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Amitié amoureuse

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CXL
Philippe à Denise

22 septembre.

Au panier? Ah bien ouiche! Je m'attendais à être saboulé, traité de propre à rien; mais je l'aime, votre lettre, je l'aime; elle m'a tiré d'une rude appréhension.

Vous me dites un tas de choses habilement trouvées; mais si vous croyez qu'elles vont m'encourager à écrire! C'est trop laborieux de vivre ses émotions doubles: sur soi, puis sur le papier. Pour ce qui est de composer, ce me serait bien impossible n'ayant de ma vie ouvert un traité d'harmonie. Je suis assez bon exécutant, j'adore la musique, j'en jouis très puissamment, mais c'est tout. Vous souvenez-vous de notre émotion si vivement partagée en écoutant la symphonie avec chœurs de Beethoven? L'ouïe a ses extases comme les autres sens.

Je me résous donc, mon amie, à profiter du génie des autres sans chercher en vain et douloureusement à m'en créer un propre. J'y pourrais échouer, tandis que rien ne m'empêche d'en rêver. Il y a une certaine saveur à se dire: peut-être aurais-je été cela? J'aime mieux résister à la faible tentative d'art, laquelle, mise à exécution, me prouverait que jamais je n'aurais été cela.

Adieu, je m'ennuie de vous, d'Hélène, de Nimerck, même de Gérald et de votre mère. Elle possède, la chère châtelaine aux cheveux blancs, une grâce créole que l'on retrouve chez tite-Lène et, à rares intervalles, chez vous. Enfin, que voulez-vous y faire? Je vous aime tous et vous demande des nouvelles pour vivre de votre vie.

CXLI
Denise à Philippe

26 septembre.

Pourquoi ne venez-vous pas si vous vous ennuyez si fort de nous? Faut-il vous répéter: votre chambre vous attend toujours?

Les événements sont ici assez rares. Ces jours derniers, pourtant, j'en ai marqué un au livre d'or de la famille: Hélène a pris sa première leçon d'équitation. Gérald la lui donnait sur la pelouse. Nous regardions, mère et moi, assez émues, ce petit paquet si cher, secoué par le brave Darling.

Hélène en selle, ne me suis-je pas surprise à dire à l'animal: «Fais bien attention, Darling!» – Gérald en rit encore.

Tite-Lène est à croquer en habit de cheval; elle a attrapé si vite le trot à l'anglaise, qu'aujourd'hui l'oncle a dédaigné la piste ronde du pacage et est parti donner la leçon en se promenant, monté lui-même sur Moricaud. Voilà Hélène ravie; moi un peu nerveuse, bien que très sûre de la prudence de Gérald. Et puis, maman encore plus inquiète que moi, prévoyant mille malheurs:

– Pourvu que Darling ne s'anime pas… ça lui est arrivé avec toi et tu es bonne écuyère… pourvu qu'il ne butte pas, ne se cabre pas ou ne s'avise pas d'un tête à queue… pourvu qu'Hélène n'ait pas peur… A-t-on revu les sangles? il se gonfle quand on le harnache, ce cheval!

Ah! les: pourvu des mères! J'ai vraiment tremblé pendant l'heure qu'a duré cette promenade, comme si un malheur planait sur ma fille, d'autant que ma belle-mère, obligeamment, se souvenait tout à coup, en compagnie de ma pauvre maman, des pires accidents de cheval arrivés autour d'elles depuis leur tendre enfance. A elles deux, elles n'en laissaient pas échapper un!

Enfin, Hélène est rentrée triomphante; emportée dans un bon temps de galop, elle a fait trois fois le tour de la pelouse; Gérald, professeur, jubilait, galopant à ses côtés. Il prétend qu'en dix leçons elle saura monter et se tenir en selle aussi solidement que lui-même.

Autre guitare: Aprilopoulos est toujours amoureux de Suzette, toujours hésitante et qui guette un peu les événements. Je la crois éprise de vous, quoi qu'elle dise; cela n'est pas pour me surprendre; vous déployez un grand charme dans vos relations avec les femmes. Vous avez l'air de les prendre au sérieux et c'est une des choses qui nous séduisent le plus. Au reste, vous allez bientôt revoir ces dames; elles comptent ne plus rester ici que quelques jours. L'infante s'ennuie depuis le casino désert; la vie de famille n'est pas son fort, à elle dont le petit cerveau est bourré d'histoires de chiffons, de plaisirs, de flirt. Elle vit d'apparence; c'est une chose bien creuse, c'est pourquoi il est tant besoin de s'agiter pour la combler.

