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Le livre de la Jungle

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Il se glissa dans la salle de bain de Teddy, mais il n’y trouva personne, puis, dans la salle de bain de la mère de Teddy. Au bas du mur crépi de plâtre, une brique avait été enlevée pour le passage d’une conduite d’eau, et, au moment où Rikki-tikki se glissait dans la pièce, le long de l’espèce de margelle en maçonnerie où la baignoire était posée, il entendit Nag et Nagaina chuchoter dehors au clair de lune:



– Quand la maison sera vide, – disait Nagaina à son mari, – il faudra bien qu’il s’en aille, et alors, nous rentrerons en possession du jardin. Entrez tout doucement, et souvenez-vous que l’homme qui a tué Karait est la première personne à mordre. Puis, revenez me dire ce qu’il en aura été, et nous ferons ensemble la chasse à Rikki-tikki.



– Mais êtes-vous sûre qu’il y a quelque chose à gagner en tuant les gens! demanda Nag.



– Tout à gagner. Quand il n’y avait personne dans le bungalow, avions-nous une mangouste dans le jardin? Aussi longtemps que le bungalow est vide, nous sommes roi et reine du jardin; et souvenez-vous qu’aussitôt que nos œufs seront éclos dans la melonnière… comme ils peuvent l’être demain… nos enfants auront besoin de place et tranquillité.



– Je n’y songeais pas, dit Nag. Je vais y aller, mais il est inutile de faire la chasse à Rikki-tikki ensuite. Je tuerai l’homme et sa femme, puis l’enfant si je peux, et partirai tranquillement. Alors, le bungalow sera vide, et Rikki-tikki s’en ira.



Rikki-tikki tressaillit tout entier de rage et de haine en entendant tout cela. Puis il vit la tête de Nag sortir du conduit, suivie des cinq pieds de long de son corps écailleux et froid. Tout furieux qu’il fût, il eut cependant très peur en voyant la taille du grand cobra. Nag se leva, dressa la tête, et regarda dans la salle de bain, à travers l’obscurité où Rikki-tikki pouvait voir ses yeux étinceler.



– Si je le tue à cette place maintenant, Nagaina le saura; et, d’un autre côté, si je lui livre bataille ouverte sur le plancher, les avantages sont pour lui… Que faire? se dit Rikki-tikki.



Nag ondula deci delà, et Rikki-tikki l’entendit boire dans la plus grosse jarre qui servait à remplir la baignoire.



– Voilà qui est bien, dit le serpent. Maintenant, lorsque Karait a été tué, l’homme avait un bâton. Il peut l’avoir encore; mais, quand il viendra au bain, le matin, il ne l’aura pas. J’attendrai ici jusqu’à ce qu’il vienne… Nagaina… m’entendez-vous?.. Je vais attendre ici, au frais, jusqu’au jour.



Aucune réponse ne vint du dehors, ce qui apprit à Rikki-tikki que Nagaina était partie. Nag se replia sur lui-même, anneau par anneau, tout autour du fond bombé de la jarre, et Rikki-tikki se tint tranquille comme la mort.



Au bout d’une heure, il commença à se mouvoir, muscle après muscle, vers la jarre. Nag était endormi, et Rikki-tikki contempla son grand dos, se demandant quelle serait la meilleure place pour une bonne prise.



– Si je ne lui brise pas les reins au premier saut, se dit Rikki, il pourra encore combattre; et… s’il combat… ô Rikki!



Il considéra l’épaisseur du cou au-dessous du capuchon, mais c’était trop pour lui; et une morsure près de la queue ne ferait que mettre Nag en fureur.



– Il faut que ce soit à la tête, dit-il enfin; à la tête au-dessus du capuchon; et, quand une fois je le tiendrai par là, il ne faudra plus le lâcher.



