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Le mystère de la chambre jaune

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V Où Joseph Rouletabille adresse à M. Robert Darzac une phrase qui produit son petit effet

Nous marchions depuis quelques minutes, Rouletabille et moi, le long dun mur qui bordait la vaste propriété de M. Stangerson, et nous apercevions déjà la grille dentrée, quand notre attention fut attirée par un personnage qui, à demi courbé sur la terre, semblait tellement préoccupé quil ne nous vit pas venir. Tantôt il se penchait, se couchait presque sur le sol, tantôt il se redressait et considérait attentivement le mur; tantôt il regardait dans le creux de sa main, puis faisait de grands pas, puis se mettait à courir et regardait encore dans le creux de sa main droite. Rouletabille mavait arrêté dun geste:

«Chut! Frédéric Larsan qui travaille! … Ne le dérangeons pas!

Joseph Rouletabille avait une grande admiration pour le célèbre policier. Je navais jamais vu, moi, Frédéric Larsan, mais je le connaissais beaucoup de réputation.

Laffaire des lingots dor de lhôtel de la Monnaie, quil débrouilla quand tout le monde jetait sa langue aux chiens, et larrestation des forceurs de coffres-forts du Crédit universel avaient rendu son nom presque populaire. Il passait alors, à cette époque où Joseph Rouletabille navait pas encore donné les preuves admirables dun talent unique, pour lesprit le plus apte à démêler lécheveau embrouillé des plus mystérieux et plus obscurs crimes. Sa réputation sétait étendue dans le monde entier et souvent les polices de Londres ou de Berlin, ou même dAmérique lappelaient à laide quand les inspecteurs et les détectives nationaux savouaient à bout dimagination et de ressources. On ne sétonnera donc point que, dès le début du mystère de la «Chambre Jaune», le chef de la Sûreté ait songé à télégraphier à son précieux subordonné, à Londres, où Frédéric Larsan avait été envoyé pour une grosse affaire de titres volés: «Revenez vite.» Frédéric, que lon appelait, à la Sûreté, le grand Fred, avait fait diligence, sachant sans doute par expérience que, si on le dérangeait, cest quon avait bien besoin de ses services, et, cest ainsi que Rouletabille et moi, ce matin-là, nous le trouvions déjà à la besogne. Nous comprîmes bientôt en quoi elle consistait.

Ce quil ne cessait de regarder dans le creux de sa main droite nétait autre chose que sa montre et il paraissait fort occupé à compter des minutes. Puis il rebroussa chemin, reprit une fois encore sa course, ne larrêta quà la grille du parc, reconsulta sa montre, la mit dans sa poche, haussa les épaules dun geste découragé, poussa la grille, pénétra dans le parc, referma la grille à clef, leva la tête et, à travers les barreaux, nous aperçut. Rouletabille courut et je le suivis. Frédéric Larsan nous attendait.

«Monsieur Fred», dit Rouletabille en se découvrant et en montrant les marques dun profond respect basé sur la réelle admiration que le jeune reporter avait pour le célèbre policier, «pourriez-vous nous dire si M. Robert Darzac est au château en ce moment? Voici un de ses amis, du barreau de Paris, qui désirerait lui parler.

– Je nen sais rien, monsieur Rouletabille, répliqua Fred en serrant la main de mon ami, car il avait eu loccasion de le rencontrer plusieurs fois au cours de ses enquêtes les plus difficiles… Je ne lai pas vu.

– Les concierges nous renseigneront sans doute? fit Rouletabille en désignant une maisonnette de briques dont porte et fenêtres étaient closes et qui devait inévitablement abriter ces fidèles gardiens de la propriété.

«Les concierges ne vous renseigneront point, monsieur Rouletabille.

– Et pourquoi donc?

– Parce que, depuis une demi-heure, ils sont arrêtés! …

– Arrêtés! sécria Rouletabille… Ce sont eux les assassins! …

Frédéric Larsan haussa les épaules.

«Quand on ne peut pas, dit-il, dun air de suprême ironie, arrêter lassassin, on peut toujours se payer le luxe de découvrir les complices!

