurs, à l'autre extrémité de la chambre.



Elles vous logent toujours vos chaussures en des lieux inaccessibles. Elles se plaisent surtout à les glisser aussi loin que possible sous votre lit.



Pourquoi ça? pour que ça vous force à vous mettre à quatre pattes, à tâtonner dans le noir et dans la poussière, et à jurer épouvantablement.



Il n'y a pas de danger que vous trouviez jamais les allumettes à leur place. Elles leur inventent tous les jours une nouvelle cachette; et elles leur substituent une bouteille ou un verre, ou un bibelot plus fragile encore, s'il est possible, afin que la nuit, en vous éveillant, vous cassiez le bibelot au lieu de trouver de la lumière.



Elles changent continuellement tous les meubles de position. Quand vous rentrez dans l'obscurité, vous avez beau faire, vous vous cognez toujours à quelque chose. C'est dégoûtant. Elles aiment ça.



Qu'est-ce que ça leur fait, que vous teniez à ce que telle chose soit à tel endroit? Pourtant elles ne laissent rien en repos. Non, vous pouvez en être sûr. Elles vous déménageront tout avec des complications toujours nouvelles. C'est leur nature. Elles mourraient plutôt que de s'en priver.



Elles ont toujours soin de ramasser scrupuleusement tous les rebuts, et de les remettre en évidence sur votre table. En revanche, elles allument le feu avec vos plus précieux manuscrits.



S'il y a quoi que ce soit dont vous vouliez plus particulièrement vous débarrasser, il vous sera parfaitement inutile de faire les plus grands efforts pour arriver à votre but; elles retrouveront toujours l'objet partout où vous le jetterez, partout où vous le lancerez; et s'il est en pièces, elles vous en rapporteront jusqu'au moindre morceau. Elles se trouveront mieux, cela fait.



Et elles vous usent plus de pommade qu'une demi-douzaine de laquais. Si vous les accusez d'en voler, elles mentent, elles jettent les hauts cris. Croyez-vous qu'elles aient souci d'un avenir quelconque? En aucune façon. Croyez-vous qu'elles pensent à une autre vie, à un autre monde? Vous voulez rire.



Si vous laissez une minute votre clé sur votre porte, quand vous revenez prendre quelque chose que vous avez oublié en sortant, elles vous enferment et descendent la clé au concierge. Elles agissent ainsi sous le futile prétexte de protéger votre bien contre les voleurs; mais, en réalité, pour vous faire crier par la fenêtre, ameuter la population, et manquer des rendez-vous.



Elles viennent toujours, pour faire votre lit, avant que vous ne soyez levé, détruisant ainsi votre repos et vous infligeant une fièvre perpétuelle. Mais une fois que vous êtes levé, elles ne reviennent plus de la journée.



Elles font tout le mal possible, avec toute la mesquinerie possible, et cela par simple perversité, pas autrement.



Les femmes de chambre sont dénuées de tout instinct généreux; elles ignorent tout sentiment humain.



Je les ai maudites, pour le soulagement des célibataires outragés. Elles le méritent. Je veux consacrer le reste de mes jours à faire voter, par notre Corps législatif, une belle et bonne loi abolissant les femmes de chambre, les abolissant à jamais. Voila!



L'Infortuné Jeune Homme d'Aurélie

Les faits que je relate, je les ai trouvés dans une lettre venant d'une jeune personne qui habite la magnifique cité de San-José. Cette jeune personne m'est parfaitement inconnue, et signe simplement:

Marie-Aurélie

. Ce peut être un pseudonyme; mais n'importe! la pauvre fille a le coeur brisé par les nombreux malheurs qu'elle a subis; en outre, les avis contradictoires d'une foule d'amis plus ou moins bien inspirés et d'ennemis plus ou moins insidieux, l'ont jetée dans une telle confusion d'esprit, qu'elle ne sait plus comment faire pour sortir des inextricables difficultés où elle se trouve engagée presque sans espoir. Dans cet embarras, elle se tourne vers moi et me supplie de venir à son aide, et elle a une éloquence qui toucherait le coeur d'une statue. Écoutez donc son histoire.