Voilà les nouvelles. Adieu; la moraliste vous envoie sa bénédiction.

CXLII
Denise à Philippe

1er octobre.

Mon ami,

Je suis un peu triste d'être depuis si longtemps sans nouvelles; cela m'ôte tout courage pour vous envoyer des nôtres.

Vous l'avez éprouvé vous-même: involontairement le silence entraîne à croire qu'on est oublié; la crainte d'être importune achève de couper les ailes à toute pensée désireuse de s'envoler vers l'ami, et on n'écrit pas, et on est triste, et tout cela pourtant n'est qu'un rêve méchant qui hante mal à propos l'esprit inquiet.

Voilà Suzanne revenue rue Murillo; Alice m'écrit qu'elle va reprendre mardi ses dîners hebdomadaires; elle m'annonce entre autres comme premiers convives les Dalvillers et vous. Cet événement, petit en somme, promet néanmoins une superbe confession, cher abbé. Ma nièce et moi l'avons prévue; nous avons ri en songeant à la mine discrète et alléchée que va prendre le curieux ami pour arriver à tout savoir. Si bien que vous sachiez deviner et arracher les petits secrets de nos cœurs, l'abbé, saurez-vous tout?

Hélas! nous sommes des petits cœurs en peine et en souci, des petits cœurs agités, avec mille recoins tout sombres où nous-mêmes voyons à peine goutte; si franches soyons-nous, ne pensez-vous pas que nous sommes de fameuses serrures pleines de secrets et que toutes les clefs ne savent pas ouvrir? Ces petits mystères sont notre force; par là nous vous tenons.

Oh! nos confessions vous seront faites, car vous êtes un habile homme, mais quelles? Voilà, voilà le point intéressant à éclaircir. Nous nous mentons si facilement à nous-mêmes et sommes si habiles à prendre la réalité pour le rêve et le rêve pour la réalité, selon les besoins de notre imagination!

Après que je vous livre ainsi notre petit état d'âme, me croirez-vous vraie si je vous dis: je vais chaque jour vous aimant un peu plus que la veille, et vous seriez un monsieur mon ami très suave si vous répondiez seulement de temps en temps à mes lettres.

Ah! le cher paresseux! Il faut l'ardeur de mon amitié pour résister à la tiédeur de la sienne!

CXLIII
Denise à Philippe

11 octobre.

Est-ce parce que Suzanne, rentrée à Paris, tient «l'emploi» que vous n'écrivez plus?

Je devrais me vexer d'être remplacée par cette petite légèreté faite femme, et ne vous plus écrire. Ainsi aurais-je fait si je n'avais besoin des vingt mélodies que je vous ai confiées; mon éditeur voulant les lire, il me faut les revoir avant de les lui livrer; ayez l'obligeance de me les envoyer.

Je voudrais bien avoir, tout de même, des nouvelles de vous, savoir si la grande combinaison dont vous m'avez parlé pendant votre séjour ici, progresse vers la conclusion favorable et attendue?

Vous êtes le plus négligent des amis. – «Puisqu'on m'aime comme ça…» – direz-vous?

Alors continuez, comme le nègre… Mais c'est égal, un petit mot de temps en temps ne serait pas pour gâter les choses. Adieu.

CXLIV
Philippe à Denise

12 octobre.

Mon amie,

Je vous envoie les Chants d'amour par retour du courrier; cette brusque séparation me chagrine. Je comptais les emporter avec moi après-demain à la campagne pour les y relire tout à loisir. Mais si vous avez une combinaison avec l'éditeur, pas de temps à perdre. Cette combinaison m'a l'air d'une bonne nouvelle: vous savez tout le plaisir que cela me cause.

Il fait à Paris une chaleur d'automne orageuse, insupportable; je suis enthousiasmé de pouvoir m'échapper. Malheureusement je pars sans que mes affaires soient arrangées; rien de perdu, mais cela traîne et les affaires, comme les femmes, ne gagnent pas à traîner. Tout cela m'occupe, me préoccupe, et, avec la chaleur et les courses à bicyclette que j'ai entreprises avec ardeur, m'empêche de me livrer autant que je le voudrais au plaisir de la correspondance. Alors vous me reprochez d'être négligent… Mais vous qui n'avez rien à faire, qui ne montez pas à bicyclette, qui êtes à l'air frais, pourquoi n'écrivez-vous pas plus souvent? Est-ce parce que je n'ai pas répondu? Ce serait bien mesquin!