– Cest vous qui les avez fait arrêter, monsieur Fred?

– Ah! non! par exemple! je ne les ai pas fait arrêter, dabord parce que je suis à peu près sûr quils ne sont pour rien dans laffaire, et puis parce que…

– Parce que quoi? interrogea anxieusement Rouletabille.

– Parce que… rien… fit Larsan en secouant la tête.

– «Parce quil ny a pas de complices!»souffla Rouletabille.

Frédéric Larsan sarrêta net, regardant le reporter avec intérêt.

«Ah! Ah! Vous avez donc une idée sur laffaire… Pourtant vous navez rien vu, jeune homme… vous navez pas encore pénétré ici…

– Jy pénétrerai.

– Jen doute… la consigne est formelle.

– Jy pénétrerai si vous me faites voir M. Robert Darzac… Faites cela pour moi… Vous savez que nous sommes de vieux amis… Monsieur Fred… je vous en prie… Rappelez-vous le bel article que je vous ai fait à propos des «Lingots dor». Un petit mot à M. Robert Darzac, sil vous plaît?»

La figure de Rouletabille était vraiment comique à voir en ce moment. Elle reflétait un désir si irrésistible de franchir ce seuil au-delà duquel il se passait quelque prodigieux mystère; elle suppliait avec une telle éloquence non seulement de la bouche et des yeux, mais encore de tous les traits, que je ne pus mempêcher déclater de rire. Frédéric Larsan, pas plus que moi, ne garda son sérieux.

Cependant, derrière la grille, Frédéric Larsan remettait tranquillement la clef dans sa poche. Je lexaminai.

Cétait un homme qui pouvait avoir une cinquantaine dannées. Sa tête était belle, aux cheveux grisonnants, au teint mat, au profil dur; le front était proéminent; le menton et les joues étaient rasés avec soin; la lèvre, sans moustache, était finement dessinée; les yeux, un peu petits et ronds, fixaient les gens bien en face dun regard fouilleur qui étonnait et inquiétait. Il était de taille moyenne et bien prise; lallure générale était élégante et sympathique. Rien du policier vulgaire. Cétait un grand artiste en son genre, et il le savait, et lon sentait quil avait une haute idée de lui-même. Le ton de sa conversation était dun sceptique et dun désabusé. Son étrange profession lui avait fait côtoyer tant de crimes et de vilenies quil eût été inexplicable quelle ne lui eût point un peu «durci les sentiments», selon la curieuse expression de Rouletabille.

Larsan tourna la tête au bruit dune voiture qui arrivait derrière lui. Nous reconnûmes le cabriolet qui, en gare dÉpinay, avait emporté le juge dinstruction et son greffier.

«Tenez! fit Frédéric Larsan, vous vouliez parler à M. Robert Darzac; le voilà!»

Le cabriolet était déjà à la grille et Robert Darzac priait Frédéric Larsan de lui ouvrir lentrée du parc, lui disant quil était très pressé et quil navait que le temps darriver à Épinay pour prendre le prochain train pour Paris, quand il me reconnut. Pendant que Larsan ouvrait la grille, M. Darzac me demanda ce qui pouvait mamener au Glandier dans un moment aussi tragique. Je remarquai alors quil était atrocement pâle et quune douleur infinie était peinte sur son visage.

«Mlle Stangerson va-t-elle mieux? demandai-je immédiatement.

– Oui, fit-il. On la sauvera peut-être. Il faut quon la sauve.»

Il najouta pas «ou jen mourrai», mais on sentait trembler la fin de la phrase au bout de ses lèvres exsangues.

Rouletabille intervint alors:

«Monsieur, vous êtes pressé. Il faut cependant que je vous parle. Jai quelque chose de la dernière importance à vous dire.»

Frédéric Larsan interrompit:

«Je peux vous laisser? demanda-t-il à Robert Darzac. Vous avez une clef ou voulez-vous que je vous donne celle-ci?

– Oui, merci, jai une clef. Je fermerai la grille.»

Larsan séloigna rapidement dans la direction du château dont on apercevait, à quelques centaines de mètres, la masse imposante.

