Бесплатно

Le mystère de la chambre jaune

Текст
iOSAndroidWindows Phone
Куда отправить ссылку на приложение?
Не закрывайте это окно, пока не введёте код в мобильном устройстве
ПовторитьСсылка отправлена

По требованию правообладателя эта книга недоступна для скачивания в виде файла.

Однако вы можете читать её в наших мобильных приложениях (даже без подключения к сети интернет) и онлайн на сайте ЛитРес.

Отметить прочитанной
Шрифт:Меньше АаБольше Аа

«Conservez-nous cela, Monsieur Darzac.»

Je me penchai sur le bout de papier roussi que M. Darzac venait de prendre des mains de Rouletabille. Et je lus, distinctement, ces seuls mots qui restaient lisibles:

presbytère rien perdu charme, ni le jar de son éclat.

Et, au-dessous: «23 octobre.»

Deux fois, depuis ce matin, ces mêmes mots insensés venaient me frapper, et, pour la deuxième fois, je vis quils produisaient sur le professeur en Sorbonne le même effet foudroyant. Le premier soin de M. Darzac fut de regarder du côté du père Jacques. Mais celui-ci ne nous avait pas vus, occupé quil était à lautre fenêtre… Alors, le fiancé de Mlle Stangerson ouvrit son portefeuille en tremblant, y serra le papier, et soupira: «Mon Dieu!» Pendant ce temps, Rouletabille était monté dans la cheminée; cest-à-dire que, debout sur les briques dun fourneau, il considérait attentivement cette cheminée qui allait se rétrécissant, et qui, à cinquante centimètres au-dessus de sa tête, se fermait entièrement par des plaques de fer scellées dans la brique, laissant passer trois tuyaux dune quinzaine de centimètres de diamètre chacun.

«Impossible de passer par là, énonça le jeune homme en sautant dans le laboratoire. Du reste, s«il» lavait même tenté, toute cette ferraille serait par terre. Non! Non! ce nest pas de ce côté quil faut chercher…

Rouletabille examina ensuite les meubles et ouvrit des portes darmoires. Puis, ce fut le tour des fenêtres quil déclara infranchissables et «infranchies». À la seconde fenêtre, il trouva le père Jacques en contemplation.

«Eh bien, père Jacques, quest-ce que vous regardez par là?

– Je rgarde lhomme de la police qui ne cesse point de faire le tour de létang… Encore un malin qui nen verra pas plus long qules autres!

– Vous ne connaissez pas Frédéric Larsan, père Jacques! dit Rouletabille, en secouant la tête avec mélancolie, sans cela vous ne parleriez pas comme ça… Sil y en a un ici qui trouve lassassin, ce sera lui, faut croire!»

Et Rouletabille poussa un soupir.

«Avant quon le retrouve, faudrait savoir comment on la perdu! … répliqua le père Jacques, têtu.

Enfin, nous arrivâmes à la porte de la «Chambre Jaune».

«Voilà la porte derrière laquelle il se passait quelque chose!» fit Rouletabille avec une solennité qui, en toute autre circonstance, eût été comique.

VII
Où Rouletabille part en expédition sous le lit

Rouletabille ayant poussé la porte de la «Chambre Jaune» sarrêta sur le seuil, disant avec une émotion que je ne devais comprendre que plus tard: «Oh! Le parfum de la dame en noir!» La chambre était obscure; le père Jacques voulut ouvrir les volets, mais Rouletabille larrêta:

«Est-ce que, dit-il, le drame sest passé en pleine obscurité?

– Non, jeune homme, je ne pense point. Mamzelle tenait beaucoup à avoir une veilleuse sur sa table, et cest moi qui la lui allumais tous les soirs avant quelle aille se coucher… Jétais quasi sa femme de chambre, quoi! quand vnait le soir! La vraie femme de chambre ne vnait guère que le matin. Mamzelle travaille si tard… la nuit!

– Où était cette table qui supportait la veilleuse? Loin du lit?

– Loin du lit.

– Pouvez-vous, maintenant, allumer la veilleuse?

– La veilleuse est brisée, et lhuile sen est répandue quand la table est tombée. Du reste, tout est resté dans le même état. Je nai quà ouvrir les volets et vous allez voir…

– Attendez!»