Alors, il sauta. La tête reposait un peu en dehors de la jarre, sous la courbe de sa panse; et, au moment où ses dents crochèrent, Rikki s’arc-bouta du dos à la convexité de la cruche d’argile pour clouer la tête à terre. Cela lui donna une seconde de prise qu’il employa de son mieux. Puis, il fut cogné de droite et de gauche comme un rat secoué par un chien – en avant et en arrière sur le plancher, en haut et en bas, et en rond en grands cercles; mais ses yeux étaient rouges, et il tenait bon tandis que le corps du serpent cinglait le plancher comme un fouet de charrue, renversant les ustensiles d’étain, la boîte à savon, la brosse à friction, et sonnait contre la paroi de métal de la baignoire. Tout en tenant, il resserrait l’étau de ses mâchoires car il se sentait sûr d’être assommé, et, pour l’honneur de la famille, il préférait qu’on le trouvât les dents fermées sur sa proie. Malade de vertige, moulu de coups, les chocs lui semblaient sur le point de le mettre en pièces, lorsque quelque chose partit comme un coup de tonnerre juste derrière lui, une rafale brûlante lui fit perdre connaissance et une flamme lui roussit le poil. L’homme avait été réveillé par le bruit, et avait déchargé les deux canons de son fusil sur Nag, juste derrière le capuchon.



Rikki-tikki, les yeux fermés, continuait à tenir bon, car, maintenant, il était tout à fait certain d’être mort; mais la tête ne bougeait plus, et l’homme, ramassant la mangouste, dit:



– C’est encore la mangouste, Alice; et c’est

notre

 vie que le petit bonhomme a sauvée maintenant.



Alors, la mère de Teddy vint, le visage tout blanc, et contempla ce qui restait de Nag; et Rikki-tikki se traîna jusqu’à la chambre de Teddy, où il passa presque le reste de la nuit à se secouer délicatement pour découvrir s’il était vraiment brisé en quarante morceaux, comme il se l’imaginait.



Lorsque arriva le matin, il était fort raide, mais très content de ses hauts faits.



– Maintenant, j’ai Nagaina à régler, et elle sera pire que cinq Nags; en outre, qui sait quand les œufs dont elle a parlé vont éclore… Bonté divine!.. Il faut que j’aille voir Darzee – dit-il.



Sans attendre le déjeuner, Rikki-tikki courut au buisson épineux où Darzee, à pleine voix, chantait un chant de triomphe. La nouvelle de la mort de Nag avait fait le tour du jardin, car le balayeur avait jeté le corps sur le fumier.



– Oh, stupide touffe de plumes, dit Rikki-tikki avec colère. Est-ce le moment de chanter?



– Nag est mort… est mort… est mort! chanta Darzee. Le vaillant Rikki-tikki l’a pris par la tête et a tenu bon. L’homme a apporté le bâton qui fait

boum

, et Nag est tombé en deux morceaux! Il ne recommencera plus à manger mes bébés.



– Tout cela est assez vrai; mais où est Nagaina? – demanda Rikki-tikki, en regardant soigneusement autour de lui.



– Nagaina est venue au conduit de la salle de bain pour appeler Nag, continua Darzee; et Nag est sorti sur le bout d’un bâton… le balayeur l’a ramassé au bout d’un bâton, et l’a jeté sur le fumier!.. Chantons le grand Rikki-tikki à l’œil rouge!



Et Darzee enfla son gosier et chanta.



– Si je pouvais atteindre à votre nid, je roulerais vos bébés dehors! dit Rikki-tikki. Vous ne savez pas faire les choses en leur temps. Vous êtes là dans votre nid, suffisamment en sécurité; mais ici, en bas, c’est pour moi la guerre. Arrêtez-vous pour une minute de chanter, Darzee.



– Pour l’amour du grand, du beau Rikki-tikki, je vais m’arrêter, répondit Darzee… Qu’y a-t-il, ô Tueur du terrible Nag?



– Pour la troisième fois, où est Nagaina?



– Sur le fumier, auprès des écuries, menant le deuil de Nag… Glorieux est Rikki-tikki, le héros aux dents blanches.



– Au diable mes dents blanches! Avez-vous jamais entendu dire où elle garde ses œufs?



– Dans la melonnière, au bout, tout près du mur, à l’endroit où tape le soleil presque toute la journée. Il y a des semaines qu’elle les a cachés là.



– Et vous n’avez jamais pensé que cela valût la peine de me le dire?.. Au bout, tout près du mur, dites-vous?



