Perdus Pour Toujours

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Je ne lui connaissais pas de clients angolais et moins de brésiliens. Au bureau, il n’y a que Gomez qui a des contacts avec le Brésil, où il peut exercer et donc y passer parfois du temps, mais que je sache il n’a aucune affaire en cours liée à des adoptions, et ce n’est même pas le type de sujet qu’il traite. Je lui demanderai lundi s’il sait quelque chose à propos de cet Hôpital Privé. Belém comme nom de lieu ne m’est pas étranger, où cela se trouve-t-il ? Je prends une carte et je vois ce nom au nord du pays. Bien sûr ! C’est la capitale de l’État du Pará, elle se situe à l’embouchure du fleuve du même nom. Ce n’est pas une petite ville, lors des deux derniers recensements elle apparaît avec près de 190 mille habitants. Mais même ainsi elle ne doit pas avoir beaucoup d’hôpitaux privés, et si la loi est similaire à la loi portugaise, il ne pourra y en avoir qu’un avec ce nom. Tant de choses à découvrir. Cependant, pour ne pas perdre de temps et parce que je trouve tout cela très curieux, j’écris une lettre à Beauchamp, dans laquelle, sans plus de détails, je lui demande qu’il me contacte d’urgence au bureau et lui donne mon numéro direct. Demain, je la posterai dans la boite aux lettres de l’aéroport. Avant d’aller me coucher, je commande par téléphone un taxi pour onze heures du matin.

TROIS

Ma journée commence à l’heure habituelle avec les exercices qui font partie de ma routine matinale depuis déjà quelques mois. Je n’arrive pas à me concentrer, je pense sans cesse à l’histoire de Lentz et de Ferrara et à cause de cela je n’arrive pas à finir avant sept heures. Je dois recommencer plusieurs fois du début car je ne me rappelle pas du nombre où j’en suis, une pénitence qui a pour objectif d’améliorer ma mémoire et ma concentration, mais qui ne me sert vraiment à rien aujourd’hui.

Je laisse Becca dormir car, même si elle n’a pas passé une mauvaise nuit, c’est toujours du repos de gagné. Je prends mon petit-déjeuner et fais nos deux valises. Enfin, je mets mes affaires dans la valise et laisse les siennes sur le lit afin qu’elle les approuve (ou pas). Au milieu de sa chambre, je dispose sa petite valise à roulettes du Petit Spirou afin qu’elle puisse apporter quelques jouets et des poupées pour passer le temps là-bas.

Je décide d’aller prendre ma douche avant de réveiller Becca et quand j’entre dans la salle de bains et que je vois mon reflet dans le miroir je choisis de raser ma barbe. Je me mouille le visage avec de l’eau chaude, je me masse avec une crème à base d’huile d’eucalyptus, je mets de la crème au menthol, germe de blé et lanoline dans un bol en porcelaine et je fais mousser à l’aide d’une brosse en vison.

J’attends quelques minutes pour bien laisser la crème pénétrer dans ma peau et me couvre ensuite le visage de mousse. J’attends à nouveau quelques minutes de plus avant de me raser et répète ensuite l’application de la crème d’huile d’eucalyptus avant de me masser le visage avec de la Floïd – une lotion après-rasage que mon grand-père m’envoie de Madrid avec une régularité sans nom, alors que je lui ai déjà dit des centaines de fois que je pouvais l’acheter ici aux grand-magasins du Corte Inglés. Cela pourrait sembler n’être qu’une coquetterie dans ma routine, mais s’il m’était impossible il-y-a quelques années de me raser sans que cela m’irritait la peau, maintenant je peux le faire, selon les envies, deux fois par jour sans problème.

