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Le livre de la Jungle

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– Qu’y a-t-il, fils? dit-elle.

– Des potins de chauve-souris à propos de Shere Khan! répondit-il. Je chasse en terre labourée, ce soir.

Et il plongea dans les broussailles pour gagner le cours d’eau, tout au fond de la vallée. Là, il s’arrêta, car il entendit les cris du clan en chasse, il entendit meugler un sambhur traqué, le râle de la bête aux abois. Puis montèrent des hurlements de dérision et de méchanceté: c’étaient les jeunes loups.

– Akela! Akela! Que le solitaire montre sa force!.. Place au chef du clan! Saute, Akela!

Le solitaire dut sauter et manquer de prise, car Mowgli entendit le claquement de ses dents et un glapissement lorsque le sambhur, avec ses pieds de devant, le culbuta. Il ne resta pas à en écouter davantage, mais s’élança en avant; et les cris s’affaiblirent derrière lui à mesure qu’il se hâtait vers les terres cultivées où demeuraient les villageois.

– Bagheera disait vrai! – souffla-t-il, en se nichant parmi le fourrage amoncelé sous la fenêtre d’une hutte. – Demain, c’est le jour d’Akela et le mien.

Alors il appliqua son visage contre la fenêtre et considéra le feu sur l’âtre; il vit la femme du laboureur se lever pendant la nuit et nourrir la flamme avec des mottes noires; et quand vint le matin, à l’heure où blanchissait la brume froide, il vit l’enfant de l’homme prendre une corbeille d’osier garnie de terre à l’intérieur, l’emplir de charbons rouges, l’enrouler dans sa couverture, et s’en aller garder les vaches.

– N’est-ce que cela? dit Mowgli. Si un enfant peut le faire, je n’ai rien à craindre.

Il tourna le coin de la maison, rencontra le garçon nez à nez, lui arracha le feu des mains, et disparut dans le brouillard, tandis que l’autre hurlait de frayeur.

– Ils sont tout à fait semblables à moi! – dit Mowgli en soufflant sur le pot de braise, comme il l’avait vu faire à la femme. – Cette chose mourra si je ne lui donne rien à manger…

Et il jeta quelques brindilles et des morceaux d’écorce sèche sur la chose rouge. A moitié chemin de la colline, il rencontra Bagheera, sur la fourrure de laquelle la rosée du matin brillait comme des pierres de lune.

– Akela a manqué son coup, dit la Panthère. Ils l’auraient tué la nuit dernière, mais ils te voulaient aussi. Ils t’ont cherché sur la colline.

– J’étais dans les terres labourées. Je suis prêt. Vois!

Mowgli lui tendit le pot plein de feu.

– Bien!.. A présent, j’ai vu les hommes jeter une branche sèche dans cette chose, et aussitôt la Fleur Rouge s’épanouissait au bout… Est-ce que tu n’as pas peur?

– Non. Pourquoi aurais-je peur? Je me rappelle maintenant… si ce n’est pas un rêve… qu’avant d’être un loup je me couchais près de la Fleur Rouge, et qu’il y faisait chaud et bon.

Tout ce jour-là, Mowgli resta assis dans la caverne, veillant sur son pot de braise et y enfonçant des branches sèches pour voir comment elles brûlaient. Il chercha et trouva une branche qui lui parut à souhait, et, le soir, quand Tabaqui vint à la caverne pour lui dire assez rudement qu’on le demandait au Rocher du Conseil, il se mit à rire jusqu’à ce que Tabaqui s’enfuît. Et Mowgli se rendit au Conseil, toujours riant.

Akela le solitaire était couché à côté de sa pierre pour montrer que sa succession était ouverte, et Shere Khan, avec sa suite de loups nourris de restes, se promenait de long en large, objet de visibles flatteries. Bagheera était couchée à côté de Mowgli, et l’enfant tenait le pot de braise entre ses genoux. Lorsqu’ils furent tous rassemblés, Shere Khan prit la parole – chose qu’il n’aurait jamais osé faire aux beaux jours d’Akela.

– Il n’a pas le droit, murmura Bagheera. Dis-le. C’est un fils de chien. Il aura peur.

Mowgli sauta sur ses pieds.

– Peuple Libre, s’écria-t-il, est-ce que Shere Khan est notre chef?.. Qu’est-ce qu’un tigre peut avoir à faire avec la direction du clan?