Rouletabille rentrant dans le laboratoire, alla fermer les volets des deux fenêtres et la porte du vestibule. Quand nous fûmes dans la nuit noire, il alluma une allumette-bougie, la donna au père Jacques, dit à celui-ci de se diriger avec son allumette vers le milieu de la «Chambre Jaune», à lendroit où brûlait, cette nuit- là, la veilleuse. Le père Jacques, qui était en chaussons (il laissait à lordinaire ses sabots dans le vestibule), entra dans la «Chambre Jaune» avec son bout dallumette, et nous distinguâmes vaguement, mal éclairés par la petite flamme mourante, des objets renversés sur le carreau, un lit dans le coin, et, en face de nous, à gauche, le reflet dune glace, pendue au mur, près du lit. Ce fut rapide.

Rouletabille dit: «Cest assez! Vous pouvez ouvrir les volets.

– Surtout navancez pas, pria le père Jacques; vous pourriez faire des marques avec vos souliers… et il ne faut rien déranger… Cest une idée du juge, une idée comme ça, bien que son affaire soit déjà faite…»

Et il poussa les volets. Le jour livide du dehors entra, éclairant un désordre sinistre, entre des murs de safran. Le plancher – car si le vestibule et le laboratoire étaient carrelés, la «Chambre Jaune» était planchéiée – était recouvert dune natte jaune, dun seul morceau, qui tenait presque toute la pièce, allant sous le lit et sous la table-toilette, seuls meubles qui, avec le lit, fussent encore sur leurs pieds. La table ronde du milieu, la table de nuit et deux chaises étaient renversées. Elles nempêchaient point de voir, sur la natte, une large tache de sang qui provenait, nous dit le père Jacques, de la blessure au front de Mlle Stangerson. En outre, des gouttelettes de sang étaient répandues un peu partout et suivaient, en quelque sorte, la trace très visible des pas, des larges pas noirs, de lassassin. Tout faisait présumer que ces gouttes de sang venaient de la blessure de lhomme qui avait, un moment, imprimé sa main rouge sur le mur. Il y avait dautres traces de cette main sur le mur, mais beaucoup moins distinctes. Cest bien là la trace dune rude main dhomme ensanglantée.

Je ne pus mempêcher de mécrier:

«Voyez! … voyez ce sang sur le mur… Lhomme qui a appliqué si fermement sa main ici était alors dans lobscurité et croyait certainement tenir une porte. Il croyait la pousser! Cest pourquoi il a fortement appuyé, laissant sur le papier jaune un dessin terriblement accusateur, car je ne sache point quil y ait beaucoup de mains au monde de cette sorte-là. Elle est grande et forte, et les doigts sont presque aussi longs les uns que les autres! Quant au pouce, il manque! Nous navons que la marque de la paume. Et si nous suivons la «trace» de cette main, continuai- je, nous la voyons, qui, après sêtre appuyée au mur, le tâte, cherche la porte, la trouve, cherche la serrure…

– Sans doute, interrompit Rouletabille en ricanant, mais il ny a pas de sang à la serrure, ni au verrou! …

– Quest-ce que cela prouve? Répliquai-je avec un bon sens dont jétais fier, «il» aura ouvert serrure et verrou de la main gauche, ce qui est tout naturel puisque la main droite est blessée…

– Il na rien ouvert du tout! sexclama encore le père Jacques. Nous ne sommes pas fous, peut-être! Et nous étions quatre quand nous avons fait sauter la porte!»

Je repris:

«Quelle drôle de main! Regardez-moi cette drôle de main!

– Cest une main fort naturelle, répliqua Rouletabille, dont le dessin a été déformé par le glissement sur le mur. Lhomme a _essuyé sa main blessée sur le mur! _Cet homme doit mesurer un mètre quatre-vingt.

– À quoi voyez-vous cela?

– À la hauteur de la main sur le mur…»

Mon ami soccupa ensuite de la trace de la balle dans le mur.

Cette trace était un trou rond.

«La balle, dit Rouletabille, est arrivée de face: ni den haut, par conséquent, ni den bas.

Et il nous fit observer encore quelle était de quelques centimètres plus bas sur le mur que le stigmate laissé par la main.