Robert Darzac, le sourcil froncé, montrait déjà de limpatience. Je présentai Rouletabille comme un excellent ami; mais, dès quil sut que ce jeune homme était journaliste, M. Darzac me regarda dun air de grand reproche, sexcusa sur la nécessité où il était datteindre Épinay en vingt minutes, salua et fouetta son cheval. Mais déjà Rouletabille avait saisi, à ma profonde stupéfaction, la bride, arrêté le petit équipage dun poing vigoureux, cependant quil prononçait cette phrase dépourvue pour moi du moindre sens:

«Le presbytère na rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat.»

Ces mots ne furent pas plutôt sortis de la bouche de Rouletabille que je vis Robert Darzac chanceler; si pâle quil fût, il pâlit encore; ses yeux fixèrent le jeune homme avec épouvante et il descendit immédiatement de sa voiture dans un désordre desprit inexprimable.

«Allons! Allons!» dit-il en balbutiant.

Et puis, tout à coup, il reprit avec une sorte de fureur:

«Allons! monsieur! Allons!»

Et il refit le chemin qui conduisait au château, sans plus dire un mot, cependant que Rouletabille suivait, tenant toujours le cheval. Jadressai quelques paroles à M. Darzac… mais il ne me répondit pas. Jinterrogeai de loeil Rouletabille, qui ne me vit pas.

VI
Au fond de la chênaie

Nous arrivâmes au château. Le vieux donjon se reliait à la partie du bâtiment entièrement refaite sous Louis XIV par un autre corps de bâtiment moderne, style Viollet-le-Duc, où se trouvait lentrée principale. Je navais encore rien vu daussi original, ni peut- être daussi laid, ni surtout daussi étrange en architecture que cet assemblage bizarre de styles disparates. Cétait monstrueux et captivant. En approchant, nous vîmes deux gendarmes qui se promenaient devant une petite porte ouvrant sur le rez-de-chaussée du donjon. Nous apprîmes bientôt que, dans ce rez-de-chaussée, qui était autrefois une prison et qui servait maintenant de chambre de débarras, on avait enfermé les concierges, M. et MmeBernier.

M. Robert Darzac nous fit entrer dans la partie moderne du château par une vaste porte que protégeait une «marquise». Rouletabille, qui avait abandonné le cheval et le cabriolet aux soins dun domestique, ne quittait pas des yeux M. Darzac; je suivis son regard, et je maperçus que celui-ci était uniquement dirigé vers les mains gantées du professeur à la Sorbonne. Quand nous fûmes dans un petit salonet garni de meubles vieillots, M. Darzac se tourna vers Rouletabille et assez brusquement lui demanda:

 

«Parlez! Que me voulez-vous?»

Le reporter répondit avec la même brusquerie:

«Vous serrer la main!»

Darzac se recula:

«Que signifie?»

Évidemment, il avait compris ce que je comprenais alors: que mon ami le soupçonnait de labominable attentat. La trace de la main ensanglantée sur les murs de la «Chambre Jaune» lui apparut… Je regardai cet homme à la physionomie si hautaine, au regard si droit dordinaire et qui se troublait en ce moment si étrangement. Il tendit sa main droite, et, me désignant:

«Vous êtes lami de M. Sainclair qui ma rendu un service inespéré dans une juste cause, monsieur, et je ne vois pas pourquoi je vous refuserais la main…»

Rouletabille ne prit pas cette main. Il dit, mentant avec une audace sans pareille:

«Monsieur, jai vécu quelques années en Russie, doù jai rapporté cet usage de ne jamais serrer la main à quiconque ne se dégante pas.»

Je crus que le professeur en Sorbonne allait donner un libre cours à la fureur qui commençait à lagiter, mais au contraire, dun violent effort visible, il se calma, se déganta et présenta ses mains. Elles étaient nettes de toute cicatrice.

«Êtes-vous satisfait?

– Non! répliqua Rouletabille. Mon cher ami, fit-il en se tournant vers moi, je suis obligé de vous demander de nous laisser seuls un instant.»