– Voyant que la succession était ouverte, et comme on m’avait prié de parler… commença Shere Khan.

– Qui t’en avait prié? fit Mowgli. Sommes-nous tous des chacals pour flagorner ce boucher? La direction du clan regarde le clan seul.

Il y eut des hurlements:

– Silence, toi, petit homme!

– Laissez-le parler. Il a gardé notre loi!

Et, à la fin, les anciens du clan tonnèrent:

– Laissez parler le Loup Mort!

Lorsqu’un chef de clan a manqué sa proie, on l’appelle le «Loup Mort» aussi longtemps qu’il lui reste à vivre, ce qui n’est pas long.

Akela souleva sa vieille tête, péniblement:

– Peuple Libre, et vous aussi, chacals de Shere Khan, pendant douze saisons je vous ai conduits à la chasse et vous en ai ramenés, et, pendant tout ce temps, nul de vous n’a été pris au piège ni estropié. Je viens de manquer ma proie. Vous savez comment a été nouée cette intrigue. Vous savez comment vous m’avez mené à un chevreuil qui n’avait pas été forcé, pour montrer ma faiblesse. Ce fut habilement fait. Vous avez maintenant le droit de me tuer sur le Rocher du Conseil. C’est pourquoi je demande: Qui vient achever le solitaire? Car c’est mon droit, de par la Loi de la Jungle, que vous veniez un par un.

Il y eut un long silence: aucun loup ne se souciait d’un duel à mort avec le solitaire. Alors Shere Khan rugit:

– Bah! Qu’avons-nous à faire avec ce vieil édenté? Il est condamné à mourir! C’est le petit d’homme qui a vécu trop longtemps. Peuple Libre, il fut ma proie dès le principe. Donnez-le-moi. J’en ai assez de cette plaisanterie d’homme-loup. Il a troublé la jungle pendant dix saisons. Donnez-moi le petit d’homme, ou bien je chasserai toujours par ici, et ne vous donnerai pas un os. C’est un homme, un enfant d’homme, et dans la moelle de mes os, je le hais!

Alors, plus de la moitié du clan hurla:

– Un homme! Un homme! Qu’est-ce qu’un homme peut avoir à faire avec nous? Qu’il s’en aille avec ses pareils.

– C’est cela! Pour tourner contre nous tout le peuple des villages? vociféra Shere Khan. Non, non, donnez-le-moi. C’est un homme, et aucun de nous ne peut le regarder entre les yeux.

Akela dressa de nouveau la tête, et dit:

– Il a partagé notre nourriture. Il a dormi avec nous. Il a rabattu le gibier pour nous. Il n’a pas violé un seul mot de la Loi de la Jungle!

– Et moi, je l’ai payé le prix d’un taureau, lorsqu’il fut accepté: la valeur d’un taureau est peu; mais l’honneur de Bagheera est quelque chose pour quoi elle pourrait bien se battre! dit Bagheera de sa voix la plus douce.

– Un taureau payé il y a dix ans! grogna l’assemblée. Que nous importent des os qui ont dix ans!

– Et un serment? – dit Bagheera en relevant sa lèvre sur ses dents blanches. – Ah! on fait bien de vous appeler le Peuple Libre!

– Aucun petit d’homme ne doit courir avec le peuple de la jungle! rugit Shere Khan. Donnez-le-moi!

– Il est notre frère en tout, sauf par le sang, poursuivit Akela; et vous le tueriez ici!.. En vérité, j’ai vécu trop longtemps. Quelques-uns d’entre vous sont des mangeurs de bétail, et j’ai entendu dire que d’autres, suivant les leçons de Shere Khan, vont par la nuit noire enlever des enfants aux seuils des villageois. Donc je sais que vous êtes lâches, et c’est à des lâches que je parle. Il est certain que je dois mourir, et ma vie ne vaut plus grand’chose; autrement, je l’offrirais pour celle du petit d’homme. Mais afin de sauver l’honneur du clan… presque rien, apparemment, et, à force de vivre sans chef, vous l’avez oublié… je promets que si vous laissez le petit d’homme retourner chez ses pareils, je ne montrerai pas une dent lorsque le moment sera venu pour moi de mourir. Je mourrai sans me défendre. Le clan y gagnera au moins trois existences. Je ne peux faire plus; mais, si vous le voulez, je peux vous épargner la honte de tuer un frère auquel on ne saurait reprocher aucun tort… un frère qui fut réclamé et acheté pour être admis dans le clan, suivant la Loi de la Jungle.

