Бесплатно

Le mystère de la chambre jaune

Текст
iOSAndroidWindows Phone
Куда отправить ссылку на приложение?
Не закрывайте это окно, пока не введёте код в мобильном устройстве
ПовторитьСсылка отправлена

По требованию правообладателя эта книга недоступна для скачивания в виде файла.

Однако вы можете читать её в наших мобильных приложениях (даже без подключения к сети интернет) и онлайн на сайте ЛитРес.

Отметить прочитанной
Шрифт:Меньше АаБольше Аа

Mais, auparavant que de vous la faire connaître, je dois rapporter que M. de Marquet me parut fort perplexe, ne sachant sil devait se réjouir du pas nouveau que le petit reporter avait fait faire à linstruction ou sil devait se désoler de ce que ce pas neût pas été fait par lui. Notre profession comporte de ces déboires, mais nous navons point le droit dêtre pusillanime et nous devons fouler aux pieds notre amour-propre quand il sagit du bien général. Aussi M. de Marquet triompha-t-il de lui-même et trouva- t-il bon de mêler enfin ses compliments à ceux de M Dax, qui, lui, ne les ménageait pas à M. Rouletabille. Le gamin haussa les épaules, disant: «il ny a pas de quoi!» Je lui aurais flanqué une gifle avec satisfaction, surtout dans le moment quil ajouta:

«Vous feriez bien, monsieur, de demander à M. Stangerson qui avait la garde ordinaire de cette clef?

– Ma fille, répondit M. Stangerson. Et cette clef ne la quittait jamais.

– Ah! mais voilà qui change laspect des choses et qui ne correspond plus avec la conception de M. Rouletabille, sécria M. de Marquet. Si cette clef ne quittait jamais Mlle Stangerson, lassassin aurait donc attendu Mlle Stangerson cette nuit-là, dans sa chambre, pour lui voler cette clef, et le vol naurait eu lieu qu_après lassassinat!_ Mais, après lassassinat, il y avait quatre personnes dans le laboratoire! … Décidément, je ny comprends plus rien! …»

Et M. de Marquet répéta, avec une rage désespérée, qui devait être pour lui le comble de livresse, car je ne sais si jai déjà dit quil nétait jamais aussi heureux que lorsquil ne comprenait pas:

«… plus rien!

– Le vol, répliqua le reporter, ne peut avoir eu lieu qu_avant_ lassassinat. Cest indubitable pour la raison que vous croyez et pour dautres raisons que je crois. Et, quand lassassin a pénétré dans le pavillon, il était déjà en possession de la clef à tête de cuivre.

– Ça nest pas possible! fit doucement M. Stangerson.

– Cest si bien possible, monsieur, quen voici la preuve.»

Ce diable de petit bonhomme sortit alors de sa poche un numéro de LÉpoque daté du 21 octobre (je rappelle que le crime a eu lieu dans la nuit du 24 au 25), et, nous montrant une annonce, lut:

«– Il a été perdu hier un réticule de satin noir dans les grands magasins de la Louve. Ce réticule contenait divers objets dont une petite clef à tête de cuivre. Il sera donné une forte récompense à la personne qui laura trouvée. Cette personne devra écrire, poste restante, au bureau 40, à cette adresse: M.A. T.H.S.N.» Ces lettres ne désignent-elles point, continua le reporter, Mlle Stangerson? Cette clef à tête de cuivre nest-elle point cette clef-ci? … Je lis toujours les annonces. Dans mon métier, comme dans le vôtre, monsieur le juge dinstruction, il faut toujours lire les petites annonces personnelles… Ce quon y découvre dintrigues! … et de clefs dintrigues! Qui ne sont pas toujours à tête de cuivre, et qui nen sont pas moins intéressantes. Cette annonce, particulièrement, par la sorte de mystère dont la femme qui avait perdu une clef, objet peu compromettant, sentourait, mavait frappé. Comme elle tenait à cette clef! Comme elle promettait une forte récompense! Et je songeai à ces six lettres: M.A.T.H.S.N. Les quatre premières mindiquaient tout de suite un prénom.«Évidemment, faisais-je, «Math, Mathilde …» la personne qui a perdu la clef à tête de cuivre, dans un réticule, sappelle Mathilde! …» Mais je ne pus rien faire des deux dernières lettres. Aussi, rejetant le journal, je moccupai dautre chose… Lorsque, quatre jours plus tard, les journaux du soir parurent avec dénormes manchettes annonçant lassassinat de Mlle MATHILDE STANGERSON, ce nom de Mathilde me rappela, sans que je fisse aucun effort pour cela, machinalement, les lettres de lannonce. Intrigué un peu, je demandai le numéro de ce jour-là à ladministration. Javais oublié les deux dernières lettres: S N. Quand je les revis, je ne pus retenir un cri«Stangerson! …» Je sautai dans un fiacre et me précipitai au bureau 40. Je demandai: «Avez-vous une lettre avec cette adresse: M.A.T.H.S.N!» Lemployé me répondit: «Non!» Et comme jinsistais, le priant, le suppliant de chercher encore, il me dit: «Ah! çà, monsieur, cest une plaisanterie! … Oui, jai eu une lettre aux initiales M.A.T.H.S.N.; mais je lai donnée, il y a trois jours, à une dame qui me la réclamée. Vous venez aujourdhui me réclamer cette lettre à votre tour. Or, avant-hier, un monsieur, avec la même insistance désobligeante, me la demandait encore! … Jen ai assez de cette fumisterie…» Je voulus questionner lemployé sur les deux personnages qui avaient déjà réclamé la lettre, mais, soit quil voulût se retrancher derrière le secret professionnel – - il estimait, sans doute, à part lui, en avoir déjà trop dit – soit quil fût vraiment excédé dune plaisanterie possible, il ne me répondit plus…»

Rouletabille se tut. Nous nous taisions tous. Chacun tirait les conclusions quil pouvait de cette bizarre histoire de lettre poste restante. De fait, il semblait maintenant quon tenait un fil solide par lequel on allait pouvoir suivre cette affaire «insaisissable».

M. Stangerson dit:

«Il est donc à peu près certain que ma fille aura perdu cette clef, quelle na point voulu men parler pour méviter toute inquiétude et quelle aura prié celui ou celle qui aurait pu lavoir trouvée décrire poste restante. Elle craignait évidemment que, donnant notre adresse, ce fait occasionnât des démarches qui mauraient appris la perte de la clef. Cest très logique et très naturel. Car jai déjà été volé, monsieur!

– Où cela? Et quand? demanda le directeur de la Sûreté.

– Oh! Il y a de nombreuses années, en Amérique, à Philadelphie. On ma volé dans mon laboratoire le secret de deux inventions qui eussent pu faire la fortune dun peuple… Non seulement je nai jamais su qui était le voleur, mais je nai jamais entendu parler de lobjet du «vol» sans doute parce que, pour déjouer les calculs de celui qui mavait ainsi pillé, jai lancé moi-même dans le domaine public ces deux inventions, rendant inutile le larcin. Cest depuis cette époque que je suis très soupçonneux, que je menferme hermétiquement quand je travaille. Tous les barreaux de ces fenêtres, lisolement de ce pavillon, ce meuble que jai fait construire moi-même, cette serrure spéciale, cette clef unique, tout cela est le résultat de mes craintes inspirées par une triste expérience.»

M. Dax déclara: «Très intéressant!» et M. Joseph Rouletabille demanda des nouvelles du réticule. Ni M. Stangerson, ni le père Jacques navaient, depuis quelques jours, vu le réticule de Mlle Stangerson. Nous devions apprendre, quelques heures plus tard, de la bouche même de Mlle Stangerson, que ce réticule lui avait été volé ou quelle lavait perdu, et que les choses sétaient passées de la sorte que nous les avaient expliquées son père; quelle était allée, le 23 octobre, au bureau de poste 40, et quon lui avait remis une lettre qui nétait, affirma-t-elle, que celle dun mauvais plaisant. Elle lavait immédiatement brûlée.