Rouletabille, retournant à la porte, avait le nez, maintenant, sur la serrure et le verrou. Il constata «quon avait bien fait sauter la porte, du dehors, serrure et verrou étant encore, sur cette porte défoncée, lune fermée, lautre poussé, et, sur le mur, les deux gâches étant quasi arrachées, pendantes, retenues encore par une vis.

Le jeune rédacteur de LÈpoque les considéra avec attention, reprit la porte, la regarda des deux côtés, sassura quil ny avait aucune possibilité de fermeture ou douverture du verrou «de lextérieur», et sassura quon avait retrouvé la clef dans la serrure, «à lintérieur». Il sassura encore quune fois la clef dans la serrure à lintérieur, on ne pouvait ouvrir cette serrure de lintérieur avec une autre clef. Enfin, ayant constaté quil ny avait, à cette porte, «aucune fermeture automatique, bref, quelle était la plus naturelle de toutes les portes, munie dune serrure et dun verrou très solides qui étaient restés fermés», il laissa tomber ces mots: «ça va mieux!» Puis, sasseyant par terre, il se déchaussa hâtivement.

Et, sur ses chaussettes, il savança dans la chambre. La première chose quil fit fut de se pencher sur les meubles renversés et de les examiner avec un soin extrême. Nous le regardions en silence. Le père Jacques lui disait, de plus en plus ironique:

«Oh! mon ptit! Oh! mon ptit! Vous vous donnez bien du mal! …»

Mais Rouletabille redressa la tête:

«Vous avez dit la pure vérité, père Jacques, votre maîtresse navait pas, ce soir-là, ses cheveux en bandeaux; cest moi qui étais une vieille bête de croire cela! …»

Et, souple comme un serpent, il se glissa sous le lit.

Et le père Jacques reprit:

«Et dire, monsieur, et dire que lassassin était caché là-dessous! Il y était quand je suis entré à dix heures, pour fermer les volets et allumer la veilleuse, puisque ni M. Stangerson, ni Mlle Mathilde, ni moi, navons plus quitté le laboratoire jusquau moment du crime.»

On entendait la voix de Rouletabille, sous le lit:

«À quelle heure, monsieur Jacques, M. et Mlle Stangerson sont-ils arrivés dans le laboratoire pour ne plus le quitter?

– À six heures!»

La voix de Rouletabille continuait:

«Oui, il est venu là-dessous… cest certain… Du reste, il ny a que là quil pouvait se cacher… Quand vous êtes entrés, tous les quatre, vous avez regardé sous le lit?

 

– Tout de suite… Nous avons même entièrement bousculé le lit avant de le remettre à sa place.

– Et entre les matelas?

– Il ny avait, à ce lit, quun matelas sur lequel on a posé Mlle Mathilde. Et le concierge et M. Stangerson ont transporté ce matelas immédiatement dans le laboratoire. Sous le matelas, il ny avait que le sommier métallique qui ne saurait dissimuler rien, ni personne. Enfin, monsieur, songez que nous étions quatre, et que rien ne pouvait nous échapper, la chambre étant si petite, dégarnie de meubles, et tout étant fermé derrière nous, dans le pavillon.»

Josai une hypothèse:

«Il est peut-être sorti avec le matelas! Dans le matelas, peut- être… Tout est possible devant un pareil mystère! Dans leur trouble, M. Stangerson et le concierge ne se seront pas aperçus quils transportaient double poids… et puis, si le concierge est complice! … Je vous donne cette hypothèse pour ce quelle vaut, mais voilà qui expliquerait bien des choses… et, particulièrement, le fait que le laboratoire et le vestibule sont restés vierges des traces de pas qui se trouvent dans la chambre. Quand on a transporté mademoiselle du laboratoire au château, le matelas, arrêté un instant près de la fenêtre, aurait pu permettre à lhomme de se sauver…

– Et puis quoi encore? Et puis quoi encore? Et puis quoi encore?» me lança Rouletabille, en riant délibérément, sous le lit…

Jétais un peu vexé:

«Vraiment on ne sait plus… Tout paraît possible…»

Le père Jacques fit:

«Cest une idée qua eue le juge dinstruction, monsieur, et il a fait examiner sérieusement le matelas. Il a été obligé de rire de son idée, monsieur, comme votre ami rit en ce moment, car ça nétait bien sûr pas un matelas à double fond! … Et puis, quoi! sil y avait eu un homme dans le matelas on laurait vu! …»

Je dus rire moi-même, et, en effet, jeus la preuve, depuis, que javais dit quelque chose dabsurde. Mais où commençait, où finissait labsurde dans une affaire pareille!