– C’est un homme!.. un homme!.. un homme! grogna l’assemblée.

Et la plupart des loups commencèrent à se grouper autour de Shere Khan, dont la queue se mit à battre les flancs.

– A présent l’affaire est dans tes mains! dit Bagheera à Mowgli. Nous autres nous ne pouvons plus rien faire que nous battre.

Mowgli se leva, le pot de braise dans les mains. Puis il s’étira et bâilla au nez du Conseil; mais il était plein de rage et de chagrin, car, en loups qu’ils étaient, ils ne lui avaient jamais dit combien ils le haïssaient.

– Écoutez! Il n’y a pas besoin de criailler comme des chiens. Vous m’avez dit trop souvent, cette nuit, que je suis un homme (et cependant je serais resté un loup, avec vous, jusqu’à la fin de ma vie): je sens la vérité de vos paroles. Aussi, je ne vous appelle plus mes frères, mais sag (chiens), comme vous appellerait un homme… Ce que vous ferez, et ce que vous ne ferez pas, ce n’est pas à vous de le dire. C’est moi que cela regarde; et afin que nous puissions tirer la chose au clair, moi, l’homme, j’ai apporté ici un peu de la Fleur Rouge que vous, chiens, vous craignez.

Il jeta le pot sur le sol, et quelques charbons rouges allumèrent une touffe de mousse sèche qui flamba, tandis que tout le Conseil reculait de terreur devant les sauts de la flamme.

Mowgli enfonça sa branche morte dans le feu jusqu’à ce qu’il vît les brindilles s’allumer et crépiter, puis il la fit tournoyer au-dessus de sa tête au milieu des loups qui rampaient de terreur.

– Tu es le maître! fit Bagheera à voix basse. Sauve Akela de la mort. Il a toujours été ton ami.

Akela, le vieux loup farouche, qui n’avait jamais imploré de merci dans sa vie, jeta un regard suppliant à Mowgli, debout auprès de lui, tout nu, sa longue chevelure noire flottant sur ses épaules, dans la lumière de la branche flamboyante qui faisait danser et vaciller les ombres.

– Bien! dit Mowgli, en promenant avec lenteur un regard circulaire. Je vois que vous êtes des chiens. Je vous quitte pour retourner à mes pareils… si vraiment ils sont mes pareils… La jungle m’est fermée, je dois oublier votre langue et votre compagnie; mais je serai plus miséricordieux que vous: parce que j’ai été votre frère en tout, sauf par le sang, je promets que lorsque je serai un homme parmi les hommes, je ne vous trahirai pas auprès d’eux comme vous m’avez trahi.

 

Il donna un coup de pied dans le feu, et les étincelles volèrent.

– Il n’y aura point de guerre entre aucun de nous dans le clan. Mais il y a une dette qu’il faut que je paye avant de m’en aller.

Il marcha à grands pas vers l’endroit où Shere Khan était couché, clignant de l’œil stupidement aux flammes, et le prit, par la touffe de poils, sous le menton. Bagheera suivait en cas d’accident.

– Debout, chien! cria Mowgli. Debout quand un homme parle, ou je mets le feu à ta robe!

Les oreilles de Shere Khan s’aplatirent sur sa tête, et il ferma les yeux, car la branche flamboyante était tout près de lui.

– Cet égorgeur de bétail a dit qu’il me tuerait en plein conseil, parce qu’il ne m’avait pas tué quand j’étais petit. Voici… et voilà… et voilà… comment nous, les hommes, nous battons les chiens. Remue seulement une moustache, Lungri, et je t’enfonce la Fleur Rouge dans la gorge!

Il frappa Shere Khan de sa branche sur la tête, tandis que le tigre geignait et pleurnichait dans une agonie d’épouvante.