J’expédie la douche en cinq minutes, je me sèche et vais m’habiller dans ma chambre. La météo à Madère est plus chaude et plus humide qu’à Lisbonne, je me décide ainsi à porter un costume deux pièces printanier en lin de Tasmanie marron clair, je mets des sous-vêtements beiges, des chaussettes ocres et une chemise dans les tons de jaune en coton à carreaux avec des boutons au col et aux surpiqures jaune foncé. La cravate est en soie épaisse vert foncé avec des dessins géométriques ocres assortis aux couleurs de la chemise et du costume. Je mets des chaussures marron clair à lacets, mais je remarque qu’elles ont besoin d’être cirées. Je vais alors dans le cellier chercher le pot de cirage. Rapidement et avec attention, pour ne pas me tacher, je cire les chaussures, leur redonnant brillance et éclat, puis les enfile à nouveau. Je retourne dans la salle de bains pour me laver les mains et j’analyse alors mon reflet dans le grand miroir et satisfait du résultat, je vais réveiller Becca.

Je ne mets pas longtemps à la réveiller car elle se rappelle qu’aujourd’hui nous prenons l’avion. Elle commence à sauter sur le lit et je dois lui dire d’arrêter. Je l’emmène ensuite dans la salle de bains, elle prend sa douche, je la laisse toute seule, faire comme elle le souhaite – ça n’est pas un travail très bien fait et cela dure la plupart du temps plus qu’il ne faudrait, mais elle se sent grande alors je la laisse faire.

Je la prends dans mes bras pour l’emmener dans le salon et lui sers son petit-déjeuner accompagné de tonnes et de tonnes de questions sur l’avion et sur Madère. Nous allons ensuite dans sa chambre pour choisir les vêtements qu’elle va mettre. Étrangement aujourd’hui ça n’a pris que très peu de temps – cela doit être dû à l’excitation du voyage inattendu – de plus, elle n’a pas critiqué ce que j’avais mis de côté pour elle. Pendant qu’elle reste dans sa chambre pour choisir les jouets qu’elle va prendre, je vais finir la valise que je dispose ensuite à côté de la porte d’entrée. Je vais pour mettre mon téléphone professionnel dans ma sacoche, mais je me dis qu’il est mieux de prendre mon téléphone personnel et de laisser celui du bureau à la maison.

Il reste encore une heure avant l’arrivée du taxi, nous avons donc le temps de nous asseoir et de lire un livre de contes de fées. Parmi les nombreuses questions, la plupart n’ayant aucun rapport avec l’histoire, j’arrive presque à lire Cendrillon en entier avant que l’on ne frappe à la porte.

La course en direction de l’aéroport est, comme je m’y attendais, une longue marche au milieu des flux de circulation de l’heure du déjeuner. Un accident entre trois voitures à côté de la station-service Repsol, avec des ambulances et une voiture de police également arrêtées au milieu de la Segunda Circular, n’aide en rien à ce que nous allions plus vite.

Au bout de quarante minutes, nous pouvons enfin sortir la valise du coffre de la Mercedes pour la mettre sur un charriot qu’un autre voyageur me donne directement. Je paye le taxi en lui laissant un pourboire et lui demande un reçu, j’assieds Becca sur la valise et nous partons en direction du check-in.

« Neboloni, vous me dites monsieur ? Il me semble ne voir aucune réservation à ce nom. Avez-vous le code ? » Je lui montre le post-it vert de Gabriela et j’attends qu’elle nous trouve sur son écran. Au bout de quelques minutes elle finit par nous trouver « Ah, Nebuloni... », s’exclame-t-elle finalement en accentuant sur le « u », malgré le fait de lui avoir épeler mon nom à deux reprises. Elle étiquette la valise et nous donne les deux cartes d’embarquement. « Porte sept à 12h40. Bon voyage. » Je donne la main à Becca et nous allons jusqu’à une boite aux lettres y déposer le courrier pour Beauchamp. Nous passons ensuite le contrôle de sécurité et nous promenons dans les boutiques jusqu’à l’horaire d’embarquement.