Vers sa seizième année, elle se prit à aimer, de toute la puissance d'une nature expansive, un jeune homme de New-Jersey, nommé William Breckinridge Caruthers, qui avait cinq ans de plus qu'elle. Ils se fiancèrent avec l'assentiment de leurs parents et amis, et tout d'abord il sembla que leur carrière fût destinée à être caractérisée par une absence de chagrins, habituellement inconnue à la majeure partie de l'humanité. Mais bientôt la fortune tourna. Le jeune Caruthers fut pris d'une petite vérole des plus atroces; quand il se releva, sa figure était trouée comme une écumoire et sa beauté à jamais perdue. Que fit Aurélie? Son premier mouvement fut naturellement de rompre avec lui. Mais la pitié lui vint pour son pauvre adorateur, et elle demanda seulement un peu de temps afin de se faire à cette nouvelle perspective. Le mariage fut remis à trois mois.



La veille même du jour fixé pour la célébration, Breckinridge, en regardant passer un ballon, tomba dans un puits et se cassa une jambe. On dut lui couper cette jambe au-dessus du genou. Que fit Aurélie? Naturellement, elle eut de nouveau l'idée de rompre; mais de nouveau son amour généreux triompha; on se contenta de remettre encore le mariage, pour donner au fiancé le temps de se refaire.



Et, de nouveau, le malheur s'abattit sur le pauvre garçon. Il perdit son bras droit dans une explosion de gaz; et trois mois après, une machine à scier les arbres lui enleva le bras gauche. Le coeur d'Aurélie fut accablé par ces dernières calamités. Elle ne put s'empêcher d'être profondément affligée, quand elle vit son fiancé s'en aller ainsi morceau par morceau.

 



Elle sentait bien qu'avec ce désastreux système de réduction, il ne pourrait durer longtemps; elle ne voyait, du reste, aucun moyen de l'arrêter sur la pente qu'il descendait. Désespérée, les yeux pleins de larmes, elle regrettait presque de ne pas l'avoir pris tout d'abord, avant qu'il n'eût subi tant d'alarmantes dépréciations; elle se lamentait comme un courrier qui, après avoir refusé un prix raisonnable de sa marchandise, voit dégringoler les offres et augmenter sa perte. Mais son brave coeur l'emporta encore une fois, et elle résolut de se résigner derechef à l'éparpillement peu naturel de son jeune homme.



Encore une fois le jour de la noce approcha, et une fois encore Aurélie fut désappointée. Caruthers attrapa un érysipèle et perdit complètement l'usage d'un de ses yeux. Les amis et parents de la fiancée, considérant qu'elle avait eu déjà plus de longanimité qu'on n'en pouvait attendre d'elle raisonnablement, intervinrent alors et insistèrent pour que tout fût définitivement rompu. Mais après quelques instants d'hésitation, Aurélie, s'inspirant d'une louable générosité, dit qu'elle avait réfléchi gravement à tout cela, et que dans tout cela elle ne voyait pas que Breckinridge eût encouru le moindre blâme.



Et elle attendit encore, et il se cassa l'autre jambe.



Ce fut un triste jour pour la pauvre fille, quand elle vit le chirurgien emporter avec componction le sac à chair humaine dont elle n'avait que trop appris l'usage. Elle sentit, ô cruelle réalité! qu'on lui dérobait quelque chose de plus de son futur. Elle ne put se dissimuler que le champ de son affection se rétrécissait singulièrement. Mais, cette fois encore, elle résista aux représentations de sa famille et tint bon.



Enfin, tout était prêt pour les unir. Mais non! Encore un désastre. Il n'y eut qu'un homme scalpé par les Peaux-Rouges l'an dernier, et cet homme fut William Breckinridge Caruthers, de New-Jersey; il rentrait d'un petit voyage, la joie au coeur, quand il perdit pour toujours son cuir chevelu; à cette heure de suprême amertume, il maudit le destin qui ne prenait pas le crâne avec le cuir.