– Rikki-tikki… vous n’allez pas manger ses œufs?



– Pas exactement les manger; non… Darzee, si vous avez un grain de bon sens, vous allez voler aux écuries, faire semblant d’avoir l’aile brisée, et laisser Nagaina vous donner la chasse jusqu’à ce buisson. Il me faut aller à la melonnière, et si j’y allais maintenant, elle me verrait.



Darzee était un petit compère dont la cervelle emplumée ne pouvait tenir plus d’une idée à la fois; et justement parce qu’il savait que les enfants de Nagaina naissaient dans des œufs, comme les siens, il ne lui semblait pas, à première vue, qu’il fût juste de les détruire. Mais sa femme était un oiseau raisonnable, et elle savait que les œufs de cobra voulaient dire de jeunes cobras un peu plus tard; aussi s’envola-t-elle du nid, et laissa-t-elle Darzee tenir chaud aux bébés et continuer sa chanson sur la mort de Nag. Darzee, en quelques points, ressemblait beaucoup aux hommes.



Elle voleta près du fumier, sous le nez de Nagaina, et gémit:



– Oh, j’ai l’aile cassée!.. Le petit garçon de la maison m’a jeté une pierre, et l’a cassée.



Puis elle se mit à voleter plus désespérément que jamais.



Nagaina leva la tête, et siffla:



– C’est vous qui avez averti Rikki-tikki quand je voulais le tuer. Sans mentir, vous avez mal choisi l’endroit pour boiter.



Et elle se dirigea vers la femme de Darzee en glissant sur la poussière.



– Le petit garçon l’a cassée d’un coup de pierre! – cria d’une voix perçante la femme de Darzee.



– Bon! Ce peut-être de quelque consolation pour vous, quand vous serez morte, de savoir que je vais régler aussi mes comptes avec le petit garçon. Mon mari gît sur le fumier ce matin, mais, avant la nuit, le petit garçon sera étendu très tranquille dans la maison… A quoi bon courir?.. Je suis sûre de vous attraper… Petite sotte, regardez-moi!



La femme de Darzee en savait trop pour faire une pareille chose. Car une fois que les yeux d’un oiseau rencontrent ceux d’un serpent, il est pris d’une telle peur qu’il ne peut plus bouger. La femme de Darzee, en pépiant douloureusement, continua à voleter, sans quitter le sol, et Nagaina activa son allure.



Rikki-tikki les entendit remonter le sentier qui les éloignait des écuries, et galopa vers l’extrémité de la planche de melons au pied du mur. Là, dans la chaude litière, au-dessus des melons, il trouva, habilement cachés, vingt-cinq œufs de la grosseur à peu près des œufs de poule de Bantam, mais avec des peaux blanchâtres en guise de coquilles.

 



– Je ne suis pas arrivé un jour trop tôt, dit-il.



Car il pouvait voir les jeunes cobras roulés dans l’intérieur de la peau, et il savait que, dès l’instant où ils sont éclos, ils peuvent chacun tuer un homme aussi bien qu’une mangouste. Il emporta d’un coup de dent les bouts des œufs aussi vite qu’il pouvait en prenant soin d’écraser les jeunes cobras, et en retournant de temps en temps la litière pour voir s’il n’en avait omis aucun. A la fin, il ne resta plus que trois œufs, et Rikki-tikki commençait à rire en lui-même, quand il entendit la femme de Darzee crier à tue-tête:



– Rikki-tikki, j’ai conduit Nagaina du côté de la maison… elle est entrée sous la véranda, et… oh! venez vite… elle veut tuer!



Rikki-tikki écrasa deux œufs, redégringola au bas de la melonnière avec le troisième œuf dans sa bouche, et se précipita vers la véranda aussi vite que ses pattes pouvaient le porter.



Teddy, sa mère et son père étaient là, devant leur déjeuner du matin. Mais Rikki-tikki vit qu’ils ne mangeaient rien. Ils se tenaient dans une immobilité de pierre, et leurs visages étaient blancs. Nagaina, enroulée sur la natte, près de la chaise de Teddy, à distance commode pour frapper la jambe nue du jeune garçon, se balançait de côté et d’autre en chantant un chant de triomphe.