Pour en revenir à notre interrogatoire, ou plutôt à notre «conversation», je dois signaler que le chef de la Sûreté, ayant demandé à M. Stangerson dans quelles conditions sa fille était allée à Paris le 20 octobre, jour de la perte du réticule, nous apprîmes ainsi quelle sétait rendue dans la capitale, «accompagnée de M. Robert Darzac, que lon navait pas revu au château depuis cet instant jusquau lendemain du crime». Le fait que M. Robert Darzac était aux côtés de Mlle Stangerson, dans les grands magasins de la Louve quand le réticule avait disparu, ne pouvait passer inaperçu et retint, il faut le dire, assez fortement notre attention.

Cette conversation entre magistrats, prévenus, victime, témoins et journaliste allait prendre fin quand se produisit un véritable coup de théâtre; ce qui nest jamais pour déplaire à M. de Marquet. Le brigadier de gendarmerie vint nous annoncer que Frédéric Larsan demandait à être introduit, ce qui lui fut immédiatement accordé. Il tenait à la main une grossière paire de chaussures vaseuses quil jeta dans le laboratoire.

«Voilà, dit-il, les souliers que chaussait lassassin! Les reconnaissez-vous, père Jacques?

Le père Jacques se pencha sur ce cuir infect et, tout stupéfait, reconnut de vieilles chaussures à lui quil avait jetées il y avait déjà un certain temps au rebut, dans un coin du grenier; il était tellement troublé quil dut se moucher pour dissimuler son émotion.

Alors, montrant le mouchoir dont se servait le père Jacques, Frédéric Larsan dit:

«Voilà un mouchoir qui ressemble étonnamment à celui quon a trouvé dans la «Chambre Jaune».

– Ah! je lsais ben, fit le père Jacques en tremblant; ils sont quasiment pareils.

– Enfin, continua Frédéric Larsan, le vieux béret basque trouvé également dans la «Chambre Jaune» aurait pu autrefois coiffer le chef du père Jacques. Tout ceci, monsieur le chef de la Sûreté et monsieur le juge dinstruction, prouve, selon moi – remettez- vous, bonhomme! fit-il au père Jacques qui défaillait —tout ceci prouve, selon moi, que lassassin a voulu déguiser sa véritable personnalité. Il la fait dune façon assez grossière ou du moins qui nous apparaît telle_, parce que nous sommes sûrs que lassassin nest pas le père Jacques, qui na pas quitté M. Stangerson_. Mais imaginez que M. Stangerson, ce soir-là, nait pas prolongé sa veille; quaprès avoir quitté sa fille il ait regagné le château; que Mlle Stangerson ait été assassinée alors quil ny avait plus personne dans le laboratoire et que le père Jacques dormait dans son grenier: il naurait fait de doute pour personne que le père Jacques était lassassin! Celui-ci ne doit son salut quà ce que le drame a éclaté trop tôt, lassassin ayant cru, sans doute, à cause du silence qui régnait à côté, que le laboratoire était vide et que le moment dagir était venu. Lhomme qui a pu sintroduire si mystérieusement ici et prendre de telles précautions contre le père Jacques était, à nen pas douter, un familier de la maison. À quelle heure exactement sest-il introduit ici? Dans laprès-midi? Dans la soirée? Je ne saurais dire… Un être aussi familier des choses et des gens de ce pavillon a dû pénétrer dans la «Chambre Jaune», à son heure.

 

– Il na pu cependant y entrer quand il y avait du monde dans le laboratoire? sécria M. de Marquet.

– Quen savons-nous, je vous prie! répliqua Larsan… Il y a eu le dîner dans le laboratoire, le va-et-vient du service… il y a eu une expérience de chimie qui a pu tenir, entre dix et onze heures, M. Stangerson, sa fille et le père Jacques autour des fourneaux… dans ce coin de la haute cheminée… Qui me dit que lassassin… un familier! un familier! … na pas profité de ce moment pour se glisser dans la «Chambre Jaune», après avoir, dans le lavatory, retiré ses souliers?

– Cest bien improbable! fit M. Stangerson.