Maintenant, Aurélie se trouve dans une sérieuse perplexité. Que faire? Elle aime encore son Breckinridge; elle aime encore, m'écrit-elle avec une vraie délicatesse féminine, ce qui reste de son Breckinridge. Mais la famille s'oppose absolument à leur union, vu qu'il n'a pas de fortune et qu'il a perdu tout moyen de faire vivre le ménage par son travail. Que faire? demande-t-elle donc avec une pénible et anxieuse sollicitude.



La question est délicate. Il s'agit du bonheur de toute la vie d'une femme et de toute la vie de près des trois quarts d'un homme. A mon sens, on assumerait une trop grande part de responsabilité en ne se bornant pas dans sa réponse à de simples suggestions. Et d'abord, ne faudrait-il pas remettre ce jeune homme au complet? Si Aurélie peut en supporter les frais, qu'elle donne à son amant mutilé des bras et des jambes de bois, un oeil de verre, une perruque et tout ce qui lui fait défaut. Ensuite, qu'elle lui accorde un nouveau délai de trois mois, qui sera le dernier sans rémission; et si, dans ce délai, il ne se casse pas le cou, s'il ne perd aucun morceau indispensable de sa personne, qu'elle l'épouse à tout hasard.



De la sorte, vous ne courrez pas grand risque, Aurélie. S'il suit son fatal penchant à s'endommager chaque fois qu'il en trouve l'occasion, ce sera fait de lui à la prochaine épreuve, et alors plus de difficultés. Les jambes de bois et autres membres artificiels reviennent à la veuve. Vous ne perdrez rien qu'un dernier fragment d'un époux chéri, mais infortuné, qui eut l'honnête intention de bien faire, mais ne put résister à ses instincts extraordinaires. Essayez donc, Marie-Aurélie, essayez! Oui, j'y ai mûrement réfléchi; vous n'avez que ce moyen de vous tirer de là. Caruthers aurait certes mieux fait de se casser le cou d'emblée; mais on ne peut lui reprocher enfin d'avoir duré plus longtemps, d'avoir mieux aimé s'en aller en détail que partir en bloc. Il faut tirer le meilleur profit possible des circonstances et ne point en vouloir aux gens. Soyez assez bonne pour ne pas oublier de m'envoyer une lettre de faire part, quoi qu'il arrive.



Mais, ma pauvre Aurélie, j'y pense: si vous alliez avoir une ribambelle d'enfants affligés des mêmes tendances que leur père! Ça mérite réflexion.



Le Cas de Johnny Greer

L'église était remplie d'une foule compacte, en ce beau dimanche d'été; et chacun, les yeux tournés vers le petit cercueil, semblait vivement ému du sort de ce pauvre enfant noir.



Sur la silencieuse assemblée s'éleva la voix du pasteur; et les assistants de tout âge écoutèrent avec intérêt les nombreux et enviables compliments qu'il prodigua au bon, au noble et audacieux Johnny Greer. Voyant le cadavre du noyé emporté par le courant au plus profond de la rivière, d'où les parents éplorés n'auraient jamais pu le retirer, Johnny s'était élancé vaillamment dans le fleuve, et avait, au péril de sa vie, poussé le cadavre à bord.



Un gamin en haillons se tourna vers Johnny et, l'oeil vif, le ton rude, lui dit tout bas:



«Tu as fait ça?



– Oui.



– Poussé la carcasse à bord, sauvé la carcasse toi-même?



– Oui.



– Et qu'est-ce qu'ils t'ont donné pour la peine?



– Rien.



– Malheur!.. Sais-tu ce que j'aurais fait à ta place? J'aurais ancré la carcasse au beau milieu de l'eau, et j'aurais crié: Cinq dollars, mesdames et messieurs! ou vous n'aurez pas votre négrillon!»