Mon ami, seul, était capable de le dire, et encore! …

«Dites donc! sécria le reporter, toujours sous le lit, elle a été bien remuée, cette carpette-là?

– Par nous, monsieur, expliqua le père Jacques. Quand nous navons pas trouvé lassassin, nous nous sommes demandé sil ny avait pas un trou dans le plancher…

– Il ny en a pas, répondit Rouletabille. Avez-vous une cave?

– Non, il ny a pas de cave… Mais cela na pas arrêté nos recherches et ça na pas empêché M le juge dinstruction, et surtout son greffier, détudier le plancher planche à planche, comme sil y avait eu une cave dessous…»

Le reporter, alors, réapparut. Ses yeux brillaient, ses narines palpitaient; on eût dit un jeune animal au retour dun heureux affût… Il resta à quatre pattes. En vérité, je ne pouvais mieux le comparer dans ma pensée quà une admirable bête de chasse sur la piste de quelque surprenant gibier… Et il flaira les pas de lhomme, de lhomme quil sétait juré de rapporter à son maître, M le directeur de LÈpoque, car il ne faut pas oublier que notre Joseph Rouletabille était journaliste!

Ainsi, à quatre pattes, il sen fut aux quatre coins de la pièce, reniflant tout, faisant le tour de tout, de tout ce que nous voyions, ce qui était peu de chose, et de tout ce que nous ne voyions pas et qui était, paraît-il, immense.

La table-toilette était une simple tablette sur quatre pieds; impossible de la transformer en une cachette passagère… Pas une armoire… Mlle Stangerson avait sa garde-robe au château.

Le nez, les mains de Rouletabille montaient le long des murs, qui étaient partout de brique épaisse. Quand il eut fini avec les murs et passé ses doigts agiles sur toute la surface du papier jaune, atteignant ainsi le plafond auquel il put toucher, en montant sur une chaise quil avait placée sur la table-toilette, et en faisant glisser autour de la pièce cet ingénieux escabeau; quand il eut fini avec le plafond où il examina soigneusement la trace de lautre balle, il sapprocha de la fenêtre et ce fut encore le tour des barreaux et celui des volets, tous bien solides et intacts. Enfin, il poussa un ouf! «de satisfaction» et déclara que, «maintenant, il était tranquille!»

«Eh bien, croyez-vous quelle était enfermée, la pauvre chère mademoiselle quand on nous lassassinait! Quand elle nous appelait à son secours! … gémit le père Jacques.

– Oui, fit le jeune reporter, en sessuyant le front… la _Chambre Jaune__ était, ma foi, fermée comme un coffre-fort…_

– De fait, observai-je, voilà bien pourquoi ce mystère est le plus surprenant que je connaisse, même dans le domaine de limagination. Dans le_Double Assassinat de la rue Morgue_, Edgar Poe na rien inventé de semblable. Le lieu du crime était assez fermé pour ne pas laisser échapper un homme, mais il y avait encore cette fenêtre par laquelle pouvait se glisser lauteur des assassinats qui était un singe! … Mais ici, il ne saurait être question daucune ouverture daucune sorte. La porte close et les volets fermés comme ils létaient, et la fenêtre fermée comme elle létait, une mouche ne pouvait entrer ni sortir!

– En vérité! En vérité! acquiesça Rouletabille, qui sépongeait toujours le front, semblant suer moins de son récent effort corporel que de lagitation de ses pensées. En vérité! Cest un très grand et très beau et très curieux mystère! …

– La «Bête du Bon Dieu», bougonna le père Jacques, la «Bête du Bon Dieu» elle-même, si elle avait commis le crime, naurait pas pu séchapper… Écoutez! … Lentendez-vous? … Silence! …»

Le père Jacques nous faisait signe de nous taire et, le bras tendu vers le mur, vers la prochaine forêt, écoutait quelque chose que nous nentendions point.