– Fils de l’homme qui a tué Nag, sifflait-elle, reste tranquille… Je ne suis pas encore prête… Attends un peu… Restez bien immobiles tous trois!.. Si vous bougez, je frappe… et si vous ne bougez pas, je frappe encore… Oh, insensés, qui avez tué mon Nag!



Les yeux de Teddy étaient fixés sur son père, et tout ce que son père pouvait faire était de murmurer:



– Restez tranquille, Teddy… Il ne faut pas bouger… Teddy, restez tranquille.



C’est alors que Rikki-tikki arriva et cria:



– Retournez-vous, Nagaina; retournez-vous, et en garde!



– Chaque chose en son temps, – dit-elle, sans remuer les yeux. – Je réglerai tout à l’heure mon compte avec vous. Regardez vos amis, Rikki-tikki. Ils sont immobiles et blancs… Ils sont épouvantés… Ils n’osent bouger… et si vous approchez d’un pas, je frappe.



– Allez regarder vos œufs, dit Rikki, dans la melonnière près du mur. Allez voir, Nagaina!



Le grand serpent se retourna à demi, et vit l’œuf sur le sol de la véranda.



– Ah… h! Donnez-le-moi, dit-elle.



Rikki-tikki posa ses pattes de chaque côté de l’œuf, tandis que ses yeux étaient devenus rouge sang.



– Quel prix pour un œuf de serpent?.. Pour un jeune cobra?.. Pour un jeune roi-cobra?.. Pour le dernier… le dernier des derniers de la couvée? Les fourmis sont en train de manger tous les autres par terre près des melons.



Nagaina pirouetta sur elle-même, oubliant tout le reste pour le salut de l’œuf unique; et Rikki-tikki vit le père de Teddy avancer rapidement une large main, saisir Teddy par l’épaule, et l’enlever par-dessus la table et les tasses à thé, à l’abri et hors de portée de Nagaina.



– Volée! Volée! Volée!

Rikk-tck-tck!

 gloussa Rikki-tikki triomphant. L’enfant est sauf, et c’était moi… moi… moi, qui saisis Nag au capuchon, la nuit dernière, dans la salle de bain.



Puis il se mit à sauter de tous côtés, des quatre pattes ensemble, revenant raser le sol de la tête.



– Il m’a jeté de côté et d’autre, mais il n’a pas pu me faire lâcher prise. Il était mort avant que l’homme l’ait coupé en deux… C’est moi qui ai fait cela!

Rikki-tikki-tck-tck!

… Par ici, Nagaina. Par ici et battons-nous. Vous ne serez pas longtemps une veuve.



Nagaina vit qu’elle avait perdu toute chance de tuer Teddy, et l’œuf gisait entre les pattes de Rikki-tikki:



– Donnez-moi l’œuf, Rikki-tikki. Donnez-moi le dernier de mes œufs, et je m’en irai pour ne plus jamais revenir, – dit-elle, en baissant son capuchon.



– Oui, vous vous en irez, et vous ne reviendrez plus jamais; car vous irez sur le fumier rejoindre Nag. En garde, la veuve! L’homme est allé chercher son fusil! En garde!



Rikki-tikki bondissait tout autour de Nagaina, en se tenant juste hors de portée de ses coups, ses petits yeux comme deux braises. Nagaina se rassembla sur elle-même, et se jeta sur lui. Rikki-tikki fit un saut en l’air et retomba en arrière. Une fois, une autre, puis encore elle voulut le frapper, mais à chaque reprise sa tête donnait avec un coup sourd contre la natte de la véranda, tandis qu’elle se rassemblait sur elle-même en spirale comme un ressort de montre. Puis Rikki-tikki dansa en cercle pour arriver derrière elle, et Nagaina tourna sur elle-même pour rester tête à tête avec lui… et le bruissement de sa queue sur la natte sonnait comme des feuilles sèches emportées par le vent.



Rikki-tikki avait oublié l’œuf. Il était encore sous la véranda, et Nagaina s’en rapprochait peu à peu, jusqu’à ce qu’enfin, tandis que Rikki-tikki reprenait haleine, elle le saisit dans sa bouche, se dirigea vers les marches de la véranda, et descendit le sentier comme une flèche, Rikki-tikki derrière elle.