Les bras pleins de jouets et de peluches, on m’a demandé ma carte d’identité trois fois et la carte d’embarquement presque autant. Comme si j’avais changé d’identité avec quelqu’un qui serait discrètement arrivé en parachute dans l’aéroport entre deux contrôles, nous nous asseyons au premier rang alors que l’avion était sur le point de partir sans nous. Becca a le sourire jusqu’aux oreilles. Je me demande pendant quelques minutes comment a-t-elle pu me convaincre de lui acheter autant de choses. Et avec tout cela j’ai oublié de m’acheter le journal ! Heureusement dans le vol il y a de nombreux étrangers et j’arrive à avoir en plus du Diário de Notícias et du International Herald Tribune, Le Monde et le Corriere della Sera, que je me prépare à lire après avoir mangé la moitié de mon déjeuner et avoir aidé Becca à manger le sien.

Le Tribune et le DN d’aujourd’hui ont dédié une partie de leurs unes à la décision du gouvernement mozambicain d’ajouter l’anglais au portugais comme langue officiel du pays, prétextant des liens commerciaux et une participation à la communauté britannique. Je n’y trouve qu’un petit article de Reuters à propos de l’affaire du Brésil, semblable au bulletin d’Euronews, court et factuel.

Le Monde écrit également sur le Mozambique, spécule sur une éventuelle indépendance des Açores et un futur rapprochement de l’archipel avec les États-Unis mais ne mentionne rien sur le Brésil.

Il n’y a que le Corriere qui aborde cette affaire avec plus de détails. Avec un court paragraphe en une, qui renvoie à l’intérieur du journal, il lui est dédié une demi-page dans la rubrique internationale entre une analyse sur la situation en Irak et l’interview d’un avocat luso-américain, président du mouvement pour l’indépendance des Açores, dont le siège est situé à Washington.

Après une analyse biographique du Docteur Ferrara et du travail accompli par l’IEPE, le Corriere poursuit en disant qu’elle « s’était rendue au Brésil et plus précisément dans l’État de l’Amazonie pour enquêter conjointement avec l’Institut de Protection de l’Enfance du gouvernement fédéral brésilien sur des allégations d’adoptions illégales, d’enlèvements et de ventes d’enfants dans lesquelles seraient prétendument impliqués des citoyens de l’Union Européenne. N’ayant encore aucun indice sur l’implication effective de citoyens de l’UE, la présence du Docteur Ferrara au Brésil ainsi que sa participation à l’enquête ne se vérifient que dans le cadre de la collaboration existante entre les deux organisations de protection des mineurs et ne revêtent aucune fonction officielle. » Et un peu plus loin : « La nouvelle de ce trafic inhumain a été pour la première fois mentionnée par Konrad Lentz dans un journal suisse, ZüricherZeitung, qui couvrait également l’enquête à la demande du Docteur Ferrara, avec qui il avait déjà travaillé auparavant sur la tristement célèbre enquête des réseaux pédophiles, déjà rapporté dans ce journal il y a quelques années (...). Les corps horriblement mutilés des deux enquêteurs ainsi que celui du Docteur Marcelo Kabanishi, du Cabinet de la Protection de l’Enfance de l’État d’Amazonie, qui les accompagnait ont été retrouvés dans une décharge au nord-est de Manaus.

 

L’examen des cadavres a constaté qu’ils ont été sauvagement attaqués par des chiens et ensuite déchiquetés à coup de machette, de manière bestiale et cruelle, rendant difficile leur identification. Aucun document n’a été retrouvé sur les cadavres ni aux alentours de l’endroit où ils gisaient. Les seuls indices servant à leur découverte étant la déclaration de disparition faite par la femme du Docteur Kabanishi, ainsi que la comparaison des dents avec les dossiers dentaires de ce dernier, qui a permis son identification et par extension celle des deux autres enquêteurs. (...) Cependant, la police ne pense pas que ce crime horrible soit en rapport avec l’enquête en cours sur les adoptions illégales, puisque que l’on a retrouvé des restes d’héroïne dans les vêtements des deux européens.