– Peuh! chat de jungle roussi, va-t’en maintenant, mais souviens-toi de mes paroles: la première fois que je reviendrai au Conseil du Rocher, comme il sied que vienne un homme, ce sera avec la peau de Shere Khan sur ma tête. Quant au reste, Akela est libre de vivre comme il lui plaît. Vous ne le tuerez pas, parce que je ne le veux pas. J’ai idée, d’ailleurs, que vous n’allez pas rester ici plus longtemps, à laisser pendre vos langues comme si vous étiez quelqu’un, au lieu d’être des chiens que je chasse… ainsi… Allez!

Le feu brûlait furieusement au bout de la branche, et Mowgli frappait de droite et de gauche autour du cercle, et les loups s’enfuyaient en hurlant sous les étincelles qui brûlaient leur fourrure. A la fin, il ne resta plus que le vieil Akela, Bagheera et peut-être dix loups qui avaient pris le parti de Mowgli. Alors, Mowgli commença de sentir quelque chose de douloureux au fond de lui-même, quelque chose qu’il ne se rappelait pas avoir jamais senti jusqu’à ce jour; il reprit haleine et sanglota, et les larmes coulèrent sur son visage.

– Qu’est-ce que c’est?.. Qu’est-ce que c’est?.. dit-il. Je n’ai pas envie de quitter la jungle… et je ne sais pas ce que j’ai. Vais-je mourir, Bagheera?

– Non, petit frère. Ce ne sont que des larmes, comme il arrive aux hommes, dit Bagheera. Maintenant je vois que tu es un homme, et non plus un petit d’homme. Oui, la jungle t’est bien fermée désormais… Laisse-les couler, Mowgli. Ce sont seulement des larmes.

Alors Mowgli s’assit, et pleura comme si son cœur allait se briser; il n’avait jamais pleuré auparavant, de toute sa vie.

– A présent, dit-il, je vais aller vers les hommes. Mais d’abord il faut que je dise adieu à ma mère.

Et il se rendit à la caverne où elle habitait avec père Loup, et il pleura dans sa fourrure, tandis que les quatre petits hurlaient misérablement.

– Vous ne m’oublierez pas? dit Mowgli.

– Jamais, tant que nous pourrons suivre une piste! dirent les petits. Viens au pied de la colline quand tu seras un homme, et nous te parlerons; et nous viendrons dans les terres cultivées pour jouer avec toi la nuit.

– Reviens bientôt! dit père Loup. O sage petite grenouille; reviens-nous bientôt, car nous sommes vieux, ta mère et moi.

– Reviens bientôt, dit mère Louve, mon petit tout nu; car écoute, enfant de l’homme, je t’aimais plus que je n’ai jamais aimé mes petits.

– Je reviendrai sûrement, dit Mowgli; et quand je reviendrai, ce sera pour étaler la peau de Shere Khan sur le Rocher du Conseil. Ne m’oubliez pas! Dites-leur, dans la jungle, de ne jamais m’oublier!

L’aurore commençait à poindre quand Mowgli descendit la colline, tout seul, en route vers ces êtres mystérieux qu’on appelle les hommes.

CHANSON DE CHASSE
DU CLAN DE SEEONEE

 
A la pointe de l’aube, un Sambhur meugla.
Un, deux, puis encore!
Un daim bondit, un daim bondit à travers
Les taillis de la mare où boivent les cerfs.
Moi seul, battant le bois, j’ai vu cela,
Un, deux, puis encore!
 
 
A la pointe de l’aube, un Sambhur meugla
Un, deux, puis encore!
A pas de veloux, à pas de veloux,
Va porter la nouvelle au clan des loups,
Cherchez, trouvez, et puis de la gorge tous,
Un, deux, puis encore!
 
 
A la pointe de l’aube, le Clan hurla.
Un, deux, puis encore!
Pied qui, sans laisser de marque, fuit,
Œil qui sait percer la nuit – la nuit!
Prête-lui ta voix! Ecoutez le bruit!
Un, deux, puis encore!
 

LA CHASSE DE KAA

 
Ses taches sont l’orgueil du chat-pard, ses cornes du buffle sont l’honneur.
Sois net, car à l’éclat de la robe on connaît la force du chasseur.
Que le sambhur ait la corne aiguë, et le taureau les muscles puissants,
Ne prends pas le soin de nous l’apprendre: on savait cela depuis dix ans.
Ne moleste jamais les petits d’autrui, mais nomme-les Sœur et Frère.
Sans doute ils sont faibles et balourds, mais peut-être que l’Ourse est leur mère.
La jeunesse dit: «Qui donc me vaut!» en l’orgueil de son premier gibier;
Mais la Jungle est grande et le jeune est petit. Il doit se taire et méditer.
 