Lorsque le cobra court pour sauver sa vie, il prend l’aspect d’une mèche de fouet qui cinglerait l’encolure d’un cheval. Rikki-tikki savait qu’il lui fallait la joindre, ou que tout serait à recommencer. Nagaina filait droit vers les longues herbes, près du buisson épineux, et, tout en courant, Rikki-tikki entendit Darzee toujours en train de chanter son absurde petite chanson de triomphe. Mais la femme de Darzee, plus raisonnable, quitta son nid en voyant arriver Nagaina, et battit des ailes autour de sa tête. Si Darzee l’avait aidée, ils auraient pu la faire retourner. Mais Nagaina ne fit que baisser son capuchon, et continua sa route. Toutefois, cet instant de répit amena Rikki-tikki sur elle, et comme elle plongeait dans le trou de rat où elle et Nag avaient coutume de vivre, les petites dents blanches de Rikki-tikki se refermèrent sur sa queue, et il entra derrière elle. – Or, très peu de mangoustes, quelles que soient leur sagesse et leur expérience, se soucieraient de suivre un cobra dans son trou. – Il faisait noir dans le trou; et Rikki-tikki ne pouvait savoir s’il n’allait pas s’élargir et donner assez de place à Nagaina pour se retourner et frapper. Il tint bon, avec rage, les pieds écartés pour faire office de freins sur la pente sombre du tiède et moite terreau. Puis, l’herbe, autour de la bouche du trou, cessa de s’agiter, et Darzee dit:



– C’en est fini de Rikki-tikki! Il nous faut chanter son chant de mort… Le vaillant Rikki-tikki est mort!.. Car Nagaina le tuera sûrement sous terre.



C’est pourquoi il se mit à chanter une chanson des plus lugubres, qu’il improvisa sous le coup de l’émotion. Et, comme il arrivait précisément à l’endroit le plus touchant, l’herbe frémit de nouveau, et Rikki-tikki, couvert de terre, se traîna hors du trou, une jambe après l’autre, en se léchant les moustaches. Darzee s’arrêta avec un petit cri de surprise. Rikki-tikki secoua un peu de la poussière qui tachait sa fourrure, et éternua.



– C’est fini, dit-il. La veuve ne reviendra plus jamais.



Et les fourmis rouges, qui habitent parmi les tiges d’herbe, l’entendirent, et se mirent à descendre en longues théories pour voir s’il avait dit vrai.



Rikki-tikki se pelotonna sur lui-même dans l’herbe, et dormit où il était… dormit, dormit jusqu’à ce qu’il fût tard dans l’après-midi, car il avait accompli une dure journée de travail.



– Maintenant, dit-il, quand il s’éveilla, je vais rentrer à la maison. Racontez au Chaudronnier, Darzee, pour qu’il le raconte au jardin, que Nagaina est morte.



Le Chaudronnier est un oiseau qui fait un bruit absolument semblable au coup d’un petit marteau sur un vase de cuivre; et s’il fait toujours ce bruit, c’est qu’il est le crieur public de tout jardin hindou, et qu’il raconte les nouvelles à ceux qui veulent bien l’entendre.



Lorsque Rikki-tikki remonta le sentier, il l’entendit préluder les notes de son «garde-à-vous» comme un de ces petits gongs sur lesquels on annonce le dîner, puis, le monotone «

Ding-dong-tock!

 Nag est mort…

dong!

 Nagaina est morte!

Ding-dong-tock!

» A ce signal tous les oiseaux se mirent à chanter dans le jardin, et les grenouilles à coasser; car Nag et Nagaina avaient l’habitude de manger les grenouilles aussi bien que les oiseaux.



Lorsque Rikki regagna la maison, Teddy et la mère de Teddy (elle avait encore l’air très pâle, car elle s’était évanouie) et le père de Teddy sortirent à sa rencontre, et pleurèrent presque d’attendrissement sur lui. Ce soir-là, il mangea tout ce qu’on lui donna, jusqu’à ne pouvoir manger davantage, et il alla au lit, porté sur l’épaule de Teddy, où la mère de Teddy le trouva encore lorsqu’elle vint le revoir plus tard, au courant de la nuit.