«Elle est partie, finit-il par dire. Il faudra que je la tue… Elle est trop sinistre, cette bête-là… mais cest la «Bête du Bon Dieu»; elle va prier toutes les nuits sur la tombe de sainte Geneviève, et personne nose y toucher de peur que la mère Agenoux jette un mauvais sort…

– Comment est-elle grosse, la «Bête du Bon Dieu»?

– Quasiment comme un gros chien basset… cest un monstre que je vous dis. Ah! Je me suis demandé plus dune fois si ça nétait pas elle qui avait pris de ses griffes notre pauvre mademoiselle à la gorge… Mais «la Bête du Bon Dieu» ne porte pas des godillots, ne tire pas des coups de revolver, na pas une main pareille! … sexclama le père Jacques en nous montrant encore la main rouge sur le mur. Et puis, on laurait vue aussi bien quun homme, et elle aurait été enfermée dans la chambre et dans le pavillon, aussi bien quun homme! …

– Èvidemment, fis-je. De loin, avant davoir vu la «Chambre Jaune», je métais, moi aussi, demandé si le chat de la mère Agenoux…

– Vous aussi! sécria Rouletabille.

– Et vous? demandai-je.

– Moi non, pas une minute… depuis que jai lu larticle du Matin, je sais quil ne sagit pas dune bête! Maintenant, je jure quil sest passé là une tragédie effroyable… Mais vous ne parlez pas du béret retrouvé, ni du mouchoir, père Jacques?

– Le magistrat les a pris, bien entendu», fit lautre avec hésitation.

Le reporter lui dit, très grave:

«Je nai vu, moi, ni le mouchoir, ni le béret, mais je peux cependant vous dire comment ils sont faits.

– Ah! vous êtes bien malin…», et le père Jacques toussa, embarrassé.

«Le mouchoir est un gros mouchoir bleu à raies rouges, et le béret, est un vieux béret basque, comme celui-là, ajouta Rouletabille en montrant la coiffure de lhomme.

– Cest pourtant vrai… vous êtes sorcier…»

Et le père Jacques essaya de rire, mais ny parvint pas.

«Comment quvous savez que le mouchoir est bleu à raies rouges?

– Parce que, sil navait pas été bleu à raies rouges, on naurait pas trouvé de mouchoir du tout!»

Sans plus soccuper du père Jacques, mon ami prit dans sa poche un morceau de papier blanc, ouvrit une paire de ciseaux, se pencha sur les traces de pas, appliqua son papier sur lune des traces et commença à découper. Il eut ainsi une semelle de papier dun contour très net, et me la donna en me priant de ne pas la perdre.

Il se retourna ensuite vers la fenêtre et, montrant au père Jacques, Frédéric Larsan qui navait pas quitté les bords de létang, il sinquiéta de savoir si le policier nétait point venu, lui aussi, «travailler dans la Chambre Jaune».

«Non! répondit M. Robert Darzac, qui, depuis que Rouletabille lui avait passé le petit bout de papier roussi, navait pas prononcé un mot. Il prétend quil na point besoin de voir la «Chambre Jaune», que lassassin est sorti de la «Chambre Jaune» dune façon très naturelle, et quil sen expliquera ce soir!

En entendant M. Robert Darzac parler ainsi, Rouletabille – chose extraordinaire – pâlit.

«Frédéric Larsan posséderait-il la vérité que je ne fais que pressentir! murmura-t-il. Frédéric Larsan est très fort… très fort… et je ladmire… Mais aujourdhui, il sagit de faire mieux quune oeuvre de policier… _mieux que ce quenseigne lexpérience! … il sagit dêtre logique, _mais logique, entendez-moi bien, comme le bon Dieu a été logique quand il a dit: 2 + 2 = 4…! IL SAGIT DE PRENDRE LA RAISON PAR LE BON BOUT!»

Et le reporter se précipita dehors, éperdu à cette idée que le grand, le fameux Fred pouvait apporter avant lui la solution du problème de la «Chambre Jaune!»

Je parvins à le rejoindre sur le seuil du pavillon.

«Allons! lui dis-je, calmez-vous… vous nêtes donc pas content?