Réponse d'un Rédacteur en chef à un Jeune Journaliste

Oui, mon ami, les médecins recommandent aux écrivains de manger du poisson, parce que ça donne de la cervelle. Mais ce qu'il vous faudrait personnellement en manger, je ne saurais vous le dire au juste avec certitude.



Pourtant, si le manuscrit que vous venez d'apporter est un fidèle spécimen de ce que vous faites d'ordinaire, je me crois autorisé à vous répondre que, peut-être, une paire de baleines de moyenne grandeur serait tout ce qu'il vous faudrait chaque jour.



Pas de première grandeur; de moyenne grandeur simplement!



Pour guérir un Rhume

Il est bon, peut-être, d'écrire pour l'amusement du public; mais il est infiniment plus relevé et plus noble d'écrire pour son instruction, son profit, son bénéfice actuel et palpable. C'est l'unique objet de cet article. S'il a quelque efficacité pour rappeler à la santé un seul de mes semblables, pour rallumer une fois de plus la flamme de l'espoir et de la joie en ses yeux, pour rendre à son coeur désolé les vifs et généreux battements des beaux jours, je serai amplement récompensé de mon travail; mon âme pourra connaître alors les saintes délices qu'éprouve un vrai chrétien quand il a fait avec courage une action bonne et désintéressée.



Dans l'incendie de la Maison-Blanche, je perdis mon intérieur, ma félicité, ma santé et ma malle. La perte des deux premiers objets n'était pas de grande conséquence. On se refait aisément un intérieur, lorsque dans l'intérieur perdu il n'y avait ni mère, ni soeur, ni parente à un degré quelconque, pour vous rappeler, en rangeant vos bottes et votre linge sale, que quelqu'un au monde pensait à vous. Quant à la perte de ma félicité, ça m'était fort égal, par cette raison que, n'étant pas poète, la mélancolie ne pouvait longtemps cohabiter avec moi.



Mais perdre une bonne santé et une excellente malle, c'était infiniment plus sérieux.



Le jour même de l'incendie, ma santé succomba sous l'influence d'un rhume cruel, que j'attrapai en faisant des efforts surhumains pour recouvrer ma présence d'esprit. Du reste, ça ne me servit absolument à rien; le plan que je combinai alors pour éteindre le feu, était trop compliqué; je ne pus le terminer avant la fin de la semaine suivante.



La première fois qu'il m'arriva d'éternuer, un ami me conseilla de prendre un bain de pieds bouillant et de me mettre au lit. Ce qui fût fait. Peu après, un autre ami me conseilla de me lever et de prendre une douche froide. Ce qui fut fait également. Bientôt, un troisième ami m'assura qu'il fallait toujours, suivant le dicton, «nourrir un rhume et affamer une fièvre». Rhume et fièvre, j'avais les deux. Aussi pensai-je faire pour le mieux en m'emplissant d'abord l'estomac pour nourrir le rhume, et en allant subséquemment affamer la fièvre à l'écart.



En pareil cas, rarement je fais les choses à moitié. Je résolus donc d'être vorace. Je me mis à table chez un étranger qui venait d'ouvrir un restaurant à prix fixe le matin même. Il attendit près de moi, dans un respectueux silence, que j'eusse fini de nourrir mon rhume, et alors me demanda si l'on était très sujet aux rhumes en Virginie. Je répondis affirmativement. Il sortit, ôta son enseigne et ferma boutique.



Je me rendis à mes affaires. Chemin faisant, je rencontrai un quatrième ami intime; il me dit qu'il n'y avait rien au monde pour guérir un rhume comme un verre d'eau salée bien chaude. J'avais peur de n'avoir plus la moindre place vacante dans mon estomac. A tout hasard, j'essayai d'avaler. Le résultat fut merveilleux. Je crus que j'allais rendre mon âme immortelle.



Je n'écris ce détail que pour le profit de ceux qui sont affligés d'un malaise pareil au mien; qu'ils se gardent de l'eau salée chaude. Ce peut être un bon traitement, mais c'est un traitement de chien. Si j'attrapais un autre rhume de cerveau, et qu'il me fallût absolument, pour m'en débarrasser, choisir entre un tremblement de terre et un verre d'eau salée chaude, ma foi! je crois que je préférerais avaler tout le tremblement.