Dites-moi un peu ce qui se passe; Gérald est-il encore auprès de vous? Comment est tite-Lène? et votre mère? Écrivez-moi à Luzy, par Vire, Calvados; je pars demain.

Adieu. Vous ne pouvez vous figurer combien, tous, je vous aime.

CXLV
Denise à Philippe

13 octobre.

Vous implorez sans vous lasser: des lettres, des lettres! et me faites songer à Hélène, baby de dix-huit mois, qui, lorsqu'elle avait soif, demandait sans interruption, sans respirer semblait-il: «à bar, à bar, à bar, à bar, à bar!» jusqu'au moment où sa nurse lui fourrait la timbale dans le bec; alors, seulement, le à boire cessait, mais cette demande sans arrêt était une chose qui me rendait à moitié folle.

Que voulez-vous que je vous écrive, horrible paresseux? Enfin, voilà tout de même une lettre; vous ne la méritez guère! Une jolie petite lettre toute parfumée de l'air sain de ma belle Bretagne, toute pleine des senteurs du genêt, des longues plaintes du vent, du bruissement des feuilles mortes dispersées, trébuchantes, volant comme des âmes en peine qui cherchent à fuir la terre.

 

Que ne puis-je vous envoyer aussi le ronronnement terrible et monotone de la mer, le froissement, entre elles, des hautes branches des sapins, qui emplit de sifflements le calme des bois, et le soleil d'automne qui poudroie d'or le salon tandis que je vous écris; il glisse à travers les petits carreaux des fenêtres ses ardents rayons et illumine, avant de s'évanouir derrière la falaise, les vieilles tapisseries des murailles pleines de bêtes apocalyptiques trop grandes et de personnages trop petits.

Mon ami, je suis, malgré ma volonté, dans un état de langueur indescriptible. L'effet en est bizarre. Est-ce le calme et la solitude absolus dans lesquels nous vivons qui en sont la cause? Je n'ai jamais éprouvé cela, je constate en moi un vague regret de rien, un peu de malaise moral et d'ahurissement devant ce mal inconnu. Un désarroi physique me pousse à vagabonder dans la forêt et je m'y surprends tout à coup les yeux pleins de larmes.

Je me sens enivrée de l'odeur fine des fougères et des mousses, des bruyères sauvages et des feuilles de chêne. Je redeviens tzigane; mon amour endormi pour les choses se réveille, sauvage, et montre en moi un instinct bestial, païen, insoupçonné jusqu'ici. La femme que j'ai été n'est plus, chassée par celle que je deviens; la sylve m'attire; je lui chante, éperdue, les chants sauvages de Miarka, la merveilleuse fille de Richepin… Ma voix m'étonne et m'émeut… un peu de folie me gagne, l'écho que j'éveille me fait frissonner. J'arrive au bord de la falaise, je regarde le soleil se noyer dans la mer, empourprant le ciel, embrasant l'horizon, et je songe, triste, comme ce serait bon que vous fussiez là pour jouir de ce spectacle grandiose.

Seul, il me calme et met dans mon âme une indéfinie tristesse et me rend muette, languide, durant le retour par la lande grise. Adieu.

CXLVI
Philippe à Denise

Luzy, 21 octobre.

Comme vous êtes sévère avec moi, chère amie, et quelle rigueur vous mettez à ce que nos lettres s'alternent régulièrement, moi faisant les demandes et vous les réponses comme au catéchisme, soit dit sans vous froisser. Cette manière-là est bien peu digne de vous. Il est cependant si agréable de recevoir des lettres à la campagne! La vôtre dernière m'inquiète un peu; que veut dire cette vague tristesse? Je n'aime pas savoir mon amie aux prises avec des rêves; cet état-là est toujours redoutable dans une nature comme la vôtre; j'aime la femme que vous êtes et je me méfie de celle qu'il vous semble devenir.

Ah! ma chère Gitane, vous vous diversifiez à chaque tournant du chemin… De quels merveilleux remuements d'âme et d'esprit vous agitez votre vie et celle des autres! Mais ne cultivez pas l'émoi qui vous gagne, j'ai peur de lui pour vous; ma chère Extrême, méfiez-vous de vous-même, craignez d'alimenter un faux rêve de bonheur. Ne dites plus orgueilleusement sempre più… ce toujours plus m'effraie. Prenez plutôt la sage devise des Luzy: plus ne veult. Je la partagerai volontiers avec vous.