Maximes de Baloo.

Tout ce que nous allons dire ici arriva quelque temps avant que Mowgli eût été banni du clan des loups de Seeonee, ou se fût vengé sur Shere Khan, le tigre.

C’était aux jours où Baloo lui enseignait la Loi de la Jungle. Le grand ours brun, vieux et grave, se réjouissait d’un élève à l’intelligence si prompte; car les jeunes loups ne veulent apprendre de la Loi de la Jungle que ce qui concerne leur clan et leur tribu, et décampent, dès qu’ils peuvent répéter le refrain de chasse: «Pieds qui ne font pas de bruit; yeux qui voient dans l’ombre; oreilles tendues au vent, du fond des cavernes, et dents blanches pour mordre: qui porte ces signes est de nos frères, sauf Tabaqui le Chacal et l’Hyène que nous haïssons.» Mais Mowgli, comme petit d’homme, en dut apprendre bien plus long.

Quelquefois Bagheera, la panthère noire, venait, en flânant, au travers de la jungle, voir ce que devenait son favori, et restait à ronronner, la tête contre un arbre, pendant que Mowgli récitait à Baloo la leçon du jour. L’enfant savait grimper presque aussi bien qu’il savait nager, et nager presque aussi bien qu’il savait courir: aussi Baloo, le professeur de la Loi, lui apprenait-il les Lois des Bois et des Eaux: à distinguer une branche pourrie d’une branche saine; à parler poliment aux abeilles sauvages quand il rencontrait par surprise un de leurs essaims à cinquante pieds au-dessus du sol; les paroles à dire à Mang, la chauve-souris, quand il la dérangeait dans les branches au milieu du jour; et la façon d’avertir les serpents d’eau dans les mares avant de plonger au milieu d’eux. Dans la jungle, personne n’aime à être dérangé, et on y est toujours prêt à se jeter sur l’intrus.

En outre, Mowgli apprit également le cri de chasse de l’Étranger, qu’un habitant de la Jungle, toutes les fois qu’il chasse hors de son terrain, doit répéter à voix haute jusqu’à ce qu’il ait reçu la réponse. Traduit, il signifie: «Donnez-moi liberté de chasser ici, j’ai faim»; la réponse est: «Chasse donc pour ta faim, mais non pour ton plaisir.»

Tout cela vous donnera une idée de ce que Mowgli avait à apprendre par cœur; et il se fatiguait beaucoup d’avoir à répéter cent fois la même chose. Mais, comme Baloo le disait à Bagheera, un jour que Mowgli avait reçu la correction d’un coup de patte et s’en était allé bouder:

– Un petit d’homme est un petit d’homme, et il doit apprendre toute… tu entends bien, toute la Loi de la Jungle.

– Oui, mais il est tout petit, songes-y, dit la panthère noire, qui aurait gâté Mowgli si elle avait fait à sa guise. Comment sa petite tête peut-elle garder tous tes longs discours?

– Y a-t-il quelque chose dans la Jungle de trop petit pour être tué? Non. C’est pourquoi je lui enseigne tout cela, et c’est pourquoi je le corrige, oh! très doucement, lorsqu’il oublie.

– Doucement! Tu t’y connais, en douceur, vieux Pied de Fer, grogna Bagheera. Elle lui a joliment meurtri le visage, aujourd’hui, ta… douceur. Fi!

– J’aime mieux le voir meurtri de la tête aux pieds par moi qui l’aime, que de lui voir arriver du mal à cause de son ignorance, répondit Baloo avec beaucoup de chaleur. Je suis en train de lui apprendre les Maîtres Mots de la jungle appelés à le protéger auprès des oiseaux, du Peuple Serpent, et de tout ce qui chasse sur quatre pieds, sauf de son propre clan. Il peut maintenant, s’il veut seulement se rappeler les mots, réclamer protection à toute la jungle. Est-ce que cela ne vaut pas une petite correction?