Selon un porte-parole de la police, nous faisons face à un cas classique de « règlement de compte », ou peut-être à la découverte malheureuse de la part des enquêteurs d’une bande de trafiquants en pleine activité (la zone la plus au nord-est du Brésil est traversée par des routes de passages entre les diverses zones de cultures de drogues de la Colombie, du Pérou et de la Bolivie et est donc difficilement surveillée par l’armée), étant donné que dans tous les cas, le résultat aurait été le même. Aucune enquête spéciale n’est actuellement en cours, à part bien sûr l’enquête habituelle pour homicide. (...) »

Drogues ? Trafiquants ? Je ne m’appelle par Sherlock, mais s’il y a une chose qui me paraît avoir été rajoutée, c’est l’héroïne qui a soi-disant été retrouvée sur les vêtements. Enfin, je ne remets pas en cause ce qu’il s’est passé, mais cela me paraîtrait très étrange que cela n’est pas été mis ici exprès. Les restes de drogue trouvés sont extrêmement pratiques pour détourner l’attention et dénigrer le travail réalisé par Ferrara, Lentz, et Kabanishi à Manaus. De plus en plus curieux.

L’avertissement pour attacher les ceintures m’a totalement pris au dépourvu, je n’ai pas vu le temps passer. Becca dort à mes côtés avec la tête appuyé sur un coussin, fatiguée de regarder par le hublot à la recherche de canards et d’avions pour raconter à ses amis une fois de retour. Je vérifie qu’elle a encore sa ceinture attachée et la laisse dormir. L’avion descend de plus en plus en direction de Madère, après être passé au-dessus de Porto Santo qu’on peut observer à notre gauche, et survole l’extrême est de l’île, que le commandant appelle Ponta de São Lourenço.

Il parcourt l’île le long de la côte, passe au-dessus de l’aéroport et fait demi-tour au-dessus de la mer pour venir atterrir dans le sens ouest-est, à nouveau le long de la côte. La vue est impressionnante, à droite de l’avion on voit ce qui semble être un versant continu de montagnes qui sortent pratiquement de la mer, il n’y a pas de plages dignes de ce nom, seulement des criques de galets, dont l’une d’elles est occupée par la petite ville de Santa Cruz, où l’on peut voir des maisons, un grand nombre de maisons, de toutes les tailles et de différents modèles et toutes très rapprochées les unes des autres, au milieu d’une mer de vert que n’en finit plus.

Si l’on ne se trouvait pas dans un avion, on pourrait presque penser que l’on parcourt une autoroute élevée dans un pays montagneux, tellement nous volons si près de l’île. Becca se réveille avec la trépidation d’approche à la piste d’atterrissage et me donne la main.

L’avion se balance d’une aile à l’autre tandis que le pilote cherche la meilleure approche entre les vents contraires qu’il doit affronter. Finalement, il se dirige sur la piste, tape sur le goudron tout en douceur, et inverse immédiatement les réacteurs, ce qui provoque un bruit assourdissant et entraîne une bruyante salve d’applaudissements de la part des passagers habituels.

En un peu moins de vingt minutes, nous récupérons les valises et nous retrouvons au début d’une énorme file de taxis jaune canari aux liserés bleus, au milieu d’une journée ensoleillée, avec un ciel bleu et une température assez agréable. Nous montons ainsi dans le premier taxi, une combi Renault Laguna, où le chauffeur commence immédiatement à nous parler en allemand, en disant que personne ne connait aussi bien l’île que lui et que prévoir une excursion dans son taxi est mieux que de prendre un autobus. Je l’interromps pour lui dire où nous voulons aller, évidement je lui parle en portugais, ce qui le laisse stupéfait.