Je saluai et me retirai, stupéfait de ce que je venais de voir et dentendre, et ne comprenant pas que M. Robert Darzac neût point déjà jeté à la porte mon impertinent, mon injurieux, mon stupide ami… Car, à cette minute, jen voulais à Rouletabille de ses soupçons qui avaient abouti à cette scène inouïe des gants…

Je me promenai environ vingt minutes devant le château, essayant de relier entre eux les différents événements de cette matinée, et ny parvenant pas. Quelle était lidée de Rouletabille? Était-il possible que M. Robert Darzac lui apparût comme lassassin? Comment penser que cet homme, qui devait se marier dans quelques jours avec Mlle Stangerson, sétait introduit dans la «Chambre Jaune» pour assassiner sa fiancée? Enfin, rien nétait venu mapprendre comment lassassin avait pu sortir de la «Chambre Jaune»; et, tant que ce mystère qui me paraissait inexplicable ne me serait pas expliqué, jestimais, moi, quil était du devoir de tous de ne soupçonner personne. Enfin, que signifiait cette phrase insensée qui sonnait encore à mes oreilles: le presbytère na rien perdu de son charme ni le jardin de son _éclat!_Javais hâte de me retrouver seul avec Rouletabille pour le lui demander.

À ce moment, le jeune homme sortit du château avec M. Robert Darzac. Chose extraordinaire, je vis au premier coup doeil quils étaient les meilleurs amis du monde.

«Nous allons à la «Chambre Jaune», me dit Rouletabille, venez avec nous. Dites-donc, cher ami, vous savez que je vous garde toute la journée. Nous déjeunons ensemble dans le pays…

– Vous déjeunerez avec moi, ici, messieurs…

– Non, merci, répliqua le jeune homme. Nous déjeunerons à lauberge du «Donjon»…

– Vous y serez très mal… Vous ny trouverez rien.

– Croyez-vous? … Moi jespère y trouver quelque chose, répliqua Rouletabille. Après déjeuner, nous retravaillerons, je ferai mon article, vous serez assez aimable pour me le porter à la rédaction…

– Et vous? Vous ne revenez pas avec moi?

– Non; je couche ici…»

Je me retournai vers Rouletabille. Il parlait sérieusement, et M. Robert Darzac ne parut nullement étonné…

Nous passions alors devant le donjon et nous entendîmes des gémissements. Rouletabille demanda:

«Pourquoi a-t-on arrêté ces gens-là?

– Cest un peu de ma faute, dit M. Darzac. Jai fait remarquer hier au juge dinstruction quil est inexplicable que les concierges aient eu le temps dentendre les coups de revolver, «de shabiller», de parcourir lespace assez grand qui sépare leur loge du pavillon, tout cela en deux minutes; car il ne sest pas écoulé plus de deux minutes entre les coups de revolver et le moment où ils ont été rencontrés par le père Jacques.

– Èvidemment, cest louche, acquiesça Rouletabille… Et ils étaient habillés…?

– Voilà ce qui est incroyable… ils étaient habillés… «entièrement», solidement et chaudement… Il ne manquait aucune pièce à leur costume. La femme était en sabots, mais lhomme avait «ses souliers lacés». Or, ils ont déclaré sêtre couchés comme tous les soirs à neuf heures. En arrivant, ce matin, le juge dinstruction, qui sétait muni, à Paris, dun revolver de même calibre que celui du crime (car il ne veut pas toucher au revolver-pièce à conviction), a fait tirer deux coups de revolver par son greffier dans la «Chambre Jaune», fenêtre et porte fermées. Nous étions avec lui dans la loge des concierges; nous navons rien entendu… on ne peut rien entendre. Les concierges ont donc menti, cela ne fait point de doute… Ils étaient prêts; ils étaient déjà dehors non loin du pavillon; ils attendaient quelque chose. Certes, on ne les accuse point dêtre les auteurs de lattentat, mais leur complicité nest pas improbable… M. de Marquet les a fait arrêter aussitôt.