– Sans doute, mais ce nest pas impossible… Aussi je naffirme rien. Quant à sa sortie, cest autre chose! Comment a-t-il pu senfuir? Le plus naturellement du monde!»

Un instant, Frédéric Larsan se tut. Cet instant nous parut bien long. Nous attendions quil parlât avec une fièvre bien compréhensible.

«Je ne suis pas entré dans la «Chambre Jaune», reprit Frédéric Larsan, mais jimagine que vous avez acquis la preuve quon ne pouvait en sortir que par la porte. Cest par la porte que lassassin est sorti. Or, puisquil est impossible quil en soit autrement, cest que cela est! Il a commis le crime et il est sorti par la porte! À quel moment! Au moment où cela lui a été le plus facile, au moment où cela devient le plus explicable, tellement explicable quil ne saurait y avoir dautre explication. Examinons donc les «moments»qui ont suivi le crime. Il y a le premier moment, pendant lequel se trouvent, devant la porte, prêts à lui barrer le chemin, M. Stangerson et le père Jacques. Il y a le second moment, pendant lequel, le père Jacques étant un instant absent, M. Stangerson se trouve tout seul devant la porte. Il y a le troisième moment, pendant lequel M. Stangerson est rejoint par le concierge. Il y a le quatrième moment, pendant lequel se trouvent devant la porte M. Stangerson, le concierge, sa femme et le père Jacques. Il y a le cinquième moment, pendant lequel la porte est défoncée et la «Chambre Jaune» envahie. Le moment où la fuite est le plus explicable est le moment même où il y a le moins de personnes devant la porte. Il y a un moment où il ny en a plus quune: cest celui où M. Stangerson reste seul devant la porte. À moins dadmettre la complicité de silence du père Jacques, et je ny crois pas, car le père Jacques ne serait pas sorti du pavillon pour aller examiner la fenêtre de la «Chambre Jaune», sil avait vu souvrir la porte et sortir lassassin. La porte ne sest donc ouverte que devant M. Stangerson seul, et lhomme est sorti. Ici, nous devons admettre que M. Stangerson avait de puissantes raisons pour ne pas arrêter ou pour ne pas faire arrêter lassassin, puisquil la laissé gagner la fenêtre du vestibule et quil a refermé cette fenêtre derrière lui! … Ceci fait, comme le père Jacques allait rentrer et quil fallait quil retrouvât les choses en létat, Mlle Stangerson, horriblement blessée, a trouvé encore la force, sans doute sur les objurgations de son père, de refermer à nouveau la porte de la «Chambre Jaune» à clef et au verrou avant de sécrouler, mourante, sur le plancher… Nous ne savons qui a commis le crime; nous ne savons de quel misérable M. et Mlle Stangerson sont les victimes; mais il ny a point de doute quils le savent, eux! Ce secret doit être terrible pour que le père nait pas hésité à laisser sa fille agonisante derrière cette porte quelle refermait sur elle, terrible pour quil ait laissé échapper lassassin… Mais il ny a point dautre façon au monde dexpliquer la fuite de lassassin de la «Chambre Jaune!»

Le silence qui suivit cette explication dramatique et lumineuse avait quelque chose daffreux. Nous souffrions tous pour lillustre professeur, acculé ainsi par limpitoyable logique de Frédéric Larsan à nous avouer la vérité de son martyre ou à se taire, aveu plus terrible encore. Nous le vîmes se lever, cet homme, véritable statue de la douleur, et étendre la main dun geste si solennel que nous en courbâmes la tête comme à laspect dune chose sacrée. Il prononça alors ces paroles dune voix éclatante qui sembla épuiser toutes ses forces:

«Je jure, sur la tête de ma fille à lagonie, que je nai point quitté cette porte, de linstant où jai entendu lappel désespéré de mon enfant, que cette porte ne sest point ouverte pendant que jétais seul dans mon laboratoire, et quenfin, quand nous pénétrâmes dans la «Chambre Jaune», mes trois domestiques et moi, lassassin ny était plus! Je jure que je ne connais pas lassassin!»