– Oui, mavoua-t-il avec un grand soupir_. Je suis très content_. Jai découvert bien des choses…

– De lordre moral ou de lordre matériel?

– Quelques-unes de lordre moral et une de lordre matériel. Tenez, ceci, par exemple.»

Et, rapidement, il sortit de la poche de son gilet une feuille de papier quil avait dû y serrer pendant son expédition sous le lit, et dans le pli de laquelle il avait déposé un cheveu blond de femme.

VIII
Le juge dinstruction interroge Mlle Stangerson

Cinq minutes plus tard, Joseph Rouletabille se penchait sur les empreintes de pas découvertes dans le parc, sous la fenêtre même du vestibule, quand un homme, qui devait être un serviteur du château, vint à nous à grandes enjambées, et cria à M. Robert Darzac qui descendait du pavillon:

«Vous savez, monsieur Robert, que le juge dinstruction est en train dinterroger mademoiselle.»

M. Robert Darzac nous jeta aussitôt une vague excuse et se prit à courir dans la direction du château; lhomme courut derrière lui.

«Si le cadavre parle, fis-je, cela va devenir intéressant.

– Il faut savoir, dit mon ami. Allons au château.»

Et il mentraîna. Mais, au château, un gendarme placé dans le vestibule nous interdit laccès de lescalier du premier étage. Nous dûmes attendre.

Pendant ce temps-là, voici ce qui se passait dans la chambre de la victime. Le médecin de la famille, trouvant que Mlle Stangerson allait beaucoup mieux, mais craignant une rechute fatale qui ne permettrait plus de linterroger, avait cru de son devoir davertir le juge dinstruction… et celui-ci avait résolu de procéder immédiatement à un bref interrogatoire. À cet interrogatoire assistèrent M. de Marquet, le greffier, M. Stangerson, le médecin. Je me suis procuré plus tard, au moment du procès, le texte de cet interrogatoire. Le voici, dans toute sa sécheresse juridique:

Demande. – Sans trop vous fatiguer, êtes-vous capable, mademoiselle, de nous donner quelques détails nécessaires sur laffreux attentat dont vous avez été victime?

Réponse. – Je me sens beaucoup mieux, monsieur, et je vais vous dire ce que je sais. Quand jai pénétré dans ma chambre, je ne me suis aperçue de rien danormal.

D. – Pardon, mademoiselle, si vous me le permettez, je vais vous poser des questions et vous y répondrez. Cela vous fatiguera moins quun long récit.

R. – Faites, monsieur.

D. – Quel fut ce jour-là lemploi de votre journée? Je le désirerais aussi précis, aussi méticuleux que possible. Je voudrais, mademoiselle, suivre tous vos gestes, ce jour-là, si ce nest point trop vous demander.

R. – Je me suis levée tard, à dix heures, car mon père et moi nous étions rentrés tard dans la nuit, ayant assisté au dîner et à la réception offerts par le président de la République, en lhonneur des délégués de lacadémie des sciences de Philadelphie. Quand je suis sortie de ma chambre, à dix heures et demie, mon père était déjà au travail dans le laboratoire. Nous avons travaillé ensemble jusquà midi; nous avons fait une promenade dune demi-heure dans le parc; nous avons déjeuné au château. Une demi-heure de promenade, jusquà une heure et demie, comme tous les jours. Puis, mon père et moi, nous retournons au laboratoire. Là, nous trouvons ma femme de chambre qui vient de faire ma chambre. Jentre dans la «Chambre Jaune» pour donner quelques ordres sans importance à cette domestique qui quitte le pavillon aussitôt et je me remets au travail avec mon père. À cinq heures, nous quittons le pavillon pour une nouvelle promenade et le thé.

 

D. – Au moment de sortir, à cinq heures, êtes-vous entrée dans votre chambre?

R. – Non, monsieur, cest mon père qui est entré dans ma chambre, pour y chercher, sur ma prière, mon chapeau.

D. – Et il ny a rien vu de suspect?

M. STANGERSON. – Èvidemment non, monsieur.

D. – Du reste, il est à peu près sûr que lassassin nétait pas encore sous le lit, à ce moment-là. Quand vous êtes partie, la porte de la chambre navait pas été fermée à clef?