– Sils avaient été complices, dit Rouletabille, ils seraient arrivés débraillés, ou plutôt ils ne seraient pas arrivés du tout. Quand on se précipite dans les bras de la justice, avec sur soi tant de preuves de complicité, cest quon nest pas complice. Je ne crois pas aux complices dans cette affaire.

– Alors, pourquoi étaient-ils dehors à minuit? Quils le disent! …

– Ils ont certainement un intérêt à se taire. Il sagit de savoir lequel… Même sils ne sont pas complices, cela peut avoir quelque importance. Tout est important de ce qui se passe dans une nuit pareille…»

Nous venions de traverser un vieux pont jeté sur la Douve et nous entrions dans cette partie du parc appelée «la Chênaie». Il y avait là des chênes centenaires. Lautomne avait déjà recroquevillé leurs feuilles jaunies et leurs hautes branches noires et serpentines semblaient daffreuses chevelures, des noeuds de reptiles géants entremêlés comme le sculpteur antique en a tordu sur sa tête de Méduse. Ce lieu, que Mlle Stangerson habitait lété parce quelle le trouvait gai, nous apparut, en cette saison, triste et funèbre. Le sol était noir, tout fangeux des pluies récentes et de la bourbe des feuilles mortes, les troncs des arbres étaient noirs, le ciel lui-même, au-dessus de nos têtes, était en deuil, charriait de gros nuages lourds. Et, dans cette retraite sombre et désolée, nous aperçûmes les murs blancs du pavillon. Étrange bâtisse, sans une fenêtre visible du point où elle nous apparaissait. Seule une petite porte en marquait lentrée. On eût dit un tombeau, un vaste mausolée au fond dune forêt abandonnée… À mesure que nous approchions, nous en devinions la disposition. Ce bâtiment prenait toute la lumière dont il avait besoin, au midi, cest-à-dire de lautre côté de la propriété, du côté de la campagne. La petite porte refermée sur le parc, M. et Mlle Stangerson devaient trouver là une prison idéale pour y vivre avec leurs travaux et leur rêve.

Je vais donner tout de suite, du reste, le plan de ce pavillon. Il navait quun rez-de-chaussée, où lon accédait par quelques marches, et un grenier assez élevé qui ne nous occupera en aucune façon». Cest donc le plan du rez-de-chaussée dans toute sa simplicité que je soumets au lecteur.

Il a été tracé par Rouletabille lui-même, et jai constaté quil ny manquait pas une ligne, pas une indication susceptible daider à la solution du problème qui se posait alors devant la justice. Avec la légende et le plan, les lecteurs en sauront tout autant, pour arriver à la vérité, quen savait Rouletabille quand il pénétra dans le pavillon pour la première fois et que chacun se demandait: «Par où lassassin a-t-il pu fuir de la Chambre Jaune?»

_1. __Chambre Jaune, avec son unique fenêtre grillée et son unique porte donnant sur le laboratoire._ _2. __Laboratoire, avec ses deux grandes fenêtres grillées et ses portes; donnant lune sur le vestibule, lautre sur la Chambre Jaune._ _3. __Vestibule, avec sa fenêtre non grillée et sa porte dentrée donnant sur le parc._ _4. __Lavatory._ _5. __Escalier conduisant au grenier._ _6. __Vaste et unique cheminée du pavillon servant aux expériences de laboratoire._

Avant de gravir les trois marches de la porte du pavillon, Rouletabille nous arrêta et demanda à brûle-pourpoint à M. Darzac:

«Eh bien! Et le mobile du crime?

– Pour moi, monsieur, il ny a aucun doute à avoir à ce sujet, fit le fiancé de Mlle Stangerson avec une grande tristesse. Les traces de doigts, les profondes écorchures sur la poitrine et au cou de Mlle Stangerson attestent que le misérable qui était là avait essayé un affreux attentat. Les médecins experts, qui ont examiné hier ces traces, affirment quelles ont été faites par la même main dont limage ensanglantée est restée sur le mur; une main énorme, monsieur, et qui ne tiendrait point dans mon gant, ajouta-t-il avec un amer et indéfinissable sourire…

– Cette main rouge, interrompis-je, ne pourrait donc pas être la trace des doigts ensanglantés de Mlle Stangerson, qui, au moment de sabattre, aurait rencontré le mur et y aurait laissé, en glissant, une image élargie de sa main pleine de sang?