Faut-il que je dise que, malgré la solennité dun pareil serment, nous ne crûmes guère à la parole de M. Stangerson? Frédéric Larsan venait de nous faire entrevoir la vérité: ce nétait point pour la perdre de si tôt.

Comme M. de Marquet nous annonçait que la «conversation» était terminée et que nous nous apprêtions à quitter le laboratoire, le jeune reporter, ce gamin de Joseph Rouletabille, sapprocha de M. Stangerson, lui prit la main avec le plus grand respect et je lentendis qui disait:

«Moi, je vous crois, monsieur!»

Jarrête ici la citation que jai cru devoir faire de la narration de M. Maleine, greffier au tribunal de Corbeil. Je nai point besoin de dire au lecteur que tout ce qui venait de se passer dans le laboratoire me fut fidèlement et aussitôt rapporté par Rouletabille lui-même.

XII
La canne de Frédéric Larsan

Je ne me disposai à quitter le château que vers six heures du soir, emportant larticle que mon ami avait écrit à la hâte dans le petit salon que M. Robert Darzac avait fait mettre à notre disposition. Le reporter devait coucher au château, usant de cette inexplicable hospitalité que lui avait offerte M. Robert Darzac, sur qui M. Stangerson, en ces tristes moments, se reposait de tous les tracas domestiques. Néanmoins il voulut maccompagner jusquà la gare dÉpinay. En traversant le parc, il me dit:

«Frédéric Larsan est réellement très fort et na pas volé sa réputation. Vous savez comment il est arrivé à retrouver les souliers du père Jacques! Près de lendroit où nous avons remarqué les traces des «pas élégants» et la disparition des empreintes des gros souliers, un creux rectangulaire dans la terre fraîche attestait quil y avait eu là, récemment, une pierre. Larsan rechercha cette pierre sans la trouver et imagina tout de suite quelle avait servi à lassassin à maintenir au fond de létang les souliers dont lhomme voulait se débarrasser. Le calcul de Fred était excellent et le succès de ses recherches la prouvé. Ceci mavait échappé; mais il est juste de dire que mon esprit était déjà parti par ailleurs, car, par le trop grand nombre de faux témoignages de son passage laissé par lassassin et par la mesure des pas noirs correspondant à la mesure des pas du père Jacques, que jai établie sans quil sen doutât sur le plancher de la «Chambre Jaune», la preuve était déjà faite, à mes yeux, que lassassin avait voulu détourner le soupçon du côté de ce vieux serviteur. Cest ce qui ma permis de dire à celui-ci, si vous vous le rappelez, que, puisque lon avait trouvé un béret dans cette chambre fatale, il devait ressembler au sien, et de lui faire une description du mouchoir en tous points semblable à celui dont je lavais vu se servir. Larsan et moi, nous sommes daccord jusque-là, mais nous ne le sommes plus à partir de là, ET CELA VA ÊTRE TERRIBLE, car il marche de bonne foi à une erreur quil va me falloir combattre avec rien!»

Je fus surpris de laccent profondément grave dont mon jeune ami prononça ces dernières paroles.

Il répéta encore:

«OUI, TERRIBLE, TERRIBLE!… Mais est-ce vraiment ne combattre avec rien, que de combattre «avec lidée»!

À ce moment nous passions derrière le château. La nuit était tombée. Une fenêtre au premier étage était entrouverte. Une faible lueur en venait, ainsi que quelques bruits qui fixèrent notre attention. Nous avançâmes jusquà ce que nous ayons atteint lencoignure dune porte qui se trouvait sous la fenêtre. Rouletabille me fit comprendre dun mot prononcé à voix basse que cette fenêtre donnait sur la chambre de Mlle Stangerson. Les bruits qui nous avaient arrêtés se turent, puis reprirent un instant. Cétaient des gémissements étouffés… nous ne pouvions saisir que trois mots qui nous arrivaient distinctement: «Mon pauvre Robert!» Rouletabille me mit la main sur lépaule, se pencha à mon oreille:

«Si nous pouvions savoir, me dit-il, ce qui se dit dans cette chambre, mon enquête serait vite terminée…»

Il regarda autour de lui; lombre du soir nous enveloppait; nous ne voyions guère plus loin que létroite pelouse bordée darbres qui sétendait derrière le château. Les gémissements sétaient tus à nouveau.