– Eh bien, en tous cas, prends garde à ne point tuer le petit d’homme. Ce n’est pas un tronc d’arbre bon à aiguiser tes griffes émoussées. Mais quels sont ces Maîtres Mots? Je suis apparemment plutôt faite pour accorder de l’aide que pour en demander. – Bagheera étira une de ses pattes pour en admirer les griffes dont l’acier bleu s’aiguisait au bout comme un ciseau à froid. – Toutefois, j’aimerais à savoir.

– Je vais appeler Mowgli pour qu’il te les dise… s’il est disposé. Viens, Petit Frère!

– Ma tête sonne comme un arbre à abeilles, dit une petite voix maussade au-dessus de leurs têtes.

Et Mowgli se laissa glisser le long d’un tronc d’arbre. Il avait la mine fâchée, et ce fut avec indignation qu’au moment de toucher le sol il ajouta:

– Je viens pour Bagheera et non pour toi, vieux Baloo!

– Cela m’est égal, – dit Baloo, froissé et peiné. – Répète alors à Bagheera les Maîtres Mots de la jungle, que je t’ai appris aujourd’hui.

– Les Maîtres Mots pour quel peuple? – demanda Mowgli, charmé de se faire valoir. – La jungle a beaucoup de langues, et moi je les connais toutes.

– Tu sais quelque chose, mais pas grand’chose… Vois, Bagheera, ils ne remercient jamais leur maître. Jamais le moindre louveteau vint-il remercier le vieux Baloo de ses leçons?.. Dis le mot pour les Peuples Chasseurs, alors… grand savant.

– Nous sommes du même sang, vous et moi, dit Mowgli en donnant aux mots l’accent ours dont se sert tout le peuple chasseur.

– Bien… Maintenant, pour les oiseaux.

Mowgli répéta, en ajoutant le cri du vautour à la fin de la sentence.

– Maintenant pour le Peuple Serpent, dit Bagheera.

La réponse fut un sifflement tout à fait indescriptible, après quoi Mowgli se donna du pied dans le derrière, battit des mains pour s’applaudir lui-même, et sauta sur le dos de Bagheera, où il s’assit de côté, pour jouer du tambour avec ses talons sur la fourrure luisante, et faire à Baloo les plus affreuses grimaces qu’il pût imaginer.

– Là… là! Cela valait bien une petite correction, dit avec tendresse l’ours brun. Un jour tu pourras te souvenir de moi.

Puis il se retourna pour dire à Bagheera comment l’enfant avait appris les Maîtres Mots de Hathi, l’éléphant sauvage, qui sait tout ce qui a rapport à ces choses, et comment Hathi avait mené Mowgli à une mare pour apprendre d’un serpent d’eau le mot des Serpents, que Baloo ne pouvait prononcer; et comment Mowgli se trouvait maintenant suffisamment garanti contre tous accidents possibles dans la Jungle, parce que ni serpent, ni oiseau, ni bête à quatre pattes ne lui ferait de mal.

– Personne n’est donc à craindre, – conclut Baloo, en caressant avec orgueil son gros ventre fourré.

– Sauf ceux de sa propre tribu, – dit à voix basse Bagheera.

Puis, tout haut, s’adressant à Mowgli:

– Fais attention à mes côtes, petit Frère; qu’as-tu donc à danser ainsi?

Mowgli, voulant se faire entendre, tirait à pleine fourrure sur l’épaule de Bagheera, et lui donnait de forts coups de pieds. Quand, enfin, tous deux prêtèrent l’oreille, il cria à pleins poumons:

– Moi aussi, j’aurai une tribu à moi, une tribu à conduire à travers les branches toute la journée.

– Quelle est cette nouvelle folie, petit bâtisseur de chimères? dit Bagheera.

– Oui, et pour jeter des branches et de la crotte au vieux Baloo, continua Mowgli. Ils me l’ont promis. Ah!

 

– Whoof!

La grosse patte de Baloo jeta Mowgli à bas du dos de Bagheera, et l’enfant, qui restait étendu entre les grosses pattes de devant, put voir que l’ours était en colère.

– Mowgli, dit Baloo, tu as parlé aux Bandar-Log… le Peuple Singe.

Mowgli regarda Bagheera pour voir si la panthère était en colère aussi: les yeux de Bagheera étaient aussi durs que des pierres de jade.

– Tu as été avec le Peuple Singe… les singes gris… le peuple sans loi… les mangeurs de tout. C’est une grande honte.