– il ny avait pas une goutte de sang aux mains de Mlle Stangerson quand on la relevée, répondit M. Darzac.

– On est donc sûr, maintenant, fis-je, que cest bien Mlle Stangerson qui sétait armée du revolver du père Jacques, puisquelle a blessé la main de lassassin. Elle redoutait donc quelque chose ou quelquun? __ – Cest probable…

– Vous ne soupçonnez personne?

– Non…», répondit M. Darzac, en regardant Rouletabille.

Rouletabille, alors, me dit:

– Il faut que vous sachiez, mon ami, que linstruction est un peu plus avancée que na voulu nous le confier ce petit cachottier de M. de Marquet. Non seulement linstruction sait maintenant que le revolver fut larme dont se servit, pour se défendre, Mlle Stangerson, mais elle connaît, mais elle a connu tout de suite larme qui a servi à attaquer, à frapper Mlle Stangerson. Cest, ma dit M. Darzac, un «os de mouton». Pourquoi M. de Marquet entoure-t-il cet os de mouton de tant de mystère? Dans le dessein de faciliter les recherches des agents de la Sûreté? Sans doute. Il imagine peut-être quon va retrouver son propriétaire parmi ceux qui sont bien connus, dans la basse pègre de Paris, pour se servir de cet instrument de crime, le plus terrible que la nature ait inventé… Et puis, est-ce quon sait jamais ce qui peut se passer dans une cervelle de juge dinstruction?» ajouta Rouletabille avec une ironie méprisante.

Jinterrogeai:

«On a donc trouvé un «os de mouton» dans la «Chambre Jaune»?

– Oui, monsieur, fit Robert Darzac, au pied du lit; mais je vous en prie: nen parlez point. M. de Marquet nous a demandé le secret. (Je fis un geste de protestation.) Cest un énorme os de mouton dont la tête, ou, pour mieux dire, dont larticulation était encore toute rouge du sang de laffreuse blessure quil avait faite à Mlle Stangerson. Cest un vieil os de mouton qui a dû servir déjà à quelques crimes, suivant les apparences. Ainsi pense M. de Marquet, qui la fait porter à Paris, au laboratoire municipal, pour quil fût analysé. Il croit, en effet, avoir relevé sur cet os non seulement le sang frais de la dernière victime, mais encore des traces roussâtres qui ne seraient autres que des taches de sang séché, témoignages de crimes antérieurs.

– un os de mouton, dans la main dun «assassin exercé», est une arme effroyable, dit Rouletabille, une arme «plus utile» et plus sûre quun lourd marteau.

– «Le misérable» la dailleurs prouvé, fit douloureusement M. Robert Darzac. Los de mouton a terriblement frappé Mlle Stangerson au front. Larticulation de los de mouton sadapte parfaitement à la blessure. Pour moi, cette blessure eût été mortelle si lassassin navait été à demi arrêté, dans le coup quil donnait, par le revolver de Mlle Stangerson. Blessé à la main, il lâchait son os de mouton et senfuyait. Malheureusement, le coup de los de mouton était parti et était déjà arrivé… et Mlle Stangerson était quasi assommée, après avoir failli être étranglée. Si Mlle Stangerson avait réussi à blesser lhomme de son premier coup de revolver, elle eût, sans doute, échappé à los de mouton… Mais elle a saisi certainement son revolver trop tard; puis, le premier coup, dans la lutte, a dévié, et la balle est allée se loger dans le plafond; ce nest que le second coup qui a porté…»

 

Ayant ainsi parlé, M. Darzac frappa à la porte du pavillon. Vous avouerai-je mon impatience de pénétrer dans le lieu même du crime? Jen tremblais, et, malgré tout limmense intérêt que comportait lhistoire de los de mouton, je bouillais de voir que notre conversation se prolongeait et que la porte du pavillon ne souvrait pas.

Enfin, elle souvrit.