«Puisquon ne peut pas entendre, continua Rouletabille, on va au moins essayer de voir…»

Et il mentraîna, en me faisant signe détouffer le bruit de mes pas, au delà de la pelouse jusquau tronc pâle dun fort bouleau dont on apercevait la ligne blanche dans les ténèbres. Ce bouleau sélevait juste en face de la fenêtre qui nous intéressait et ses premières branches étaient à peu près à hauteur du premier étage du château. Du haut de ces branches on pouvait certainement voir ce qui se passait dans la chambre de Mlle Stangerson; et telle était bien la pensée de Rouletabille, car, mayant ordonné de me tenir coi, il embrassa le tronc de ses jeunes bras vigoureux et grimpa. Il se perdit bientôt dans les branches, puis il y eut un grand silence.

Là-bas, en face de moi, la fenêtre entrouverte était toujours éclairée. Je ne vis passer sur cette lueur aucune ombre. Larbre, au-dessus de moi, restait silencieux; jattendais; tout à coup mon oreille perçut, dans larbre, ces mots:

«Après vous! …

– Après vous, je vous en prie!»

On dialoguait, là-haut, au-dessus de ma tête… on se faisait des politesses, et quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir apparaître, sur la colonne lisse de larbre, deux formes humaines qui bientôt touchèrent le sol! Rouletabille était monté là tout seul et redescendait «deux!»

«Bonjour, monsieur Sainclair!»

Cétait Frédéric Larsan… Le policier occupait déjà le poste dobservation quand mon jeune ami croyait y arriver solitaire… Ni lun ni lautre, du reste, ne soccupèrent de mon étonnement. Je crus comprendre quils avaient assisté du haut de leur observatoire à une scène pleine de tendresse et de désespoir entre Mlle Stangerson, étendue dans son lit, et M. Darzac à genoux à son chevet. Et déjà chacun semblait en tirer fort prudemment des conclusions différentes. Il était facile de deviner que cette scène avait produit un gros effet dans lesprit de Rouletabille, «en faveur de M. Robert Darzac», cependant que, dans celui de Larsan, elle nattestait quune parfaite hypocrisie servie par un art supérieur chez le fiancé de Mlle Stangerson…

Comme nous arrivions à la grille du parc, Larsan nous arrêta:

«Ma canne! sécria-t-il…

– Vous avez oublié votre canne? demanda Rouletabille.

– Oui, répondit le policier… Je lai laissée là-bas, auprès de larbre…»

Et il nous quitta, disant quil allait nous rejoindre tout de suite…

«Avez-vous remarqué la canne de Frédéric Larsan? me demanda le reporter quand nous fûmes seuls. Cest une canne toute neuve… que je ne lui ai jamais vue… Il a lair dy tenir beaucoup… il ne la quitte pas… On dirait quil a peur quelle ne soit tombée dans des mains étrangères… Avant ce jour, je nai jamais vu de canne à Frédéric Larsan… Où a-t-il trouvé cette canne-là? Ça nest pas naturel quun homme qui ne porte jamais de canne ne fasse plus un pas sans canne, au lendemain du crime du Glandier… Le jour de notre arrivée au château, quand il nous eut aperçus, il remit sa montre dans sa poche et ramassa par terre sa canne, geste auquel jeus peut-être tort de nattacher aucune importance!»