« Veuillez m’excuser, je ne pensais pas que vous étiez portugais. Vous ne ressemblez pas à un portugais. » Me dit-il avec un accent de Madère très prononcé. Ce n’est pas grave, lui dis-je sans le corriger. Cependant, je n’ai jamais pensé ressembler à un allemand non plus. « Alors, vous venez passer des vacances ? Vous allez jouer au golf ? Vous allez avoir beau temps. Si vous avez besoin de vous déplacer quelque part, téléphonez-moi, je m’appelle Marco, voici mon numéro de portable. »

L’homme insiste, mais il est vrai qu’au vu de la file d’attente à l’aéroport, plus tu gardes des clients, plus tu gagnes de l’argent. Je garde sa carte et promets de lui téléphoner si je souhaite faire une excursion, mais que je n’aurai probablement pas le temps. « Ah, vous êtes ici pour le travail, pour le séminaire, c’est bien ça ? Aujourd’hui, beaucoup de personnes sont arrivées, et je n’ai fait que ça, quatre transferts, deux au casino et deux au Reid’s. » Il continue à parler du grand nombre de participants au séminaire, mais comme je ne semble pas intéressé, et je ne le suis vraiment pas, il finit par se taire et me laisse apprécier le paysage. Becca est assise à côté de moi, toute silencieuse, avec la ceinture de sécurité bouclée et le regard perdu sur un point quelconque à droite de la voiture. « Qu’est-ce que tu regardes Becca ? » Je lui parle doucement en portugais, peut-être que ce malheureux parle suédois et va vouloir commencer une nouvelle conversation. « Rien, je regarde juste les maisons et les les a’b’es. Tu penses qu’elles pou’aient tomber en bas de la montagne ? » Je lui réponds que non, qu’elles sont en sécurité, mais je comprends sa crainte, il y a des maisons qui semblent véritablement pendues au versant.

En vingt minutes nous arrivons à l’hôtel. Je paye l’homme, lui demande un reçu et lui laisse la monnaie. « Ne m’oubliez pas », me dit-il à nouveau en faisant un signe de la main au concierge de l’hôtel. Nous passons la porte tournante, deux fois, car Becca trouve cela très drôle et nous dirigeons à droite vers la réception. « Guten tag, hërtzlich wilkommen zum Pearl Bay Resort Hotel ! » nous adresse alors une jeune fille très sympathique derrière son comptoir en marbre. Je me suis réveillé avec une tête d’allemand ce matin ou quoi ? « Bonjour, j’ai une réservation au nom de Carl Nebuloni. » Elle rougit alors jusqu’aux oreilles. « Je vous demande pardon, monsieur Nebuloni, je ne savais que vous étiez portugais. Vous me paraissiez allemand. »

L’un n’exclut pas obligatoirement l’autre, j’allais d’abord le lui dire, puis change d’idée et lui rétorque : « Je sais, on me l’a déjà dit aujourd’hui. » Je change de sujet. « Va-t-il faire beau temps aujourd’hui ? » Soulagée de ne pas m’avoir vexée avec son erreur, la jeune fille, dont l’étiquette sur la chemise indique qu’elle s’appelle Micaela, sourit et me dit qu’il va faire très beau, confirmant ainsi le rapport du chauffeur de taxi. Elle nous donne les cartes magnétiques qui servent de clé, nous souhaite un bon séjour et nous dirige vers le groom afin qu’il nous emmène à notre chambre qui se trouve au sixième étage.

Nous le suivons à droite de la réception, en passant à côté de deux passerelles, une basse et l’autre haute puis rentrons dans l’ascenseur pour nous rendre au dernier étage. Le groom nous mène ensuite tout au fond du couloir de droite et nous ouvre la porte de la chambre de gauche, tout cela sans dire un mot. Il pose la valise sur une petite table et nous souhaite un bon séjour, je lui donne un peu de monnaie et il sort en murmurant merci puis disparaît.

La chambre est décorée dans des tons pastel de rose et de vert, du sol au plafond, et possède un mobilier en bois clair qui rehausse la luminosité rentrant par la fenêtre. J’ouvre les portes du balcon avec vue sur la baie de Funchal, comme je l’avais demandé et vais dehors alors que Becca a déjà enlevé ses chaussures, ses chaussettes et son pantalon et est en train de sauter sur le lit. Devant moi, à gauche, se trouve le rocher du Reid’s, l’hôtel le plus célèbre de Madère, avec une longue liste de célébrités y ayant résidées depuis son ouverture, il y a plus de cent ans. Au fond, encore à gauche, je peux admirer la baie de Funchal ainsi qu’une partie de la marina et en continuant au loin, le reste de l’île, jusqu’où elle se courbe vers l’intérieur.