Vous faites la moue? Votre pion vous assomme? parlons d'autre chose.

Donc, pour en revenir à mon premier sujet, – mon inquiétude est une digression pardonnable – je veux bien croire ce silence de huit jours dû au travail absorbant de la révision des mélodies; en ce cas, je vous pardonne.

Que deviennent-elles? J'aime à croire que vous avez bien reçu le manuscrit, quoique vous n'ayez pas jugé à propos de me le faire savoir. Est-il entre les mains de l'éditeur? qu'en dit-il? Voilà bien des questions qui m'intéressent et sur lesquelles j'aurais désiré être renseigné.

Que devient le redoutable homme de la mer? (Miss Suzanne m'a déclaré qu'elle redoutait Gérald —per che signorina?– ) Ce sera pour vous un excellent exercice de me raconter ces choses terre à terre, et une grande satisfaction pour votre vieux pion de les apprendre.

Votre vieux pion a une passion et c'est ici que cela devient plaisant, cette passion est sa bicyclette. Si vous me voyiez peinant sur les raidillons dont abonde le pays, vous poufferiez de rire. J'en ris moi-même – aux descentes! —

Vous ne sauriez croire à quel point ce sport m'absorbe. Tout y est sacrifié; j'ai là devant moi quatre volumes de Renan, ils ne sont pas même coupés. Le flirt lui-même est à peu près complètement abandonné. Je ne pense plus, je pédale. Je m'en veux un peu de me laisser envahir à ce point et distraire par la vie trop agitée que je mène. Je tiens absolument à faire une retraite annuelle; j'ai besoin de silence et de réflexion, de promenades solitaires dans les bois, bien que les uns et les autres ne m'induisent pas, comme vous, à me sentir pousser des ailes ou à devenir sylvain: je me sens encore bien loin de votre poétique exaltation.

Je compte rester ici jusqu'au 29, je passerai par Paris et irai chasser en Sologne pendant une huitaine, puis je reprendrai ma vie habituelle.

J'aurais un bien grand besoin de vous voir; il y a si longtemps que nous n'avons causé. Que n'êtes-vous dans ces parages? Nous irions au Mont-Saint-Michel. J'y ai fait l'autre jour une très aimable excursion. Il y avait sur la grève de petits reflets bleus que je n'oublierai jamais. Ils vous auraient transportée, ma sainte artiste.

A bientôt, chère mie. Présentez mes hommages à madame de Nimerck; mes amitiés à Gérald: baisez pour moi les cheveux d'or de tite-Lène, et croyez-moi très affectueusement à vous.

CXLVII
Denise à Philippe

22 octobre.

Non, mon ami, ce n'est pas un si pauvre motif qui m'a fait garder le silence; je passe par une crise morale de moi à moi. Quand je suis comme ça, je deviens muette pour le plus grand profit de mes amis.

D'ailleurs, je n'avais rien à vous dire; notre vie est calme, Hélène et mère sont heureuses, c'est tout ce qu'il devrait falloir à mon propre bonheur.

Gérald est rentré à Paris; il y est seul et nous écrit que l'appartement du boulevard Malesherbes, vide, est une grande halle très triste à habiter. Il ne doit retourner à Cherbourg que dans quelques mois pour reprendre la mer; à cause de lui nous reviendrons plus tôt à Paris, je crois.

Je suis contente de vous voir cette passion saine, en somme, de la bicyclette; ici c'est une rage. Notre spirituel voisin Georges Granbaud appelle la sienne son «cygne aimé». Ce Lohengrin bien dans le train vient, grâce au cygne en question, nous voir souvent. Il anime notre solitude de fusées brillantes, d'apparitions astrales, puis s'éclipse toujours trop vite au gré de toute la maisonnée.

Moi qui n'ai pas de bicyclette, je lis. J'ai trouvé des choses exquises, intéressantes et si bien dites dans ce même Renan que vous ne lisez pas, vous! Ce sont des volumes débordants de pensées.

Vous allez encore vous moquer de moi; mais puis-je ne vous en rien dire? Je vais me subtilisant de plus en plus et j'en suis bien désolée, mais sans force pour réagir. Ce mal indéfinissable lentement me gagne; c'est une triste ivresse montante – je la trouve malsaine – au charme de laquelle je ne puis me dérober, j'ai dit: ivresse; cela explique que malgré moi j'y succombe.