Mlle STANGERSON. – Non. Nous navions aucune raison pour cela…

D. – Vous avez été combien de temps partis du pavillon à ce moment-là, M. Stangerson et vous?

R. – Une heure environ.

D. – Cest pendant cette heure-là, sans doute, que lassassin sest introduit dans le pavillon. Mais comment? On ne le sait pas. On trouve bien, dans le parc, des traces de pas qui sen vont de la fenêtre du vestibule, on nen trouve point qui y viennent. Aviez-vous remarqué que la fenêtre du vestibule fût ouverte quand vous êtes sortie avec votre père?

R. – Je ne men souviens pas.

M. STANGERSON. – Elle était fermée.

D. – Et quand vous êtes rentrés?

Mlle STANGERSON. – Je nai pas fait attention.

M. STANGERSON. – Elle était encore fermée…, je men souviens très bien, car, en rentrant, jai dit tout haut: «Vraiment, pendant notre absence, le père Jacques aurait pu ouvrir! …»

D. – Ètrange!Étrange! Rappelez-vous, monsieur Stangerson, que le père Jacques, en votre absence, et avant de sortir, lavait ouverte. Vous êtes donc rentrés à six heures dans le laboratoire et vous vous êtes remis au travail?

Mlle STANGERSON. – Oui, monsieur.

D. – Et vous navez plus quitté le laboratoire depuis cette heure-là jusquau moment où vous êtes entrée dans votre chambre?

M. STANGERSON. – Ni ma fille, ni moi, monsieur. Nous avions un travail tellement pressé que nous ne perdions pas une minute. Cest à ce point que nous négligions toute autre chose.

D. – Vous avez dîné dans le laboratoire?

R. – Oui, pour la même raison.

D. – Avez-vous coutume de dîner dans le laboratoire?

R. – Nous y dînons rarement.

D. – Lassassin ne pouvait pas savoir que vous dîneriez, ce soir- là, dans le laboratoire?

M. STANGERSON. – Mon Dieu,monsieur, je ne pense pas… Cest dans le temps que nous revenions, vers six heures, au pavillon, que je pris cette résolution de dîner dans le laboratoire, ma fille et moi. À ce moment, je fus abordé par mon garde qui me retint un instant pour me demander de laccompagner dans une tournée urgente du côté des bois dont javais décidé la coupe. Je ne le pouvais point et remis au lendemain cette besogne, et je priai alors le garde, puisquil passait par le château, davertir le maître dhôtel que nous dînerions dans le laboratoire. Le garde me quitta, allant faire ma commission, et je rejoignis ma fille à laquelle javais remis la clef du pavillon et qui lavait laissée sur la porte à lextérieur. Ma fille était déjà au travail.

D. – À quelle heure, mademoiselle, avez-vous pénétré dans votre chambre pendant que votre père continuait à travailler?

Mlle STANGERSON. – À minuit.

D. – Le père Jacques était entré dans le courant de la soirée dans la «Chambre Jaune»?

R. – Pour fermer les volets et allumer la veilleuse, comme chaque soir…

D. – Il na rien remarqué de suspect?

R. – Il nous laurait dit. Le père Jacques est un brave homme qui maime beaucoup.

Demande. -vous affirmez, Monsieur Stangerson, que le père Jacques, ensuite, na pas quitté le laboratoire?

D. – Vous affirmez, monsieur Stangerson, que le pére Jacques, ensuite, na pas quitté le laboratoire? Quil est resté tout le temps avec vous?

M. STANGERSON. – Jen suis sûr. Je nai aucun soupçon de ce côté.

D. – Mademoiselle, quand vous avez pénétré dans votre chambre, vous avez immédiatement fermé votre porte à clef et au verrou?

Voilà bien des précautions, sachant que votre père et votre serviteur sont là. Vous craigniez donc quelque chose?

R. – Mon père nallait pas tarder à rentrer au château, et le père Jacques, à aller se coucher. Et puis, en effet, je craignais quelque chose.