Nous étions maintenant hors du parc; Rouletabille ne disait rien… Sa pensée, certainement, navait pas quitté la canne de Frédéric Larsan. Jen eus la preuve quand, en descendant la côte dÉpinay, il me dit:

«Frédéric Larsan est arrivé au Glandier avant moi; il a commencé son enquête avant moi; il a eu le temps de savoir des choses que je ne sais pas et a pu trouver des choses que je ne sais pas… Où a-t-il trouvé cette canne-là? …

Et il ajouta:

«Il est probable que son soupçon – plus que son soupçon, son raisonnement – qui va aussi directement à Robert Darzac, doit être servi par quelque chose de palpable quil palpe, «lui», et que je ne palpe pas, moi… Serait-ce cette canne? … Où diable a-t-il pu trouver cette canne-là? …»

 

À Épinay, il fallut attendre le train vingt minutes; nous entrâmes dans un cabaret. Presque aussitôt, derrière nous, la porte se rouvrait et Frédéric Larsan faisait son apparition, brandissant la fameuse canne…

«Je lai retrouvée!» nous fit-il en riant.

Tous trois nous nous assîmes à une table. Rouletabille ne quittait pas des yeux la canne; il était si absorbé quil ne vit pas un signe dintelligence que Larsan adressait à un employé du chemin de fer, un tout jeune homme dont le menton sornait dune petite barbiche blonde mal peignée. Lemployé se leva, paya sa consommation, salua et sortit. Je naurais moi-même attaché aucune importance à ce signe sil ne métait revenu à la mémoire quelques mois plus tard, lors de la réapparition de la barbiche blonde à lune des minutes les plus tragiques de ce récit. Jappris alors que la barbiche blonde était un agent de Larsan, chargé par lui de surveiller les allées et venues des voyageurs en gare dÉpinay- sur-Orge, car Larsan ne négligeait rien de ce quil croyait pouvoir lui être utile.

Je reportai les yeux sur Rouletabille.

«Ah ça! monsieur Fred! disait-il, depuis quand avez-vous donc une canne? … Je vous ai toujours vu vous promener, moi, les mains dans les poches! …

– Cest un cadeau quon ma fait, répondit le policier…

– Il ny a pas longtemps, insista Rouletabille…

– Non, on me la offerte à Londres…

– Cest vrai, vous revenez de Londres, monsieur Fred… On peut la voir, votre canne? …

– Mais, comment donc? …»

Fred passa la canne à Rouletabille. Cétait une grande canne bambou jaune à bec de corbin, ornée dune bague dor.

Rouletabille lexaminait minutieusement.

«Eh bien, fit-il, en relevant une tête gouailleuse, on vous a offert à Londres une canne de France!

– Cest possible, fit Fred, imperturbable…

– Lisez la marque ici en lettres minuscules: «Cassette, 6 bis, opéra…»

– On fait bien blanchir son linge à Londres, dit Fred… les anglais peuvent bien acheter leurs cannes à Paris…»

Rouletabille rendit la canne. Quand il meut mis dans mon compartiment, il me dit:

«Vous avez retenu ladresse?

– Oui, «Cassette, 6 bis, Opéra…» Comptez sur moi, vous recevrez un mot demain matin.»

Le soir même, en effet, à Paris, je voyais M. Cassette, marchand de cannes et de parapluies, et jécrivais à mon ami: «Un homme répondant à sy méprendre au signalement de M. Robert Darzac, même taille, légèrement voûté, même collier de barbe, pardessus mastic, chapeau melon, est venu acheter une canne pareille à celle qui nous intéresse le soir même du crime, vers huit heures.

M. Cassette nen a point vendu de semblable depuis deux ans. La canne de Fred est neuve. Il sagit donc bien de celle quil a entre les mains. Ce nest pas lui qui la achetée puisquil se trouvait alors à Londres. Comme vous, je pense «quil la trouvée quelque part autour de M. Robert Darzac…» Mais alors, si, comme vous le prétendez, lassassin était dans la «Chambre Jaune» depuis cinq heures, ou même six heures, comme le drame na eu lieu que vers minuit, lachat de cette canne procure un alibi irréfutable à M. Robert Darzac.»

Купите 3 книги одновременно и выберите четвёртую в подарок!

Чтобы воспользоваться акцией, добавьте нужные книги в корзину. Сделать это можно на странице каждой книги, либо в общем списке:

  1. Нажмите на многоточие
    рядом с книгой
  2. Выберите пункт
    «Добавить в корзину»