Un homme, que je reconnus pour être le père Jacques, était sur le seuil.

Il me parut avoir la soixantaine bien sonnée. Une longue barbe blanche, des cheveux blancs sur lesquels il avait posé un béret basque, un complet de velours marron à côtes usé, des sabots; lair bougon, une figure assez rébarbative qui séclaira cependant dès quil eut aperçu M. Robert Darzac.

«Des amis, fit simplement notre guide. Il ny a personne au pavillon, père Jacques?

– Je ne dois laisser entrer personne, monsieur Robert, mais bien sûr la consigne nest pas pour vous… Et pourquoi? Ils ont vu tout ce quil y avait à voir, ces messieurs de la justice. Ils en ont fait assez des dessins et des procès-verbaux…

– Pardon, monsieur Jacques, une question avant toute autre chose, fit Rouletabille.

– Dites, jeune homme, et, si je puis y répondre…

– Votre maîtresse portait-elle, ce soir-là, les cheveux en bandeaux, vous savez bien, les cheveux en bandeaux sur le front?

– Non, mon ptit monsieur. Ma maîtresse na jamais porté les cheveux en bandeaux comme vous dites, ni ce soir-là, ni les autres jours. Elle avait, comme toujours, les cheveux relevés de façon à ce quon pouvait voir son beau front, pur comme celui de lenfant qui vient de naître! …»

Rouletabille grogna, et se mit aussitôt à inspecter la porte. Il se rendit compte de la fermeture automatique. Il constata que cette porte ne pouvait jamais rester ouverte et quil fallait une clef pour louvrir. Puis nous entrâmes dans le vestibule, petite pièce assez claire, pavée de carreaux rouges.

«Ah! voici la fenêtre, dit Rouletabille, par laquelle lassassin sest sauvé…

– Quils disent! monsieur, quils disent! Mais, sil sétait sauvé par là, nous laurions bien vu, pour sûr! Sommes pas aveugles! ni M. Stangerson, ni moi, ni les concierges qui-z-ont mis en prison! Pourquoi qui ne my mettent pas en prison, moi aussi, à cause de mon revolver?»

Rouletabille avait déjà ouvert la fenêtre et examiné les volets.

«Ils étaient fermés, à lheure du crime?

– Au loquet de fer, en dedans, fit le père Jacques… et moi jsuis bien sûr que lassassin a passé au travers…

– Il y a des taches de sang? …

– Oui, tenez, là, sur la pierre, en dehors… Mais du sang de quoi? …

– Ah! fit Rouletabille, on voit les pas… là, sur le chemin… la terre était très détrempée… nous examinerons cela tout à lheure…

– Des bêtises! Interrompit le père Jacques… Lassassin na pas passé par là! …

– Eh bien, par où? …

– Est-ce que je sais! …»

Rouletabille voyait tout, flairait tout. Il se mit à genoux et passa rapidement en revue les carreaux maculés du vestibule. Le père Jacques continuait:

«Ah! vous ne trouverez rien, mon ptit monsieur. Y nont rien trouvé… Et puis maintenant, cest trop sale… Il est entré trop de gens! Ils veulent point que je lave le carreau… mais, le jour du crime, javais lavé tout ça à grande eau, moi, père Jacques… et, si lassassin avait passé par là avec ses «ripatons», on laurait bien vu; il a assez laissé la marque de ses godillots dans la chambre de mademoiselle! …»

Rouletabille se releva et demanda:

«Quand avez-vous lavé ces dalles pour la dernière fois?»

Et il fixait le père Jacques dun oeil auquel rien néchappe.