À ma droite, il n’y a que la mer. Telle que je m’en souvenais lorsque j’étais venu ici avec mes parents il y a quelques années. Je m’assieds sur l’un des fauteuils en osier, pose mes pieds sur la balustrade et reste à écouter la mer tandis que Becca s’amuse à lancer les coussins d’un lit à l’autre.

Je reste ainsi pendant une demi-heure et appelle ensuite Gabriela pour lui dire qu’elle peut m’appeler sur mon numéro personnel si elle a besoin de quelque chose.

« Ne t’inquiète pas Chef, tu vas voir, je n’aurai pas besoin de toi. Tout est sous contrôle. Profite bien du séminaire pour te reposer et ces choses-là sont parfois plus utiles que l’on y pense. » Comme d’habitude, elle voit juste, ce qui me fait penser à Gomez, tant qu’il aime bien se reposer, que peut-il bien faire pour ne pas vouloir venir ici. Curieux, je demande à Gabriela.

« Tu as vu PIG aujourd’hui ? » La réponse me laisse abasourdi.

« Non, à ce qu’il parait, il a pris un vol pour Bâle ce matin. Susana m’a dit qu’il a une réunion avec un client, tu ne le savais pas ? » Je lui réponds que non, mais que cela ne me surprend pas, après tout, il n’y a que Gomez qui connaît ses clients, même que, au final, ce soient quand même des clients du cabinet. Je lui dis au revoir et retourne dans la chambre où Becca a presque entièrement défait les deux lits à force de sauter. J’admire son énergie, mais fais semblant de ne pas être content.

« Becca, regarde ce que tu as fait, et maintenant, où va-t-on dormir ? » Elle arrête immédiatement de sauter et me regarde d’un air triste. « Tu dois m’aider à remettre les lits en ordre pour que nous puissions dormir, sinon demain nous allons nous réveiller très fatigués, tu comprends ? » Elle me fait un signe de la tête pour me dire oui. Une fois que cela est dit, elle saute par terre et durant les dix minutes suivantes, m’aide à étendre les draps et à remettre correctement les couvertures sur les lits, jusqu’à qu’ils ressemblent plus ou moins à ce qu’ils étaient quand nous sommes arrivés.

Avec tout ça, il est déjà quatre heures, l’heure du gouter. Je remets ses vêtements à Becca, et nous partons à la recherche d’un endroit pour manger.

En passant à la réception, je demande à Micaela si l’hôtel possède un service de baby-sitter et elle me dit que oui. J’en réserve une à partir de demain et jusqu’à vendredi, afin de s’occuper de Becca lorsque je serai au séminaire. Nous sortons par la droite de l’hôtel, grimpons la pente raide jusqu’à la route et continuons à gauche par la promenade, le long de la route dite Monumentale.

Nous passons devant un restaurant qui devait, auparavant, être la maison de quelqu’un, une autre vieille maison aujourd’hui adaptée en un pub irlandais, un énorme hôtel, encore un restaurant, une agence immobilière, tout cela jusqu’à un croisement de plusieurs rues où à droite il semble y avoir un amas de magasins parmi lesquelles une cafétéria. Nous nous rendons devant mais cela ne me paraît pas être le lieu adéquat, je regarde autour de moi et ne vois rien d’autre qui le soit. Nous retournons donc à l’hôtel pour aller au bar de la piscine, où j’ai vu qu’ils servaient des choses que Becca apprécie.

Quand nous repassons devant la réception Micaela m’appelle pour me dire qu’ils ont déjà contacté une baby-sitter mais que la seule personne disponible est étrangère, qu’elle ne parle pas très bien portugais. Je lui dis que ce n’est pas bien grave tant qu’elle s’entend bien avec Becca, mais lui demande tout de même sa nationalité.