Depuis ma dernière lettre, j'ai un besoin maladif de me retirer de ce qui vit. La solitude, la cellule, me deviennent souhaitables; je voudrais anéantir mon corps; il me préoccupe et me gêne. J'ai besoin de maîtriser mes pensées par le rêve. Ah! ces «petits reflets bleus sur la grève», vous les avez mis à point dans votre lettre pour me la faire relire et aimer. C'était la manne désirée pour enchanter mon malaise.

Tout ce qui vit, vibre, va joyeux et allègre, m'indispose et m'est souffrance. Pour vous en donner une idée, je ne compose plus dans la salle de l'orgue, exposée en plein midi: j'ai fait transporter ma table, mon piano, dans la chambre mauve, la vôtre. Là seulement je me sens bien. J'aime le jour du nord qui l'éclaire; à cette exposition seule, je puis maintenant penser, travailler, parce que ce jour triste, uni, ne contient que le reflet du soleil, non l'éclat du midi qui est la vie même de l'astre et met tout en sève, en émoi, en agitation autour de lui.

Pour une descendante de tziganes dont les aïeux ont fait Dieu le soleil, c'est vraiment signe de mal, cette désaffection de lui qui me prend.

Moquez-vous de votre amie déprimée, cette vieille femme de trente ans, assez sage jusqu'ici et qui s'avise tout à coup d'un mal étrange, le mal des blue devils, pauvres papillons importuns et aimés.

Que ne vous ai-je là pour raisonner de ceci avec vous, même pour me faire gronder par le cher vieux pion…

Je serais une écolière soumise, tenue en laisse, domptée par ce vague malaise contre lequel les efforts de ma volonté échouent. Ce que j'ai? je n'en sais rien, mais je sais que je l'ai et que parfois j'en pleure.

C'est si peu moi d'être ainsi! Moi que vous dites être droite et résolue comme un homme… Ah! les âmes ont un sexe… Malgré l'énergie employée à me vaincre, je me sens une femme, rien que cela; un pauvre petit bout de femme que vous devriez battre, je vous jure!

CXLVIII
Philippe à Denise

24 octobre.

J'avais bien raison d'avoir peur. Que se passe-t-il? Vous vous révélez tout à coup défaillante, de quoi? Vous qui avez eu jusqu'ici si peu besoin de protection, vous implorez mon secours? D'où vous vient cette déroute morale?

Ma pauvre amie, vous m'allez faire croire à l'efficacité du mariage, qui place la femme sous la tutelle de l'homme.

Mettez-vous bien dans la tête ceci: le corps a des fonctions dont l'âme ne doit point s'embarrasser; divisez pour régner. Brisez votre corps par autre chose que des rêveries; montez à cheval, marchez; venez lutter à Paris contre la lenteur de votre éditeur à livrer au public les vingt mélodies.

Voilà bien le pire résultat des mariages de raison; l'homme et la femme unissent leurs lèvres sans amour, sans fondre en un leur cœur, leur intelligence. La femme subit la caresse sans désir, sans passion; on se sépare pour une cause d'incompatibilité d'humeur.

La femme vit sage, désenchantée, concentrant ses forces affectives sur l'enfant; mais l'enfant grandit, échappe aux caresses. Alors la mère se reprend, redevient femme. Elle se souvient, elle rêve à l'amour dont elle a eu seulement le simulacre; elle l'embellit de toutes les richesses de tendresses amassées en elle et le pare de toutes les illusions gardées inconsciemment en son âme, de tous les désirs sans but de son long veuvage. Elle se dit: «Ce qu'on m'a donné, ce n'était pas l'amour, sans quoi j'aurais aimé».

Mon amie, c'était bien de l'amour. Aimer, c'est associer deux corps; l'âme vient par-dessus le marché si l'on peut. Il y a un instant d'ivresse montante, il ne faut pas le nier; mais pour des êtres comme vous, analytiques et chercheurs, il ne surnage de l'acte qu'une joie assez médiocre et brutale qui s'entache, dans la faute, d'un peu de regret et de honte.

La grande peine de nos esprits vient toujours d'un malaise de notre cœur; aujourd'hui vous êtes malheureuse de votre vie sans amour, demain vous seriez malheureuse d'avoir aimé. Pour vous ce serait un pire malheur que l'autre.

Il y a des femmes qui naissent avec, en elles, l'impossibilité d'être heureuses. Vous êtes, entre toutes, de celles-là. Tâchez, ma pauvre amie chère, de vous y résigner.

Êtes-vous assez battue pour aujourd'hui?

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