«Mais dans la journée même du crime, jvous dis! Vers les cinq heures et demie… pendant que mademoiselle et son père faisaient un tour de promenade avant de dîner ici même, car ils ont dîné dans le laboratoire. Le lendemain, quand le juge est venu, il a pu voir toutes les traces des pas par terre comme qui dirait de lencre sur du papier blanc… Eh bien, ni dans le laboratoire, ni dans le vestibule quétaient propres comme un sou neuf, on na retrouvé ses pas… à lhomme! … Puisquon les retrouve auprès de la fenêtre, dehors, il faudrait donc quil ait troué le plafond de la «Chambre Jaune», quil ait passé par le grenier, quil ait troué le toit, et quil soit redescendu juste à la fenêtre du vestibule, en se laissant tomber… Eh bien, mais, y ny a pas de trou au plafond de la «Chambre Jaune»… ni dans mon grenier, bien sûr! … Alors, vous voyez bien quon ne sait rien… mais rien de rien! … et quon ne saura, ma foi, jamais rien! … Cest un mystère du diable!

Rouletabille se rejeta soudain à genoux, presque en face de la porte dun petit lavatory qui souvrait au fond du vestibule. Il resta dans cette position au moins une minute.

«Eh bien? lui demandai-je quand il se releva.

– Oh! rien de bien important; une goutte de sang.

Le jeune homme se retourna vers le père Jacques.

«Quand vous vous êtes mis à laver le laboratoire et le vestibule, la fenêtre du vestibule était ouverte?

– Je venais de louvrir parce que javais allumé du charbon de bois pour monsieur, sur le fourneau du laboratoire; et, comme je lavais allumé avec des journaux, il y a eu de la fumée; jai ouvert les fenêtres du laboratoire et celle du vestibule pour faire courant dair; puis jai refermé celles du laboratoire et laissé ouverte celle du vestibule, et puis je suis sorti un instant pour aller chercher une lavette au château et cest en rentrant, comme je vous ai dit, vers cinq heures et demie que je me suis mis à laver les dalles; après avoir lavé, je suis reparti, laissant toujours la fenêtre du vestibule ouverte. Enfin pour la derniére fois, quand je suis rentré au pavillon, la fenêtre était fermée et monsieur et mademoiselle travaillaient déjà dans le laboratoire.

– M. ou Mlle Stangerson avaient sans doute fermé la fenêtre en entrant?

– Sans doute.

– Vous ne leur avez pas demandé?

– Non! …»

Après un coup doeil assidu au petit lavatory et à la cage de lescalier qui conduisait au grenier, Rouletabille, pour qui nous semblions ne plus exister, pénétra dans le laboratoire. Cest, je lavoue, avec une forte émotion que je ly suivis. Robert Darzac ne perdait pas un geste de mon ami… Quant à moi, mes yeux allèrent tout de suite à la porte de la «Chambre Jaune». Elle était refermée, ou plutôt poussée sur le laboratoire, car je constatai immédiatement quelle était à moitié défoncée et hors dusage… les efforts de ceux qui sétaient rués sur elle, au moment du drame, lavaient brisée…

Mon jeune ami, qui menait sa besogne avec méthode, considérait, sans dire un mot, la pièce dans laquelle nous nous trouvions… Elle était vaste et bien éclairée. Deux grandes fenêtres, presque des baies, garnies de barreaux, prenaient jour sur limmense campagne. Une trouée dans la forêt; une vue merveilleuse sur toute la vallée, sur la plaine, jusquà la grande ville qui devait apparaître, là-bas, tout au bout, les jours de soleil. Mais, aujourdhui, il ny a que de la boue sur la terre, de la suie au ciel… et du sang dans cette chambre…

Tout un côté du laboratoire était occupé par une vaste cheminée, par des creusets, par des fours propres à toutes expériences de chimie. Des cornues, des instruments de physique un peu partout; des tables surchargées de fioles, de papiers, de dossiers, une machine électrique… des piles… un appareil, me dit M. Robert Darzac, employé par le professeur Stangerson «pour démontrer la dissociation de la matière sous laction de la lumière solaire», etc.

Et, tout le long des murs, des armoires, armoires pleines ou armoires-vitrines, laissant apercevoir des microscopes, des appareils photographiques spéciaux, une quantité incroyable de cristaux…

Rouletabille avait le nez fourré dans la cheminée. Du bout du doigt, il fouillait dans les creusets… Tout dun coup, il se redressa, tenant un petit morceau de papier à moitié consumé… Il vint à nous qui causions auprès dune fenêtre, et il dit:

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