– Quand Baloo m’a fait du mal à la tête – dit Mowgli (il était encore sur le dos), – je suis parti, et les singes gris sont descendus des arbres pour s’apitoyer sur moi. Personne autre ne se souciait de moi.

Il se mit à pleurnicher.

– L’apitoiement du Peuple Singe! ronfla Baloo. Le calme du torrent de la montagne! La fraîcheur du soleil d’été!.. Et alors, petit d’homme?

– Et alors… alors, ils m’ont donné des noix et tout plein de bonnes choses à manger, et ils… ils m’ont emporté dans leurs bras au sommet des arbres, pour me dire que j’étais leur frère par le sang, sauf que je n’avais pas de queue, et qu’un jour je serais leur chef.

– Ils n’ont pas de chefs, dit Bagheera. Ils mentent, ils ont toujours menti.

– Ils ont été très bons, et m’ont prié de revenir. Pourquoi ne m’a-t-on jamais mené chez le Peuple Singe? Ils se tiennent sur leurs pieds comme moi. Ils ne cognent pas avec de grosses pattes. Ils jouent toute la journée… Laissez-moi monter!.. Vilain Baloo, laisse-moi monter. Je veux retourner jouer avec eux.

– Écoute, petit d’homme. – dit l’Ours, et sa voix gronda comme le tonnerre dans la nuit chaude. – Je t’ai appris toute la Loi de la Jungle pour tous les peuples de la jungle… sauf le Peuple Singe qui vit dans les arbres. Ils n’ont pas de loi. Ils n’ont pas de patrie. Ils n’ont pas de langage à eux, mais se servent de mots volés, entendus par hasard lorsqu’ils écoutent et nous épient, là-haut, à l’affût dans les branches. Leur chemin n’est pas le nôtre. Ils n’ont pas de chefs. Ils n’ont pas de mémoire. Ils se vantent et jacassent, et se prétendent un grand peuple prêt à opérer de grandes choses dans la jungle; mais la chute d’une noix suffit à détourner leurs idées, ils rient, et tout est oublié. Nous autres de la jungle, nous n’avons aucun rapport avec eux. Nous ne buvons pas où boivent les singes; nous n’allons pas où vont les singes; nous ne chassons pas où ils chassent; nous ne mourons pas où ils meurent. M’as-tu jamais, jusqu’à ce jour, entendu parler des Bandar-Log?

– Non, dit Mowgli tout bas, car le silence était très grand dans la forêt maintenant que Baloo avait fini de parler.

– Le peuple de la jungle a banni leur nom de sa bouche et de sa pensée. Ils sont nombreux, méchants, malpropres, sans pudeur, et ils désirent, autant qu’ils sont capables de fixer un désir, que le peuple de la jungle leur prête attention… Mais nous ne leur prêtons point attention, même lorsqu’ils nous jettent des noix et des ordures sur la tête.

Il avait à peine dit qu’une grêle de noix et de brindilles dégringola au travers du feuillage; et on put entendre des toux, des hurlements, et des bonds irrités, très haut dans les branches.

– Le Peuple Singe est interdit, prononça Baloo, interdit auprès du peuple de la jungle. Souviens-t’en.

– Interdit, répéta Bagheera; mais je pense tout de même que Baloo aurait dû te prémunir contre eux…

– Moi… Moi? Comment aurais-je deviné qu’il irait jouer avec une pareille ordure… Le Peuple Singe! Pouah!

Une nouvelle grêle tomba sur leurs têtes, et ils s’en allèrent au trot, emmenant Mowgli avec eux.

Ce que Baloo avait dit des singes était parfaitement vrai. Ils appartiennent aux cimes des arbres; et, comme les bêtes regardent très rarement en l’air, l’occasion ne se présenterait guère pour eux et le peuple de la jungle de se rencontrer; mais, toutes les fois qu’ils trouvaient un loup malade, ou un tigre blessé, ou un ours, les singes le tourmentaient, et ils avaient coutume de jeter des bâtons et des noix à n’importe quelle bête, pour rire, et dans l’espoir qu’on les remarquerait. Puis, ils hurlaient et criaient à tue-tête des chansons dénuées de sens; et ils invitaient le peuple de la jungle à grimper aux arbres pour lutter avec eux, ou bien, sans motif, s’élançaient en furieuses batailles les uns contre les autres, en prenant soin de laisser les singes morts où le peuple de la jungle pourrait les voir. Ils étaient toujours sur le point d’avoir un chef, des lois et des coutumes à eux, mais ils ne le faisaient jamais parce que leur mémoire était incapable de rien retenir d’un jour à l’autre; aussi arrangeaient-ils les choses au moyen d’un dicton: «Ce que les Bandar-Log pensent maintenant, la jungle le pensera plus tard», qui était pour eux d’un grand réconfort. Aucune bête ne pouvait les atteindre, mais, d’un autre côté, aucune bête ne leur prêtait attention, et c’est pourquoi ils avaient été si charmés de voir Mowgli venir jouer avec eux, et d’entendre combien Baloo en était irrité.