 

« C’est une jeune fille suédoise qui vit ici avec ses parents. Elle est très gentille. J’espère que votre fille va bien s’entendre avec elle. »

J’essaye de rester sérieux et ne pas rire, mais la coïncidence est vraiment incroyable. Qui pourrait croire que la seule baby-sitter disponible sur Madère est suédoise. Cela va être amusant. Je ne dis rien à Becca pour voir sa réaction lorsque la jeune fille lui parlera suédois.

« Ne vous inquiétez pas Micaela, je suis sûr que cela va très bien se passer » lui dis-je. Même si je n’en suis pas si sûr, ce n’est pas juste parce que quelqu’un parle une langue qu’elle connaît que Becca acceptera cette personne, mais nous ne pourrons découvrir cela que demain.

Nous descendons à la piscine, nous asseyons sur une des tables du bar et je commande alors un jus de pomme et un toast de pain grillé pour Becca et une bouteille d’eau pour moi. Mais lorsque je sens le soleil taper sur mon dos, je change d’idée et rappelle le barman pour prendre une chope de bière. Il n’y a rien de mieux qu’une bière bien fraîche lorsque le soleil chauffe.

La petite boit le jus de pomme et mange le toast en un clin d’œil. Je lui demande si elle veut autre chose. « Oui, mais ze ne veux pas un toast. Ze veux gâteau. » Je commande le seul gâteau qui selon moi pourrait lui plaire, une queijada, mais ce n’est pas le cas. Le second jus de pomme, en revanche, a suivi le même chemin que le premier. Néanmoins, c’est mieux ainsi, qu’elle ne mange pas trop maintenant, sinon elle ne voudra rien dîner. Quand je finis de boire ma bière, un bon moment après que le second jus de pomme ait disparu, je fais un gribouillis sur l’addition, écris notre numéro de chambre et nous sortons à nouveau de l’hôtel, cette fois à droite de la route Monumentale.

Nous nous promenons en direction du centre pendant un petit bout de chemin mais je vois que Becca commence à être fatiguée, nous prenons donc un taxi.

Nous descendons sur une place dans la vieille ville et faisons un petit tour dans les rues étroites remplies de maisons collées les unes aux autres, comme si l’une s’appuyait sur la suivante et vice versa. Certaines restaurées, d’autres à restaurer, avec des odeurs de peinture et de ciment frais dominant la chaleur tiède de cette fin d’après-midi. Nous trouvons beaucoup de restaurants ainsi que d’auberges rénovées et décorées dans le but de paraître plus anciens et usés, tels que les touristes aiment voir quand ils visitent des sites considérés comme typiques, et, aux étages supérieurs, des logements des gens que y habite, et quelques bureaux.

Nous passons par le marché, qu’à cette heure est fermé, puis traversons une rivière par un pont qui se trouve sur notre chemin. Nous descendons le long de la rive, pour jeter un coup d’œil à une place où trône une statue en hommage à l’autonomie de l’archipel, puis reprenons par un chemin qui longe la baie et continuons à droite. Becca me dit alors qu’elle est fatiguée, nous nous asseyons donc sur un des bancs en bois peints en vert, tournés vers la mer et disposés le long du chemin.

La marée est en train de monter et l’eau arrive déjà près du mur, même si l’on ne voit pas trop encore jusqu’où elle peut aller. Le vent vient du large et apporte avec lui les odeurs de la mer qui rendent cette fin d’après-midi encore plus fraîche et agréable. Autour de nous passent des touristes en promenade et des locaux qui vaquent à leurs occupations, pendant que nous jouons à la sardine.