– Il nous a sauvé la vie et celle de notre fils, dit-elle à son mari. Y songez-vous?.. Il nous a sauvé la vie à tous.



Rikki-tikki se réveilla en sursaut, car les mangoustes dorment légèrement.



– Oh, c’est vous, dit-il. De quoi vous tourmentez-vous? Tous les cobras sont morts; et s’il en restait… je suis là.



Rikki-tikki pouvait à bon droit être fier de lui; mais il n’en devint pas trop fier, et il garda ce jardin, dorénavant, en vraie mangouste… de la dent et du jarret, si bien que jamais un cobra n’osa montrer sa tête à l’intérieur des murs.



L’ODE DE DARZEE

(Chantée en l’honneur de Rikki-tikki-tavi)



Tailleur et chantre je suis,

Je connais doubles déduits;

Fier de ma vive chanson,

Fier de coudre ma maison.

Dessus, puis dessous, ainsi j’ai tissé ma musique, ainsi ma maison.

Mère, relève la tête!

Plus de danger qui nous guette.

Chante à tes petits encor,

Morte au jardin gît la mort.

L’effroi qui dormit sous les roses, dort sur le fumier, inerte et mort.

Qui donc nous délivre, qui?

Quel est son nom tout puissant?

C’est le pur, le grand

Rikki

Tikki

, dont l’œil est de sang…

Rikk-tikki-tikki

, à l’ivoire en fleur, le chasseur dont l’œil est de sang!

Rendez-lui grâces, oiseaux,

Avec queue en oriflamme,

Rossignol, prête des mots…

Non, car son los me réclame.

Écoutez, je chante un los à

Rikki

, ô queue en panache, œil de flamme!..



(Ici Rikki-tikki interrompit, de sorte que le reste de la chanson est perdu.)

TOOMAI DES ÉLÉPHANTS



Je me souviens de qui je fus. J’ai brisé la corde et la chaîne,

Je me souviens de ma forêt et de ma vigueur ancienne.

Je ne veux plus vendre mon dos pour une botte de roseaux:

Je veux retourner à mes pairs, aux gîtes verts des taillis clos.





Je veux m’en aller jusqu’au jour, partir dans le matin nouveau,

Parmi le pur baiser des vents, la claire caresse de l’eau.

J’oublierai l’anneau de mon pied, l’entrave qui veut me soumettre;

Je veux revoir mes vieux amours, les jeux de mes frères sans maître.



Kala Nag – autrement dit Serpent Noir – avait servi le Gouvernement de l’Inde, de toutes les manières dont un éléphant peut servir, pendant quarante-sept années; et, comme il avait au moins vingt ans lorsqu’il fut pris, cela lui faisait presque soixante-dix ans à cette heure, l’âge mur des éléphants.



Il se souvenait d’avoir poussé, un gros bourrelet de cuir attaché sur le front, pour dégager un canon enlizé dans la boue profonde; et c’était avant la guerre afghane de 1842, alors qu’il n’avait pas encore atteint la plénitude de sa force. Sa mère Radha Pyari – Radha la favorite – qui avait été prise dans la même chasse que lui, n’avait pas manqué de lui dire, avant que ses petites dents, ses défenses de lait fussent tombées: «Les éléphants qui ont peur attrapent toujours du mal»; et Kala Nag savait que l’avis était bon, car, la première fois qu’il vit un obus éclater, il recula en criant, creva une rangée de faisceaux, et les baïonnettes le piquèrent dans ses parties les plus tendres. Aussi, avant qu’il eût vingt-cinq ans, était-ce fini pour lui d’avoir peur, et devint-il par là même l’éléphant le plus aimé et le mieux soigné qui fût au service du Gouvernement de l’Inde. Il avait transporté des tentes, douze cents livres de tentes, durant la marche à travers l’Inde Supérieure; il avait été hissé sur un navire au bout d’une grue à vapeur; et, après des jours et des jours de traversée, on lui avait fait porter un mortier sur le dos dans un pays étrange et rocailleux, très loin de l’Inde; il avait vu l’empereur Théodore étendu mort dans Magdala; puis, il était revenu par le même steamer, avec tous les titres, disaient les soldats, à la médaille d’Abyssinie. Il avait vu ses camarades éléphants mourir de froid, d’épilepsie, de faim et d’insolation dans un endroit appelé Ali Musjid, dix ans plus tard; ensuite, il avait été envoyé à des milliers de milles dans le sud pour traîner et empiler de grosses poutres en bois de teck, aux chantiers de Moulmein. Là, il avait à moitié tué un jeune éléphant insubordonné qui voulait esquiver sa juste part de travail. Après cela, il avait quitté le transport des bois de charpente, et on l’avait employé, avec quelques vingtaines de compagnons dressés à cette besogne, pour aider à la capture des éléphants sauvages dans les montagnes de Garo.