Ils n’avaient pas l’intention de faire davantage – les Bandar-Log n’ont jamais d’intentions; – mais l’un d’eux imagina, ce qui lui parut une brillante idée, de dire aux autres que Mowgli serait une personne utile à posséder dans la tribu, parce qu’il savait entrelacer des branches en abri contre le vent; et que, s’ils s’en saisissaient, ils pourraient le forcer à le leur apprendre. Naturellement Mowgli, comme enfant de bûcheron, avait hérité de toutes sortes d’instincts, et s’amusait souvent à fabriquer de petites huttes à l’aide de branches tombées, sans savoir pourquoi; et le Peuple Singe, guettant dans les arbres, considérait ce jeu comme la chose la plus étonnante. Cette fois, disaient-ils, ils allaient réellement avoir un chef et devenir le peuple le plus sage de la jungle… si sage qu’ils seraient pour tous les autres un objet de remarque et d’envie. Aussi suivirent-ils Baloo, Bagheera et Mowgli à travers la jungle, fort silencieusement, jusqu’à ce que vînt l’heure de la sieste de midi. Alors Mowgli, on ne peut plus honteux de lui-même, s’endormit entre la panthère et l’ours, résolu à n’avoir plus rien de commun avec le Peuple Singe.

La première chose qu’ensuite il éprouva, ce fut une sensation de mains sur ses jambes et ses bras… de petites mains dures et fortes… puis, de branches lui fouettant le visage; et son regard plongeait à travers l’agitation des ramures, tandis que Baloo éveillait la jungle de ses cris sourds et que Bagheera bondissait le long du tronc, tous ses crocs à nu. Les Bandar-Log hurlaient de triomphe et luttaient à qui atteindrait le plus vite les branches supérieures où Bagheera n’oserait les suivre, criant:

– Elle nous a remarqués! Bagheera nous a remarqués! Tout le peuple de la jungle nous admire pour notre adresse et notre ruse!

Alors, ils commencèrent leur fuite, et la fuite du Peuple Singe au travers de la patrie des arbres est une chose que personne ne décrira jamais. Ils y ont leurs routes régulières et leurs chemins de traverse, des côtes et des descentes tous tracés à cinquante ou soixante et cent pieds au-dessus du sol, et par lesquelles ils voyagent, même la nuit s’il est nécessaire. Deux des singes les plus forts avaient saisi Mowgli sous les bras, et volaient à travers les cimes des arbres par bonds de vingt pieds à la fois. Eussent-ils été seuls qu’ils auraient avancé deux fois plus vite, mais le poids de l’enfant les retardait. Tout mal à l’aise et pris de vertige qu’il se sentît, Mowgli ne pouvait s’empêcher de jouir de cette course furieuse; mais il était effrayé d’apercevoir par éclairs le sol si loin au-dessous de lui; et les terribles chocs et les secousses, au bout de chaque saut qui le balançait à travers le vide, lui mettaient le cœur entre les dents. Son escorte s’élançait avec lui au haut d’un arbre jusqu’à ce qu’il sentît les extrêmes petites branches crépiter et plier sous leur poids; puis, avec un han guttural, ils se jetaient, décrivaient dans l’air une courbe descendante et se recevaient, en se suspendant par les mains et par les pieds aux branches basses de l’arbre voisin.

Parfois il découvrait des milles et des milles de calme jungle verte, de même qu’un homme au sommet d’un mât peut plonger à des lieues dans l’horizon de la mer; puis, les branches et les feuilles lui cinglaient le visage, et, tout de suite après, ses deux gardes et lui descendaient presque à toucher terre de nouveau.

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