En manque d’idée, je demande à Becca ce qu’elle aimerait manger. « Hum, je ne sais pas, quelque chose de bon. Peut-être des gâteaux et des jus ? » Pourquoi est-ce que je me donne tout ce mal ? « Mais bébé, ce n’est pas possible, tu ne peux pas manger des gâteaux pour le dîner, tu le sais. Que dirais-tu d’un steak haché avec des frites et de la sauce, beaucoup de sauce ? » Lui suggère-t-elle, subitement illuminée. « Oui ! Et ensuite on pourra aller manger un gâteau, ou non plutôt une glace, une grande glace ? » Je lui réponds que oui, si elle mange tout, en sachant très bien qu’il n’y aura aucun problème à cela. Un peu avant dix-huit heures, nous nous mettons en chemin pour retourner à l’hôtel. Un peu après la marina, remplie de voiliers collés les uns aux autres mais aussi aux pontons, nous trouvons à notre gauche ce qui semble être une grande tente blanche. Je décide d’y entrer, motivé en grande partie par le nom que je vois écrit sur l’enseigne « Maison de la Bière », car là où il y a de la bière, il y a normalement des steaks et des frites et car nos estomacs commencent à se réveiller.

Il n’y a pas grand monde dans la salle. Je demande à l’employé si nous pouvons dîner et quand il me dit oui, nous nous dirigeons vers une des tables près des fenêtres à gauche. Je m’assieds en face de Becca et prends le menu que le serveur a laissé sur la table. Comme toujours quand j’ai faim, je n’arrive pas à me décider, tous les plats me donnent l’eau à la bouche. Finalement, je choisis un curry de fruits de mer. J’appelle le serveur et commande un steak bien grillé avec des frites et de la sauce ainsi qu’un jus de pomme pour Becca et le curry pour moi. « Que voulez-vous boire monsieur ? » Me demande-t-il le visage dodu et souriant avec une grosse moustache qui lui donne un drôle d’air. « Nous avons du vin, blanc et rouge, de la bière faite-maison, des boissons gazeuses… » Il termine sa phrase afin de me laisser choisir, ce qui ne prend pas trop de temps. « Apportez-moi une de vos bières. J’aime beaucoup tester les bières maison. » Deux bières en un jour, demain il va falloir que je m’entraîne sérieusement ! « Très bien monsieur, vous souhaitez une bière de 3 ou de 5 dl ? » Quelle soif ! La faim ne me laisse pas non plus me rationner. « Partons pour celle de 5. Et bien fraîche s’il vous plaît ! » Demain je vais vraiment devoir m’entraîner dur. J’espère que la salle de sport de l’hôtel est ouverte.

« Bien sûr monsieur. Vous allez voir, vous allez l’apprécier. À tout de suite. »

Et je l’ai effectivement beaucoup apprécié. Ou encore mieux, nous avons aimé tous les deux, car Becca n’a rien laissé dans son assiette. L’homme arrive maintenant avec le charriot des desserts, mais cette fois je n’ai plus faim. Je prends tout de même des fruits et commande une grande glace pour Becca. Quand elle arrive, elle s’efforce de la finir mais elle est tellement grosse qu’elle abandonne. Le serveur vient ensuite me demander si je veux un café, je lui dis que non et lui demande l’addition. Je lui laisse un bon pourboire et nous reprenons notre chemin, légèrement plus lourds mais aussi plus satisfaits.

Le soleil est en train de disparaître à l’horizon, nous montons sur la colline que se trouve à gauche du restaurant et nous nous promenons dans le Jardin de Santa Catarina, en direction du crépuscule de la dernière lueur du jour. Nous passons devant un palais décoré d’une multitude de drapeaux, et puis devant le Palais des Congrès, où nous prenons un taxi pour rentrer à l’hôtel.

Quand nous arrivons dans la chambre, après que Becca se soit lavée les dents et mise en pyjama, je la laisse regarder Canal Panda assise sur le lit. Il n’en faut pas beaucoup pour qu’elle commence à piquer du nez. Je la glisse alors entre les draps, éteins la lumière, baisse le son et tourne la télévision sur le côté sans l’éteindre puis lui tiens la main pour l’aider à s’endormir. Au bout de 10 minutes, elle dort déjà profondément.

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