 



Les éléphants! le Gouvernement de l’Inde y veille avec un soin jaloux: il y a un service tout entier qui ne s’occupe que de les traquer, de les prendre, de les dompter, et de les envoyer à un bout du pays ou à l’autre suivant les besoins de l’ouvrage.



Kala Nag, debout, mesurait dix bons pieds aux épaules; ses défenses avaient été rognées à cinq pieds, et, pour les empêcher de se fendre, on avait garni leurs extrémités avec des bandes de cuivre; mais il savait se servir de ces tronçons mieux qu’aucun éléphant non dressé de ses vraies défenses aiguës. Quand, après des semaines et des semaines passées à rabattre avec précaution les éléphants épars dans les montagnes, les quarante ou cinquante monstres sauvages étaient poussés dans la dernière enceinte, et que la grosse herse, faite de troncs d’arbres liés, retombait avec fracas derrière eux, Kala Nag, au premier commandement, pénétrait dans ce pandemonium de feux et de barrissements (c’était à la nuit close en général, et la lumière vacillante des torches rendait difficile de juger les distances); il choisissait dans toute la bande le plus farouche des porte-défenses, et le martelait et le bousculait jusqu’à le réduire au calme, tandis que les hommes, montés sur le dos des autres éléphants, jetaient des nœuds coulants aux plus petits et les attachaient. Il n’y avait rien, dans l’art de combattre, que Kala Nag, le vieux et sage Serpent Noir, ne connût: il avait plus d’une fois, dans son temps, soutenu la charge du tigre blessé, et, sa trompe charnue soigneusement roulée pour éviter les accidents, il avait frappé de côté dans l’air, d’un rapide mouvement de tête en coup de faulx, la brute bondissante – un coup de sa propre invention – l’avait terrassée, et, agenouillé sur elle de tout le poids de ses genoux énormes, il en avait exprimé la vie avec un râle et un hurlement; alors, il ne restait plus sur le sol qu’une loque rayée, ébouriffée, qu’il tirait par la queue.



– Oui! disait Grand Toomai, son cornac, – le fils de Toomai le Noir qui l’avait emmené en Abyssinie, et le petit-fils de Toomai des Éléphants qui l’avait vu prendre, – il n’y a rien au monde que craigne le Serpent Noir, excepté moi. Il a vu trois générations de notre famille le nourrir et le panser, et il vivra pour en voir quatre.



– Il a peur de

moi

 aussi! – disait Petit Toomai, en se dressant de toute sa hauteur, quatre pieds, sans autre vêtement qu’un lambeau d’étoffe.



Il avait dix ans; c’était le fils aîné de Grand Toomai, et, suivant la coutume, il prendrait la place de son père sur le cou de Kala Nag, lorsqu’il serait grand lui-même, et manierait le lourd

ankus

 de fer, l’aiguillon des éléphants, que les mains de son père, de son grand-père et de son arrière-grand-père avaient poli. Il savait ce qu’il disait; car il était né à l’ombre de Kala Nag, il avait joué avec le bout de sa trompe avant de savoir marcher, il l’avait fait descendre à l’eau dès qu’il avait su marcher, et Kala Nag n’aurait pas eu l’idée de désobéir à la petite voix perçante qui lui criait ses ordres, plus qu’il n’aurait eu l’idée de tuer le petit bébé brun, le jour où Grand Toomai l’apporta sous les défenses de Kala Nag, et lui ordonna de saluer celui qui serait son maître.