Quand l'orage suscité dans mes entrailles se fût calmé, aucun autre bon Samaritain ne se présenta pour me donner aucun autre bon conseil; j'allai, empruntant partout des mouchoirs de poche et les mettant en bouillie, tout à fait comme au début de mon rhume. Survint une vieille dame, qui arrivait justement de par delà les plaines. Elle habitait, paraît-il, un pays où généralement les médecins brillaient par leur absence. Elle s'était donc trouvée dans la nécessité d'acquérir une habileté considérable pour la guérison des petites indispositions courantes. Je compris qu'elle devait avoir beaucoup d'expérience, car elle semblait avoir cent cinquante ans.



Elle me fit une décoction de tabac, de bismuth, de valériane et autres drogues amalgamées, et me prescrivit d'en prendre un petit verre tous les quarts d'heure. Le premier quart d'heure fut suffisant. A peine le breuvage absorbé, je me sentis entraîné hors de tous mes gonds, dans les bas-fonds les plus horribles de la nature humaine. Sous sa maligne influence, mon cerveau conçut des miracles de perversité, que mes mains furent heureusement trop faibles pour réaliser. J'avais épuisé toutes mes forces à expérimenter les divers remèdes qui devaient infailliblement guérir mon rhume; sans cela j'aurais été, je crois, jusqu'à déterrer, oui, jusqu'à déterrer les morts dans les cimetières.



Comme beaucoup de gens, j'ai parfois des pensées peu avouables, suivies d'actions peu louables. Mais jamais je ne m'étais reconnu une telle dépravation, une dépravation aussi monstrueusement surnaturelle. J'en fus fier.



Au bout de dix jours, j'étais en état d'essayer d'un autre traitement. Je pris encore quelques remèdes infaillibles, et, finalement, je fis retomber mon rhume de cerveau sur la poitrine.



Je ne cessai de tousser. Ma voix descendit au-dessous de zéro. Chacun des mots que je prononçais roulait comme un tonnerre, à deux octaves plus bas que mon diapason ordinaire. Je ne pouvais régulièrement m'assurer quelques heures de sommeil, la nuit, qu'en toussant jusqu'à complète extinction de mes forces. Et encore, si j'avais le malheur de rêver et de parler en rêve, le son fêlé de ma voix discordante me réveillait en sursaut.



Mon état s'aggravait chaque jour. On me recommanda le gin pur. J'en pris. Puis le gin à la mélasse. J'en pris également. Puis le gin aux oignons. J'ajoutai les oignons, et je pris les trois breuvages mêlés. Je ne constatai aucun résultat appréciable. Ah! pardon, mon haleine commença à battre la cloche et à bourdonner terriblement.



Je découvris qu'il fallait voyager pour me rétablir. Je partis pour le lac Bigler, avec mon camarade, le reporter Wilson. Je suis heureux de me souvenir que nous voyagions dans le plus haut style. Mon ami avait pour bagages deux excellents foulards de soie et une photographie de sa grand'mère. Tout le jour, nous chassions, nous pêchions, nous canotions, nous dansions; et je soignais mon rhume toute la nuit. Par ce procédé, je réussis à obtenir un certain répit, un certain soulagement. Mais le mal continuait tout de même à empirer. C'est singulier, c'est incompréhensible.

 



Un

bain-au-drap

 me fut recommandé. Je n'avais encore reculé devant aucun remède; il me sembla honteux, ridicule et stupide, de commencer le recul devant celui-ci. Donc, je résolus de prendre un

bain-au-drap

, quoique je n'eusse pas la moindre idée de ce que cela pouvait bien être.



Le bain me fut administré à minuit. Il faisait froid. J'avais la poitrine et le dos nus. On enroula autour de moi un drap trempé dans l'eau glacée. Maudit drap! il semblait qu'à y en eût cinq cents mè

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