D. – Vous craigniez si bien quelque chose que vous avez emprunté le revolver du père Jacques sans le lui dire?

R. – Cest vrai, je ne voulais effrayer personne, dautant plus que mes craintes pouvaient être tout à fait puériles.

D. – Et que craigniez-vous donc?

R. – Je ne saurais au juste vous le dire; depuis plusieurs nuits, il me semblait entendre dans le parc et hors du parc, autour du pavillon, des bruits insolites, quelquefois des pas, des craquements de branches. La nuit qui a précédé lattentat, nuit où je ne me suis pas couchée avant trois heures du matin, à notre retour de lélysée, je suis restée un instant à ma fenêtre et jai bien cru voir des ombres…

D. – Combien dombres?

R. – Deux ombres qui tournaient autour de létang… puis la lune sest cachée et je nai plus rien vu. À cette époque de la saison, tous les ans, jai déjà réintégré mon appartement du château où je reprends mes habitudes dhiver; mais, cette année, je métais dit que je ne quitterais le pavillon que lorsque mon père aurait terminé, pour lacadémie des sciences, le résumé de ses travaux sur«la Dissociation de la matière». Je ne voulais pas que cette oeuvre considérable, qui allait être achevée dans quelques jours, fût troublée par un changement quelconque dans nos habitudes immédiates. Vous comprendrez que je naie point voulu parler à mon père de mes craintes enfantines et que je les aie tues au père Jacques qui naurait pu tenir sa langue. Quoi quil en soit, comme je savais que le père Jacques avait un revolver dans le tiroir de sa table de nuit, je profitai dun moment où le bonhomme sabsenta dans la journée pour monter rapidement dans son grenier et emporter son arme que je glissai dans le tiroir de ma table de nuit, à moi.

D. – Vous ne vous connaissez pas dennemis?

R. – Aucun.

D. – Vous comprendrez, mademoiselle, que ces précautions exceptionnelles sont faites pour surprendre.

M. STANGERSON. – Èvidemment, mon enfant, voilà des précautions bien surprenantes.

R. – Non; je vous dis que, depuis deux nuits, je nétais pas tranquille, mais pas tranquille du tout.

M. STANGERSON. – Tu aurais dû me parler de cela. Tu es impardonnable. Nous aurions évité un malheur!

D. – La porte de la «Chambre Jaune» fermée, mademoiselle, vous vous couchez?

R. – Oui, et, très fatiguée, je dors tout de suite.

D. – La veilleuse était restée allumée?

R. – Oui; mais elle répand une très faible clarté…

D. – Alors, mademoiselle, dites ce qui est arrivé?

R. – Je ne sais sil y avait longtemps que je dormais, mais soudain je me réveille… Je poussai un grand cri…

M. STANGERSON. – Oui, un cri horrible… À lassassin! … Je lai encore dans les oreilles…

D. – Vous poussez un grand cri?

R. – Un homme était dans ma chambre. Il se précipitait sur moi, me mettait la main à la gorge, essayait de métrangler. Jétouffais déjà; tout à coup, ma main, dans le tiroir entrouvert de ma table de nuit, parvint à saisir le revolver que jy avais déposé et qui était prêt à tirer. À ce moment, lhomme me fit rouler à bas de mon lit et brandit sur ma tête une espèce de masse. Mais javais tiré. Aussitôt, je me sentis frappée par un grand coup, un coup terrible à la tête. Tout ceci, monsieur le juge, fut plus rapide que je ne le pourrais dire, et je ne sais plus rien.

D. – Plus rien! … Vous navez pas une idée de la façon dont lassassin a pu séchapper de votre chambre?

R. – Aucune idée… Je ne sais plus rien. On ne sait pas ce qui se passe autour de soi quand on est morte!

D. – Cet homme était-il grand ou petit?

R. – Je nai vu quune ombre qui ma paru formidable…

D. – Vous ne pouvez nous donner aucune indication?

R. – Monsieur, je ne sais plus rien; un homme sest rué sur moi, jai tiré sur lui… Je ne sais plus rien…

Ici se termine linterrogatoire de Mlle Stangerson. Joseph Rouletabille attendit patiemment M. Robert Darzac. Celui-ci ne tarda pas à apparaître.

Купите 3 книги одновременно и выберите четвёртую в подарок!

Чтобы воспользоваться акцией, добавьте нужные книги в корзину. Сделать это можно на странице каждой книги, либо в общем списке:

  1. Нажмите на многоточие
    рядом с книгой
  2. Выберите пункт
    «Добавить в корзину»