– Oui, dit Petit Toomai, il a peur de

moi

.



Et il marcha à longues enjambées vers Kala Nag, l’appela «vieux pourceau gras», et lui fit lever les pieds l’un après l’autre.



– 

Wah!

 dit Petit Toomai, tu es un gros éléphant.



Et il secoua sa tête ébouriffée, en répétant ce que disait son père:



– Le Gouvernement peut bien payer le prix des éléphants, mais c’est à nous,

mahouts

, qu’ils appartiennent. Quand tu seras vieux, Kala Nag, il viendra quelque riche Rajah qui t’achètera au Gouvernement, à cause de ta taille et de tes bonnes manières, et tu n’auras plus rien à faire qu’à porter des boucles d’or à tes oreilles, un dais d’or sur ton dos, des draperies rouges couvertes d’or sur tes flancs et à marcher en tête du cortège royal. Alors, je serai assis sur ton cou, ô Kala Nag, un

ankus

 d’argent à la main, et des hommes courront devant nous, avec des bâtons dorés, en criant: «Place à l’éléphant du Roi!» Ce sera beau, Kala Nag, mais pas aussi beau que de chasser dans les jungles.



– Peuh! dit Grand Toomai, tu n’es qu’un petit garçon et aussi sauvage qu’un veau de buffle. Cette façon de passer sa vie à courir du haut en bas des montagnes n’est pas ce qu’il y a de mieux dans le service du Gouvernement. Je me fais vieux, et je n’aime pas les éléphants sauvages. Qu’on me donne des lignes à éléphants, en briques, une stalle par bête, des pieux solides pour les amarrer en sûreté, et de larges routes unies pour les exercer au lieu de ce va-et-vient toujours en camp volant… Ah! les casernes de Cawnpore avaient du bon. Il y avait tout près un bazar, et seulement trois heures de travail par jour.



Petit Toomai se rappela les lignes à éléphants de Cawnpore et ne dit rien. Il préférait de beaucoup la vie de camp, et détestait ces larges routes unies, les distributions quotidiennes de foin au magasin à fourrage, et les longues heures où il n’y avait rien à faire qu’à surveiller Kala Nag s’agitant sur place dans ses piquets. Ce qu’aimait Petit Toomai, c’était l’escalade par les chemins enchevêtrés que seul un éléphant peut prendre, et puis le plongeon dans la vallée, la brève apparition des éléphants sauvages pâturant à des milles au loin, la fuite du sanglier et du paon effrayés sous les pieds de Kala Nag, les chaudes pluies aveuglantes, quand toutes les collines et les vallées fumaient, les beaux matins pleins de brouillard, quand personne ne savait où l’on camperait le soir, la poursuite patiente et minutieuse des éléphants sauvages, et la course folle, les flammes et le tohu-bohu de la dernière nuit, quand ils venaient se précipiter en torrent à l’intérieur des palissades comme des rochers dans un éboulement, découvraient l’impossibilité d’en sortir, et se lançaient contre les poteaux massifs, pour être enfin repoussés par des cris, des torches flamboyantes et des salves de cartouches à blanc. Là, même un petit garçon pouvait se rendre utile, et Toomai se rendait aussi utile que trois petits garçons. Il tenait sa torche et l’agitait, et criait de son mieux. Mais le vrai bon temps, c’était quand on commençait à faire sortir les éléphants, quand le

keddah

, c’est-à-dire la palissade, ressemblait à un tableau de la fin du monde, et que, ne pouvant plus s’entendre, les hommes étaient obligés de se faire des signes. Alors Petit Toomai grimpait sur un des poteaux ébranlés, et il avait l’air d’un lutin dans la lumière des torches; puis, ses cheveux noirs, blanchis par le soleil, flottant sur ses épaules, on entendait, à la première accalmie, les cris aigus d’encouragement qu’il jetait à Kala Nag, parmi les barrissements et les craquements, le claquement des cordes, et les grondements des éléphants entravés.



– 

Maîl, maîl, Kala Nag!

 (Allons, allons, Se

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